dimanche 29 juillet 2012

Oscar de la meilleure actrice 1946

Clairement, l'une des sélections officielles qui m'intéresse le moins, avec un biopic médical un peu convenu, une mère sacrificielle tout droit sortie des années 1930, une matriarche dépressive à la limite du second rôle et une ménagère timide heureusement nichée dans le meilleur des films en question. Néanmoins, seule la sauvageonne flamboyante m'intriguait réellement sur le papier, quoi qu'elle soit, de loin, la plus décevante du lot. Qu'en est-il dans le détail?

* Olivia de Havilland - To Each His Own
* Celia Johnson - Brief Encounter
* Jennifer Jones - Duel in the Sun
* Rosalind Russell - Sister Kenny
* Jane Wyman - The Yearling

Il n'y avait paraît-il pas de favorite évidente cette année: certains prédisaient une victoire de Russell alors à sa deuxième nomination et dont personne n'avait oublié les tours de force du début de la décennie; tandis que d'autres penchaient pour Olivia de Havilland, de retour après une éclipse de trois ans et nommée pour la troisième fois de sa carrière. J'imagine personnellement qu'Olivia avait effectivement plus de chances que sa rivale, surtout si l'on considère que sa propre sœur l'avait battue de peu en 1941 et que l'Académie lui devait en quelque sorte son dû. D'autre part, l'actrice avait fait beaucoup parler d'elle à l'époque puisqu'elle venait de sortir victorieuse d'un procès contre la Warner afin qu'on lui attribue de meilleurs rôles, alors que même l'inflexible Bette Davis s'y était cassé les dents: je suppose dès lors que la réputation de l'actrice après ce coup de maître prit un tour qui joua probablement en sa faveur au moment des votes. En outre, To Each His Own fut assez beau succès qui reçut également une nomination pour son scénario, alors que Sister Kenny fit un four, de quoi donner l'avantage à Olivia lors d'une cérémonie où les recettes ne sont jamais à négliger tout à fait. Rosalind Russell put néanmoins se consoler avec son Golden Globe reçu un mois plus tôt, alors que sa collègue n'avait bénéficié quant à elle que d'une seconde place au prix de la critique new-yorkaise, derrière Celia Johnson, en cette époque où les précurseurs ne jouaient pas encore le rôle que nous leur connaissons aujourd'hui.

En face, Jennifer Jones recevait sa quatrième nomination consécutive, mais ayant déjà gagné trois ans plus tôt elle ne partait probablement pas favorite pour cet Oscar, surtout au regard des critiques reçues par Duel in the Sun. De son côté, Jane Wyman avait surpris tout le monde en se révélant actrice de tout premier ordre grâce à The Lost Weekend l'année précédente, de quoi lui permettre de surfer sur ce succès et d'être enfin reconnue par la profession après une quinzaine d'années de galère entre rôles non crédités et films de série B peu reluisants. Enfin, Celia Johnson suivait les traces de la très grande Wendy Hiller en étant la deuxième actrice britannique distinguée pour un film anglais par les Oscars, qui plus est l'un des grands chefs-d'œuvre de l'année qui surpasse de loin les supports des autres candidates. Ce qui ne veut bien sûr pas dire que certaines d'entre elles ne se soient pas révélées excellentes dans leurs rôles respectifs. Néanmoins, plusieurs remaniements sont à prévoir de mon côté.

Je retire:

Jennifer Jones - Duel in the Sun: Euh... Elle fait quoi là, Jennifer? Parce qu'autant le dire tout de suite, on a sans doute affaire à la performance la moins logique du monde, et c'est aussi bien dû au scénario qu'à Jennifer elle-même. A sa décharge, il faut quand même dire que le rôle n'est déjà pas très cohérent sur le papier puisqu'on nous présente Pearl comme une indomptable sauvageonne aux manières à peine civilisées, alors que celle-ci est par moment d'un calme et d'une affabilité qui collent mal avec son caractère, comme lorsqu'elle se résigne gentiment à ne pas fumer parce qu'on lui dit simplement que ce n'est pas convenable pour une dame. Le rôle vacille donc entre la paria qui a littéralement besoin d'être exorcisée par un prêtre et la jeune fille de bonne famille, si bien que quelque chose ne colle pas, à l'image de ce maquillage beaucoup trop prononcé pour être honnête. Cependant, Jennifer est également fautive, puisqu'au lieu d'estomper les incohérences de son personnage, elle choisit au contraire de forcer au maximum dans les extrêmes, d'où l'impression qu'elle se noie totalement dans le rôle. Ainsi, elle entre en scène de façon hystérique, se comportant au mieux comme une gamine de cinq ans qui va "tout répéter à son papa" en tirant la langue dans le dos des gens; au pire comme une furie en cage, à grand renfort de "No! No! No!" pas du tout contrôlés. Et subitement, dès qu'elle est recueillie par la gente Lillian Gish, l'actrice s'efface beaucoup trop pour donner l'impression qu'il s'agit de la même héroïne, ce qu'elle souligne à coup d'expressions figées. Et bien entendu, ça ne l'empêche nullement de repartir dans des excès en tout genre dès que Pearl veut se montrer vengeresse, d'où une série de regards enclenchés sur le mode méchant qui virent rapidement au grotesque et prêtent même à rire, y compris lorsqu'on entre dans la phase finale du film à travers le fameux duel, d'une grande puissance. En somme, cette interprétation non maîtrisée ne fait qu'illustrer les défauts d'un western néanmoins excitant, puisque là où Selznick voulait du flamboiement épique dans la lignée de Gone with the Wind, au point d'engager cinquante réalisateurs, une plus grande cohérence formelle n'aurait pas été de trop.


Jane Wyman - The Yearling: Passé le côté documentaire animalier avec cette interminable chasse à l'ours, le film parvient à faire un peu de place pour développer la psychologie de ses personnages, fussent-ils dotés d'un rôle limité. C'est précisément le cas de Jane Wyman qui parvient à tirer son épingle du jeu avec le peu qui lui est donné. Elle laisse ainsi parfaitement se dessiner les blessures de cette mère de famille qui se dissimule sous une apparence glaciale et peu avenante, conduisant le spectateur à trouver tout à fait crédible sa scène finale potentiellement casse-gueule. De surcroît, l'actrice insuffle une bonne dose de charisme à son personnage si bien qu'elle laisse une forte impression alors qu'on pourrait n'avoir d'yeux que pour un Gregory Peck bien plus développé. Néanmoins, si Wyman réussit sa performance, il n'en reste pas moins que sa composition est loin d'être la plus alléchante cette année, d'où ce retrait.


Rosalind Russell - Sister Kenny: Hourrah! J'ai enfin pu revoir le film après cinq années d'oubli, de quoi me permettre d'en parler plus en détail qu'à l'origine. Malheureusement, mon impression n'a guère changé, la performance étant tout autant réussie que complètement oubliable. Et ce n'est pas la faute de l'actrice, qui est excellente à tous points de vue. En effet, c'est vraiment très bien joué, et à l'époque où je n'avais pas encore vu assez de prestations de 1946, Russell avait même décroché une nomination sur mon brouillon, grâce à un portrait fort crédible d'infirmière dont elle restitue tout le sérieux et la gravité, tout en se montrant rassurante envers les enfants qu'elle soigne, et se payant même le luxe de nuancer chaque sentiment en y ajoutant autre chose, à l'image du regard inquiet qu'elle lance furtivement malgré sa voix paisible au moment où elle doute de parvenir à guérir sa patiente. Ainsi, l'héroïne a beau devoir se composer une apparence forte et robuste, l'émotion est l'un des ressorts essentiels de cette performance, et l'actrice en joue très bien à différents degrés, depuis la romance touchante avec son fiancé au visage bouleversé de gratitude lorsque Sister Kenny est applaudie par ses pairs, ou se voit chanter un joyeux anniversaire par ses petits patients. Et si le rôle est en quelque sorte un contre-emploi pour une actrice d'abord associée au registre comique le plus pur, il est évident qu'elle sait tout de même ajouter de l'humour à l'émotion, à l'image de la séquence où les villageois lui offrent un cheval qui hennit sans la laisser terminer son discours. La scène la plus frappante reste néanmoins d'une tonalité plus dramatique, et Russell s'y révèle puissante à souhait quand elle s'agace devant les médecins réunis en congrès qui ne la prennent pas au sérieux. Le personnage peut alors se voir comme assez féministe par sa réussite dans un monde exclusivement masculin, et surtout par sa capacité à ne jamais s'en laisser imposer par qui tente de lui contester son crédit. Une dernière chose à relever également, le vieillissement, fort bien rendu par l'actrice qui est loin de se reposer sur le strict maquillage. En somme, tous ces ingrédients rendent cette composition plus que réussie, aussi est-il dommage que le film reste franchement terne, voir carrément ennuyeux dans son portrait linéaire s'étalant sur plus de vingt ans, de telle sorte que Sister Kenny n'apparaît vraiment pas comme le rôle le plus mémorable de la carrière de Russell. Cependant, son talent à toujours briller même aux antipodes de ses personnages les plus flamboyants est à saluer mille fois.


Ma sélection:


Olivia de Havilland - To Each His Own: Décidément, Leisen est un réalisateur qui a porté chance à Olivia puisque après son excellent rôle dans Hold Back the Dawn elle s'est à nouveau révélée très bonne ici. Tout d'abord, elle est extrêmement crédible d'un bout à l'autre du film: on croit autant à la jeune fille qu'à la femme mûre et c'est tout à l'honneur de l'actrice qui, du haut de ses trente ans, se situait justement au beau milieu de ces deux âges de l'héroïne. Mais le meilleur dans sa performance, c'est évidemment toute sa façon  de distiller l'émotion de manière tout à fait subtile, sans que son jeu paraisse calculé. Dès lors, toutes les scènes avec son fils sont absolument déchirantes, avec en point d'orgue ce final particulièrement touchant. Et même si le sujet du film est un peu trop 30's à mon goût, je n'en reste pas moins entièrement conquis, préférant même cette approche du personnage à certaines variations trop théâtrales de la décennie précédente, à l'exception d'une indépassable Barbara Stanwyck dans Stella Dallas.


Celia Johnson - Brief Encounter: Voici un très beau portrait de femme que livre ici Celia Johnson, dans ce qui reste une très grande réussite de David Lean. Déjà, tout dans son physique ou son comportement colle exactement à l'image de cette femme absolument normale, celle qu'on croiserait sans forcément la remarquer de prime abord et qui se révélerait fascinante sans avoir l'air d'y toucher. Mais surtout, son jeu est à l'image de cette histoire lumineuse et poétique, à la fois sensible et tout en retenue, si bien que l'actrice se révèle tout à fait touchante dans sa façon d'aborder ses sentiments envers un Trevor Howard qui aurait bien mérité une nomination lui aussi. J'ai notamment beaucoup apprécié la joie manifeste dont les deux acteurs font preuve lors de leurs trop rares instants de bonheur, avant de me laisser complètement ébranler par les dernières minutes du film qui comptent parmi les plus émouvantes qu'il m'ait été donné de voir. En somme, tout est très bien rendu par Johnson, dont on regrette qu'elle n'ait pas tourné plus pour le cinéma.


Joan Crawford - Humoresque: L'actrice n'estimait pas beaucoup ce rôle qui est pourtant considéré comme l'un de ses meilleurs. Pour le coup, je suis carrément en désaccord avec Crawford ayant été tout à fait séduit par son Helen Wright, quarantenaire amoureuse et désabusée au sein d'un univers musical qui me parle très fort. Il faut dire pour commencer que son apparition, qui se fait attendre une demi-heure, est absolument superbe: sa rencontre avec John Garfield fait des étincelles, à l'image de la lueur qui anime les yeux de l'héroïne devant ce violoniste virtuose dans lequel elle entrevoit la possibilité de s'échapper de son quotidien futile. Et bien entendu, sous son apparence de mondaine hautaine et sarcastique se cache une grande sensibilité dont témoignent tous les regards passionnés devant l'amour de sa vie, ou ces expressions déçues particulièrement touchantes, lesquelles conduisent à un final superbement mis en scène tout à la gloire de la star. Et puis, cerise sur le gâteau, le film est à mes yeux un chef d'oeuvre excellemment orchestré et figurant très haut dans mon top personnel intemporel, de quoi rendre encore plus admirable la performance de Crawford.  
  
   
Hedy Lamarr - The Strange Woman: Hormis sa course en pleine campagne en tenue d’Ève dans le singulier Ekstase, c'est à ce jour le seul rôle dans lequel j'ai pu admirer l'une des stars les plus capricieuses du Golden Age. Je ne savais dès lors pas trop à quoi m'attendre et force est de reconnaître que je fus plutôt séduit. Parce que même si le soufflé est quelque peu retombé dans la seconde partie où l'héroïne m'a moins intéressé, j'ai trop apprécié le début pour snober Lamarr dans ma sélection. En effet, j'ai réellement cru à cette jeune fille qui commence à entrevoir les avantages qu'elle peut tirer de son incroyable pouvoir de séduction, avant de se muer en femme fatale qui, loin de verser dans les potentielles outrances auxquelles ce rôle aurait pu conduire, fait justement preuve d'une classe et d'une retenue tout à fait conformes aux usages de son nouveau statut d'élite de la ville. De surcroît, l'actrice sait parfaitement humaniser l'héroïne, ce dont témoignent ses oeuvres de philanthropie mais surtout sa manière de défendre ceux qu'elle estime, preuve qu'elle fait très bien la liaison entre des origines qu'elle n'oublie pas et son élévation dans la société. En clair, voici le séduisant portrait d'un personnage fort qui a ses faiblesses, et ça m'a beaucoup plu.

A part ça, l'autre grande performance de l'année, c'est bien sûr Myrna Loy dans The Best Years of Our Lives mais, bien que Myrna soit incontestablement une leading lady et soit justement créditée tout en haut de l'affiche, elle n'occupe pas plus d'une vingtaine de minutes sur trois heures de film, aussi ai-je décidé de la faire passer dans la catégorie "seconds rôles". Sur ce, retour à ma sélection qui cette année sacre...


Joan Crawford - Humoresque

J'ai essayé de ne pas trop en révéler plus haut, mais à présent je peux crier haut et fort: JOAN CRAWFORD DANS HUMORESQUE!!! J'étais déjà très fan de la star avant, mais depuis Humoresque je suis complètement amoureux! Sublimée par le film et sublimant le film en retour, Crawford est bel et bien la fine fleur de ce chef d'oeuvre, et ce bien que le casting tout entier soit d'une excellence absolue. Vraiment, l'actrice est ici un éblouissement de tous les instants, se payant en outre le luxe d'être au faîte de sa beauté et de son élégance, le tout pour se diriger vers un final dévastateur qui compte parmi les plus belles scènes qu'il m'ait été donné de voir au cinéma. Dès lors, personne, mais absolument personne, ne peut battre Crawford en 1946, pas même Celia Johnson ou Olivia de Havilland! Et puis, décidément, Humoresque est à mes yeux un énorme chef d'oeuvre, et même si l'on peut me reprocher d'être quelque peu biaisé vu mon propre rapport à la musique, je reste sur mes convictions et n'hésite pas à clamer de toute mon âme que ce film figure en très bonne place dans mon top 10 universel, de même que je n'hésite pas à hurler à la face du monde que Crawford a un apport énorme dans cette inestimable réussite. Donc, vous l'aurez compris, je suis complètement émerveillé, et rien ne me fait plus plaisir que d'être saisi de façon aussi extatique par un film où tout me semble d'une perfection absolue, du développement des personnages à la mise en scène.

Pour les autres concurrentes, je classe Hedy Lamarr seconde pour la grande surprise que reste sa performance très bien dosée dans un film méconnu, Olivia de Havilland troisième pour son héroïne dramatique jouée avec une grande finesse, et Celia Johnson quatrième pour son très beau rôle chez l'un de mes réalisateurs fétiches.

Bien, voilà qui est dit! Et après ma déclaration d'amour à Joan Crawford, accueillons l'inimitable Sylvia Fowler pour révéler le classement de l'année selon les performances...

dignes d'un Oscar : Joan Crawford (Humoresque): la performance de l'année sans aucun moyen d'être supplantée.





dignes d'une nominationOlivia de Havilland (To Each His Own), Celia Johnson (Brief Encounter), Hedy Lamarr (The Strange Woman): voir ci-dessus.


séduisantes : Ingrid Bergman (Notorious): j'ai toujours un peu de mal avec ce rôle, ne la trouvant pas crédible en alcoolique au début, et trop endormie à la fin. Heureusement, elle est très bonne dans tout le reste, bien qu'elle ait toujours du mal à me captiver outre mesure. Bette Davis (A Stolen Life): bien joué, mais le propos est tellement improbable qu'on a sans cesse le sentiment de se faire avoir. Olivia de Havilland (The Dark Mirror): un double-rôle intrigant. Irene Dunne (Anna and the King of Siam): je déteste ce film, ou tout du moins cette histoire, mais comme toujours, Irene sait comment se tirer vers le haut avec une performance charmante qui compte autant de moments d'humour que d'instant touchants. A vrai dire, son seul génie parvient à nous intéresser aux aventures de l'horrible Anna Leonowens, ce qui n'était pas gagné sur le papier. Geraldine Fitzgerald (Nobody Lives Forever): très classe et charismatique, elle fait partir son personnage dans plusieurs directions. Dommage qu'elle soit presque secondaire. Rita Hayworth (Gilda): certes pas une grande performance d'actrice, mais elle y est si iconique et volcanique que le charme opère en un instant.  Jennifer Jones (Cluny Brown): cette fois-ci, le charme opère absolument, surtout lorsque l'actrice se met à miauler sur son sofa. Mais contrairement à ce que beaucoup prétendent, je ne trouve pas que ce soit son plus grand rôle, ni une merveille de comédie. Vivien Leigh (Caesar and Cleopatra): en quelque sorte, la Scarlett d'avant-guerre transportée dans l'Egypte antique. C'est un peu spécial, mais ça reste au minimum impeccablement captivant. Margaret Lockwood (The Wicked Lady): une grand rôle de méchante où l'actrice s'en donne à cœur joie, bien qu'elle y soit hélas un peu éclipsée par la performance havillandienne de Patricia Roc. Mais son énorme pouvoir de divertissement n'est pas à nier! Ida Lupino (Devotion): parce qu'elle est la seule raison valable à ce cataclysme, et qu'elle prend bien soin de livrer une grande performance touchante et cohérente quand toute l'intrigue tend à noyer le talent d'Emily Brontë dans une sulfureuse histoire d'amour avec... un curé. Dorothy McGuire (The Spiral Staircase): j'ai du mal à m'émouvoir pour l'héroïne mais l'effort de l'actrice est payant. Rosalind Russell (Sister Kenny): parce que c'est très bien joué même si l'on oublie assez vite cette performance. Barbara Stanwyck (My Reputation): un personnage touchant qui tranche avec les interprétations plus sombres de l'actrice dans cette décennie. Gene Tierney (Dragonwyck) (The Razor's Edge): la preuve d'une constante amélioration de la part de l'actrice, un an avant le sommet de sa carrière dans Madame Muir. Avec une préférence pour Dragonwyck où sa spontanéité passe mieux que sa rigidité un peu trop calculée de l'autre film. Lana Turner (The Postman Always Rings Twice): très crispante au début, mais de plus en plus crédible à mesure que le personnage s'endurcit. Jane Wyman (The Yearling): un bon rôle qui aurait mérité d'être plus exploité. Loretta Young (The Stranger): le film laisse un arrière-goût amer, mais l'inquiétude palpable sur le visage de Loretta reste une expérience savoureuse.


sans saveur : Lauren Bacall (The Big Sleep): la soi-disant alchimie Bogart/Bacall ne fonctionne tellement pas dans leur seconde collaboration que c'en est déprimant. Jeanne Crain & Linda Darnell (Centennial Summer): franchement, elles ne sont pas du tout expérimentées, et leurs rôles sont de toute façon peu bien croustillants. Sans compter que si Darnell éclipse tout de même sa consœur, les deux se font évidemment voler la vedette par Constance Bennett. Joan Fontaine (From This Day Forward): elle n'est certes pas aidée par ce film sans scénario, mais même, elle force un peu trop dans le registre "populaire" pour être vraiment crédible, et le rôle est de tout façon beaucoup trop quotidien pour intéresser. Alexis Smith (Night and Day): peut-être plus supporting que leading d'ailleurs. Quoi qu'il en soit, ce sous Yankee Doodle Dandy peut retourner au vestiaire. Barbara Stanwyck (The Strange Love of Martha Ivers): à l'image du film, l'actrice ne fait que livrer une bien pâle parodie de film noir, mais c'est uniquement la faute du scénario, Stanwyck n'étant pas mauvaise en soi dans ce rôle.


ratées : Ingrid Bergman (Saratoga Trunk): alors... C'était quoi, ça??? Pourquoi ricane-t-elle tout le temps comme une possédée maléfique, même pour draguer Gary Cooper sous un chapeau texan? Et pourquoi fait-elle sa princesse affectée alors qu'elle mange du riz en public sur la tête de son serviteur nain? Ça a au moins le mérite d'être hilarant, mais je ne pense pas que ce fût voulu par l'actrice... Non mais franchement!!! Olivia de Havilland (Devotion): non contente de se faire manger par l'Emily d'Ida Lupino, sa Charlotte ne sait jamais si elle doit être affectueuse ou méchante, et Olivia choisit donc de rester dans un flou indistinct, alternant entre ces deux caractères au gré des séquences sans pour autant trouver un brin de cohérence dans le personnage. Un faux pas qui étonne de la part de l'actrice. Paulette Goddard (The Diary of a Chambermaid): un Renoir étonnamment mauvais, et ce n'est pas l'actrice et ses poings sur les hanches qui parviennent à relever le tout.


atroces : Jennifer Jones (Duel in the Sun): l'actrice semble tellement perdue avec ce personnage qu'on ne peut décidément plus rien pour elle. Ava Gardner (The Killers) (Whistle Stop): bonne idée, Ava, de gaspiller la toute petite dose de charisme disponible dans un navet sans nom (Whistle Stop), pour se montrer fadissime au possible dans The Killers. Notons que je n'ai d'ailleurs jamais compris pourquoi les vidéos rendant hommage aux femmes fatales prennent toujours à témoin la fameuse scène de Kitty au piano, car l'actrice dégage à peu près autant de choses que la tapisserie en arrière-plan.


à découvrir : Geraldine Fitzgerald (Three Strangers), Eleanor Parker (Of Human Bondage)





← Best Actress 1945   Best Actress 1946   Best Actress 1947 →  

jeudi 26 juillet 2012

Oscar de la meilleure actrice 1931/1932

Au programme:

* Marie Dressler - Emma
* Helen Hayes - The Sin of Madelon Claudet
* Lynn Fontanne - The Guardsman

Vu la minceur de la sélection, Helen Hayes pouvait difficilement perdre: outre le prestige que lui valait sa réputation de grande actrice de théâtre, son rôle de figure maternelle tourmentée et le vieillissement de son personnage accentué par un maquillage et un déguisement outranciers ont très vraisemblablement mis l'Oscar dans sa poche. De surcroît, si Lynn Fontanne jouissait elle aussi d'une solide réputation au théâtre, elle était pour sa part nommée pour une comédie, de quoi favoriser Hayes avec son personnage tragique. De son côté, Marie Dressler recevait sa dernière nomination pour un nouveau rôle typique de ces années-là, quoique sa victoire un an plus tôt ait encore dû jouer en faveur d'Hayes.

Quoi qu'il en soit, il est fort dommage que l'AMPAS ait décidé de limiter les nominations à trois seulement, car si les candidates officielles ne me posent pas de problème particulier à l'exception d'une sur laquelle je reste mitigé, il y avait tout de même moyen d'élargir à d'autres performances qui auraient bien mérité d'être reconnues. 

Je retire:

Helen Hayes - The Sin of Madelon Claudet: Ok, elle a de bons moments, mais dans l'ensemble le film comme sa performance sont too much et m'ont plutôt laissé de marbre. Déjà, je ne peux vraiment pas m'empêcher de bloquer sur le côté trop théâtral de son jeu: qu'elle déclare son amour au début du film ou qu'elle appréhende le suicide d'un être cher par la suite, j'ai trop eu l'impression de voir l'actrice jouer sans pour autant donner une réelle crédibilité au personnage. Néanmoins, elle sait parfois estomper ce côté over the top via ses regards touchants, de quoi gagner des points. Malheureusement, pour ce qui est de la partie suivant son emprisonnement, j'avoue que commençant à trouver le temps long j'ai regardé la fin d'un oeil distrait... Dès lors, j'ai bien peur de n'être pas dans les meilleures dispositions pour juger de cette prestation plus avant. Une chose est certaine en revanche, l'intrigue qui montre la destinée s'acharner sur cette héroïne de façon tellement exagérée ne m'a guère emballé... Donc non, pas de Madelon Claudet dans ma sélection.


Lynn Fontanne - The Guardsman: Je n'ai aucun reproche à faire à l'actrice qui, le temps d'un de ses très rares films, incarne un personnage qui m'a beaucoup plu. En effet, j'ai vraiment aimé ce personnage de grande comédienne dans l'âme que son époux tente de mettre à l'épreuve en se dissimulant sous un costume de cosaque. A ce titre, le couple fonctionne très bien et les deux partenaires prennent un plaisir manifeste à se donner la réplique, de quoi insuffler un très bon dynamisme à ce film qui n'est finalement rien d'autre que du théâtre filmé. Ajoutons encore au crédit de Fontanne qu'elle a énormément de classe et de charisme et que son caractère amusé mais tempéré vient à point nommé pour contrebalancer la performance plus agitée d'Alfred Lunt. En somme, une bonne performance dans un film amusant... Le problème c'est que j'ai pas mal de candidates qui lui passent devant dans ma liste. Ce qui ne m'empêche pas d'être reconnaissant envers l'AMPAS d'avoir distingué ce rôle qui m'a fait passer un très bon moment.


Marie Dressler - Emma: Marie Dressler dans un rôle qui lui va comme un gant, ça devait logiquement me plaire. Et même si sa performance n'atteint jamais le divin de son tour de force dans Min and Bill, l'actrice n'en est pas moins irréprochable. Comme à son habitude, elle est vraiment très drôle dès qu'il s'agit pour elle d'aborder les passages comiques: ses grimaces démesurées n'ont peut-être aucune subtilité mais elles sont irrésistibles, avec en point d'orgue cette scène historique à bord d'un simulateur d'avion! Et si l'on peut reprocher au film le décalage causé par des moments trop bouffons au sein d'une intrigue essentiellement tragique, l'actrice n'est nullement en cause puisqu'elle fait justement très bien la transition entre ces deux états. C'est pourquoi on ne s'étonnera pas de la retrouver également excellente dans toutes les scènes les plus émouvantes, avec notamment ce final où Dressler ne manque pas de briser le coeur grâce à des regards éminemment touchants. Une nomination tout à fait méritée, donc... mais là encore, c'est loin d'être le rôle qui m'a le plus emballé cette année, dommage.


Ma sélection:

Mae Clarke - Waterloo Bridge: Si je vous dis que le personnage le moins intéressant est joué par Bette Davis, ça vous donne une idée du niveau en face, non? Et quel niveau! Je n'avais jamais entendu parler de l'actrice avant de découvrir ce film, et autant dire que je fus immédiatement conquis. Probablement parce que son jeu m'a paru éminemment moderne, débarrassé de tout effet outrancier, de quoi permettre à l'actrice d'exprimer les émotions qui affectent l'héroïne avec un naturel désarmant. Elle fait ainsi preuve de beaucoup de retenue dans les moments dramatiques tout en affichant un caractère sympathique et spontané dans les scènes plus enjouées, et c'est finalement lumineux: impossible de ne pas être immédiatement touché par ce personnage ou de n'être pas dévasté par tous les problèmes que Myra subit, notamment dans sa scène clef avec sa potentielle belle-mère. Et comme le reste du casting est à l'unisson de cette performance très réussie, autant dire que j'ai passé un excellent moment, étant pas loin de classer le film comme chef-d'oeuvre. L'une des meilleures surprises cinématographiques parmi mes récentes découvertes.


Marlene Dietrich - Shanghai Express: A l'origine, le film m'avait déçu à cause de cette histoire assez improbable (on rentre dans le QG de la guérilla comme dans un moulin) et de ces personnages secondaires unidimensionnels (coucou Clive Brook). Mais finalement, il aura suffi d'une redécouverte pour reclasser l'ensemble comme chef-d'oeuvre. Marlene y est à nouveau sublimée par Sternberg et, contrairement à ce qu'indiquaient mes souvenirs, son rôle est encore plus riche que dans Morocco, et nécessite de sa part un surplus d'émotions qui lui va à ravir. Pour commencer, elle est une fois encore imbattable en terme de charisme et, non contente de dominer entièrement le reste de la distribution, elle fait preuve d'un humour et d'un peps qui la font sortir de sa froideur habituelle, de quoi me rendre totalement amoureux de l'héroïne, surtout lorsqu'elle joue avec la casquette de son amant! Mais ce n'est pas tout, car cette apparente légèreté masque évidemment de nombreuses blessures qu'elle fait parfaitement ressentir grâce à ses regards tristes, sans jamais tomber dans le piège de l'apitoiement. Il s'agit donc à mes yeux d'une très grande performance, dont l'éclat est autant à mettre sur le compte de l'actrice que dans la réalisation de Sternberg et la photographie de Lee Garmes. Tous ces aspects réunis m'enchantent au plus haut point!


Jean Harlow - Red-Headed Woman: Pour ne l'avoir trop longtemps connue que pour ses talents comiques affectés de Libeled Lady, je suis actuellement en train de découvrir une Jean Harlow de comédie beaucoup plus convaincante, dont ce délicieux Pre-Code a tout l'air d'être le sommet. Déjà, Lil est ultra cool, même si Leila Hyams se défend bien, et c'est un réel plaisir de voir Harlow attaquer le personnage à bras le corps sans jamais pâlir un seul instant. Elle se montre donc excessive à souhait, alors jusqu'à prendre plaisir à se faire gifler par l'objet de sa convoitise, et son absence complète de morale ajoute à l'hilarité qu'elle provoque en permanence, comme le prouvent ces nombreuses scènes où Lil garde tout son sérieux même dans ses entreprises les plus extravagantes. On pourra également s'amuser de la façon dont l'actrice donne un petit côté touchant à l'héroïne vu sa propension à s'illusionner totalement sur son avenir, quoiqu'elle se connaisse assez bien pour savoir ce qu'elle fait. En somme, il s'agit là d'une performance comique redoutablement efficace qui ne pâtit en aucun cas de la réponse dramatique qu'a donné Barbara Stanwyck dans Baby Face l'année suivante.


Miriam Hopkins - The Smiling Lieutenant: Je ne voulais pas la nommer dans cette catégorie puisque je l'ai déjà en second rôle la même année, mais finalement, impossible de me résoudre à la snober, sa performance faisant très clairement partie de la crème de la crème de ce qu'ont offert les actrices américaines à cette période. De toute façon, j'adore Miriam chez Lubitsch, et leur première collaboration est un tel sommet d'humour et d'élégance que je ne peux résister à leur offrir toutes les distinctions possibles. D'ailleurs, Hopkins domine réellement le film, même si en face Claudette Colbert reste également géniale, et comme elle bénéficie du personnage le plus drôle et doit en outre esquisser une transformation plus qu'hilarante, j'avoue n'avoir eu d'yeux que pour elle. Ainsi, sa princesse coincée et pas très dégourdie est à mourir de rire tant elle joue divinement bien sur les clichés, n'hésitant pas à y ajouter un petit côté touchant dans ses tentatives désespérées de plaire à Maurice Chevalier, clin d’œil totalement déplacé à l'appui! Par la suite, la jeune femme libérée devient absolument sublime et conserve bien entendu tout son humour, mais le clou du spectacle réside probablement dans la grande confrontation avec Colbert, sur l'air de Jazz Up Your Lingerie, où Miriam s'épanouit progressivement au piano, pour notre enchantement à tous. Pour moi, l'une des meilleures performances comiques du Golden Age.


Barbara Stanwyck - The Miracle Woman: Par où commencer? Barbara est tout simplement impressionnante dans ce qui reste assurément sa meilleure collaboration avec Capra. Certes, on ne s'étonnera pas que ce soit très bon puisque qu'on parle de Barbara Stanwyck, mais pour le coup je ne m'attendais pas à voir une performance d'une telle intensité. Qu'il s'agisse pour l'actrice de blasphémer au beau milieu d'une église, de pleurer la mort de son père, de prêcher la bonne parole dans une cage aux lions (dont elle n'était séparée que par un très mince filet), de faire preuve de beaucoup d'humour dans sa relation amoureuse, de se montrer émouvante, de se repentir suite à des événements qui la dépassent, de parler au beau milieu d'une salle en feu (et sans doublure!)... tout est absolument puissant et excellent. Et même si comme dans tout Capra on a droit à un final pas forcément crédible, Stanwyck fait complètement passer la pilule. Détail amusant, Richard Burton s'est, des années plus tard, révélé très bon dans une scène de sermon très similaire dans The Night of the Iguana, mais en toute honnêteté, j'ai trouvé Barbara encore plus bluffante et stupéfiante. 

Voilà pour mes nominations. Mais... mais... mais??? Où est Joan Crawford pour Grand Hotel? Et Ann Dvorak pour Scarface? Qu'on se rassure, elles figureront en très haute place d'un prochain article sur les Oscars du meilleur second rôle féminin puisque j'ai décidé de faire remonter cette catégorie jusqu'en 1928. Et je sais bien qu'on peut m'objecter qu'elles seraient tout autant à sa place en tant que leading actresses, mais personnellement, je les sens mieux en supporting: Crawford relie tous les personnages masculins entre eux et a plus de temps d'écran que Garbo, mais au sein de cette distribution particulièrement bondée elle peut très bien passer dans cette catégorie. Quant à Dvorak, le film reste avant tout centré sur les personnages masculins, aussi n'ai-je aucun scrupule à la faire migrer dans l'autre catégorie. Sur ce, retour aux premiers rôles qui cette année voient triompher...


Mae Clarke - Waterloo Bridge

Après avoir revu tous les films sélectionnés, la victoire ne fait plus aucun doute : Mae Clarke est l'actrice de l'année! Sans mentir, sa performance est l'une des plus éblouissantes que j'aie jamais vues, et entre toutes ces scènes radieuses où Myra est divinement enjouée, et tous ces passages tragiques dévastateurs, cette approche du personnage semble tellement moderne que même une certaine Vivien Leigh n'a pu atteindre de tels sommets en reprenant le rôle neuf ans plus tard. Vraiment, voir Mae Clarke dans Waterloo Bridge reste l'une des expériences les plus lumineuses au monde, au point que l'on regrette sincèrement que l'actrice n'ait pas eu une carrière plus étoffée, malgré quelques seconds rôles marquants. Mais en définitive, le reste de sa filmographie importe peu : on tient là quelque chose de sublime qui domine de très loin cette saison. Sur ce, Miriam Hopkins se classe seconde pour son rôle hilarant, Marlene Dietrich troisième pour son charisme éblouissant, Barbara Stanwyck quatrième pour son intensité à couper le souffle, tandis que Jean Harlow clôt brillamment ce classement par son génie comique et son personnage dénué de scrupules.

Et à présent, la minute Sylvia Fowler, à propos des performances...

dignes d'un Oscar: Mae Clarke (Waterloo Bridge), Marlene Dietrich (Shanghai Express), Miriam Hopkins (The Smiling Lieutenant), Barbara Stanwyck (The Miracle Woman): voir ci-dessus. Joan Crawford (Grand Hotel), Ann Dvorak (Scarface): classées en seconds rôles selon les critères suivants.


dignes d'une nomination: Jean Harlow (Red-Headed Woman): voir ci-dessus. Constance Bennett (What Price Hollywood?): j'aurais adoré distinguer l'actrice pour son plus grand rôle, notamment pour cette première partie très solide qui ne lui demande cependant pas un grand effort. Un possible remaniement de la sélection est à prévoir en sa faveur. Nancy Carroll (Broken Lullaby): elle surjoue peut-être avec ses mains, mais sa force de caractère et les choix inattendus que fait l'héroïne méritent amplement reconnaissance. Claudette Colbert (The Smiling Lieutenant): parce que sans bénéficier du personnage le plus intéressant, elle parvient à briller et à donner une dimension touchante à cette divine comédie. Et parce que Jazz Up Your Lingerie, of course! Irene Dunne (Consolation Marriage): une bataille d'oreillers mythique, et une performance exemplaire de modernité préfigurant son sommet dans Back Street. Jeanette MacDonald (One Hour with You): parce qu'elle m'a encore fait hurler de rire en jeune épouse romantique pas si mièvre que ça, sans toutefois toucher au divin de Florence Vidor dans The Marriage Circle. Gloria Swanson (Tonight or Never): un excellent rôle comique très bien dosé dans un film sympathique à souhait. Lilyan Tashman (Girls About Town): composant le personnage le plus fun, et finalement le plus sensé du film, Lilyan crève à nouveau l'écran pour notre plus grand plaisir.


sympathiques: Tallulah Bankhead (The Cheat): une actrice charismatique qui joue un milliard de fois mieux qu'on aurait pu le croire, à cause de cette héroïne ahurissante qui, venant de s'entendre dire qu'on ne l'a pas épousée pour son intelligence, réplique qu'elle croit en son mari comme en Dieu... Et vous croyez vraiment qu'on va gober ça? Tallulah fait illusion, et c'est tout à son honneur. Marie Dressler (Emma), Lynn Fontanne (The Guardsman): voir ci-dessus. Bette Davis (Hell's House): ok, le film est naze, mais Bette y est assez charismatique pour ne pas donner l'impression qu'on perd son temps. Irene Dunne (Symphony of Six Million): à voir pour observer l'actrice s'élever bien au-delà de ce film laborieux. Greta Garbo (As You Desire Me): le film a beau être raté, la Divine parvient toujours à m'y scotcher. Et dans (Mata Hari), elle se révèle finalement d'un charisme et d'un humour incroyables qui me font à présent vibrer, tout en faisant chavirer les cœurs avec de grandes émotions finales sublimes dans leur théâtralité. Barbara Stanwyck (Forbidden): après revisite, le film s'avère bien meilleur que dans mon souvenir, et l'actrice n'y est pas mal du tout, même si c'est l'un des rares rôles où elle m'intéresse peu.


sans saveur: Bette Davis (The Man Who Played God): le film qui a sauvé l'actrice dans la moins bonne partie de sa carrière. Kay Francis (24 Hours) (Girls About Town): toi, tu te fais méchamment voler la vedette par tes partenaires blondes. Greta Garbo (Grand Hotel): elle a beau réciter sa réplique phare, elle reste bien trop dépressive pour emporter l'adhésion. Helen Hayes (Arrowsmith) (The Sin of Madelon Claudet): absolument pas mémorable dans le premier et trop théâtrale dans le second.


atroces: Greta Garbo (Susan Lenox: Her Fall and Rise): une maison, un poisson, des étoiles sur les seins, une thèse sur le désir masculin, des retrouvailles au coeur de l'Amazonie et... un gigantesque facepalm.


à découvrir: Olga Baclanova (Freaks), Tallulah Bankhead (My Sin), Joan Blondell (Blonde Crazy), Mae Clarke (Frankenstein), Claudette Colbert (Secrets of a Secretary), Joan Crawford (Possessed), Miriam Hopkins (Dancers in the Dark), Myrna Loy (Transtlantic) (Vanity Fair), Marian Marsh (Five Star Final), Sylvia Sidney (Merrily We Go to Hell), Lilyan Tashman (The Road to Reno), Anna May Wong (Daughter of the Dragon), Loretta Young & Jean Harlow (Platinum Blonde). Et j'attends surtout de mettre la main sur Private LivesNorma Shearer a l'air tout particulièrement alléchant!


← Best Actress 1930/1931   Best Actress 1931/1932   Best Actress 1932/1933 →  


dimanche 15 juillet 2012

Oscar de la meilleure actrice 1937

Au programme:

* Irene Dunne - The Awful Truth
* Greta Garbo - Camille
* Janet Gaynor - A Star is Born
* Luise Rainer - The Good Earth
* Barbara Stanwyck - Stella Dallas

Le comble, c'est que sur ces cinq actrices, seules les deux dont la carrière fut la moins intéressante ont eu l'heur d'être oscarisées, laissant leurs trois très grandes rivales sur le carreau. Et c'est d'autant plus frustrant que Luise Rainer avait déjà gagné l'année précédente et qu'elle a probablement dû sa seconde victoire plus aux stratégies de la MGM et à son maquillage qu'à un émerveillement absolu de l'industrie. D'ailleurs, l'actrice elle-même estimait ne pas devoir gagner lors de cette soirée, aussi avait-elle prévu de rester chez elle, bien qu'un Louis B. Mayer influent la forçât à faire le déplacement à l'hôtel Biltmore pour chercher son prix. Voilà qui lui permit néanmoins de devenir la toute première personne à recevoir deux Oscars dans les catégories d'interprétation et, sans être la plus méritante, on ne peut que se féliciter qu'elle soit toujours là pour nous le rappeler. 

Toutefois, j'imagine que la concurrence contre Rainer fut très rude. Déjà, il est fort possible qu'avec toutes ses nominations A Star is Born ait concédé à Janet Gaynor un socle de voix assez solide, bien que sa victoire dix ans plus tôt n'ait probablement pas fait d'elle une candidate trop dangereuse. Concernant Irene Dunne, il ne faut sans doute pas négliger le succès de The Awful Truth qui permit notamment à Leo McCarey d'être nommé pour l'Oscar du meilleur réalisateur pour cette comédie au détriment de son drame Make Way for Tomorrow. De surcroît, l'actrice en était à sa troisième nomination, ce qui je suppose a dû jouer en sa faveur. Concernant Barbara Stanwyck et Greta Garbo, j'imagine que leur réputation et leurs deux rôles tragiques ont vraisemblablement fait d'elles les front runners cette année, même si l'absence de nominationoutre les rôles féminins pour Camille comme pour Stella Dallas a sans doute bien aidé Luise Rainer qui, elle, pouvait se targuer de surfer sur la reconnaissance de son film par la profession. Mais là encore, ce ne sont que pures suppositions de ma part, et bien malin qui pourra dévoiler la vérité quant à l'ordre d'arrivée des actrices lors du décompte des voix. Néanmoins, il est à peu près certain que plusieurs critiques s'indignèrent de la défaite de Garbo et que la victoire de Rainer fut une sorte de choc, notamment pour Barbara Stanwyck, d'autant que personne ne pensait alors qu'on pouvait réoscariser une actrice qui avait déjà gagné.

Et pour ma part, ça donne quoi?

Je retire:

Luise Rainer - The Good Earth: Je peux comprendre que voir une actrice germanique grimée en paysanne chinoise a probablement impressionné les électeurs, et l'on mettra à son crédit ses efforts pour composer son personnage, courbant la tête en permanence afin de bien rappeler le passé d'esclave d'O-Lan, au point qu'on y croit totalement sur le plan physique en dépit du maquillage prononcé. Malheureusement, ça n'en fait pas une grande performance pour autant, d'une part parce qu'à force de parler avec une voix traînante pour bien marquer la fatigue d'une héroïne qui se tue à la tâche, elle en vient à ennuyer très rapidement, et d'autre part parce qu'il n'y a aucune gradation dans sa démarche. En effet, à force de toujours parler de cette même voix monocorde épuisée jusqu'à l'extrême, elle ne fait jamais la différence entre la paysanne au labeur, la mère en couches, la malade et la mourante, et lorsqu'elle agonise dans la dernière séquence, elle a l'air tellement dans la lignée des scènes précédentes qu'on a vraiment l'impression d'avoir eu une moribonde sous les yeux pendant deux heures et demie. Dès lors, le personnage n'est pas vraiment intéressant, et sa négation de soi presque systématique finit par agacer. A vrai dire, même lorsqu'elle essaie de montrer son mécontentement face à la nouvelle concubine, ou d'empêcher qu'on vende la terre, elle manque cruellement d'énergie, d'où l'impression, à trop forcer dans l'apathie, qu'elle récite ses répliques sans grande conviction. En outre, lorsqu'elle se décide à être enfin plus expressive qu'à l'accoutumée, elle peine à convaincre, depuis sa voix de fillette pour s'extasier sur la beauté de son enfant, "a beeeeautiful child" à la séquence de mendicité atrocement jouée où l'on comprend pourquoi personne ne prête attention à ses grimaces exacerbées. Néanmoins, certains passages m'ont davantage séduit, en particulier le pillage du temple où ses yeux écarquillés reflètent bien la peur et la tension extrême d'une telle séquence, et ceux où elle fait bien comprendre qu'O-Lan a un peu de volonté au fond d'elle. Malheureusement, une chape d'inertie pèse trop fortement sur cette performance pour qu'on s'y intéresse vraiment.


Ma sélection:

Irene Dunne - The Awful Truth: L'une des meilleures comédies américaines jamais réalisée ne pouvait rêver mieux comme héroïne: Irene Dunne qui, dès son entrée en scène dans un gigantesque manteau de fourrure blanche, montre qu'elle est bien décidée à faire marcher ses talents comiques à plein régime pour notre plus grand plaisir. D'emblée, ses échanges avec Cary Grant font des merveilles, chacune de leurs répliques étant encore plus jubilatoire que la précédente, sans compter que la très grande connivence entre les deux acteurs est l'une des choses les plus réjouissantes qui soit. Ainsi, c'est un pur bonheur de voir Irene se jouer de son époux avant de se lancer à son tour dans une périlleuse entreprise de reconquête comique, avec en point d'orgue cette scène drôlissime dans un salon du New York aristocratique, dans laquelle l'héroïne se fait passer pour une chanteuse vulgaire bien décidée à arracher un Cary visiblement embarrassé des griffes d'une riche héritière. Et puis il y a bien sûr ces scènes très touchantes  dans un chalet montagnard qui permettent aux acteurs de briller comme jamais et de laisser le film se clore en apothéose. Décidément, tout est vraiment génial dans cette screwball comedy presque parfaite: j'adore!


Greta Garbo - Camille: La Divine dans la peau d'un personnage mythique et flamboyant immortalisé par toutes les formes d'art, ça devait forcément faire des étincelles. D'ailleurs, c'est dans ce film que j'ai découvert Garbo à l'écran et force est de reconnaître que ce fut une très bonne entrée en matière. Evidemment, le clou du spectacle réside dans toutes les grandes scènes lyriques où Marguerite doit affronter les affres d'un amour contrarié, mais ce que j'ai préféré dans cette performance, c'est surtout la naissance des sentiments de l'héroïne envers Armand. Elle se montre ainsi fabuleusement dynamique et enjouée lors de leur rencontre à l'opéra si bien qu'on croit parfaitement à cette courtisane certes généreuse mais peu prompte à s'attacher trop longtemps à un homme. Et puis, voilà qu'elle tombe éperdument amoureuse, de quoi valoir à Garbo de magnifiques instants où elle fait preuve de romantisme sans oublier de conserver un certain humour sur sa situation. Toutes ces scènes formidablement interprétées conduisent dès lors à une seconde partie plus tragique dans laquelle l'actrice confine au divin en femme aimante et mourante. Et si l'on ajoute que son apparition, un bouquet de camélias à la main, est d'une magnificence rare, on a bien la preuve qu'il s'agit à nouveau d'une très grande performance de la Divine. Du grand art.


Janet Gaynor - A Star is Born: Autant je n'avais pas aimé l'actrice dans ses premiers rôles au temps du muet, autant je la trouve absolument géniale ici. En effet, j'aime beaucoup ce personnage de jeune femme menue qui tente de percer dans un milieu difficile: d'ailleurs, certains critiques ont beau vous dire qu'elle manque de charisme, ce n'est pas vrai. Bien sûr, elle n'a pas la gnaque d'une Katharine Hepburn tentant sa chance à Broadway, mais ça ne l'empêche nullement d'accrocher le regard et de ne plus le lâcher jusqu'à la fin. De surcroît, elle se montre à la fois très drôle et très émouvante dans tout le film si bien qu'elle se tire à merveille de ce rôle très riche, sans compter que sa grande complicité avec Fredric March m'a beaucoup plu. Et puis, cerise sur le gâteau, rien n'est plus jouissif que de voir une petite chose toute mignonne imiter Mae West: c'était risqué, mais le rendu est très bon. Quoi qu'il en soit, j'ai trop d'affection pour ce rôle pour ne pas le sélectionner. A vrai dire, je préfère même cette approche du personnage à celle donnée par Garland 17 ans plus tard, et je reste d'ailleurs convaincu qu'il s'agit du meilleur rôle de Gaynor, et donc de la meilleure occasion de lui accorder une nomination.


Barbara Stanwyck - Stella Dallas: Dans un rôle potentiellement casse-gueule, Barbara Stanwyck réussit l'exploit d'interpréter une mère sacrificielle sans jamais tomber dans le piège du mélodrame. Pour commencer, elle se révèle extrêmement convaincante aussi bien en jeune fille pauvre mais déterminée qu'en mère de famille célibataire. D'ailleurs, le producteur lui-même avait tout d'abord refusé le rôle à Stanwyck de peur qu'elle soit trop jeune pour incarner une figure maternelle, mais c'était oublier à quel point l'actrice pouvait se sortir de n'importe quelle situation avec brio. C'est ainsi qu'elle se montre absolument déchirante dans toutes les scènes avec sa fille, et ce à grand renfort de regards tout à fait subtils qui parviennent à faire oublier les atours outranciers qu'on lui a imposés. Et la crème de la crème, c'est cette scène finale énorme dans laquelle Stanwyck est tout simplement renversante et qui, après de multiples visionnages, ne laisse pas de me faire verser des larmes en abondance. Vraiment, l'un des meilleurs women's pictures qu'il m'ait été donné de voir, et ce en très grande partie grâce à son interprète principale. L'actrice estimait d'ailleurs qu'il s'agissait de son meilleur rôle et, s'il m'est difficile d'être d'accord au regard du génie dont elle a fait preuve pour tous ses autres personnages, je suis le premier à reconnaître qu'il s'agit d'une interprétation absolument brillante.


Ginger Rogers - Stage Door: Si Katharine Hepburn est parfaitement brillante dans le même film en se jouant de sa propre réputation et en déclinant tout la gamme des émotions de A à... Z, ma préférence va tout de même à Ginger Rogers dont les reparties sont elles aussi absolument jubilatoires et qui sous une apparence un peu rude cache en fait une grande sensibilité. Elle non plus n'a pas une position facile dans la pension puisque si elle est assez populaire auprès de ses collègues, elle doit tout de même faire face à une Gail Patrick toujours aussi délicieusement odieuse, avant d'entrer dans un jeu dangereux que lui impose un Adolphe Menjou tout puissant. On comprend donc qu'elle soit constamment sur ses gardes et fasse toujours attention à ne pas se laisser marcher sur les pieds, d'où ses répliques cinglantes envers Hepburn à la seconde où celle-ci entre en scène. Toutefois, sous ce vernis de jeune artiste en difficulté, Rogers incarne un personnage irrémédiablement sympathique qui est toujours là pour soutenir ses amies ce qui, ajouté à sa forte personnalité, me fait vraiment apprécier cette héroïne. Mais s'il fallait ne retenir qu'une chose de sa performance, ce serait surtout ses regards phénoménaux devant Hepburn sur les planches: toute la complexité de ses relations avec sa colocataire est formidablement exprimée par son visage serré par l'émotion, de quoi laisser une très bonne impression.

Voilà donc cinq grandes performances qui font de 1937 une très bonne année bien que je regrette vivement de sacrifier Hepburn. Mais honnêtement, impossible d'enlever une de mes candidates à son profit, même si sa performance et celle de Rogers sont complémentaires. Mais alors que la première se trouve dans son élément, il me semble davantage judicieux de mettre en exergue la seconde pour un rôle tranchant légèrement par rapport à ses personnages traditionnellement 100% comiques. Quoi qu'il en soit, cette année se joue de toute façon entre Dunne, Stanwyck et Garbo, avec un certain avantage pour...

Irene Dunne - The Awful Truth

Dans l'absolu, l'actrice qui m'éblouit le plus cette année reste la brillantissime Greta Garbo pour le rôle le plus lumineux de sa carrière, mais Irene Dunne n'a toujours pas de prix dans ma liste et 1937 reste le meilleur moment pour la récompenser. Parce que d'une part The Awful Truth est bien parti pour gagner dans d'autres catégories principales, et qu'il serait tout à fait injuste de laisser l'actrice sur le carreau, mais aussi parce qu'Irene est absolument irrésistible et phénoménale dans son propre registre, au point qu'elle mérite tout autant la première place que ses deux grandes rivales tragiques. Dès lors, Garbo se classe seconde et Stanwyck troisième, mais qu'il est difficile de départager ces trois actrices dans trois sommets indépassables! Vient ensuite Janet Gaynor pour son plus beau rôle, de quoi laisser Ginger Rogers fermer la marche.

Et pour finir, la minute Sylvia Fowler suivant le classement des performances...

dignes d'un Oscar : Irene Dunne (The Awful Truth), Greta Garbo (Camille), Janet Gaynor (A Star is Born), Barbara Stanwyck (Stella Dallas): preuve que 1937 est vraiment un très bon cru, et qu'il est d'autant plus dommage que les politiques en vigueur ait empêché l'une de ces excellentes performances de rafler le trophée suprême.



dignes d'une nomination : Beulah Bondi (Make Way for Tomorrow): parce qu'elle rend admirablement toute la dignité de ce couple âgé. Katharine Hepburn & Ginger Rogers (Stage Door): voir ci-dessus. Miriam Hopkins (Wise Girl): parce que personne ne marche aussi bien accroupi, et parce que la scène du bain est vraiment énorme. Rosalind Russell (Night Must Fall): on a beau lui préférer Robert Montgomery et May Whitty, sa performance sur le mode de la suspicion reste également très bonne.


séduisantes : Jean Arthur (Easy Living), Claudette Colbert (I Met Him in Paris), Bette Davis & Olivia de Havilland (It's Love I'm After), Marlene Dietrich (Angel), Miriam Hopkins (Woman Chases Man), Carole Lombard (Nothing Sacred) (True Confession): autant de rôles comiques plus ou moins charmants, mention spéciale à Olivia de Havilland qui parvient à vous décrocher la mâchoire juste en dévoilant un sourire béat derrière son journal. Joan Crawford (The Last of Mrs. Cheyney): sympathique, mais pas son plus grand rôle. Bette Davis (Marked Woman): une interprétation très honorable mais à des lustres de ses succès futurs. Marlene Dietrich (Knight Without Armour): concrètement, elle ne fait pas grand chose puisqu'elle se repose constamment sur Robert Donat, mais avouons que sa fuite à travers la Russie tourmentée nous tient en haleine jusqu'au bout. Greta Garbo (Conquest): entre Camille et Ninotchka, un rôle moins brillant qu'à l'accoutumée pour la Divine. Jeanette MacDonald (Maytime): l'héroïne est peut-être agaçante jeune, elle devient absolument sublime en vieille dame pleine de grâce.


sans saveur : Luise Rainer (The Good Earth): voir ci-dessus. Claudette Colbert (Maid of Salem): un rôle qui manque cruellement du dynamisme qui fait le charme de l'actrice ailleurs.




à découvrir : Jean Arthur (History is Made at Night), Bette Davis (That Certain Woman), Kay Francis (Confession), Luise Rainer (Big City), Sylvia Sidney (You Only Live Once), Anna May Wong (Daughter of Shanghai), Jane Wyatt (Lost Horizon)



grandes performances en langue étrangère : Si vous voulez profiter d'un bon film sur la Chine avec des personnages dignes d'intérêt, je vous recommande chaudement Zhou Xuan dans Malu tianshi: honnêtement pas son meilleur rôle, mais un film déterminant dans sa carrière cinématographique et musicale (Tian Ya Ge Nu): à voir sans hésiter. 



 ← Best Actress 1936   Best Actress 1937   Best Actress 1938 →


mardi 10 juillet 2012

Oscar de la meilleure actrice 1942

Au programme:

* Bette Davis - Now, Voyager
* Greer Garson - Mrs. Miniver
* Katharine Hepburn - Woman of the Year
* Rosalind Russell - My Sister Eileen
* Teresa Wright - The Pride of the Yankees

Une certitude pour commencer: la victoire de Greer Garson était donnée. Tout d'abord parce que Kate Hepburn et Bette Davis avaient déjà gagné et parce que Teresa Wright était programmée pour remporter le prix du second rôle lors de la même soirée. Ne restait que Roz Russell mais elle n'en était qu'à sa première nomination et ce pour un rôle comique, de quoi dégager amplement la voie pour Garson alors à sa troisième tentative. En outre, l'actrice britannique bénéficiait toujours d'un fort soutien de son studio, mais surtout, elle se trouvait au sein d'un film nommé pour douze Oscars, dont le sujet ne pouvait que toucher les spectateurs d'alors. Et si l'on ajoute que Garson avait obtenu la même année un très fort succès public et critique avec Random Harvest, on a bien la preuve qu'elle était indétrônable.

En face, deux rôles comiques, Hepburn et Russell, chose qui n'était pas arrivée depuis 1936. Les deux ont probablement dû surfer sur leurs grands succès respectifs de 1940, The Philadelphia Story et His Girl Friday, de quoi rester dans les mémoires et profiter d'une nouvelle nomination pour la première, voire d'un lot de consolation pour la seconde. De son côté, Teresa Wright jouissait d'une très forte popularité depuis son premier rôle dans The Little Foxes, ce dont témoignent ses deux nominations dans deux catégories différentes en 1942, la seconde étant pour Mrs. Miniver... quelle surprise! Enfin, on retrouve une incontournable Bette Davis qui régnait toujours de main de maître sur la Warner et se payait le luxe de recevoir sa cinquième nomination consécutive, record égalé trois ans plus tard par... Greer Garson herself.

Quoi qu'il en soit, un bon cru puisqu'aucun faux pas n'est à déplorer. Ce qui ne m'empêche pas d'effectuer quelques remaniements de mon côté!

Je retire :

Teresa Wright – The Pride of the Yankees : Allez savoir pourquoi, je n'attendais pas grand chose du film et j'ai finalement été agréablement surpris. Certes, pas au point d'avoir envie de le revoir dans l'immédiat, mais j'ai trouvé la relation Teresa Wright/Gary Cooper assez touchante pour piquer l'intérêt. De fait, l'actrice se révèle à nouveau tout à fait charmante et n'oublie pas de rester charismatique jusqu'au bout en ayant une grande complicité avec son partenaire. J"ai notamment apprécié le dynamisme et l'humour dont elle fait preuve comme lorsqu'elle arbore une fausse moustache alors qu'on sent poindre l'émotion sous cette apparente légèreté. Dès lors, il s'agit là d'une bonne performance mais... Teresa se comporte exactement comme dans tous ses autres rôles, aussi celui-là manque-t-il quelque peu d'originalité. En effet, qu'on regarde Mrs Miniver ou The Pride of the Yankees, on a l'impression de voir le même personnage, si bien qu'une seule nomination pour cette année aurait suffi.


Rosalind Russell – My Sister Eileen : Le film a beau avoir ses limites (à savoir rester le cul entre deux chaises avant de basculer entièrement dans le burlesque et laisser une première partie assez terne), Roz n'en pâtit jamais. Un peu comme dans le futur Auntie Mame, elle domine une galerie de personnages loufoques mais est cette fois-ci la plus sérieuse du lot, de quoi lui permettre de rester très lucide sur sa situation et plus encore sur le caractère problématique de la fameuse sister Eileen. Ce qui ne l'empêche évidemment pas  de faire preuve d'un déchaînement d'effets comiques toujours très drôles avec en point d'orgue ses tentatives désespérées de mettre à la porte un groupe de marins portugais venus danser dans son appartement, ou ses moqueries non dissimulées devant le rire particulièrement niais de sa soeur. L'actrice parvient d'ailleurs à faire passer la pilule dans les moments les moins débridés: ainsi, la découverte du trou à rats qui doit lui servir de logement a beau traîner en longueur, impossible de s'ennuyer grâce à la présence de Roz qui trouve toujours le moyen d'être hilarante quelle que soit la situation. En somme, une performance à la fois comique et humaine très réussie qui s'élève bien au-dessus du niveau général du film. Ceci dit, j'ai finalement décidé d'exclure ce rôle de ma sélection car le film est loin d'être le meilleur de l'année, sans compter que Roz a de bien plus grandes créations à son actif grâce auxquelles on la retrouvera à d'autres reprises.


Greer Garson – Mrs. Miniver : Je l'enlève uniquement parce que je la préfère dans Random Harvest, mais il n'empêche que Mrs. Miniver est sans conteste l'un de ses sommets, lequel qui lui donne l'occasion de figurer dans un très bon film captivant. D'emblée, on croit tout à fait à cette mère de famille charmante et qui plus est 100% normale, à l'image de son envie de se faire plaisir devant la vision d'un nouveau chapeau effectivement fort joli. Dès lors, bien qu'on ne la connaisse que depuis cinq minutes à ce moment-là, on n'a aucun mal à croire qu'elle soit populaire au point de donner son nom à une nouvelle variété de roses. Par la suite, l'actrice ne perd rien de son charme lorsque la guerre éclate et ajoute d'autres dimensions à son personnage. Elle sait ainsi parfaitement retranscrire la peur et l'angoisse lors des bombardements ou lors de sa confrontation avec le soldat allemand, tout en réussissant à mêler l'inquiétude à la fierté lors du départ d'êtres chers pour le front. Mais ce que j'aime le plus dans tout ça, c'est qu'elle évite de se la jouer mère-courage ostentatoire et choisit justement de rester digne et protectrice sans en faire trop, notamment dans son morceau de bravoure final lorsqu'elle se trouve coincée en plein champ de bataille. En somme, un très bon rôle patriotique empreint de détermination mais surtout de normalité, et c'est ma foi fort réussi et bien meilleur que les greergarsoneries habituelles.


Ma sélection :
Bette Davis – Now, Voyager : J'ai eu beaucoup de mal à juger cette performance, mais à présent, j'en suis un fan inconditionnel, et c'est de toute façon davantage le personnage qui me perturbe que le formidable travail de l'actrice. En effet, j'ai beaucoup de mal avec cette héroïne qui se sert de sa protégée moins pour le bien de celle-ci que pour son propre intérêt, preuve s'il en est qu'après sa métamorphose, Charlotte est en passe, sous le couvert d'une gentillesse trop évidente, de calquer le comportement de sa propre mère qui l'a toujours étouffée. Et disons que pendant longtemps, je n'étais pas sûr que Bette fut pleinement consciente de ce caractère de Charlotte, qui me paraît un brin obscur alors que tout le film est construit pour la sanctifier, mais un dernier visionnage m'incite à penser qu'au contraire, la star a parfaitement compris les ressorts de son personnage, au point que les notes négatives me semblent à présent voulues par elle, et savamment suggérées dès le départ. Ainsi, ce petit côté masochiste lorsque Charlotte se plaint d'être torturée va pleinement dans le sens de son regard de défi qu'elle lance à sa mère sur le bateau, et annonce justement le climax du film à travers cette grande confrontation avec Gladys Cooper. Tout est donc parfaitement mis en place, et si l'on ajoute que l'épanouissement progressif de Charlotte fait malgré tout plaisir à voir, alors cette performance mérite effectivement son statut légendaire. Je valide à 100%!


Katharine Hepburn – Woman of the Year : La première collaboration Hepburn-Tracy est décidément celle que je préfère aux côtés d'Adam's Rib, encore qu'il m'en manque certaines au compteur. Il faut dire que les deux stars prennent un plaisir si manifeste à se donner la réplique que chacun de leurs échanges devient particulièrement savoureux, et c'est magique! Dans le détail, Kate fait comme toujours preuve de beaucoup de charisme et, même si sa Tess Harding est plus une nouvelle incarnation de Katharine Hepburn qu'un personnage en tant que tel, ça passe tout seul, de quoi me séduire bien plus amplement que sa Tracy Lord de Philadelphia Story. En effet, comment ne pas être charmé par le côté un peu hautain mais très amusant d'un personnage bien plus doué pour les langues étrangères que pour les tâches domestiques? Et comment ne pas être immédiatement touché par tous les regards émouvants que l'actrice distille aux moments clefs de l'histoire? Ainsi, un charme incomparable opère, à l'image de ce final tout à fait délectable qui constitue, dans toute sa simplicité, l'un des passages les plus iconiques de la riche carrière de l'actrice. D'ailleurs, c'est sans doute là son meilleur rôle des années 1940 après Adam's Rib, et rien n'est plus crédible que ce titre qui va comme un gant à un personnage tout aussi marquant que son interprète.


Greer Garson - Random Harvest : En redécouvrant Random Harvest il y a peu, j'ai réalisé à quel point il s'agit de l'un des meilleurs films des années 1940, et à quel point cette dame britannique aux multiples noms est sans conteste le plus grand rôle de l'actrice. Il faut dire que je suis un très grand admirateur de ce genre d'histoires délicieusement improbables (mais c'est précisément ça, la magie du cinéma), et Greer Garson est justement idéale pour incarner ce personnage, sa présence lumineuse et son jeu d'une sobriété exemplaire arrivant à point nommé pour apporter toute la dose de crédibilité dont le tout avait besoin. Ainsi, prenant bien soin d'éviter toute note mélodramatique, l'actrice compose une héroïne extrêmement attachante qu'on aimerait tous rencontrer en vrai lorsqu'on touche le fond, et non contente de communiquer beaucoup d'espoir aux spectateurs, elle se paie en outre le luxe de mettre tout son public dans sa poche en révélant les affects de Paula sans jamais surjouer. Mais finalement, ce qui fait qu'on aime cette performance par-dessus tout, c'est cette scène absolument phénoménale où Garson prend un irrésistible accent écossais pour chanter She Is Ma Daisy : n'hésitez pas à vous repasser ce numéro en boucle, c'est réjouissant à souhait!


Carole Lombard – To Be or not To Be : On pourrait croire que cette nomination posthume soit un vote de sympathie, mais il n'en est rien! En effet, on parle de Carole Lombard, l'une des actrices les plus réjouissantes du Golden Age, et force est de reconnaître que son dernier rôle reste l'un de ses meilleurs, le tout dans un Lubitsch audacieusement satirique qui, sans être mon favori, n'en est pas moins une immense réussite. Pour commencer, son apparition en robe de soirée en lieu et place d'un costume de prisonnière donne le ton: on a affaire à une grande comédienne dans l'âme parfaitement équilibrée entre fiction et réalité, et dont les rapports avec son mari ou ses admirateurs sont absolument jouissifs de drôlerie, notamment lorsqu'elle pouffe discrètement de rire sous le nez de Jack Benny. De surcroît, le personnage se révèle judicieusement téméraire, comme en témoignent son engagement dans la résistance antinazie et plus encore sa façon très drôle de se jouer d'un traître au cœur même du QG des occupants. Carole Lombard est ainsi le choix idéal pour faire ressortir tout l'humour de ces situations tout en donnant une touche de classe inouïe au film, sans oublier de lui conférer la dose nécessaire de réalisme puisqu'elle mime parfaitement l'inquiétude. Voilà donc un rôle incontournable au regard duquel on ne peut que regretter la tragique disparition de l'une des stars les plus douées de l'histoire d'Hollywood.


Ginger Rogers – The Major and the Minor : Lors d'une année finalement riche en prestations comiques, Ginger Rogers n'est pas la dernière à faire des étincelles, notamment grâce à ce triple rôle où elle se révèle extrêmement convaincante dans chaque facette du personnage. Bien sûr, on ne peut pas croire à la fille de douze ans au niveau physique mais c'est précisément ça qui est drôle, surtout quand l'actrice accentue son ton enfantin pour échapper à des contrôleurs trop zélés ou à une mégère qui vampirise un Ray Milland bien sympathique. Si le long épisode avec les cadets militaires est un peu moins prenant que le reste, on ne peut  en revanche qu'admirer la grande connivence entre Ginger et Diana Lynn, de quoi ajouter au plaisir que procurent le film comme la performance de l'actrice. D'autre part, Rogers crève l'écran dès qu'elle apparaît en adulte, que ce soit pour ses reparties hilarantes d'esthéticienne désabusée ou pour l'émotion qu'elle dégage lorsque sa rivale la met en position de faiblesse. Et bien entendu, le passage où elle se fait passer pour sa mère est à l'unisson de ce rôle très réussi dans lequel les trois Susan Applegate sont formidablement reliées et ne donnent jamais l'impression d'avoir affaire à différentes personnes. En clair, c'est drôle et charmant, et on en redemande!

Voilà pour mes nominations, avec une majorité de performances comiques, ce que j'assume tout à fait. J'en profite également pour confesser que j'avais toujours été quelque peu mal à l'aise avec mon ancienne liste, aussi le retour triomphal de Davis me convient finalement bien mieux. Mais cela suffira-t-il à lui donner le précieux prix? La réponse dès à présent: la grande gagnante de l'année est...


Greer Garson - Random Harvest

1942 pose incontestablement un problème de taille, à savoir que c'est autant l'année Greer Garson que l'année Ginger Rogers. En cela, il est impossible de choisir, Ginger ayant insufflé une puissance comique sans égal à une série de rôles croustillants, qu'il s'agisse du Wilder dont j'ai dit tout le bien que je pensais plus haut, de son personnage aux identités multiples dans le très étrange Once Upon a Honeymoon, de son exquise saynète sauvant Tales of Manhattan du naufrage (avec celle de Charles Laughton, évidemment), ou de son explosion plus que dynamique dans Roxie Hart; tandis que Greer brille dans deux des meilleures productions de l'année. Mais finalement, il m'est possible de couronner Ginger à une autre occasion, même si j'aurais tout de même préféré la sacrer pour The Major, de quoi libérer la place pour la divine Greer dans son meilleur millésime. Et puis, n'ayons pas peur des mots : Garson mérite amplement un prix pour ses deux très bons rôles, notamment Random Harvest qui lui demande d'être tour à tour drôle et émouvante, avec en prime un caractère chaleureux qui permet bel et bien de comprendre pourquoi elle fut si adulée à cette époque. Et ce numéro musical est en tout point brillant! Ainsi, je classe Ginger n°2 pour les raisons évoquées, puis Bette Davis n°3 pour son formidable travail sur un personnage intrigant, Carole Lombard n°4 pour son chant du cygne en apothéose et Katharine Hepburn n°5 pour la plus charmante variation d'elle-même au sein de sa carrière.

D'autre part, 1942 a vu s'épanouir bien d'autres bonnes performances, ce qui donne, selon Sylvia Fowler:


dignes d'un Oscar : Bette Davis (Now, Voyager), Greer Garson (Mrs. Miniver) (Random Harvest), Carole Lombard (To Be or not To Be), Ginger Rogers (The Major and the Minor): voir ci-dessus.





dignes d'une nomination : Katharine Hepburn (Woman of the Year), Ginger Rogers (Roxie Hart) (Tales of Manhattan), Rosalind Russell (My Sister Eileen), Teresa Wright (The Pride of the Yankees): voir ci-dessus. Veronica Lake (Sullivan's Travels): un personnage touchant et sympathique au possible, bien que l'actrice ne soit pas aussi éblouissante qu'elle aurait pu. Elle est peut-être plus marquante la même année dans le sympathique I Married a Witch, mais pas au point de se hisser au niveau de ses consœurs comiques sus-nommées. Ceci dit, c'est du tout bon côté divertissement. Ona Munson (The Shanghai Gesture): une performance iconique, dans laquelle l'actrice donne de la chair à ce qui reste davantage un archétype symbolique, le Mal, qu'une héroïne en tant que telle. Et je veux la même coiffure pour mon prochain dîner!


séduisantes : Lucille Ball (The Big Street): peut-être pas entièrement crédible, et parfois assez agaçante quand elle en fait trop, mais rien que sa vigueur la rend totalement digne d'intérêt. Claudette Colbert (The Palm Beach Story): un rôle comique mené de main de maître, mais qu'une actrice de la trempe de Claudette Colbert aurait pu jouer les yeux fermés. Bette Davis (The Man Who Came to Dinner): un personnage pas très développé qui n'enlève rien au charme de Davis dans un registre moins habituel. Olivia de Havilland (In This Our Life): une héroïne nuancée qui vole allègrement la vedette à une furieuse Bette Davis. Irene Dunne (Lady in a Jam): une performance drôle, excentrique et délicate tout à fait plaisante. Joan Leslie (Yankee Doodle Dandy): une actrice pas encore très expérimentée dans un rôle charmant. Ginger Rogers (Once Upon a Honeymoon): un bon rôle mais une intrigue qui peine à trouver le bon équilibre entre comique et sérieux. Et ne pas oublier une Marlene Dietrich très drôle (The Lady is Willing), ou émouvante (Pittsburg).


sans saveur : Joan Crawford (They All Kissed the Bride): preuve que je préfère ma Crawford tragique et tourmentée. Bette Davis (In This Our Life): un personnage trop exagérément mesquin pour être crédible. Gene Tierney (The Shanghai Gesture): une insupportable enfant gâtée qui se fait manger en moins de deux par une Ona Munson extrêmement charismatique.


à découvrir : Jean Arthur (The Talk of the Town), Mary Astor (Across the Pacific), Marlene Dietrich (The Spoilers), Ida Lupino (Moontide), Norma Shearer (Her Cardboard Lover), Barbara Stanwyck (The Great Man's Lady)