dimanche 20 mai 2012

Oscar de la meilleure actrice 1927/1928

Dès d'aujourd'hui, j'inaugure ma série des Oscars de la meilleure actrice, premiers et seconds rôles (les acteurs et les films viendront plus tard), et je précise d'emblée que je ferai remonter les seconds rôles dès 1928, puisqu'il serait bien dommage d'occulter plein de bonnes performances sous prétexte que l'Académie n'eut le bon sens de les mettre en avant plus tôt. Pour le reste, je m'en tiendrai aux règles du jeu, en respectant la césure des premières années, en me limitant à cinq candidates par an, et en me basant sur la date de sortie des films à Los Angeles. En ce qui concerne les performances en langue étrangère, je prendrai en considération celles qui purent bénéficier d'une nomination, ou à défaut, celles issues de films nommés dans d'autres catégories que le strict Oscar du meilleur film étranger. Et là, vous allez me dire: « Encore un blog sur les Oscars ? Et pourquoi donc? » Eh bien, parce que... Irene Dunne, Greta Garbo et Barbara Stanwyck ont toutes été lésées en 1937, et qu'il est grand temps de rendre à Oscar ce qui lui revient de droit. Parce que Myrna Loy et Tallulah Bankhead n'ont jamais reçu une seule nomination, et qu'il est vital de rattraper ces oublis fâcheux. Mais surtout parce que... je n'ai encore jamais lu un blog sur le sujet où l'on attribue un Oscar à Miriam Hopkins, et que, n'en déplaise à Bette Davis, il est absolument nécessaire d'y remédier dans les plus brefs délais!

Passons donc dès à présent aux choses sérieuses: je déclare ouverte la cérémonie de mes Oscars alternatifs. Et on commence tout de suite avec rien moins que le tout premier cru des Oscars de la meilleure actrice dans un premier rôle, la saison 1927-1928.

Pour rappel, les films en compétition devaient alors être sortis entre le 1er août 1927 et le 31 juillet 1928, de quoi conduire l'Académie à sélectionner:

• Louise Dresser – A Ship Comes In
• Janet Gaynor – Seventh Heaven, Street Angel & Sunrise
• Gloria Swanson – Sadie Thompson

Comme on le sait, les règles lors de cette première cérémonie n'étaient pas encore fixées, et les nominations n'étaient pas vraiment officielles: les actrices ainsi listées furent celles qui reçurent le plus de voix lors du décompte, et l'on ne savait pas encore si l'on devait récompenser une interprète pour sa performance la plus marquante, ou lui donner un prix pour l'ensemble de son œuvre au cours d'une même saison. Favorisée de la sorte par ce système pas encore au point, la toute nouvelle venue Janet Gaynor remporta sans surprise le trophée puisqu'elle venait de triompher dans trois films phares, dont deux cités dans les catégories les plus prestigieuses, ce qui tend d'ailleurs à confirmer la tendance des Oscars à toujours préférer une ingénue sortie de n'importe où face à des actrices plus confirmées ayant déjà fait leur preuves. Mais en 1929, la visibilité de Janet Gaynor était si grande que l'issue du vote ne fit aucun doute, même si quelque chose me dit que la victoire n'aurait pas été aussi facile, Mary Pickford eût-elle décidé de concourir pour My Best Girl.

Mais qu'en est-il plus précisément de la sélection officielle?

Je retire :

Louise Dresser dans A Ship Comes In: Louise Dresser est une bonne actrice : il n'y a qu'à voir ses rôles de tsarines dans The Eagle et The Scarlet Empress pour s'en convaincre. Mais coincée comme elle l'est ici dans un film franchement médiocre qui ne lui donne l'occasion que de rester en retrait face à un époux d'une complaisance effrayante, elle a du mal à donner de la chair à un personnage de second plan mal écrit. Ce qui ne veut pas dire qu'elle est mauvaise, mais elle se contente de jouer cette mère de famille inquiète exactement comme on l'attend, sans la rendre plus intéressante. En fait, elle ne joue principalement qu'avec deux expressions: d'une part en affichant des sourires assez tendres lors des rares moments de gaieté, notamment lorsqu'elle prépare un gâteau avec ses enfants, ou quand sa fille joue avec la lampe du médecin en pleine inspection à Ellis Island; et d'autre part en ajoutant une certaine dose d'ahurissement à son inquiétude naturelle dans la majeure partie du film, d'où une série de regards fixes et de bouches entrouvertes, effet un peu redondant mais guère étonnant de la part d'une actrice de films muets. Autrement, les séquences qui lui demandent le plus d'expressivité sont assez surjouées, en particulier quand elle pleure le départ de son fils au front tout en essayant de sourire à son mari qui la réconforte, un mélange d'émotions pas très heureux; ou encore lors de la scène de la lettre où, après avoir fait naître sur son visage l'avidité d'en connaître le contenu, elle se sent obligée de secouer la lectrice comme un prunier pour souligner son affolement. Par bonheur, les excès ne durent jamais longtemps, et dans cette dernière scène, elle se calme très vite pour revenir à un visage plus grave qui en dit long. Concrètement, le meilleur moment dans cette performance, c'est lorsqu'elle tente de défaire son fils de l'intérêt qu'il porte à la guerre, en lui montrant son gâteau d'anniversaire pour le retenir: celui-ci se met alors à compter les bougies tandis que sa mère, soulagée, se tourne vers ses autres enfants, une main sur la bouche et l'autre sur la hanche, en guise de satisfaction. Mais très vite, la parade militaire se fait entendre et Dresser en revient illico presto à ses expressions inquiètes, tout en soulignant son amour pour son fils en gardant la main le plus longtemps possible sur son bras avant de quitter la pièce. En somme, elle tente vraiment de nourrir sa composition en ajoutant tout ce qu'elle peut (la manière qu'elle a d'agiter les mains en guise de régal, par exemple), mais on aurait quand même préféré que son rôle ait plus de texture, et lui permette de faire autre chose que la mère standard inquiète et endurante. Mais si elle n'a finalement pas grand chose à faire, elle reste malgré tout le seul bon aspect du film, voire une véritable bouffée d'air frais après l'indigestion provoquée par les mimiques grotesques de Rudolph Schildkraut.


Janet Gaynor dans Seventh Heaven: Peu importe le degré d'émotion, j'ai en horreur ce genre de personnages crispants qui restent là à vous regarder avec des yeux de chien battu au lieu de tenter quelque chose pour se sortir d'une situation particulièrement misérable, et ce à grand renfort de regards plus vides qu'expressifs. Heureusement que quelques bons moments viennent éclairer le tout, lorsque l'héroïne se moque (gentiment bien sûr) de la devise de Charles Farrell ou quand elle prend (enfin!) le dessus sur sa soeur ; mais dans l'ensemble c'est trop exaspérant pour m'intéresser outre mesure.


Janet Gaynor dans Sunrise: Ok, le rôle lui va toujours comme un gant, et elle s'y révèle plus expressive que dans le Borzage : la peur et la joie s'impriment sur son visage de façon beaucoup plus crédible, même si elle fait de grands sourires niais pour marquer son contentement. Mais là encore, je bloque sur le personnage d'épouse modèle sans aucune complexité et donc pas franchement fascinante. A ce titre, le film a beau être un chef d’oeuvre, c'est plus la photographie que l'émotion générée par la relation entre les protagonistes qui me parle le plus. J'avoue avoir même eu du mal à me prendre de sympathie pour l'héroïne lors de la tentative de meurtre, et je n'ai finalement apprécié que ses moments plus enjoués lorsqu'elle renoue des liens forts avec son mari lors de l'escapade en ville. En somme, Gaynor a eu beau surfer sur le succès du film, son personnage n'y est pas assez intéressant pour que je la nomme dans ma liste.


Janet Gaynor dans Street Angel: Mais ??? Oui, elle fait preuve de volonté ! Elle renvoie même paître Charles Farrell au début, ce qui, comparé aux films précédents, mériterait presque de lui décerner illico presto un Oscar ! Le problème, c'est que passé ces premiers moments, elle ne m'a plus du tout intéressé, prouvant par-là même que si son manque notoire de charisme sied bien aux personnages qu'elle incarne, il achève de lui faire perdre de la crédibilité en tant qu'actrice, surtout cette année-là où les concurrentes incarnant des femmes plus fortes et plus complexes, pour la faire courte un milliard de fois plus captivantes, étaient légion.


Ma sélection :

Gloria Swanson dans Sadie Thompson: Comme pour A Woman of Affairs, je suis un peu moins enthousiaste qu'en phase de découverte, mais la réussite reste bel et bien au rendez-vous, aussi bien du côté du film, Raoul Walsh étant toutefois encore plus brillant comme acteur ici, que du côté de l'interprétation, Swanson apportant au rôle le fort caractère que Sadie demandait. Ainsi, elle fait une entrée détonante dans l'histoire, au point qu'on ne remarque plus qu'elle, et pas uniquement à cause de son chapeau de dix-huit kilomètres carrés, dans la mesure où il lui suffit de sourire pour révéler le charisme et la dynamisme de l'héroïne avant même que le paquebot accoste. Une fois à terre, on est ensuite frappé par l'humour et la séduction un brin vulgaire que l'actrice donne au personnage, ce qui est en outre un réel exploit de la part d'une comédienne davantage associée aux grandes mondaines Art Déco. Mais vraiment, la composition fonctionne absolument, et l'on n'est jamais étonné que tous les marins de l'île virevoltent autour d'elle tant elle se montre spontanée et toujours prompte à s'amuser. D'ailleurs, son rire lorsqu'elle joue avec le miroir a beau être très joué, il n'en est pas moins sincère et tout à fait crédible. Bref, on croit vraiment à cette jeune femme dynamique un peu prostituée sur les bords, même si Swanson accentue un poil trop cet aspect à cause d'une expressivité propre au muet à ce moment-là déjà dépassée par d'autres collègues (voir plus haut), mais dans tous les cas, le pouvoir de divertissement est bien là. La seule chose que j'apprécie moins que par le passé, finalement, c'est la deuxième partie puritaine, lorsque Sadie est forcée de se repentir: on ne doute jamais qu'il s'agit bien de la même femme qu'au départ (à la différence de Crawford dans le remake), mais on se demande tout de même pourquoi une personne aussi forte que Sadie arrive à se laisser convaincre de ses supposés péchés, alors qu'elle ne manque pourtant pas de soutiens sur l'île. Par bonheur, à défaut de pouvoir acheter cette performance à 100%, on notera que la clef de cette performance, à savoir la grande confrontation avec Lionel Barrymore, n'en reste pas moins très réussie, puisque Swanson parvient à s'y montrer aussi dure que désespérée dans le même laps de temps, tout en accentuant encore une fois un peu trop la colère. A la fin, je suis tout de même toujours conquis par cette interprétation, et Swanson s'en tire vraiment avec tous les honneurs, pour ce qu'on peut attendre d'une performance du cinéma muet. 


Eleanor Boardman dans The Crowd: A ce stade, je ne suis pas encore aussi familier avec Eleanor Boardman qu'avec mes autres finalistes, mais c'est aussi que la dame a une filmographie un peu moins conséquente, ce qui ne m'a pas empêché de la classer en assez bonne position dans mon panthéon, précisément en grande partie grâce à La Foule, de loin son sommet interprétatif, et qui reste reconnu pour être l'une des performances muettes ayant le mieux vieilli, l'actrice n'étant jamais autant théâtrale qu'on aurait pu l'attendre dans ce type de rôle. En outre, contrairement à ce qu'a pu nous servir Janet Gaynor à l'instant, Eleanor Boardman est la preuve qu'on peut très bien jouer à l'épouse aimante et endurante en donnant vie à une héroïne qui a de la personnalité, et qui, sans jamais forcer dans le pathos, cherche toujours à aller de l'avant. L'écriture comme l'interprétation annoncent ainsi une réelle modernité, ce qu'on perçoit très bien dans les quatre actes du films. Dans le premier, tout d'humour et de légèreté, elle est en effet idéale de spontanéité pour donner vie à cette relation amoureuse naissante, de quoi exercer une grande séduction sur le public qui ne peut dès lors que s'attacher à elle grâce à son naturel désarmant. Dans le second, où s'annonce à présent une sorte de lassitude quotidienne propre à tous les couples qui durent, Eleanor n'a encore une fois besoin d'aucun tic pour rester ferme mais compréhensive face à James Murray, hormis lors d'une petite séquence de dispute qui reste malgré tout bien jouée, même dans les codes du muet. En fait, seule la partie réellement dramatique est jouée avec force expressivité, mais ça ne choque nullement pour un film de 1928, et puisque l'héroïne sait comment avancer en dépit du tragique, ça permet à l'actrice de repartir vers bien plus de sobriété, ce qui fait beaucoup de bien et aère totalement le propos. Enfin, le dernier acte, à mi-chemin entre émotions et gravité, est abordé avec un calme serein qui fait ressortir toute la force de larmes savamment dosées, d'où l'impression d'une trajectoire complétée avec un grand talent, durant laquelle on n'aura jamais douté de la cohérence de l'interprétation malgré les divers états d'âme du personnage. A la fin, Eleanor Boardman nous aura brossé un portrait crédible de femme tout à fait normale, et c'est ma foi fort rafraîchissant.


Marion Davies dans The Patsy: A l'époque où j'avais écrit la première version de cet article, je n'avais jamais vu Marion Davies dans autre chose que The Patsy, mais après avoir commencé à étoffer mes connaissances, je réalise à quel point sa réputation de grande actrice comique est amplement justifiée. Je dirai même que la dame est la reine du timing comique, dans la mesure où chacune de ses expressions parvient à relever l'esprit d'une scène, et ce avec un naturel désarmant qui dévoile tout le génie de l'actrice, chez qui on ne décèle jamais la moindre trace d'effort. A vrai dire, son talent de comédienne est visible dès les premières secondes, puisque rien que sa façon de se tenir à table pour manger sa soupe souligne la gaucherie d'une héroïne qu'on doit immédiatement identifier comme le vilain petit canard de la maisonnée, mais sans que Davies ait besoin de faire quoi que ce soit d'apparent pour se glisser dans la peau du personnage: bien sûr, c'est une composition, mais son maintien et ses manières sont tellement bien en phase avec le type de comédie recherchée que l'illusion est totale. En outre, l'actrice ne s'arrête pas là puisque malgré la situation peu enviable de Patricia, constamment humiliée par sa mère et sa sœur, elle ne fait jamais l'erreur de forcer dans l'excès et d'accentuer la maladresse de l'héroïne pour qu'on la plaigne. C'est même tout le contraire! Davies la dote précisément d'une forte dose d'esprit et de fantaisie qui nous attachent à elle dès l'ouverture, et c'est justement cette fraîcheur et cette légèreté qui permettent au comique de fonctionner à plein régime. Ça n'empêche évidemment pas l'émotion de poindre malgré tout, et force est de reconnaître que l'actrice est également hors de tout reproche dans ce registre, son rapport à son partenaire masculin restant toujours un peu drôle quoique touchant, preuve d'un subtil équilibre savamment construit. Cependant, le véritable clou du spectacle, et peut-être le plus grand morceau de bravoure de la carrière de Marion Davies, c'est bien entendu cette série d'imitations irrésistiblement hilarante, à mesure qu'elle se met à parodier sans aucune retenue mais de façon constamment crédible Mae Murray, bouche en cœur et dents en avant à l'appui; Lillian Gish, qui prend très cher au passage avec son air de jeune fille fragile effrayée, et Pola Negri, sortie tout droit d'un film d'aventures! Non seulement c'est à se rouler par terre tellement c'est drôle, mais c'est en outre tellement réaliste qu'on se demande parfois si les modèles ne sont pas venus le temps d'un caméo dans le film! Bref: Marion Davies, actrice comique de talent et de génie? C'est oui!


Pola Negri dans Barbed Wire: Après avoir revu le film, je suis à présent convaincu que Pola Negri est définitivement mon actrice préférée de l'ère de muet. Sans mentir: un ego surdimensionné capable de se fondre sans réserves dans un rôle sans pour autant disparaître totalement dans le personnage reste la marque d'une très grande comédienne, et l'avoir vue passer du comique le plus burlesque (Madame du Barry, Die Bergkatze) à un humour bien plus léger (Forbidden Paradise, A Woman of the World), mais encore d'une terreur expressive (Sappho) à une approche du drame tout en retenue (Barbed Wire, Hotel Imperial) me conforte dans ma très haute estime pour la dame, qui a toujours su ajouter à sa versatilité un indéniable charisme. Dans le film qui nous occupe, une jolie ode au pacifisme tournée seulement dix ans après la guerre, Pola Negri fait donc le choix d'un jeu calme franchement moderne pour l'époque, à part deux ou trois moments davantage ancrés dans les codes plus habituels du muet, à l'image de ses yeux écarquillés pour souligner l'horreur de l'annonce du conflit, ou de son bras tendu sur le visage avant de se lamenter sur la futilité de la guerre. Mais vraiment, outre ces petits excès d'ancienneté, son approche du personnage reste d'une très grande fraîcheur, et l'actrice fait vraiment tout ce qu'elle peut pour ne jamais rester sur la même note, bien que l'héroïne soit essentiellement triste tout du long. Ainsi, le début la voit sourire à son frère afin de lui masquer son inquiétude, trouvaille franchement géniale quand on y pense; plus loin, la compassion perce en toute franchise malgré son regard blasé lorsqu'elle apprend le décès d'un prisonnier allemand qu'elle a croisé la veille, et la grande scène de Noël, où Mona s'autorise enfin à montrer son émotion, est jouée avec toute la discrétion requise afin de ne pas rendre cet instant lacrymal trop larmoyant, précisément. La fin est également fort touchante, et l'on félicitera encore l'actrice de parvenir à rendre ses rapports avec Clive Brooks fort crédibles, malgré l'absence totale d'expression de son partenaire, ce qui reste, sans faire de mauvais esprit, un véritable exploit. Et puis finalement, ce qui marque le plus dans cette composition, c'est l'absence totale de vanité: Pola ne cherche effectivement jamais à éblouir le spectateur et se met au contraire entièrement au service de l'histoire, d'où une impression de naturel qui émeut d'autant plus, et tranche parmi les interprétations plus expressives de la plupart des actrices de l'époque. Quoi qu'il en soit, un très beau rôle et une grande performance, qui révèlent une nouvelle facette du talent de la star.


Mary Pickford dans My Best Girl: Le dernier rôle muet de la petite fiancée de l'Amérique est souvent considéré comme l'un de ses meilleurs. A juste titre : il s'agit là d'un rôle juteux qui permet à l'actrice d'esquisser un personnage allant du mode comique-hilarant, à commencer par sa technique de séduction avec ce paquet qu'elle fait involontairement tomber, au mode de l'émotion la plus pure, avec cette scène où perce le désir de mariage et de maternité sous le vernis de la fausse Red Hot Mama. Et Pickford a beau approcher la quarantaine, elle reste comme à son habitude parfaitement crédible en jeune femme bien plus jeune. Par ailleurs, la comparaison avec It, l'autre succès de l'année, joue encore en sa faveur puisque là où Clara Bow se contentait d'être bien dans un rôle similaire, Mary Pickford n'hésite pas à casser la baraque, pour notre plus grand plaisir.

Et maintenant, place au dénouement que nous attendons tous: la première lauréate par ordre chronologique est...

Pola Negri dans Barbed Wire.

En définitive, il m'est absolument impossible de trancher: dans le système des Oscars, chacune de mes candidates n'aura que cette unique chance d'emporter une statuette, d'où un profond regret que l'Académie n'ait pas existé plus tôt dans les années 1920 afin de récompenser toutes ces actrices de génie. Ceci dit, s'il me faut vraiment faire un choix après plusieurs années de réflexion, ce sera tout de même Pola Negri, mon idole absolue parmi les finalistes, et dont le jeu sobre et moderne me fait totalement craquer pour son héroïne émouvante, dans un très beau film qui plus est. Ceci dit, Mary Pickford trouve avec My Best Girl la quintessence de sa carrière, avec tout ce qu'il faut d'humour et d'émotion contenue pour m'éblouir absolument, tandis que le génie comique de Marion Davies, décidément très douée pour faire des imitations, mérite lui aussi récompense. Je classe finalement Eleanor Boardman quatrième car je suis un peu moins familier avec sa filmographie, en dépit de sa réussite totale d'une étonnante modernité dans un chef-d’œuvre, puis Gloria Swanson cinquième, qui malgré tout mon amour pour son héroïne des mers du Sud présente tout de même un type de jeu ayant un peu moins bien vieilli que ses concurrentes. Mais qu'il m'est pénible d'avoir à les départager! Pour souffler cinq minutes, laissons à présent la parole à Sylvia Fowler, afin de classer les performances de l'année...


dignes d'un Oscar: Eleanor Boardman (The Crowd), Marion Davies (The Patsy), Pola Negri (Barbed Wire), Mary Pickford (My Best Girl), Gloria Swanson (Sadie Thompson): en toute honnêteté, ces cinq candidates sont absolument sublimes et toutes auraient mérité le prix haut la main.


séduisantes: Jeanne Eagels (Man, Woman and Sin): parce qu'elle a pas mal de bons moments bien qu'on puisse vivre sans. Janet Gaynor (Street Angel): vraiment, son meilleur rôle parmi les trois sélectionnés. Norma Shearer (The Student Prince in Old Heidelberg): parce qu'elle est rigolote, et qu'elle s'envoie une pinte de bière cul sec! June Tripp (The Lodger: A Story of the London Fog): un personnage extrêmement sympathique quoique loin de faire le poids face à un certain Ivor Novello.


sans saveur: Louise Brooks (A Girl in Every Port): à revoir car ne m'a absolument pas marqué. Louise Dresser (A Ship Comes In): voir ci-dessus. Janet Gaynor (Sunrise) (Seventh Heaven): parce que, décidément, je ne supporte pas ce caractère "pauvre petite chose" trop prononcé, malgré l'extrême poésie des chefs-d'oeuvre en question. Mary Philbin (The Man Who Laughs): lorsqu'en face Conrad Veidt et Baclanova sont au-delà du sublime, sa pâleur n'en est que plus regrettable.


à découvrir: Joan Crawford (Across to Singapore), Marion Davies (Quality Street), Dolores del Rio (Ramona), Phyllis Haver (Chicago), Bessie Love (The Matinee Idol), Pola Negri (Three Sinners)



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