mardi 18 décembre 2012

I want to get married.


Dimanche, pour la première fois en un quart de siècle d'existence, j'ai enfin embrassé une cause corps et âme en me rendant à Bastille afin de marcher aux côtés d'un nombre incalculable mais très conséquent de partisans du mariage pour tous, n'en déplaise à certains journaux pour le moins spécieux. 

Jusqu'à présent, je n'avais jamais éprouvé le besoin de donner ma voix aux idéaux qui me correspondent pour une raison toute simple: je suis un grand rêveur dans l'âme, probablement bien plus naïf que je l'avais imaginé, aussi restais-je persuadé qu'une fois la gauche bien installée à l'Elysée et à l'Assemblée, voter l'égalité des droits pour tous irait de soi. Sauf que non, comme l'ont prouvé les récentes déclarations présidentielles sur "la liberté de conscience" des maires et cette propension perverse à vouloir un débat au lieu de prendre sans plus tarder le taureau par les cornes. C'est alors qu'à l'image de Catherine Sloper, je suis tombé des nues en réalisant que l'environnement dans lequel j'évoluais n'était pas si bienveillant que ça, ce qui ajouté à la consternation d'entendre tant d'homophobes se cacher derrière l'idée nauséabonde d'un handicap dans le développement personnel des enfants élevés par un couple de même sexe, n'a fait que décupler en moi le désir de participer enfin pleinement à cette grande cause.

Résultat: après m'être découvert tout particulièrement naïf, pour n'avoir pas voulu croire plus tôt que des gens adultes et a priori cultivés pouvaient être aussi fermés d'esprit, et qui sous couvert de ne pas me juger sur ma sexualité se frottaient finalement les mains de ne pas me voir accéder aux mêmes droits qu'eux, je fus heureusement tout à fait rassuré de voir que nous étions extrêmement nombreux ce dimanche pour lutter en faveur de l'égalité. Ainsi, ma toute première manifestation fut une expérience des plus enrichissantes, partagée avec des amis et des milliers d'inconnus dans une ambiance parfaitement chaleureuse, et vraiment, qu'il est grisant de nous savoir forts sur un tel sujet. Le clou du spectacle: deux enfants à leur fenêtre affichant un panneau en papier où l'on pouvait lire un émouvant "OUI", et acclamés comme il se doit par une foule en délire.

Dès lors, même si je ne fais qu'enfoncer des portes ouvertes, et même si je n'envisage pas de me marier dans l'immédiat, "husband is such an ugly word", j'ai enfin pris sur moi pour réclamer d'avoir le choix. Et nom d'une pipe, et nom d'une pipe, j'en suis fier!

mercredi 5 décembre 2012

I want to be alone.

L'année dernière, j'ai eu la chance de compléter ma collection Greta Garbo pour avoir visionné l'ensemble de sa filmographie, Gösta Berlings Saga ayant constitué la dernière étape d'une série de découvertes des plus fascinantes commencée en 2005, à l'occasion du centenaire de la naissance de la star. Depuis ma plus tendre enfance, j'avais toujours entendu parler de Garbo, mais je n'avais encore jamais eu l'occasion de la voir à l'écran. Oups. Mortifié à cette idée, je résolus de prendre le taureau par les cornes lors d'une flânerie à Virgin, où je découvris le fameux coffret Warner contenant huit films clefs d'une carrière mythique. Autant dire que je ne regrettai nullement cet achat et, après m'être délecté de multiples visionnages des oeuvres en question, j'entrepris de voir l'ensemble de la filmographie de la Divine, quitte à devoir me contenter parfois d'enregistrements TCM US pour les films les plus difficilement trouvables. Mais je ne désespère pas, et gageons que je posséderai bientôt toutes ces oeuvres en DVD, sachant qu'étant quelque peu masochiste j'envisage réellement de dépenser de l'argent pour Susan Lenox, c'est dire.

Bien, mais passons sans plus tarder au coeur du sujet, via une petite rétrospective de la carrière de la plus iconique de toutes les icônes.

1920-1922:


Premiers pas devant la caméra. La toute jeune Greta commence sa carrière cinématographique en tournant des films publicitaires sans grand intérêt, mais qui permettent toutefois au spectateur contemporain de jouer à "Où est Garbo?" en la recherchant parmi un groupe de jeunes filles assises en terrasse d'un restaurant, ou d'admirer l'icône essayer divers costumes fort peu seyants, à l'instar de ces pantalons à carreaux. A la même époque, alors qu'elle vient d'entrer au Dramaten de Stockholm, où elle fut l'une des rares à passer en troisième année, la jeune actrice fait également de la figuration aux côtés de sa soeur dans Le Joyeux Cavalier et Kärlekens ögon de John W. Brunius.


Plus marquante est revanche son apparition de quelques minutes dans Luffar-Petter d'Erik A. Petschler, où l'on s'amusera de la voir marcher au pas sous la direction d'une institutrice peu avenante, avant de la découvrir s'adonner aux joies du pique-nique au bord de l'eau. 

1924:

Gösta Berlings Saga (Mauritz Stiller). 

Repérée par Stiller au Dramaten, l'actrice se voit offrir son premier rôle développé au cinéma, et prend par la même occasion le nom de scène qui fera d'elle un mythe. 1924 est donc une année phare pour Garbo puisque Gösta Berlings Saga n'est rien moins... qu'un chef-d'oeuvre absolu, l'un des meilleurs films muets qu'il m'ait été donné de voir, où tout, depuis la mise en scène inspirée de légendes nordiques à la complexité des intrigues croisées, en passant par des personnages extrêmement bien développés interprétés par des acteurs tous plus géniaux l'un des que les autres, est d'une perfection totale. Dans le rôle d'Elisabeth Dohna, la comtesse italienne découvrant son pays d'adoption, Garbo se révèle sublime dans chacune de ses scènes et laisse présager de très bonnes choses à l'avenir. Malgré tout, ce n'est pas le personnage le plus marquant, mais reconnaissons que, pour une toute jeune actrice fraîchement employée par le cinéma, parvenir à rester parfaitement mémorable devant des pointures telles que Karin Swanström et Gerda Lundequist, ainsi que les déjà excellents Lars Hanson et Jenny Hasselqvist, c'est un exploit digne de tous les éloges. Inutile de préciser qu'avec tout ce beau monde, on ne voit absolument pas passer les trois heures de fiction.

1925:

Die freudlose Gasse (Georg Wilhelm Pabst). 

Et hop! A peine un film au compteur que Garbo est déjà en train de s'internationaliser, puisque c'est cette fois-ci en Allemagne qu'elle tourne son nouveau projet. Là aussi, le film se révèle très long, sans avoir cependant la force du précédent. Il faut dire que la tonalité très sombre du sujet, et la partie assez terne consacrée à Asta Nielsen, n'ont pas réussi à capter mon intérêt autant que je l'aurais voulu, mais La Rue sans joie n'en reste pas moins un bon film teinté d'une coloration politique. Si Nielsen a manifestement clamé ne pas trouver de talent à sa partenaire, Garbo, qui n'estimait pas non plus sa propre prestation, lui vole pourtant largement la vedette, faisant de son personnage plus moral le véritable centre d'attraction de l'histoire. A noter également la poignante impression laissée par Hertha von Walther, souvent confondue avec Marlene Dietrich, qui par l'intensité de ses regards parvient à prendre à la gorge en rendant toute la noirceur de l'intrigue.

1926:

Torrent (Monta Bell). 

En quête de talents européens afin d'asseoir sa réputation, la toute nouvelle MGM, née de la fusion de trois studios, fait venir Stiller et Garbo aux Etats-Unis dans le but de leur faire tourner The Temptress. Mais c'est d'abord dans Torrent que l'actrice fait ses débuts à Hollywood, ce qui reste d'ailleurs une bonne entrée en matière vu le succès du film et les critiques dithyrambiques sur sa performance, Variety louant une jeune fille ayant tout pour elle: "la beauté, le talent et la personnalité". Il faut dire que Garbo crève littéralement l'écran dans son premier film américain, son personnage fort de cantatrice espagnole de retour dans son village natal et ses rapports tourmentés avec Ricardo Cortez étant par ailleurs fort bien mis en valeur par cette histoire de torrent menaçant. Isolée dans sa maison à proximité du danger, l'héroïne est absolument sublime lorsqu'elle se moque de son amant venu la sauver.


The Temptress (Mauritz Stiller, Fred Niblo). 

La première tache sur le CV de Garbo, la faute au déséquilibre provoqué par le changement de réalisateur au beau milieu du film, soit disant à cause de la barrière du langage dont était tributaire le suédois Stiller. On se retrouve dès lors avec un film dont le début n'a absolument rien à voir avec les deux autres tiers, et l'impression d'étrangeté de l'ensemble est d'autant plus grande que la première partie frise le chef-d'oeuvre, quand le reste tend clairement plus vers le navet. Ainsi, on se retrouve avec un excellent début où la mise en scène grandiose et poétique pose les bases d'une intrigue a priori complexe, enveloppée par l'aura de mystère tournant autour de l'héroïne. Mais patatras! Après une brillante scène de dîner parisien qui laisse entendre que Garbo ne serait pas aussi innocente qu'elle n'en a l'air, le scénario entreprend un virage à 180° pour déplacer le coeur de l'histoire en... Argentine, un pays d'hommes (!), où le labeur est celui des hommes (!) et où la virilité des spécimens masculins n'est plus à prouver (!), comme le rappellent de façon très subtile les intertitres. Dès lors, tout ce qui avait été mis en place dans la première partie se trouve balayé d'un revers de la main, l'intrigue préférant se consacrer à de virils combats de fouets, Ay, Ay Ay! Si au moins les combattants, torse nu, avaient le bon sens d'être attrayants, on pourrait éventuellement être divertis, mais ce n'est objectivement pas le cas. Mais ne soyons pas tristes, car heureusement, le film se rattrape avec un superbe final... sorti de n'importe où, et probablement scénarisé par une mormone sous acide. La preuve, c'est qu'on a même réussi à trouver de la place dans le casting pour...


... Jésus Christ, habituellement sous contrat avec le Vatican. Quoi qu'il en soit, Garbo ne parvient nullement à sauver l'ensemble du désastre, notamment dans les scènes argentines où elle reste essentiellement en arrière-plan à regarder les hommes se mutiler. Par bonheur, le film ayant été un succès public, son image n'en fut que renforcée. C'est toujours ça de pris.


Flesh and the Devil (Clarence Brown). 

La première collaboration de la star avec son réalisateur fétiche reste sont film muet le plus connu, sans doute parce que Garbo partageait pour la première fois l'affiche avec John Gilbert et que leur couple à l'écran fit des ravages dans les salles de cinéma. L'actrice ne se reconnaissait pourtant pas dans les rôles de séductrices, ayant toujours désiré jouer en priorité des femmes "vertueuses, mais intéressantes", mais il n'en reste pas moins qu'elle irradie à chaque seconde dans le rôle de Felicitas, notamment dans des scènes d'une formidable puissance érotique, qu'elle allume une cigarette dans la pénombre, qu'elle défie son époux du regard tout en embrassant vigoureusement Gilbert, ou qu'elle tourne une coupe de vin en pleine messe pour boire à l'endroit où a bu son amant quelques secondes plus tôt. De leur côté, les personnages masculins déçoivent quelque peu en restant trop naïfs, ce qui est dommage vu le potentiel de Lars Hanson et John Gilbert dans d'autres films.

A noter encore que le film est empli d'un homoérotisme constamment latent, les étreintes et regards que s'échangent les deux amis d'enfance étant pour le moins ambigus.

1927:

Love (Edmund Goulding). 

Vous aussi vous pensiez qu'Anna Karénine était une histoire tragique? J'ai le regret de vous apprendre que vous vous fourvoyez! La preuve, c'est que la bande-son orchestrée pour la sortie du DVD se paye le luxe d'insérer au beau milieu d'une excellente musique des... rires en boîte sortis tout droit d'une sitcom contemporaine. Argh. Mais indépendamment de ça, le film n'en reste pas moins très drôle, que ce soit pour l'apparition de George Fawcett et d'Emily Fitzroy en aristocrates burlesques, ou pour l'évident décalage par rapport au texte originel. Vous serez dès lors ravis d'apprendre qu'Anna et Vronski se rencontrent dans une auberge au fond des bois où des musiciens viennent leur suggérer, à grand renfort de regards lubriques, que les deux sont vraisemblablement faits l'un pour l'autre et qu'il serait grand temps de consommer cette affaire. Par la suite, le film reprend une tonalité plus tragique pour cadrer à peu près avec l'histoire (c'est pas comme si l'oeuvre n'était rien d'autre qu'une exploitation des rumeurs sur la liaison Garbo-Gilbert à la ville), avant de se clore sur un final alternatif: triste pour les Européens, heureux pour les Américains, la ménagère californienne des Années Folles ne pouvant décemment pas supporter de voir son héroïne se jeter sous les roues d'un train. Ceci dit, malgré les innombrables libertés prises avec l'histoire, le film n'en reste pas moins très séduisant, et permet à Gilbert et Garbo d'illuminer à nouveau l'écran pour notre plus grand plaisir, leurs prestations étant d'ailleurs impeccables. 

1928:

The Divine Woman (Victor Sjöström). 

Evidemment. Un film réalisé par Victor Sjöström, qui venait tout juste de tourner The Wind, où Garbo retrouve Lars Hanson, le tout sur une intrigue inspirée de la vie de Sarah Bernhardt, et il faut que ce soit une oeuvre perdue. Argh. Par bonheur, une bobine de neuf minutes a été retrouvée et intégrée au DVD de Mysterious Lady, ce qui permet d'admirer un échange savoureux entre les deux interprètes, dans lequel Garbo se montre à la fois triste et enjouée. A noter que c'est ce film qui valut à l'actrice le surnom "La Divine", comme pour inscrire la star dans une filiation avec la grande Sarah. La classe.


The Mysterious Lady (Fred Niblo). 

Sachant que Fred Niblo a réalisé l'essentiel de la Tentatrice, on serait tenté de s'attendre au pire... mais ce n'est heureusement pas le cas. The Mysterious Lady est effectivement un excellent film où Garbo irradie en espionne russe intéressée par les documents secrets d'un officier autrichien, avant de donner vie à une seconde partie haletante où l'héroïne, à la fois menacée par un effrayant Gustav von Seyffertitz et tiraillée par son impossible amour envers Conrad Nagel, confine au divin. Si la scène de cour martiale et le passage des partitions de piano sont d'une intensité à couper le souffle, le moment le plus marquant reste tout de même la scène de séduction où Garbo, de retour de l'opéra, allume d'une manière ultra érotique une série de candélabres. En un mot : fascinant.


A Woman of Affairs (Clarence Brown). 

Probablement le plus grand rôle muet de la star. En effet, si le personnage bénéficie à nouveau d'une dimension de tentatrice venant remettre en question le ménage formé par les excellents John Gilbert et Dorothy Sebastian, cette Diana Merrick Furness se révèle beaucoup plus humaine que bon nombre des héroïnes précédentes, de quoi permettre à Garbo de nuancer constamment son jeu depuis l'héritière dynamique typique des Années Folles à la femme sacrificielle blessée par les codes sociaux. Les relations entre chaque protagoniste sont en outre admirablement bien développées, ce qui ajouté à l'excellence de l'actrice fait de ce film l'un des meilleurs de sa carrière.

1929:

Wild Orchids (Sidney Franklin). 

Seulement trois personnes au générique: une femme, deux hommes... Tout est dit, à tel point qu'on se demande comment Lewis Stone fait pour ne pas se rendre compte plus tôt de ce qui se trame dans son dos. Mais le vrai problème du film n'est pas tant ici que dans sa tentative maladroite de pallier ce schéma convenu en ajoutant d'interminables scènes inutiles qu'on intitulera "la demi-heure exotique", ou "comment Garbo part à la découverte d'un intérieur javanais". "Oh! Les jolies marches, la jolie maison, la jolie chambre, les jolies servantes, le joli mécanisme pour se rafraîchir; puis oh! La jolie danse, la jolie seconde danse, la jolie... troisième danse! Sans oublier les jolis costumes..." Stop! Pitié! J'adore les chinoiseries, mais trop, c'est trop! De fait, trop de scènes ne sont qu'un prétexte exotique pour faire tenir le film sur toute sa longueur, les trois quarts d'entre elles ne servant absolument pas l'intrigue, quoique collant tout de même bien à l'atmosphère générale pour en rehausser la moiteur et la volupté. De son côté, Garbo parvient à tirer son épingle du jeu en se montrant sensuelle, auréolée de mystère et de mélancolie, et s'efforçant de dissimuler les choses aux autres ou à elle-même. Mais il est dommage que le climat du tout soit aussi étouffant, car plus de légèreté n'aurait que renforcé sa performance, à la différence de l'effet rendu par le costume exotique qu'on lui fait porter pour éveiller les sens de son mari.


The Single Standard (John S. Robertson). 

Nouvelle collaboration avec Nils Ashter, nouveau film sur le thème du triangle amoureux. Mais par comparaison, Wild Orchids l'emporte tout de même car les flots d'exotisme parvenaient au moins à éveiller quelque peu l'intérêt. Ici, le film est trop statique et trop peu original pour susciter la moindre émotion. Garbo y est toutefois impeccable, comme à son habitude, mais son personnage a bien du mal à se singulariser, se contentant de recouper des thématiques déjà aperçues dans d'autres films: la jeune héritière des Années Folles calquée sur A Woman of Affairs, l'éternel sentiment de culpabilité de la femme adultère mis en exergue dans les fictions précédentes, etc.


A noter cependant que pour la première fois, Garbo déclare désirer qu'on la laisse seule, en l'occurrence lors d'une promenade citadine au milieu de la foule.


The Kiss (Jacques Feyder). 

De peur que l'accent suédois de la Divine passe mal à l'écran, en cette période où les grandes stars du muet jouaient quitte ou double pour espérer passer le stade du parlant, la MGM choisit de repousser l'échéance en faisant tourner un dernier film muet à Garbo. Voilà qui permet à l'actrice de clore brillamment cette période de sa carrière puisque The Kiss constitue un bon film policier, très bref mais passionnant, soutenu par une bande-son tchaïkovskienne des plus plaisantes. Si Garbo se retrouve à nouveau dans le rôle d'une femme adultère, on est loin de la pesanteur des deux films précédents, sans compter que la tonalité plutôt légère de l'ensemble met infiniment bien en valeur l'alchimie se dégageant des rapports de la star avec Conrad Nagel et Lew Ayres. L'actrice ne manque d'ailleurs pas d'irradier à chaque plan sur son visage, de quoi faire de cette fiction sympathique un très agréable moment. 

1930:

Anna Christie (Clarence Brown). 

Garbo Talks! Pour la première fois les spectateurs américains peuvent entendre l'icône parler à l'écran et, comme on peut s'en douter, le rendu est un éblouissement de tous les instants, la voix légèrement grave de la star, teintée d'un irrésistible accent suédois, étant absolument divine à écouter. Et bien entendu, ce n'est que la moindre de ses qualités, car Garbo est en tout point brillante dans ce rôle triste de fille perdue revenant vivre sur la péniche de son père sur les docks de New-York, et autant dire que si le personnage tranche quelque peu avec les femmes distinguées auxquelles l'actrice nous a plus habitué, elle n'en reste pas moins extrêmement crédible en jeune femme un peu plus rustre, notamment lorsqu'elle commande un whisky sous les yeux scrutateurs d'une Marie Dressler intriguée. Ceci dit, si ces deux performances féminines sont des plus réussies, Garbo ayant bien mérité sa nomination à l'Oscar en dépit d'une théâtralisation à outrance qui la déconnecte un peu trop du personnage, le film dans son ensemble n'a rien d'exceptionnel. Finalement, on ne peut que féliciter les deux dames d'en élever le niveau face à des protagonistes masculins des plus crispants.


Romance (Clarence Brown). 

Là aussi, le rôle de la voix est essentiel puisque Garbo interprète une cantatrice italienne. Si le film s'arrange habilement pour ne pas la montrer en pleine représentation, ça n'empêche nullement l'actrice d'être tributaire d'un léger problème vocal... son accent étant tout sauf italien! Parce que, non, ces "R" roulés sur plusieurs secondes font bien moins latins que germaniques, mais par bonheur, il ne s'agit que d'un tout petit hic au sein d'une performance des plus réussies. En effet, Garbo éblouit en grande dame enjouée et dynamique, et force est de reconnaître que l'ambiance relativement légère du film par rapport aux grands drames plus habituels lui sied à ravir. Souvent critiqué, le film n'a peut-être rien d'un chef-d'oeuvre mais il reste tout à fait plaisant et délectable.

1931:

Anna Christie (Jacques Feyder). 

Devenue la plus grande star mondiale, Garbo est sollicitée pour tourner une version allemande d'Anna Christie spécialement destinée au public européen. Calquée à l'identique sur le film de Brown, cette oeuvre devait théoriquement avoir une tonalité plus sombre pour mieux correspondre aux attentes du public outre-Atlantique, mais, bien qu'il me faudrait la revoir pour m'en refaire une idée plus précise, il ne me semble pas avoir vu de différence entre les deux, si ce n'est que le protagoniste masculin y est un peu moins irritant que dans la version américaine. Quoi qu'il en soit, Garbo y est toujours très bien, mais elle n'apporte rien de nouveau par rapport à son travail dans l'autre film.


Inspiration (Clarence Brown). 

Preuve qu'on ne change pas une recette qui gagne, ces retrouvailles avec Brown exploitent à nouveau tout ce qui a déjà été vu auparavant : personnage de courtisane, en l'occurrence muse de l'intelligentsia parisienne; amours contrariées avec Robert Montgomery sur des questions de sincérité et de respectabilité, etc. Avec The Single Standard, le film le plus oubliable de la carrière de la star.


Susan Lenox: Her Fall and Rise (Robert Z. Leonard). 

Diantre! Une collaboration Clark Gable - Greta Garbo, ce devrait être un bon film, non? Que nenni! Susan Lenox a l'insigne honneur d'être... le plus mauvais film tourné par la Divine. Pour commencer, il n'y a pas l'ombre d'un début d'alchimie entre les deux acteurs, ce qui pour une intrigue amoureuse est une très mauvaise entrée en matière, Gable ayant notamment trouvé sa partenaire trop hautaine: sans blague! Hélas, ce n'est pas le pire, car le grand exploit du film reste avant tout d'enchaîner des situations toutes plus grotesques les unes que les autres, sans jamais prendre la peine de donner la moindre cohérence aux héros. Car comment croire que l'héroïne est capable de soutenir une thèse sur le désir masculin alors que quelques minutes plus tôt elle ne connaissait pas le mot "maison" et faisait la causette à un "pauvre petit poisson"? Et là, vous vous dites qu'on a touché le fond, non? Si seulement! Parce que... Comment a-t-on pu penser un seul instant que ce serait une bonne chose de...


... coller des étoiles sur la poitrine de Garbo?! Mais quelle idée! Et après on s'étonne que la star soit particulièrement mal à l'aise pour jouer la détresse amoureuse! Enfin bon, sachant que l'héroïne finira ses jours dans un bar perdu en pleine forêt amazonienne où elle retrouvera, par le plus grand des hasards, l'amour de sa vie, on se dit qu'il n'y a plus lieu de s'étonner de quoi que ce soit.


Mata Hari (George Fitzmaurice). 

Forcément, comparé à Susan Lenox, Mata Hari passerait pour un chef-d'oeuvre absolu. Pourtant, le film est loin d'être réussi, même si Garbo parvient heureusement à tirer son épingle du jeu. Mais décidément, l'ensemble est bien trop statique, à l'image de cette scène de danse inutile puisque coupée aux trois quarts pour être soit disant trop osée, sans compter que l'histoire reste plombée par des protagonistes masculins particulièrement lourds, entre un grand méchant Lionel Barrymore et un Ramon Novarro qui a perdu tout son charisme en passant au parlant. Dès lors, si ce n'est Garbo, encore qu'elle soit loin de ses meilleures performances, il n'y a pas grand chose pour sauver cette fiction de l'ennui le plus total. Enfin ça, c'était avant. Avant que je découvre par le plus grand des hasards le doublage français intégré au DVD. Car avec cette révélation des plus lumineuses, j'ai finalement changé d'avis sur l'ensemble de l'oeuvre. Ainsi, Mata Hari est un film absolument jubilatoire, la voix de mégère qu'on a collé à Garbo ne lui allant tellement pas que chacune de ses répliques prend une tournure entièrement savoureuse. "Il a eu trèèès bon goût, elle n'est paaas ordinaire." "Prenez-moiii dans vos braaas." "Eteignez cette lampe, si vous m'aimez!" "Bonjour menteuse serait plus poli!" Aaaah! Dieu que c'est drôle! Même les religieuses qui de très classes en anglais deviennent complètement stupides en français sont à écouter sans modération. Malheureusement, ce n'est pas ça qui risque de rendre le film plus glorieux.

1932:

Grand Hotel (Edmund Goulding). 

Pour changer un peu de ces courtisanes toutes plus redondantes les unes que les autres, la MGM offre à Garbo un rôle de danseuse névrosée dans une prestigieuse production destinée à gagner l'Oscar du meilleur film, avec en prime des partenaires des plus luxueux. Sans être un chef-d'oeuvre, Grand Hotel est de facto bien meilleur que l'ensemble des films tournés par l'actrice l'année précédente, en particulier grâce à un scénario entrecroisant à merveille de multiples intrigues. Mais malheureusement, la Divine se fait voler la vedette par tous les autres interprètes. Il faut dire que Grusinskaya est un personnage assez crispant, et que ses répliques théâtrales plutôt pesantes détournent très vite l'attention vers les autres acteurs, notamment des frères Barrymore en grande forme et une tornade ultra rafraîchissante nommée Joan Crawford. A tel point que Grand Hotel n'a pas été intégré au coffret DVD Garbo mais à celui consacré à Crawford, ce qui n'est que justice car le film lui appartient. Détail non négligeable néanmoins, c'est dans cette oeuvre que la Divine prononce l'immortel "I want to be alone" qui lui collera à la peau jusqu'à la fin des temps.


As You Desire Me (George Fitzmaurice). 

Toujours dans une logique d'offrir à sa principale star des scenarii de meilleure qualité, la MGM tente d'exploiter une veine plus intellectuelle avec cette adaptation d'une pièce de Pirandello. Objectivement très plaisant, le film est idéal pour exploiter l'aura de mystère dégagée par l'actrice, laquelle y livre d'ailleurs une performance plus qu'honorable. Malheureusement, l'ensemble n'en reste pas moins raté, depuis cette perruque blonde platine qui ne sied pas du tout à Garbo, à ces personnages secondaires caricaturaux fort peu digestes. Mention spéciale à Rafaela Ottiano qui, après avoir été infoutue de reconnaître la mystérieuse inconnue de près, vient se la péter devant tout le monde sur le mode: "Je l'ai reconnue de près!" une fois son identité démasquée.


Visiblement embarrassée, Garbo ne peut retenir un facepalm bien compréhensible.

1933:

Queen Christina (Rouben Mamoulian). 

Fatiguée de cette série de rôles insipides et de films médiocres, Garbo prend des vacances de dix mois en Europe et laisse entendre qu'elle pourrait ne pas reprendre le chemin des studios si on ne lui propose pas un meilleur projet. La démarche s'avère payante puisque non contente de bénéficier à présent d'un contrat lui permettant de contrôler ses films, elle fait un retour triomphal avec rien moins que La Reine Christine. Forte de cette nouvelle position, la Divine fait remplacer Laurence Olivier par John Gilbert, dans une vaine tentative de l'aider à sauver sa carrière, et force est de reconnaître qu'il s'agit d'un choix judicieux. En effet, les deux acteurs éblouissent comme dans leurs grandes collaborations au temps du muet, même si Garbo capte tous les regards grâce à ce personnage royal réécrit sur mesure pour elle, grâce auquel l'actrice se délecte de jouer sur les identités sexuelles renversées. Cerise sur le gâteau, le film est un chef-d'oeuvre total, offrant à la Divine l'un des deux plus grands rôles de sa carrière. A voir et à revoir.

1934:

The Painted Veil (Richard Boleslawski). 

Continuant sur sa lancée, Garbo ne tourne plus qu'un film par an et livre à nouveau une très bonne performance dans un bon film. Alors certes, The Painted Veil n'est pas Queen Christina, mais on se félicitera surtout qu'il ne soit pas Wild Orchids, car tout exotique qu'il soit, la débauche de chinoiseries est ici savamment contrôlée et limitée à une scène de carnaval servant parfaitement l'intrigue. Sublime de bout en bout, Garbo émeut en jeune femme prise au piège d'un mariage ennuyeux, avec en point d'orgue les scènes d'ouverture dans lesquelles la Divine n'est rien moins qu'époustouflante en trouvant le parfait équilibre entre ennui, désir d'évasion, enthousiasme et dynamisme.

1935:

Anna Karenina (Clarence Brown). 

Quatre ans après Inspiration, Garbo retrouve Brown et tourne, dans cette seconde adaptation du roman de Tolstoï, l'un de ses meilleurs films. Divinement enjouée lors des scènes moscovites, superbement émouvante dans ses rapports avec son fils, sublimement touchante en compagnie de Vronski, extraordinairement torturée par Karénine, Garbo est tout simplement épatante et brille de mille feux dans chacune de ses scènes. Elle est en outre bien aidée par un casting des plus luxueux comptant Fredric March, mais surtout deux des meilleurs seconds rôles des années 1930, Maureen O'Sullivan en une Kitty vivace et spontanée, et Basil Rathbone en époux tellement classe qu'il m'a rendu follement amoureux. 

1936:

Camille (George Cukor). 

Mais malgré toutes ces indéniables réussites, Garbo frappe encore plus fort et livre, sous la direction de Cukor, la meilleure performance de sa carrière, la seule qui d'ailleurs ait jamais trouvé grâce à ses yeux. En effet, sa dame aux camélias est un éblouissement de tous les instants, avec notamment toutes ces scènes de souffrance amoureuse qui mettent particulièrement bien en valeur l'extraordinaire talent de tragédienne de la star. Mais le meilleur dans tout ça, c'est bien entendu la toute première partie où l'héroïne voit naître ses sentiments pour un Armand Duval fort bien joué par un attrayant Robert Taylor, et où Garbo est absolument indépassable en courtisane radieuse et amusée. Sans oublier cette apparition en tout point merveilleuse avec ce bouquet de camélias en mains. Nommée à l'Oscar pour ce rôle phare dans sa carrière, la Divine ne fut même pas récompensée, quoique sa défaite fit couler beaucoup d'encre, ce qui n'a rien d'étonnant vu les sommets atteints par elle dans ce film.

1937:

Conquest (Clarence Brown, Gustav Machatý). 

Après avoir enchaîné quatre rôles absolument sublimes en quatre ans, Garbo retrouve Brown pour la dernière fois dans un film qui, certes réussi, tranche quelque peu avec les précédents par son caractère moins étincelant. La Divine y est pourtant irréprochable, mais comparée à la Reine Christine et la Dame aux camélias, Marie Walewska fait quelque peu pâle figure. Heureusement, les rapports de l'actrice avec Charles Boyer sont excellents, de même que cet élégant dialogue avec May Whitty en Laetitia Bonaparte tout à fait compréhensive. A noter également une scène très drôle où l'empereur ahuri se fait joyeusement dénigrer par une amusante Maria Ouspenskaya en comtesse royaliste pas très en avance sur son temps. Quoi qu'il en soit, un bon film, mais clairement pas le plus marquant dans la filmographie de Garbo ou de ses partenaires.

1939:

Ninotchka (Ernst Lubitsch). 

Concrétisant un vieux rêve de Lubitsch qui désirait tourner avec la Divine depuis 1932, cette brillante comédie constitue le dernier chef-d'oeuvre de la carrière de Garbo. Mais quel chef-d'oeuvre! Hilarant de bout en bout, le film exploite à merveille la personnalité publique de l'actrice afin de préparer l'un des retournements de situation les plus drôles de l'histoire du cinéma, dans lequel la star rit aux éclats comme jamais auparavant. Parodiant avec délectation les moeurs austères d'une Russie stalinienne peu ouverte aux émotions, Garbo est fort bien aidée par un très bon Melvyn Douglas pour faire de cette délicieuse satire politique un enchantement dont on ne se lasse pas. Petite pensée tout particulière pour les scènes consécutives au fameux rire, notamment celle du conseil avec les autres envoyés moscovites, et celle de l'arrivée chez Douglas avec un nouveau chapeau : jamais Garbo n'aura été plus chaleureuse que dans ces moments-là, de quoi provoquer de multiples ravages.

1941:

Two-Faced Woman (George Cukor). 

Le point final d'une carrière exemplaire, la MGM n'étant d'ailleurs pas franchement mécontente de pousser la star vers la sortie suite à l'échec du film, en grande partie dû à sa date de sortie tombant en plein pendant les événements de Pearl Harbor. Garbo elle-même sentait que le personnage n'était pas fait pour elle, et pourtant, elle est excellente dans ce rôle comique, parfois encore plus drôle que dans Ninotchka. Malheureusement, le film ayant souffert de la censure, de nombreuses scènes furent coupées, de quoi ôter bien de la cohérence à l'ensemble, d'où le sentiment d'avoir affaire à un film inégal, quoique très plaisant. Cependant, Garbo n'y est absolument pour rien, et il reste fort dommage que ses efforts pour faire rire n'aient pas réussi à sauver la totalité de l'oeuvre. On pensera notamment à cette amusante scène de danse qui montre une actrice habituellement très posée ne pas se prendre du tout au sérieux. En somme, une note finale peu représentative de la filmographie de l'actrice, mais qui reste à voir pour tout cinéphile qui se respecte.

Quoi qu'il en soit, vu le nombre de chef-d'oeuvres que Garbo peut se targuer d'avoir à son actif, en plus de toutes ces performances très réussies, y compris dans des films ratés, son statut iconique et légendaire est pleinement mérité. Pour conclure, voici deux petits tops destinés à mettre en lumière les oeuvres clefs de sa carrière:

Top 5 performances: 5° Torrent, 4° The Painted Veil, 3° A Woman of Affairs, 2° Queen Christina, 1° Camille.

Top 5 films: 5° Anna Karenina, 4° Ninotchka, 3° Camille, 2° Queen Christina, 1° Gösta Berlings Saga.


dimanche 18 novembre 2012

Oscar du second rôle féminin 1939

Encore plus ingérable que les leading ladies 1939: les seconds rôles féminins. Au programme:

* Olivia de Havilland - Gone with the Wind
* Geraldine Fitzgerald - Wuthering Heights
* Hattie McDaniel - Gone with the Wind
* Edna May Oliver - Drums Along the Mohawk
* Maria Ouspenskaya - Love Affair

Vu le succès fracassant de Gone with the Wind, je pense ne pas trop me tromper en affirmant que la victoire devait se jouer entre Hattie et Olivia. De son côté, à l'affiche de deux grands succès de 1939, Dark Victory et Wuthering Heights, Geraldine Fitzgerald était elle aussi incontournable cette année, et j'imagine fort bien qu'elle parvint à se hisser à la troisième place dans le classement final. Pour les deux dernières, je ne sais pas qui eut l'avantage: Maria Ouspenskaya figurait dans un film nommé pour six Oscars, mais le personnage incarné par Edna May Oliver réussit sans doute plus facilement à marquer les esprits. Quoi qu'il en soit, Hattie McDaniel entra dans l'histoire en devenant la première actrice noire à être non seulement nommée, mais également oscarisée, contribuant par-là même à rendre encore plus légendaire cette année pour le moins mythique.

De mon côté, bien que satisfait avec la sélection officielle, je vais tout de même procéder à plusieurs changements. 

Je retire:

Edna May Oliver - Drums Along the Mohawk: Voilà un personnage qui a du caractère et de la personnalité et qui aurait amplement mérité sa nomination... à condition que le film ne fût pas autant raté. C'est malheureusement le cas et malgré tous ses efforts, Edna May Oliver ne parvient pas à relever le niveau, probablement parce qu'elle n'échappe pas à quelques incohérences, dont la plus flagrante est qu'elle semble presque s'amuser d'entendre les Indiens dire qu'ils vont mettre le feu à sa maison, avant de hurler cinq minutes plus tard: "Quoi? Vous allez mettre le feu? Non! Je ne vous laisserai pas faire!" Mais à part ça, la performance de l'actrice est tout à fait réussie. Elle domine ainsi de très loin l'ensemble du casting, dont un Henry Fonda un peu falot et une Claudette Colbert étonnamment mauvaise (la scène avec l'Indien), et reste la seule qui fait l'effort de créer un personnage mémorable dont la complexité est illustrée par quelques regards suggestifs. A vrai dire, elle est aussi la seule qui parvient à insérer de façon réussie du comique dans l'histoire par sa repartie et sa personnalité croustillante, là où le film échoue lamentablement dès qu'il se veut un tant soit peu drôle, à l'image de la séquence où on la transporte sur son lit avant de mettre le feu à sa maison, en raison des incohérences évoquées. Ceci dit, bien que l'actrice parvienne à rester amusante par elle-même y compris lorsque le texte s'ingénie à plomber sa performance, force est de constater qu'elle ne sort pas non plus de l'ordinaire et propose seulement une variation de tous ses autres rôles de vieille dame rigolote sous une apparence rigide. Dès lors, comme sa drôlerie reste très habituelle et qu'elle n'est pas en mesure de sauver certaines séquences très mal écrites, on se passera de cette nomination malgré une impression générale favorable, et le sentiment qu'elle est, avec la superbe photographie de Bert Glennon et Ray Rennahan, le seul élément positif du film. A noter encore que son grand moment épique pendant la bataille explique très probablement sa nomination, et le fait qu'elle soit restée dans les mémoires au moment des votes.


Maria Ouspenskaya - Love Affair: Aaaaah! Je l'adore et j'aimerais vraiment lui donner une nomination. Mais avec une concurrence aussi forte en face, c'est malheureusement impossible. Et pourtant, cette performance est absolument lumineuse, le grand exploit de l'actrice étant de parvenir à marquer les esprits presque autant qu'Irene Dunne et Charles Boyer en un peu moins d'une dizaine de minutes au sein du film. Vraiment, elle est à la fois divine et sublime en ne faisant strictement rien, à part être adorable, si bien que tout le monde, même le spectateur le plus endurci, ne peut qu'être touché par son personnage éminemment sympathique. Cerise sur le gâteau, la scène du piano où Maria Ouspenskaya se révèle bouleversante à souhait en regardant ses mains vieillies avec une véritable retenue et une modestie sincère qui émeuvent absolument. A pleurer. On n'a plus alors qu'à regretter son temps d'écran très réduit, mais elle laisse en définitive une impression si durable qu'on a toujours le sentiment que son rôle est bien plus développé qu'il ne l'est en réalité. Ça tient sans doute au fait qu'à l'instar d'une douce escale madéroise, Maria Ouspenskaya apparaît comme une véritable bouffée d'air frais qui agrémente joliment la croisière des héros, et même la délicieuse Cathleen Nesbitt n'a pas réussi à être aussi mémorable dans le remake de 1957, preuve qu'il y a bel et bien quelque chose dans cette performance, même si c'est indescriptible. Sans doute parce que Janou incarne l'idéal de la grand-mère aimante et cultivée qu'on a tous connu ou voulu rencontrer? Quoi qu'il en soit, il n'y a peut-être rien à dire dans le détail, mais rien qu'en se contentant d'être, l'actrice éblouit et laisse planer son souvenir dans le reste du film, ce qui demeure un bel exploit vu la minceur du rôle.


Olivia de Havilland - Gone with the Wind: A l'origine, je détestais Melanie, mais c'est une performance qui gagne des points à chaque visite même si je ne suis toujours pas disposé à lui laisser sa nomination. Il faut dire que le personnage m'a longtemps irrité, à grand renfort de phrases agaçantes comme "Oh, regarde à Wilkes, dans les W, à la fin" ou "Oh, comme je dois vous peser à ne rien faire alors que vous travaillez si dur" et blablabla. Néanmoins, tout en s'astreignant à marquer la profonde gentillesse parfois sirupeuse de Melanie, l'actrice suggère éminemment plus et ajoute d'autres dimensions par lesquelles elle reste fidèle à la psychologie du personnage sans pour autant en faire une pauvre petite chose niaise. Ainsi, Melanie frappe par sa force insoupçonnée qui la pousse à toujours aider autrui sans arrière-pensées, de Mrs. Mead en pleine guerre à Rhett Butler après la chute de Scarlett; mais elle surprend aussi très agréablement en se révélant capable de rabattre le caquet d'India Wilkes et de ne pas tenir rigueur à Scarlett d'une scène des plus scandaleuses avec Ashley. A ce moment-là, le sourire s'estompe à la vue de l'héroïne en pleines festivités, et l'on comprend bien que Melanie n'est pas dupe quoiqu'elle ait trop bon fond pour ne pas sauver son amie, qu'elle ne perçoit jamais comme une rivale, d'un très mauvais pas. On ne doute alors jamais de la réelle gentillesse de Melanie malgré son caractère qui s'affirme de plus en plus, et ce qui m'intéresse absolument dans cette composition, c'est la manière qu'a l'actrice de rendre justice à cette phrase du capitaine Butler à son sujet: "Elle a une trop haute conception de l'honneur pour croire que les gens qu'elle estime puissent en être dénués". Eh bien c'est justement ça qui est excellent: dans un rôle limité par une dimension de bonté qui phagocyte un peu tout le reste, Olivia de Havilland réussit à révéler que Melanie ne perd jamais son estime pour ses partenaires tout en soulignant qu'elle n'est cependant pas bernée par leurs actes. On se soucie alors vraiment de ce qui lui arrive, et je dois avouer que si j'ai longtemps été réfractaire à ce personnage, c'est sans doute parce que je partage précisément ce point commun avec Melanie, n'ayant jamais pu me résoudre à reprendre mon estime à certaines personnes qui ne m'ont pourtant pas ménagé. Dès lors, la proximité me faisait peut-être peur, a fortiori à notre époque où il est difficile de s'imposer en société sans cynisme. Quoi qu'il en soit, la performance d'Olivia de Havilland, et toutes les nuances qu'elle apporte à ce rôle étroit, restent une réelle réussite et je me demande vraiment, en écrivant, pourquoi je ne la nomme pas dans ma sélection...


Ma sélection:

Geraldine Fitzgerald - Wuthering Heights: Difficile de choisir entre ses deux très bons rôles 1939, mais malgré toute ma sympathie pour son Ann King de Dark Victory, j'ai tout de même tendance à être plus touché par son Isabella Linton des Hauts de Hurlevent. Dans l'adaptation d'Emily Brontë, l'actrice brosse en effet un très beau portrait de femme qui subit une évolution des plus drastiques, depuis la jeune fille dynamique à la mariée tragique. Et cette réussite est d'autant plus marquante que le personnage est traité de manière elliptique et qu'il semblait a priori bien difficile pour Geraldine de parvenir à être crédible dans les différentes périodes de la vie d'Isabella, surtout celle faisant suite à son mariage. Quoi qu'il en soit, l'actrice s'en sort admirablement à tous les niveaux: l'épouse sèche et prématurément usée est fort convaincante, mais ce sont surtout les scènes de jeunesse qui émerveillent: l'espoir de s'émanciper enfin aux côtés d'Heathcliff, sa façon de tenir tête à Catherine, son esprit vivace et pétillant... vraiment, Isabella en devient sublime et reste, grâce à l'incontestable talent de Geraldine Fitzgerald, le personnage le plus marquant de l'histoire.


Hattie McDaniel - Gone with the Wind: Mamma! Oui, je mets son nom francisé parce que j'ai d'abord découvert le film en français. Dans tous les cas, voilà un personnage absolument marquant au sein de ce chef-d'oeuvre, plus encore qu'Olivia de Havilland, et rien ne me fait plus plaisir que ce soit Hattie McDaniel qui ait obtenu le rôle (j'aurais hurlé si ç'avait été la généralement très fade Louise Beavers). Ainsi, Hattie trouve là le rôle de sa vie et, alors qu'elle savait déjà faire un sort à tous ses autres films y compris dans le plus minuscule rôle de figurante, elle a ici l'occasion de briller de mille feux dans un festival de grandes scènes qui rendent son personnage incontestablement mythique. Mamma est donc une forte personnalité idéale pour tenir tête à l'impétueuse Scarlett, et rien n'est plus jouissif que ce sourire d'autosatisfaction après avoir rappelé à l'héroïne qu'Ashley ne l'a toujours pas demandé en mariage. Mais finalement, Hattie McDaniel est sublime dans toutes ses autres apparitions, qu'il s'agisse pour Mamma de montrer son jupon à Rhett après avoir bu un verre de trop, ou d'éblouir dans de grands moments tragiques lorsqu'elle doit annoncer la mort de Mrs O'Hara ou relater la mort de Bonnie à Melanie. En clair, voilà un second rôle des plus juteux avec lequel l'actrice fait des merveilles, et on en redemande.


Mary Astor - Midnight: Comme toujours, la seule mention de Mary Astor au générique en dit long sur la qualité à venir, tant l'actrice se révèle à chaque fois monstrueusement superbe et charismatique. Et comme Midnight est l'une des comédies les plus drôles qui soient, elle ne manque pas d'être hilarante de bout en bout avec son divin personnage de grande aristocrate parisienne quelque peu hautaine qui voit d'un mauvais oeil son amant lorgner un peu trop du côté d'une non moins géniale Claudette Colbert. Pour commencer, les choix que fait Hélène Flammarion sont tous tellement inattendus que ça me rend complètement fou du personnage, depuis ce sourire forcé dans une chapellerie lorsque Hélène "prête" son amant à sa rivale, à cet élégant dialogue final avec John Barrymore incarné par deux mots des plus fascinants, "suprisingly little", en passant par ces hochements de têtes dans le dos de Don Ameche lors d'une scène mythique de petit-déjeuner. Mais bien entendu, ce n'est pas tout, et ce qui me séduit peut-être le plus dans cette performance, c'est que toutes les répliques d'Hélène prennent un tour absolument savoureux dans la bouche de l'actrice, avec en point d'orgue cet odieux mais délectable:  "Georges seems to be inviting everyone this weekend." Et bien sûr, ne pas oublier les charmants sourires d'une dame qui semble s'affranchir quelque peu de la hauteur de son rang lors d'une conga des plus extatiques. Bref, voilà une performance d'une constante drôlerie sur laquelle je vous invite tous à vous jeter si ce n'est déjà fait.


Ona Munson - Gone with the Wind: Outre les héros et l'inimitable Hattie McDaniel, mon quatrième personnage de prédilection dans cette grande fresque épique, c'est la flamboyante Belle Watling qu'incarne à la perfection une Ona Munson au meilleur de sa forme, même si l'actrice a par la suite regretté qu'on ait toujours cherché à lui faire jouer des rôles similaires. Mais quelles qu'aient pu être ses revendications, force est de reconnaître qu'elle est absolument excellente dans ce registre, et pour rien au monde il n'aurait fallu une autre interprète pour incarner Belle. En effet, sa performance combine tous les atouts qui étaient destinés à la faire entrer dans la légende, à savoir que l'actrice n'hésite pas à se montrer vulgaire sans jamais rien perdre de sa superbe, avant de faire monter les larmes en une poignée de regards touchants jamais forcés, lorsqu'elle doit s'incliner face à l'impétueuse Scarlett, ou conter son passé à Mélanie dans ce qui reste peut-être la plus belle scène du film. Et le rôle a beau être une énième variation sur le thème de la "pute au grand cœur", Ona Munson parvient à le rendre si divertissant qu'on n'a jamais l'impression d'une quelconque redondance. Au contraire: on aimerait qu'elle ait davantage d'apparitions!


Rosalind Russell - The Women: Attention les yeux, les oreilles et les zygomatiques, voici la performance comique la plus drôle du monde, et je pèse mes mots! Je me revois encore un soir d'hiver en train de marteler mon matelas à la façon des caricatures les plus usitées tant je n'en pouvais plus suite à la scène de la jambe de Paulette Goddard. Diantre! Que c'était drôle! J'ai beau avoir revu le film des milliards de fois depuis, ça me fait toujours le même effet! Et si encore il n'y avait que cette scène... Car l'ensemble de la prestation de Roz est du même acabit: chaque grimace, chaque sourire, chaque démarche, même quand elle est en arrière-plan, comptent parmi les choses les plus poilantes qu'il m'ait été donné de voir, sans parler des répliques tout aussi hilarantes! Et puis, voler la vedette à Norma Shearer, Joan Crawford, et tout le reste d'un casting ultra prestigieux, c'est très, très fort! Quant à savoir s'il s'agit d'un premier ou d'un second rôle, Russell est à mon avis plus leading que Crawford et reste celle qui assure le mieux les liaisons entre chaque interprète, mais j'ai malgré tout du mal à me convaincre qu'elle mérite d'être citée dans l'autre catégorie. 

Voilà qui est dit. Et passons dès à présent à la grande révélation du jour: the winner is...

Rosalind Russell - The Women

Bon, finalement, j'ai décidé de ne plus me priver et de couronner enfin la performance que je préfère inconditionnellement cette année: Sylvia Fowler! Sincèrement, c'est le rôle comique le plus drôle du monde et jamais Rosalind Russell n'aura été meilleure qu'ici. On peut certes préférer sa retenue et son incroyable diction dans His Girl Friday, mais voler la vedette à tout le gratin de la MGM dans la plus grande comédie du monde est un exploit insurpassable qui mérite récompense, d'autant qu'elle me fait beaucoup plus rire ici que dans son film suivant. Sur ce, Geraldine Fitzgerald se classe seconde pour ses deux très grands rôles de l'année, Hattie McDaniel troisième pour son personnage émouvant et croustillant malgré quelques clichés, Mary Astor quatrième pour son génie comique brillantissime et Ona Munson cinquième pour ses deux séquences fort touchantes qu'elle illumine de son charisme.

Quoi qu'il en soit, 1939 est une année surchargée d'excellents seconds rôles féminins, et l'on peut facilement trouver une bonne douzaine de candidates qui auraient toutes mérité le prix. C'est ce que Sylva Fowler va s'empresser de révéler via une liste des performances...

dignes d'un Oscar: Mary Astor (Midnight), Geraldine Fitzgerald (Dark Victory) (Wuthering Heights), Hattie McDaniel (Gone with the Wind), Ona Munson (Gone with the Wind), Rosalind Russell (The Women): voir ci-dessus. Mary Boland (The Women): après Roz Russell, c'est pour moi la plus grande performance du film, tant l'actrice réussit à être drôle à vous faire rouler par terre. Gladys George (The Roaring Twenties): alors là! Alors là! Elle est absolument fabuleuse, elle vole la vedette à tout le monde, elle est extrêmement émouvante et je regrette plus que jamais de devoir me limiter à cinq candidates!


dignes d'une nomination: Joan Crawford (The Women): la plus grande garce d'Hollywood dans un grand rôle de garce, ça ne pouvait que faire des étincelles. Bingo, c'est un véritable feu d'artifice de méchanceté, avec en prime un petit côté touchant à la fin! Bette Davis (Juarez): la première fois, je l'avais trouvée trop effacée ou trop hystérique suivant les séquences. A présent, j'en suis totalement fan. Sa performance est d'une très grande cohérence dans son évolution, et diantre, quelle puissance incandescente! Olivia de Havilland (Gone with the Wind): voir ci-dessus. Joan Fontaine (The Women): parce qu'elle fait tellement exprès d'être niaise qu'on tient là un sommet de comédie! Greer Garson (Goodbye, Mr. Chips): en fait, elle est tellement attachante et charismatique que non contente d'imposer sa très forte personnalité cinématographique, elle est la preuve vivante que sans elle, le film n'aurait même plus de raison d'être. Paulette Goddard (The Women): parce qu'il lui suffit d'un clin d’œil pour faire une entrée fracassante dans un casting de luxe, et que son charisme ne se dément jamais. En outre, elle se bat avec Roz Russell herselfVirginia Grey (The Women): certes, c'est un caméo. Mais quel caméo! A côté, même Joan Crawford se désintègre dans la seconde! Edna May Oliver (The Story of Vernon and Irene Castle): parce qu'elle vole la vedette à tout le monde, et qu'elle est à mourir de rire avec ses grimaces de grande dame pas si rude que ça, surtout quand elle découvre les surnoms donnés par Walter Brennan aux animaux. She steals the show! Barbara O'Neil (Tower of London): sublimement tragique et charismatique dans toute sa théâtralité, en plus d'être extrêmement cool la même année dans Gone with the Wind. Maria Ouspenskaya (Love Affair): voir ci-dessus. Claire Trevor (Stagecoach): sa capacité à rester totalement mémorable est vraiment impressionnante, surtout avec Thomas Mitchell en face.


séduisantes: Katherine Alexander (In Name Only): elle en fait beaucoup trop au début, mais sa dernière séquence m'a vraiment séduit. Edna Best (Intermezzo): un personnage empli de clichés, que l'actrice sait rendre attachant. Alice Brady (Young Mr. Lincoln): une Alice Brady toujours prête à crever l'écran, même avec trois fois rien. Jane Bryan (The Old Maid): techniquement, elle n'est pas très bonne, mais son dynamisme suffit à faire illusion. Esther Dale Muriel Hutchinson (The Women): des domestiques attachantes loin de perdre le nord. Jane Darwell (Gone with the Wind): parce qu'elle réussit à nous intéresser à une vieille bique qui s'offusque d'un rien en un clin d’œil. Olivia de Havilland (The Private Lives of Elizabeth and Essex): elle a une mauvaise scène de supplication à la fin, mais elle montre une forte personnalité dans le reste, malgré son jeu absolument pas subtil. Nanette Fabray (The Private Lives of Elizabeth and Essex): bon d'accord, elle n'est pas du tout expérimentée, mais je la trouve fabuleusement convaincante malgré tout. Et sa façon extatique de prononcer "Errrrrrol Flynn" dans le making-of lui fait gagner plein de points! Betty Field (Of Mice and Men): une bonne performance même si ce n'est pas le personnage le plus intéressant. Kay Francis (In Name Only): le scénario rend son personnage difficilement lisible, mais malgré ces limites, Francis s'acquitte de sa tâche plus qu'honorablement. Nan Grey (Three Smart Girls Grow Up): une grande sœur cool et sérieuse pour Deanna Darling. Susan Hayward (Beau Geste): le rôle est trop standard pour elle, mais on sent déjà sa forte personnalité prête à exploser. Laura Hope Crews (Gone with the Wind): elle en fait des tonnes mais je l'adore, surtout quand elle craque en fuyant Atlanta! Hedda Hopper (Midnight): "Oh, come on! Everybody do la conga!" A noter que j'ai beau haïr Hopper à la ville, elle est encore très drôle la même année dans The Women: ça c'est juteux! Priscilla Lane (The Roaring Twenties): elle est vraiment cool et dynamique sans pour autant laisser une impression très vive. Marjorie Main (The Women): la plus sublime des fermières, capable d'en remontrer aux plus huppées des dames des beaux quartiers! Una Merkel (Destry Rides Again): une actrice qui se crêpe le chignon avec Marlene Dietrich est forcément digne de tous les éloges! Dennie Moore (The Women): avouons que sa gouaille en pleine séance de manucure fait des merveilles. Florence Nash (The Women): elle aussi est très cool, même si c'est peut-être la moins intéressante des principales Women. Edna May Oliver (Drums Along the Mohawk) (Nurse Edith Cavell): preuve que son incontournable présence parvient à rendre n'importe lequel de ses projets un minimum intéressant. Maria Ouspenskaya (The Rains Came): il faut dire que même grimée en maharani imposante, Maria Ouspenskaya parvient à rester l'actrice la plus mignonne de l'univers! Helen Parrish (First Love) (Three Smart Girls Grow Up): dans le second elle est charmante mais trop gentille, alors qu'elle est judicieusement pimbêche dans le premier, sans pour autant s'imposer face à Deanna Darling. Phyllis Povah (The Women): loin de n'être qu'une pondeuse en série, elle est aussi hilarante, surtout lorsqu'elle s'illusionne sur son degré de commérage devant Joan Fontaine! Alicia Rhett (Gone with the Wind): elle est méchante et agaçante, mais elle le fait si délicieusement que je la préfère vraiment aux sœurs de Scarlett. Il faut aussi dire qu'elle geint moins, ça aide! Flora Robson (Wuthering Heights): une gouvernante dévouée à l'héroïne et qui ne veut pas blesser Heathcliff sans pour autant parvenir à l'apprécier. Ça la rend complexe et fait sortir le personnage des sentiers battus. Gale Sondergaard (Juarez) (The Cat and the Canary): dans le premier, sa très grande classe estompe son cruel manque de subtilité. Par contre, dans le deuxième, elle réussit l'exploit d'être drôle à se tordre les côtes rien qu'en apparaissant dans l’entrebâillement d'une porte! Une performance de génie! Lucile Watson (The Women): encore une autre dame très mémorable, surtout lorsqu'elle aseptise la chambre de Norma Shearer avec du parfum après le passage de ses amies cancanières! Virginia Weidler (The Women): une très jeune fille coolissime qui soutient admirablement la comparaison avec ses aînées. Le Juvenile Oscar 1939, c'est elle!


sans saveur: Ina Claire (Ninotchka): d'accord, elle est classe, mais elle est juste méchante, sans rien de plus. Mieux vaut voir Constance Bennett dans Two-Faced Woman, deux ans plus tard. Olivia de Havilland (Dodge City): le grand problème du film, c'est que les personnages féminins sont juste là pour faire joli. Et Olivia n'échappe malheureusement pas à la règle... Virginia Grey (Another Thin Man): on va dire que c'est de la faute du film si elle est aussi peu mémorable... Impossible de croire que Virginia Grey ait pu ne pas être fabuleuse ne serait-ce que cinq secondes dans sa vie! Margaret Hamilton (The Wizard of Oz): oui, certes, elle est verte et iconique, mais sérieusement, il faut arrêter d'en faire tout un foin, elle fait juste son job correctement mais sans aucun génie. Rita Hayworth (Only Angels Have Wings): malheureusement, en 1939, on est plus près de la potiche de Susan and God que de Gilda... Brenda Joyce (The Rains Came): en soi elle est plutôt cool, mais on pourrait l'enlever du scénario que ça ne changerait rien à l'histoire, et elle n'est pas assez mémorable pour justement donner envie de la conserver. Butterfly McQueen (Gone with the Wind): évidemment, personne n'est dupe, et l'on sait que l'actrice aurait voulu faire bien mieux. Mais que tirer de ce personnage à clichés, traité avec un racisme non dissimulé? D'autant qu'avoir la voix la plus nasillarde du monde ne joue, pour le coup, pas vraiment en sa faveur. Ann Sheridan (Dodge City): quand elle apparaît sur scène pour chanter I'se Gwyne Back to Dixie, on s'attend à un superbe personnage très cool et puis... non, elle était juste là parce qu'il fallait une séquence au saloon. Dommage, car il y avait du potentiel.


ratées: Billie Burke (The Wizard of Oz) (Topper Takes a Trip): navré, la dame m'insupporte jusqu'au point de non retour, et son excentricité toute relative n'aide pas à faire passer la pilule. Joan Fontaine (Gunga Din): ah non! Sorry Joan, mais être réduite au rang de cruche de service gémissant avec des regards niais, mais ailleurs que dans une parodie, ça ne peut vraiment pas marcher! Rendez-nous Peggy Day! Lotus Long (Mr. Wong in Chinatown): je sais, c'est de la série B dans toute son horreur, mais cette princesse agonisant par paliers, en prenant le temps d'écrire le nom de son assassin sur un papier qu'elle prend bien soin de froisser en s'effondrant, ne pouvait décemment pas passer inaperçue! Verree Teasdale (5th Ave Girl): à l'origine, elle est à peu près aussi drôle qu'un bâton de berger, et lorsqu'elle veut vraiment se donner les moyens de faire rire, ça se limite à se balader dans sa maison avec une casserole de soupe chaude... Haha ha... ha... Helen Vinson (In Name Only): ultra crispante et sans aucune subtilité, elle réussit à nous faire nous demander si notre antipathie à son égard ne viendrait pas plus d'elle que de son personnage... Lucile Watson (Made for Each Other): non seulement son personnage de mère castratrice est déjà très ennuyeux à la base, mais sa façon très mauvaise de mimer un évanouissement ne peut tout de même pas être accepté. Même en admettant que le personnage joue la comédie, c'est trop mal fait!


atroces: Nancy Kelly (Jesse James): pour le coup, elle est vraiment mauvaise, avec son visage aux expressions """quelque peu""" exagérées!




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