dimanche 18 février 2024

Limoges au pas de course


Je suis finalement beaucoup allé au cinéma ces derniers temps, ce qui m'a permis de visionner de multiples fois la bande-annonce d'All of Us Strangers, portée par une réorchestration hypnotique d'Always on My Mind de Pet Shop Boys. Rarement un film m'avait autant attiré depuis plusieurs années, alors autant dire qu'une fois n'est pas coutume, j'attendais la Saint-Valentin avec impatience pour aller le voir. Mais patatras ! Comme à chaque fois qu'il s'agit d'un sujet gay ou lesbien, le film n'est tout bonnement pas sorti en salles dans ma région (idem pour Carol ou Call Me by Your Name cette dernière décennie). Ainsi, j'ai eu beau éplucher la programmation de tous les cinémas alentour, je n'ai trouvé nulle trace d'All of Us Strangers dans un périmètre abordable : rien en Charente-Maritime, rien en Dordogne, rien dans le Lot ou le Lot-et-Garonne, rien dans la Vienne. Il me restait alors le choix entre Angoulême ou Bordeaux mais, n'étant pas masochiste et n'ayant aucune envie de me faire cracher dessus par tous les passants, j'ai préféré galoper jusqu'à Limoges pour trouver satisfaction. Bien m'en a pris car j'ai passé un excellent après-midi dans la capitale du Limousin, sous un soleil des plus agréables malgré des températures plus qu'inquiétantes.


Limoges n'est pourtant pas une ville qui m'a beaucoup porté chance par le passé, étant donné que ça reste la ville liée aux hospitalisations : mon grand-père y est décédé quand j'avais quatre ans, et j'ai moi-même séjourné au CHU à deux reprises dans mon enfance pour deux opérations conséquentes. C'est d'ailleurs alité là-bas que j'avais découvert Mort sur le Nil à la télévision, ce qui m'avait fait entrer dans l'adolescence d'une manière on ne peut moins hétérosexuelle ! De manière plus heureuse, ma mère m'avait emmené plusieurs fois au parc d'attractions Bellevue à côté de l'aéroport, où je me souviens avoir pris grand plaisir à sauter sur des ballons gonflables géants ! Mais finalement, je ne connaissais pas vraiment le centre historique de Limoges, en dehors d'un bref passage en coup de vent il y a quelques années.

Le quartier du Château


Ce qui frappe de prime abord, c'est le charme suranné de la ville, tout droit sortie du passé avec ses murs gris et les câbles du trolleybus encore apparents, impression renforcée par les rues semi-piétonnes parsemées de boutiques d'antiquaires et de maisons à colombage qui accentuent l'aspect ancien d'une cité qui connut son heure de gloire au Moyen Âge. L'emblème de Limoges était jadis l'abbaye Saint-Martial, malheureusement détruite à la Révolution et désormais remplacée par une place d'aspect hideux malgré son joli nom. Il faut ainsi imaginer le rayonnement culturel de l'abbaye, parfaitement située sur la via Lemovicensis menant à Saint-Jacques-de-Compostelle, à travers la production d'émaux somptueux, mais aussi à travers la diffusion de la polyphonie de l'école de Saint-Martial, dont plusieurs partitions nous sont parvenues. Bien que ce passé prestigieux ne soit plus qu'un lointain souvenir, des vestiges de l'abbaye sont toutefois présents sous la place de la République, grâce à la crypte Saint-Martial qu'il me faudra visiter lors d'un prochain séjour. En attendant, on peut admirer les reliques du premier évêque de Limoges dans la basilique Saint-Michel-des-Lions, où elles furent transférées en compagnie de fragments de saint Loup et sainte Valérie, puis entreposées dans un autel finement ciselé.


Hier, l'église aux lions était visiblement le point de rendez-vous du tout Limoges, puisque plusieurs couples étaient assis dans les vaisseaux pour discuter de la pluie et du beau temps pendant que d'autres priaient sainte Valérie avec beaucoup d'emphase. Il y avait tant de monde qu'on se serait cru dans un hall de gare : il y avait même davantage de passants dans l'église qu'aux Bénédictins ! De très beaux vitraux exposés plein ouest contaient quant à eux la vie de saint Martial, avec un langage pictural merveilleusement coloré autour de son crâne. Vous savez que de mon côté je ne suis pas du tout porté sur le fait religieux, mais tirant une partie de mes origines de Haute-Vienne, je reste imprégné de culture limousine notamment à travers les célèbres ostensions, classées depuis dix ans au patrimoine culturel immatériel de l'humanité. Si je n'ai jamais assisté aux processions à proprement parler, j'ai toujours été impressionné par les décorations des petites villes comme Rochechouart ou Saint-Junien, dont les rues se parent pour l'occasion de fanions aux multiples couleurs.


En seulement deux heures de temps libre avant ma séance, il n'était vraiment pas possible de tout voir de Limoges hier, mais j'ai tout de même adoré flâner dans la rue de la Boucherie, certainement pas parce que ce métier m'inspire, mais parce ce quartier concentre la plupart des maisons à colombage de la ville, ce qui permet de faire un véritable aller-retour dans le temps. En partant des belles halles construites en 1869, on commence ainsi à traverser les âges en passant devant une librairie spécialisée en ouvrages rares et anciens dont les couvertures dorées et chamarrées font rêver. Dans une rue parallèle, la place de la Barreyrette vaut également le détour pour ses nombreuses maisons à pans de bois, et méritera une visite plus tôt dans la journée afin de bénéficier d'un meilleur ensoleillement.


Le clou du spectacle du quartier de la Boucherie reste toutefois la chapelle Saint-Aurélien, qui contient les reliques du second évêque de Limoges qui avait succédé à Martial. Édifiée au XVe siècle et remaniée au XVIIe, cette chapelle est la propriété d'une confrérie s'inscrivant dans la lignée de la corporation des bouchers sous l'Ancien Régime. La richesse de ce métier se reflète dans le mobilier doré que l'on peut y admirer, à l'instar de ce retable impressionnant. Mais tout ce qui brille n'est pas d'or : mieux que les dorures, c'est vraiment l'odeur de bois qui m'a conquis et m'a fait particulièrement apprécier ces quelques minutes dans ce lieu serein et accueillant.


Les lieux dont nous venons de parler sont tous situés dans le quartier du Château, du nom de la résidence des vicomtes de Limoges qui, à l'instar de l'abbaye Saint-Martial, n'existe plus de nos jours. En continuant d'aller au hasard des rues, j'ai également pu admirer le pavillon du Verdurier, un bel ouvrage Art déco construit en 1919 pour servir d'entrepôt frigorifique afin d'entreposer la viande venue d'Argentine en ces temps de pénurie. On le doit à l'architecte Roger Gonthier, dont nous reparlerons très vite. Après avoir été transformé en marché couvert puis en gare routière, le pavillon du Verdurier est de nos jours une salle d'exposition. À quelques pas de là peuvent s'admirer l'église Saint-Pierre-du-Queyroix et la chapelle du collège des Jésuites, pour sa part intégrée au lycée Gay-Lussac.

Le quartier de la Cité


De là, j'ai traversé les grands boulevards pour me diriger vers le quartier de la Cité, centré sur la cathédrale Saint-Étienne où était concentré le pouvoir épiscopal, par opposition au quartier du Château. La rue de la cité est elle-même assez pittoresque avec ses colombages et fenêtres à meneaux, mais le parvis de la cathédrale en impose encore davantage avec son clocher de 62 mètres bâti sur un plan carré. On admire celui-ci d'autant mieux depuis la cour du palais de l'Évêché, bel édifice classique unique en son genre dans le paysage limougeaud, qui accueille aujourd'hui le musée des Beaux-Arts.


Si l'extérieur de la cathédrale reste un brin austère, l'intérieur est en revanche très coloré grâce aux différentes chapelles disposées autour du chœur. Si quelques peintures du XIVe siècle ont pu être conservées, la plupart datent tout de même du XIXe. Malgré leur jeunesse, elle sont en parfaite harmonie avec l'ensemble des lieux, et se marient élégamment aux vitraux dont beaucoup sont également assez récents.


C'est toutefois dans la pierre que la cathédrale resplendit, d'abord grâce aux tombeaux monumentaux de trois évêques, dont celui de Jean de Langeac est considéré comme l'un des chefs-d'œuvre de la Renaissance. Je lui ai pourtant préféré celui de Raynaud de la Porte, au gisant surmonté d'un dais sculpté au XIVe siècle.


La plus belle des sculptures reste cependant le jubé, qui désormais ne sert plus de clôture entre la nef et le chœur, puisqu'on peut l'admirer sous la tribune soutenant l'orgue à l'entrée de l'édifice. Réalisé dans les années 1530 par le sculpteur Jean Arnaud, un artiste venu de Tours, ce magnifique jubé représente entre autres mythes les travaux d'Hercule.


Autres témoins de l'art de tailler la pierre, de superbes gargouilles manifestent leur grandeur céleste sous de belles apparences reptiliennes. Il est de bon ton de leur rendre hommage avant d'aller flâner dans les jardins de l'Évêché, qui se distinguent par une partie « botanique » devant l'abbaye Sainte-Marie-de-la-Règle et le pavillon de l'orangerie, et une partie « à la française » qui descend le long de la Vienne jusqu'au pont Saint-Étienne datant du XIIIe siècle. Je ne me suis pas aventuré jusque là : malgré le beau temps, les jardins méritent d'être vus à la belle saison, ce qui me donnera l'occasion de revenir.


Je n'ai cependant pas perdu ma journée, car cet hiver, les jardins sont investis par des sculptures d'animaux, à l'image de ces sauterelles et de ces escargots qui occupent le jardin de l'orangerie. Ils ont été installés céans dans le cadre d'un spectacle intitulé L'Odyssée lumineuse, qu'il faut apparemment voir de nuit quand l'ensemble du bestiaire s'illumine. Et devinez qui j'ai croisé parmi toutes ces créatures fabuleuses ?


Un dragon !!!

La gare des Bénédictins


Malgré toutes ces merveilles vues au cours de ma promenade, il me restait encore un peu de temps avant le début de ma séance. Je m'en suis donc allé visiter la gare, monument emblématique de la ville, dont la construction fut supervisée dans les années 1920 par Roger Gonthier, qui s'était déjà illustré avec le pavillon du Verdurier. Bâtiment éclectique au croisement de l'Art nouveau, de l'Art déco et du néo-classicisme, la gare s'admire parfaitement depuis l'esplanade du Champ-de-Juillet. Elle ne passe certainement pas inaperçue dans le paysage urbain avec son campanile haut de 67 mètres, que l'on distingue très bien depuis la très vivante place Denis Dussoubs où se trouve le cinéma.


L'intérieur reste en revanche assez sobre : si la coupole est impressionnante de blancheur, je ne suis tout de même pas un grand admirateur des caryatides nues du sculpteur Henri-Frédéric Varenne, car je ne comprends pas bien pourquoi la Gascogne devait montrer ses fesses aux voyageurs. Bien plus attrayants, les vitraux du verrier Francis Chigot évoquent une nature plus accueillante avec des feuillages ornés de glands et de châtaignes.


Je n'ai pas non plus manqué d'admirer cette carte touristique représentant cinq des plus beaux départements français. L'évocation de la gare des Bénédictins me donne l'occasion de rappeler le passé industriel de Limoges, dont le symbole restera à jamais la porcelaine, art que toutes les familles de la région ont sollicité pour recevoir leurs hôtes à travers des services de toute beauté. Mais au-delà de cet aspect très bourgeois, rappelons que Limoges et le Limousin restent avant tout une terre de gauche, bien que les dernières élections municipales constituent une certaine anomalie dans le paysage politique régional. Nombre de rues de la préfecture portent d'ailleurs le nom de révolutionnaires et de personnes de sensibilité sociale, ce qui permet de garder un brin d'espoir en ces temps d'extrême fascisation des médias et du personnel politique français.

Conclusion


Je n'ai pas pu explorer davantage Limoges faute de temps, mais j'ai adoré ce que j'en ai vu, contrairement à sa réputation de ville pas vraiment touristique. Même si la cité n'est pas nécessairement belle dans son ensemble avec ses grands boulevards gris et ses immeubles modernes, le charme suranné que j'évoquais au départ m'a indéniablement séduit. Au-delà des murs, les paysages alentour ne manquent jamais de m'inspirer, car venant d'une région désespérément plate due à sa proximité avec l'océan, j'ai toujours adoré voir le relief s'accentuer à mesure que l'on s'approche de la préfecture, et admirer les conifères apparaître en grand nombre tout au long du trajet. Cette promenade à Limoges m'a aussi permis de me reconnecter à mes racines limousines, qui ne constituent qu'une petite partie de mes origines, mais dans lesquelles je ne manque pas de me reconnaître.


Pour l'anecdote, ayant entrepris d'approfondir ma généalogie, j'ai réussi à remonter jusqu'au Xe siècle grâce à une branche noble, laquelle m'indique, en admettant qu'il n'y ait pas eu d'infidélités au cours des siècles, que je descends de toutes les grandes familles originelles du Limousin : Comborn, Les Cars, Lostanges, Rochechouart, Turenne, Pompadour, Ventadour… Je ne tire aucune gloire de ce prestige historique, mais je suis ravi que les sources parviennent à m'ancrer dans une région que j'ai toujours beaucoup aimé. Je suppose qu'il n'y a pas de hasard et que je ne m'identifie pas aux paysages du Limousin depuis l'enfance sans raison. Pour sûr, si j'arrive à survivre à l'effondrement climatique, je reviendrai avec grand plaisir à Limoges pour voir les merveilles qui manquent encore à l'appel : le musée Adrien Dubouché pour la porcelaine, la cour du temple pour ses colombages, mais aussi les cryptes, les souterrains et les bords de Vienne dont la vision printanière me fait d'ores et déjà rêver !

dimanche 11 février 2024

L'année du Dragon


Bonne année ! Depuis cette nuit, nous sommes entrés dans l'année du Dragon d'après le zodiaque chinois. Vous me direz à juste titre que l'astrologie est un loisir hautement contestable, mais il reste divertissant d'analyser son caractère à l'aune des animaux folkloriques d'Orient. Je ne pense pas qu'il y ait un quelconque déterminisme astral car nous sommes toutes et tous bien trop complexes pour nous résumer à des traits choisis par la tradition, sans parler des horoscopes qui sont des tissus de mensonges : Miriam Hopkins, qui a refusé des rôles juteux pour des raisons astrologiques, en est témoin !


Malgré tout, ayant la chance d'être du signe du dragon, qui est aussi mon animal fétiche depuis toujours, avant même de savoir qu'il illustrait mon année de naissance, je suis ravi de le savoir mis à l'honneur pour un an ! Sans compter que le dragon reste le symbole par excellence de l'Asie, continent d'où je tire une partie de mes origines sans pouvoir néanmoins les retrouver via l'état civil : je n'ai que le métissage de ma grand-mère et de sa fratrie comme première piste, et je ne suis pas sûr de vouloir faire un test ADN pour tâcher de trouver le pays d'où nous pourrions venir.


Pour sûr, j'ai baigné dans les différentes cultures asiatiques grâce à ma grand-tante, qui a passé sa vie à voyager à travers le monde et qui vivait entourée de chinoiseries qui meublent aujourd'hui mon domicile. Un peu à la manière de Mame Dennis, mais avec des coups d'éclat typiques de la folie qui est aussi, de façon bien moins glorieuse, l'un de nos héritages dans cette branche. Cependant, bien qu'elle fût pour le moins compliquée avec la plupart des gens, nous nous sommes toujours très bien entendus, et c'était quand même super chouette d'aller chez elle et de manger des algues avec des baguettes pour le goûter !


Avec toutes ces découvertes exotiques faites dans l'enfance, je suis moi-même passionné par l'Asie. Et comme je suis aussi un idéaliste doublé d'un grand rêveur, il n'est guère étonnant que je sois envoûté par une créature aussi mythique que le dragon. Il n'est pourtant pas toujours facile de s'identifier au dragon dans un pays aussi étroit d'esprit que la France, comme en témoigne l'image négative dont souffre cet animal dans notre architecture. Ainsi, il n'est pas une église romane de ma région qui ne mobilise une hagiographie meurtrière à l'égard des dragons, en faisant de ceux-ci des suppôts de Satan que des saints percent d'une lance, alors qu'il eût été bien plus intelligent d'écrire des mythes où les futurs canonisés auraient appris à connaître et comprendre leur ennemi. Après tout, Radegonde aurait très bien pu sympathiser avec la Grand'Goule et d'ailleurs, qui nous prouve que celle-ci a réellement croqué les religieuses de l'abbaye Sainte-Croix ? J'admire Radegonde pour son courage face à son époux abject, mais ses traumatismes passés n'étaient pas une raison pour s'en prendre à un dragon par la suite.


Le long de la vallée de la Dordogne qui n'a désormais plus de secrets pour moi, c'est une coulobre qui fut tristement chassée par l'évêque saint Front de la falaise de Couze où elle vivait. En se réfugiant dans l'océan, elle eut le temps au passage de marquer les esprits à Bergerac, où un dragon figure désormais sur les armes de la ville. Pour ma part, je suis ravi, car pour deux livres achetés à la librairie, je suis reparti avec une reproduction d'un dragon d'Hokusai de bonne qualité !


L'Asie est certainement un terrain plus propice pour les dragons. Arrogant mais bienveillant, le dragon y est perçu comme un animal noble apportant beaucoup de positif aux gens. C'est ce que j'aimerais transmettre moi-même en tant que dragon, bien qu'il soit difficile de rester optimiste à une époque comme la nôtre. Franchement, je suis sidéré par le désintérêt total autour de moi pour tout ce qui se passe dans le monde : les gouvernements fascistes et incompétents comme en France ne suscitent qu'une indignation polie, l'explosion de la pauvreté n'a pas l'air de choquer les gens avec qui je discute, le génocide palestinien est carrément passé sous silence tandis que l'apocalypse climatique n'implique que de la résignation. Il a fait 40° cet été, même moi qui suis robuste ait manqué de faire une syncope en marchant à l'ombre, et beaucoup d'entre nous vont mourir bien plus vite que prévu à cause de cela. Dans les maisons, on ne peut plus boire l'eau du robinet polluée aux pesticides, et l'on apprend que l'eau commercialisée l'est aussi désormais. Quand on pense qu'au début des années 1990 j'allais encore chercher de l'eau potable à la fontaine publique avec ma grand-mère, cela me désole.


Sur cette note, je ne nous souhaite pas une « bonne année » au sens habituel de vœux chimériques, mais je nous souhaite que l'honnêteté et la vigueur associées au dragon nous conduisent toutes et tous à combattre le fascisme et le capitalisme, à tenter de limiter leurs dégâts, et à créer une société qui ne soit pas régie par l'argent. Pourquoi ne pas tout nationaliser et procéder uniquement par échanges de services entre chaque corps de métiers ?


Mushu est d'accord avec moi. Dans ce marasme, essayez de vous concentrer sur les petits moments heureux qui peuvent vous arriver. Au pire, fermez les yeux et rêvez. Ce sera toujours ça de pris. J'espère que les choses pourront s'arranger pour toutes les victimes et les personnes honnêtes. Je le souhaite de tout cœur.

mardi 30 janvier 2024

Vesunna : ville antique


J'avais un dîner d'affaires à Périgueux ce vendredi, ce qui me donne l'occasion d'évoquer cette ville particulière que je tâche de contourner autant que faire se peut depuis trois ans que je travaille en Dordogne. Pour tout vous dire, en dehors de deux rendez-vous professionnels, je n'ai visité la préfecture du Périgord qu'à deux reprises : une première fois en 2019, où j'étais resté sur ma faim, et une seconde fois cet automne où… j'ai eu la certitude que je ne voulais surtout pas m'y établir malgré sa position centrale dans le département. D'ailleurs, tous les Périgourdins avec qui j'ai eu l'occasion de discuter ces dernières années me disent la même chose : il vaut bien mieux rester à Bergerac qu'à Périgueux, propos qui ne m'étonnent guère dans la mesure où Bergerac est mieux située par rapport aux points d'intérêt touristiques, où l'on y circule mille fois mieux par comparaison avec sa rivale constamment embouteillée, et où les gens y sont tout de même plus souriants. Toutefois, cela ne veut pas dire que Périgueux manque d'attraits. C'est même tout le contraire, car la ville regorge de monuments antiques et Renaissance de toute beauté. Sur le papier, je devrais donc adorer cette ville, mais le charme n'opère décidément pas.


J'évoque aujourd'hui le quartier de l'antique Vesunna, capitale des Pétrocores nommée en hommage à la déesse gauloise de l'eau et de la fécondité. Riche d'une histoire bimillénaire, cette cité est le quartier le plus agréable de l'agglomération, et mérite son propre développement en raison de son patrimoine incomparable. Sur les vues aériennes, on distingue particulièrement bien la ville antique, à l'ouest de l'affreuse place Francheville, de la cité médiévale Puy-Saint-Front avec son lacis de ruelles étroites resserrées autour de la cathédrale. Les deux bourgs ne s'unirent officiellement qu'en 1240, après plusieurs années d'entente cordiale. En attendant d'évoquer la ville la plus récente, passons en revue les plus belles stations de Vésone, toponyme qui mériterait de redevenir celui de la commune pour la beauté du son.

L'église Saint-Étienne-de-la-Cité


Cette église romane n'est évidemment pas un monument antique puisqu'elle fut construite entre le XIe et le XIIe siècles. Elle occupe toutefois un emplacement déjà consacré au divin aux premiers siècles de notre ère, puisque s'y élevait à l'origine un temple dédié à Mars. C'est l'évêque Chronope II qui fit édifier une première église à la place au début du VIe siècle, avant que l'édifice que nous connaissons de nos jours ne commence à prendre sa forme, 600 ans plus tard. Aujourd'hui, Saint-Étienne a l'air d'un pavé agréable à regarder posé au milieu d'une place, mais il faut imaginer que le bâtiment était bien plus imposant au Moyen Âge puisque, fort de ses quatre coupoles, il faisait office de cathédrale de Périgueux. Malheureusement, un incendie, les guerres de Religion puis la Fronde, le mutilèrent sévèrement, d'où son aspect modeste qu'on lui connaît depuis lors. Redevenue simple église depuis la consécration de Saint-Front en 1669, Saint-Étienne vaut surtout le détour pour ses façades extérieures, qui ont su garder une véritable majesté malgré les drames. À l'intérieur, un joli retable du XVIIe siècle, ainsi que les vestiges du tombeau de l'évêque Jean d'Asside, qui se distinguent par une belle arcade sculptée du XIIe siècle, égayent quelque peu des murs d'une triste pâleur.

L'amphithéâtre romain


À deux pas de l'église, l'amphithéâtre nous ramène aux toutes premières années du premier siècle, puisqu'il fut édifié sous le règne de Tibère, après une commande d'une famille influente de Vesunna, les Pompeia. Ses vastes dimensions de plusieurs centaines de mètres, encore bien visibles de nos jours, en firent l'une des plus grandes arènes de la Gaule aquitaine, pouvant accueillir entre 18 et 20 000 spectateurs. Cet amphithéâtre est par exemple plus grand que celui de Mediolanum Santonum (Saintes), que j'ai déjà évoqué il y a plusieurs mois.


Démoli à partir du IVe siècle, le monument servit en partie à la construction des remparts de la cité ainsi qu'à l'élévation d'un donjon comtal dont il ne reste rien, sans parler de quelques bâtiments alentours qui bénéficièrent des pierres du lieu antique. Il reste heureusement quelques vestiges à admirer au sein d'un jardin public qui m'angoisse quelque peu, sûrement parce que la majeure partie des pierres ayant échappé à la démolition est désormais enterrée de façon assez sinistre.


Des passages voûtés et des vomitoires réussissent tout de même à émerger, comme pour défier l'usure du temps. La partie nord des vestiges reste la plus impressionnante. La végétation chaotique qui l'entoure et la recouvre lui confère en effet un éclat singulier, qui m'inspire autant qu'il me terrifie. L'histoire des arènes doit beaucoup aux fouilles de Wlgrin de Taillefer au début du XIXe siècle, ainsi qu'aux publications de la Société historique et archéologique du Périgord, la bien nommée SHAP, qui sur un autre sujet vient de mettre en ligne toutes les notices du chanoine Brugière, un historien qui écrivit des fiches détaillées sur chaque commune de Dordogne au XIXe siècle, agrémentées de quelques croquis des plus beaux monuments. C'est une vraie mine d'or pour les amateurs d'histoire locale. La notice générale consacrée à Périgueux montre justement le quartier que j'évoque ce soir vu depuis l'amphithéâtre. On y distingue l'église de la cité, la tour de Vésone, mais aussi le château Barrière.

L'enceinte gallo-romaine


Construite au IIIe siècle dans un souci défensif pour faire face aux incursions d'Alamans, l'enceinte entourant la cité antique a laissé de nombreux vestiges, le long de ce qui est aujourd'hui une voie ferrée. L'une des entrées de la citadelle, encore debout à notre époque, est qualifiée de porte normande, car elle aurait servi aux habitants du haut Moyen Âge à se défendre contre les Vikings. Juste à côté se trouve le château Barrière, édifié pour sa part au XIIe siècle en étant intégré aux remparts antiques. Embelli entre la période gothique et la Renaissance, il se para de fenêtres à meneau et d'une belle porte aux ornementations flamboyantes. Mais à l'image de Saint-Étienne, les guerres de Religion lui furent fatales, et le château ne s'est pas relevé de ses ruines depuis lors.


De l'autre côté de la rue, apparaissant derrière une allée de cyprès des plus agréables, s'élève le Centre national de la préhistoire, lui aussi édifié sur l'ancienne muraille défensive. Ce bâtiment se situe dans la continuité du château Barrière, dont on aperçoit le donjon à l'ouest. D'autres restes de l'enceinte, du côté des bien nommées rue Romaine et rue de la Cité, peuvent également s'admirer en certaines occasions.

La tour de Vésone


La promenade des cyprès conduit aussitôt après à un jardin public plus aéré que celui des arènes, où trône en majesté le monument emblématique de Périgueux, la tour de Vésone. Il s'agit de la cella d'un temple dédié à la déesse Vesunna, qui fut édifié aux alentours du IIe siècle de notre ère, et qui était partie intégrante d'un sanctuaire assez vaste qui fut mis à jour au cours de différentes fouilles tout au long du XIXe siècle.


Mise à nu avec la disparition du temple et du péristyle originels, la tour n'en reste pas moins impressionnante avec ses 24 m de haut et ses 19 m de diamètres. La stupéfaction est d'autant plus grande qu'un chemin a été aménagé afin de pouvoir circuler en son centre, pour un séjour aussi grandiose qu'envoûtant. La gigantesque brèche fut causée par l'extraction de la porte d'entrée, qui causa l'effondrement d'une partie de l'édifice, bien que les catholiques, toujours prompts à pourrir la vie de leur prochain, prétendent que l'évangélisateur saint Front aurait éventré la tour pour combattre un dragon qui y logeait. Foutez-nous la paix, et laissez-nous vivre où bon nous semble !

Le musée Vesunna


La domus de Vésone, surnommée domus des Bouquets d'après le nom de la rue qui la longeait lorsqu'on découvrit le site dans les années 1960, eût été un logement tout aussi digne pour mes collègues reptiliens. Cette somptueuse maison gallo-romaine achevée au IIe siècle abrite depuis vingt ans l'un des plus beaux musées de France, Vesunna, qui fait décidément l'unanimité auprès de toutes les personnes de ma connaissance qui l'ont visité.


Mis en valeur par une immense verrière due à l'architecte Jean Nouvel, le musée offre un parcours très enrichissant qui témoigne du génie de nos ancêtres. Outre les objets consacrés à l'éclairage intérieur, aux ustensiles de beauté, à l'écriture et aux jeux en tous genres, on peut également y admirer des peintures murales bien conservées, même si mon coup de cœur est allé au fabuleux système de l'hypocauste, par lequel on se chauffait il y a 2000 ans. L'alcôve consacrée à cette invention ingénieuse m'a entièrement fasciné.


Loin de s'arrêter là, le musée se distingue également par une magnifique collection lapidaire, dotée de multiples colonnes et chapiteaux ornés d'animaux finement sculptés. Assurément, ce bestiaire m'a enchanté. Pour ne citer que quelques exemples parmi tant d'autres, évoquons un chapiteau toscan orné de dauphins affrontés de coquilles, sommet d'une colonne elle aussi en calcaire, où se détachent un loup, une panthère, un sanglier, des oiseaux et des griffons. Une autre colonne du IIe siècle montre quant à elle des écureuils croquant des raisins, tandis que juste à côté, une frise marine fait la part belle aux chevaux de mers et dauphins sur un amas d'armes.


Un peu plus loin, une sculpture de Mercure révèle le dieu voyageur en compagnie des animaux qui lui sont chers, du coq à la tortue en passant par le bouc et les deux serpents enlacés formant le célèbre caducée d'Hermès, dont Mercure est la transposition. Pour abréger ce passage en revue qui pourrait durer des heures tant la visite fut plaisante, concluons par cet autel taurobolique dédié à Cybèle, qui fut retrouvé entre la porte normande et l'actuel château Barrière. C'est malheureusement sur cette pierre que l'on sacrifiait des animaux jadis, comme en témoignent les bandelettes sacrificielles pendant aux oreilles du taureau, l'arme du crime, la patère et le vase à libations. Cet autel date de la fin du IIe siècle ou du début du IIIe et n'a rien perdu de son aura.

Exposition temporaire


Bonus ! L'année dernière s'est tenue à Vesunna une exposition consacrée à une romancière bien connue de tous les lecteurs du monde entier : Agatha Christie, en quête d'archéologie. Je ne suis pas le plus grand admirateur de la dame et de ses personnages manichéens, mais quelques portraits plus fins qu'à l'accoutumée, comme l'héroïne de Je ne suis pas coupable et l'universitaire borgne de Cinq petits cochons, resteront de bons souvenirs de lecture, sans parler de ses grands classiques exotiques qui continuent de me faire rêver à travers le tourisme de luxe des années 1930, et de me divertir grandement grâce aux étoiles du cinéma qui s'y sont données à cœur joie dans des adaptations bien connues des lecteurs gretalulliens, de l'inimitable Wendy Hiller à l'énergique Piper Laurie, en passant par l'ogresque Lauren Bacall, l'hilarante Ingrid Bergman, la divine Vanessa Redgrave, l'exquise Rachel Roberts, l'élégante Jacqueline Bisset, les trois grâces Bette Davis, Maggie Smith et Angela Lansbury, l'effrayante Mia Farrow, la schizophrène Jane Birkin, notre mascotte Lois Chiles, les trois garces Elizabeth Taylor, Geraldine Chaplin et Kim Novak, la vampirique Diana Rigg, la non moins distinguée, ou pas, Sylvia Miles et bien sûr, le fameux maillot de bain de Meurtre au soleil capable de convertir tous les hommes de l'univers aux délices de l'inversion !


Plus sérieusement, j'ai beaucoup aimé cette exposition, moins consacrée aux meurtres en tous genres qu'au travail de terrain d'Agatha Christie et Max Mallowan en Mésopotamie. Débutant par un voyage à bord de l'Orient-Express au son du jazz des Années folles, la visite nous conduisait sous le soleil irakien à travers une reconstitution aussi réaliste qu'instructive, mention spéciale aux combinés téléphoniques d'époque qui permettaient d'écouter des citations des mémoires de l'écrivaine. Aux côtés de la maison syrienne partiellement reconstituée, des panneaux explicatifs apportaient quelques informations tout à fait dignes d'intérêt. J'ai notamment appris que sur les chantiers, les piocheurs touchaient tous le même salaire quel que fût leur âge, et qu'il y avait toute une hiérarchie sur le terrain, puisque après les piocheurs, qui avaient le plus de chance de faire les plus belles découvertes, venaient les bêcheurs, et à leur suite les enfants chargés d'évacuer la terre, qu'ils ne manquaient pas de fouiller dans l'espoir de trouver un fragment oublié susceptible de leur valoir une bonne récompense. Le racisme était également présent sur les lieux, puisque le comptable chargé de verser les salaires avait apparemment l'habitude de soupirer à l'idée de voir l'argent « partir entre des mains musulmanes ». Sans commentaires…


Ayant elle-même participée au nettoyage et à l'inventaire des poteries, en plus de son travail documentaire de photographie et d'écriture, Agatha Christie fut le témoin privilégié de ce métier qui fait forcément rêver l'ancien étudiant en histoire que je n'ai jamais cessé d'être. Pour faire le lien avec le patrimoine antique évoqué dans les textes, l'exposition avait abondamment sollicité le département des Antiquités orientales du Louvre, à travers quelques pièces syriennes et irakiennes toutes plus somptueuses les unes que les autres, dont ce cachet en forme de chien de la période d'Uruk, trouvé à Girsu lors de la mission d'Ernest de Sarzec en 1881, un sceau cylindrique en marbre noir de la période d'Akkad représentant une scène de banquet, et cette figurine de capriné de la fin de l'âge du bronze, retrouvée lors de la mission d'André Parrot en Syrie entre 1931 et 1932.



Hormis le Louvre, d'autres fonds furent sollicités pour compléter cette exposition, à l'instar du musée des Beaux-Arts de Lyon ayant prêté cette tête de dignitaire assyrien trouvée à Nimroud. Pour illustrer plus précisément le travail d'Agatha sur le terrain, les fonds Christie et Mallowan ont également répondu à l'appel, avec entre autres la reproduction en aluminium de la clef en fer de leur maison à Bagdad, que l'autrice jugeait plus légère à transporter dans son sac à main, des photographies prises par la dame elle-même, l'appareil qui lui servit à immortaliser ces clichés, et le passeport avec lequel elle voyagea, plus tard, dans les années 1950. Rajeunie d'un an pour une raison inconnue sur ce précieux document, sa profession est par ailleurs mentionnée sous les mots prestigieux de « married woman ». Sans commentaires, pour la seconde fois. Le tout n'en a pas moins formé une excellente exposition grâce à laquelle j'ai pu m'immerger dans un métier de rêves à une autre époque. Je reste tout de même sceptique, car les œuvres d'art conservées hors de leur pays d'origine restent le fruit d'un énorme pillage.

Conclusion


Si Périgueux est loin d'être une ville enchanteresse, les monuments de l'antique Vesunna en font tout de même une étape obligatoire pour les amoureux d'histoire et de patrimoine. La tour de Vésone et le musée qui lui est associé sont réellement impressionnants et méritent amplement le détour. Je ne suis pas sûr d'en dire autant du quartier Saint-Front que je tâcherai de décrire dans un prochain article, malgré la beauté indéniable des bâtiments Renaissance qui le parsèment.

mardi 23 janvier 2024

Une question

 

J'ai arrêté d'écrire sur le blog parce que je suis vraiment, vraiment choqué par la montée du fascisme en France et ailleurs, ainsi que par le génocide palestinien. Tout cela me sidère et je me sens totalement impuissant.

Pour essayer d'aborder un sujet plus léger, je viens de regarder les nominations aux Oscars, et j'ai une question si quelques personnes passent encore par-là pour y répondre : qui est la favorite pour l'Oscar de la meilleure actrice ? Je note qu'Annette Bening est nommée pour la cinquième fois, mais je n'ai pas l'impression que son film soit assez solide pour pousser jusqu'à la victoire. Si certains d'entre vous ont suivi la compétition, avez-vous un idée de qui risque de gagner ?

Je ne suis plus les Oscars depuis bientôt cinq ans, mais cela me divertit de regarder la sélection ce soir. Je ne peux pas commenter car je n'ai vu que quatre films en lice à ce jour. Ainsi, tout ce que je peux dire c'est…

… qu'Anatomie d'une chute est un excellent film, très intelligemment mis en scène, et porté par une très grande interprétation de Sandra Hüller. Le seul bémol de cette œuvre c'est le portrait de la magistrate qui ne m'a pas vraiment convaincu à travers sa décision de laisser l'enfant sous la garde de sa mère pendant le procès (l'actrice incarnant la juge m'a paru plus sinistre qu'impartiale), mais autrement, j'applaudis des deux mains et espère vivement que Sandra Hüller et Justine Triet soient récompensées. Mention spéciale pour la réalisatrice qui a eu l'honneur de dénoncer le gouvernement ordurier que nous avons en France lors de sa palme d'or cannoise.

… que Barbie est loin de faire mouche dans sa dénonciation du patriarcat. On me l'avait tellement vendu comme un film féministe lors de sa sortie que j'y suis allé en espérant y voir une œuvre plus spirituelle que sa surface en plastique le laisserait supposer, mais je suis resté sur ma faim. En outre, je me suis profondément ennuyé, avec cette seconde partie interminable consacré aux Ken, auxquels Greta Gerwig a finalement donné plus de jeu qu'aux actrices. Par ailleurs, ça reste surtout une publicité géante pour une marque, et à travers elle tout ce que je déteste : le plastique, les canons de beauté classiques, les voitures, la fraude fiscale (qu'elle retourne comme quelque chose de marrant), ce qui m'a sorti du film assez rapidement. Margot Robbie était de mémoire bien distribuée avec sa gestuelle parfois robotique, mais le seul personnage dont je me souvienne six mois plus tard, c'est Weird Barbie et ses cheveux en pétard. Enfin, je ne comprends absolument pas la nomination d'America Ferrera pour un personnage aussi transparent que celui de l'employée de la firme de l'autre côté du monde enchanté.

… que Nimona m'a bien plu grâce à ses héros atypiques, et notamment le chevalier Ballister Boldheart, merveilleusement introverti. Malgré un twist qui arrive assez vite et qu'on devinait aisément, la morale de l'histoire est belle, les émotions sont au rendez-vous, et le contraste de deux personnalités aussi opposées que Ballister et Nimona rend toutes leurs interactions particulièrement savoureuses.

… que Nyad m'est tombé des mains. Je ne l'ai pas encore fini à ce jour après une pause de plusieurs mois. Franchement, la première partie m'a laissé de marbre, avec ce discours hyper rabâché sur le fait de croire en ses rêves et de réussir à triompher de l'adversité même quand plus personne ne croit en vous. Annette Bening est une excellente actrice et ne démérite certainement pas, de même que Jodie Foster qui la complémente bien, mais ni l'une ni l'autre n'a réussi à susciter mon enthousiasme pour un film bien trop conventionnel pour me plaire.

Alors, sauriez-vous de dire qui remportera la statuette cette année ? Quelle performance vous a le plus enchanté ? Et qu'en est-il des seconds rôles ? Je vois qu'Emily Blunt a enfin décroché sa nomination (il était temps !), mais je n'ai pas eu envie de voir son film.

Et à tout hasard : qui était votre favorite l'année dernière ? Sur le moment, j'étais ravi que Michelle Yeoh ait empêché Cate Blanchett d'être trop récompensée, mais en vrai, je préfère quand même l'interprétation de l'Australienne qui pour moi donnait la performance de sa carrière, sans avoir besoin de surjouer autant que d'habitude, alors que je n'ai rien compris à Everything Everywhere All at Once qui m'a laissé de glace.

J'espère que vous allez bien, et peut-être à bientôt pour de nouvelles discussions.

jeudi 24 août 2023

40°C à Lalinde



Depuis un an que je circule le long de la Dordogne, je n'avais jamais pris le temps de m'arrêter à Lalinde. Idem pour Beaumont-du-Périgord, autre ville sans cesse traversée mais finalement jamais visitée, souvent parce que je suis pressé de rentrer et que je ne suis pas toujours motivé pour faire des arrêts. Cela dit, ma mission à Limeuil touche à sa fin, et j'ai réalisé que je n'allais pas repasser à Lalinde avant un bon moment : malgré la canicule, hier soir était le seul jour de libre pour y faire quelques pas, ce que je ne regrette pas.


Ce qui m'a totalement décidé à errer une petite heure dans les ruelles de l'ancienne bastide par une température absolument insoutenable, c'est cette vue sur les rives du fleuve, typiquement parsemé de cygnes en cet endroit, le long des îlots émergés entre la grande commune évoquée et sa voisine Pontours. Lorsque l'on arrive de Sarlat, le reflet de l'affreuse église Saint-Pierre-ès-Liens qui se découpe à contre-jour au milieu des oiseaux blancs revêt un charme singulier qui m'évoque, dans une certaine mesure, l'introduction d'Alice au pays des merveilles de Walt Disney, une image qui m'a toujours fasciné. Le cadre est tout de même moins apaisant à Lalinde, puisque le débit de la Dordogne y est autrement tumultueux que dans ce village anglais, mais les cygnes et les algues dans les flots bleus rendent le paysage vraiment bucolique.


Côté ville, le rivage est également peuplé de maisons pittoresques qui se laissent agréablement admirer depuis le pont, passage obligé pour gagner le Périgord noir par la rive sud. J'avais même failli habiter à Lalinde, puisqu'en cherchant un hébergement en Périgord pourpre l'année dernière, j'avais postulé pour une cohabitation chez une habitante de la place, qui n'était cependant pas disponible avant septembre, ce qui ne faisait pas mes affaires. Pas de regret de toute manière, car Bergerac est une ville autrement animée, et plus proche de ma région natale qui plus est.


Ancienne bastide fondée par Henri III Plantagenêt, le cœur du bourg se démarque par son quadrillage presque parfait. Dans l'un des carrés centraux se situe une halle construite en 1865, où les habitants aiment s'arrêter prendre un rafraîchissement.


Ce n'est cependant pas le plus beau monument de Lalinde : on est en droit de lui préférer ce bel édifice médiéval qui accueille aujourd'hui l'office de tourisme intercommunal des Bastides Dordogne-Périgord, dont Lalinde est justement le siège.


Aménagé le long de la Dordogne, cet édifice offre une vue imprenable sur le pont, ce qui rappelle le rôle joué par la ville dans le commerce d'antan entre l'Auvergne et l'Aquitaine.


Trois pas plus loin, la place du souvenir permet elle aussi d'admirer le célèbre fleuve, bordé en cet endroit par une jolie balustrade ajourée. Sur la colline d'en face à Couze-et-Saint-Front, la petite église Saint-Front-de-Colubri s'élève avec discrétion au milieu des bois, ce qui ne l'empêche nullement de faire ombrage au vilain clocher de Lalinde qui lui répond depuis la rive nord.


Pour être franc, les bâtiments les mieux mis en valeur au bord de l'eau ne sont pas les plus charmants de la cité. Loin s'en faut. En témoignent les vestiges du château de Lalinde, dit de la Bastide : deux tourelles d'angle du XIIIe siècle se retrouvent désormais intégrées à ce pastiche du XIXe siècle. L'ensemble est à la fois très laid et complètement fascinant, ce qui est assez troublant.


Mieux vaut tout de même revenir dans les ruelles du centre-bourg pour y collectionner les fenêtres d'un bien meilleur goût : linteaux en accolade…


… fenêtres à meneau…


… façades à colombages…


… ou fenêtres Renaissance, il y en a pour tous les goûts, pour peu que l'on prenne de la hauteur.


Toutefois, le clou du spectacle lindois n'est pas une fenêtre mais une porte. Il s'agit de la bien nommée porte de Bergerac, évidemment ouverte sur l'occident, et dernier témoignage des remparts édifiés autour de la ville au XIVe siècle. La partie haute fut cependant rebâtie deux siècles plus tard, après les guerres de Religion.


Ces quelques vues font de Lalinde une étape agréable sur la route de sites autrement pittoresques dans la vallée de la Dordogne, vallée qui mériterait d'ailleurs d'être classée à l'Unesco vu toutes les beautés naturelles et patrimoniales que l'on peut y admirer tous les dix mètres. Lalinde souffre un peu de la comparaison avec des villages justement plus célébrés, mais la découverte de l'ancienne bastide fut loin d'être indigne en cette chaude soirée d'août. En regagnant Bergerac, je n'ai pas manqué de suivre le canal de Lalinde, difficile à photographier au bord de la grand route, mais absolument ravissant au soleil levant ou déclinant, lorsque les rayons dorent les feuilles des platanes dans la pénombre. De curieux aménagements hydrauliques en aval de la Dordogne seront évoqués prochainement, de même que de nouvelles découvertes cinématographiques qui m'ont permis de passer des soirées au frais devant l'écran d'argent, de l'effervescente Barbie à la plus solennelle Anatomie d'une chute. Stay tuned !