dimanche 18 novembre 2012

Oscar du second rôle féminin 1939

Encore plus ingérable que les leading ladies 1939: les seconds rôles féminins. Au programme:

* Olivia de Havilland - Gone with the Wind
* Geraldine Fitzgerald - Wuthering Heights
* Hattie McDaniel - Gone with the Wind
* Edna May Oliver - Drums Along the Mohawk
* Maria Ouspenskaya - Love Affair

Vu le succès fracassant de Gone with the Wind, je pense ne pas trop me tromper en affirmant que la victoire devait se jouer entre Hattie et Olivia. De son côté, à l'affiche de deux grands succès de 1939, Dark Victory et Wuthering Heights, Geraldine Fitzgerald était elle aussi incontournable cette année, et j'imagine fort bien qu'elle parvint à se hisser à la troisième place dans le classement final. Pour les deux dernières, je ne sais pas qui eut l'avantage: Maria Ouspenskaya figurait dans un film nommé pour six Oscars, mais le personnage incarné par Edna May Oliver réussit sans doute plus facilement à marquer les esprits. Quoi qu'il en soit, Hattie McDaniel entra dans l'histoire en devenant la première actrice noire à être non seulement nommée, mais également oscarisée, contribuant par-là même à rendre encore plus légendaire cette année pour le moins mythique.

De mon côté, bien que satisfait avec la sélection officielle, je vais tout de même procéder à plusieurs changements. 

Je retire:

Edna May Oliver - Drums Along the Mohawk: Voilà un personnage qui a du caractère et de la personnalité et qui aurait amplement mérité sa nomination... à condition que le film ne fût pas autant raté. C'est malheureusement le cas et malgré tous ses efforts, Edna May Oliver ne parvient pas à relever le niveau, probablement parce qu'elle n'échappe pas à quelques incohérences, dont la plus flagrante est qu'elle semble presque s'amuser d'entendre les Indiens dire qu'ils vont mettre le feu à sa maison, avant de hurler cinq minutes plus tard: "Quoi? Vous allez mettre le feu? Non! Je ne vous laisserai pas faire!" Mais à part ça, la performance de l'actrice est tout à fait réussie. Elle domine ainsi de très loin l'ensemble du casting, dont un Henry Fonda un peu falot et une Claudette Colbert étonnamment mauvaise (la scène avec l'Indien), et reste la seule qui fait l'effort de créer un personnage mémorable dont la complexité est illustrée par quelques regards suggestifs. A vrai dire, elle est aussi la seule qui parvient à insérer de façon réussie du comique dans l'histoire par sa repartie et sa personnalité croustillante, là où le film échoue lamentablement dès qu'il se veut un tant soit peu drôle, à l'image de la séquence où on la transporte sur son lit avant de mettre le feu à sa maison, en raison des incohérences évoquées. Ceci dit, bien que l'actrice parvienne à rester amusante par elle-même y compris lorsque le texte s'ingénie à plomber sa performance, force est de constater qu'elle ne sort pas non plus de l'ordinaire et propose seulement une variation de tous ses autres rôles de vieille dame rigolote sous une apparence rigide. Dès lors, comme sa drôlerie reste très habituelle et qu'elle n'est pas en mesure de sauver certaines séquences très mal écrites, on se passera de cette nomination malgré une impression générale favorable, et le sentiment qu'elle est, avec la superbe photographie de Bert Glennon et Ray Rennahan, le seul élément positif du film. A noter encore que son grand moment épique pendant la bataille explique très probablement sa nomination, et le fait qu'elle soit restée dans les mémoires au moment des votes.


Maria Ouspenskaya - Love Affair: Aaaaah! Je l'adore et j'aimerais vraiment lui donner une nomination. Mais avec une concurrence aussi forte en face, c'est malheureusement impossible. Et pourtant, cette performance est absolument lumineuse, le grand exploit de l'actrice étant de parvenir à marquer les esprits presque autant qu'Irene Dunne et Charles Boyer en un peu moins d'une dizaine de minutes au sein du film. Vraiment, elle est à la fois divine et sublime en ne faisant strictement rien, à part être adorable, si bien que tout le monde, même le spectateur le plus endurci, ne peut qu'être touché par son personnage éminemment sympathique. Cerise sur le gâteau, la scène du piano où Maria Ouspenskaya se révèle bouleversante à souhait en regardant ses mains vieillies avec une véritable retenue et une modestie sincère qui émeuvent absolument. A pleurer. On n'a plus alors qu'à regretter son temps d'écran très réduit, mais elle laisse en définitive une impression si durable qu'on a toujours le sentiment que son rôle est bien plus développé qu'il ne l'est en réalité. Ça tient sans doute au fait qu'à l'instar d'une douce escale madéroise, Maria Ouspenskaya apparaît comme une véritable bouffée d'air frais qui agrémente joliment la croisière des héros, et même la délicieuse Cathleen Nesbitt n'a pas réussi à être aussi mémorable dans le remake de 1957, preuve qu'il y a bel et bien quelque chose dans cette performance, même si c'est indescriptible. Sans doute parce que Janou incarne l'idéal de la grand-mère aimante et cultivée qu'on a tous connu ou voulu rencontrer? Quoi qu'il en soit, il n'y a peut-être rien à dire dans le détail, mais rien qu'en se contentant d'être, l'actrice éblouit et laisse planer son souvenir dans le reste du film, ce qui demeure un bel exploit vu la minceur du rôle.


Olivia de Havilland - Gone with the Wind: A l'origine, je détestais Melanie, mais c'est une performance qui gagne des points à chaque visite même si je ne suis toujours pas disposé à lui laisser sa nomination. Il faut dire que le personnage m'a longtemps irrité, à grand renfort de phrases agaçantes comme "Oh, regarde à Wilkes, dans les W, à la fin" ou "Oh, comme je dois vous peser à ne rien faire alors que vous travaillez si dur" et blablabla. Néanmoins, tout en s'astreignant à marquer la profonde gentillesse parfois sirupeuse de Melanie, l'actrice suggère éminemment plus et ajoute d'autres dimensions par lesquelles elle reste fidèle à la psychologie du personnage sans pour autant en faire une pauvre petite chose niaise. Ainsi, Melanie frappe par sa force insoupçonnée qui la pousse à toujours aider autrui sans arrière-pensées, de Mrs. Mead en pleine guerre à Rhett Butler après la chute de Scarlett; mais elle surprend aussi très agréablement en se révélant capable de rabattre le caquet d'India Wilkes et de ne pas tenir rigueur à Scarlett d'une scène des plus scandaleuses avec Ashley. A ce moment-là, le sourire s'estompe à la vue de l'héroïne en pleines festivités, et l'on comprend bien que Melanie n'est pas dupe quoiqu'elle ait trop bon fond pour ne pas sauver son amie, qu'elle ne perçoit jamais comme une rivale, d'un très mauvais pas. On ne doute alors jamais de la réelle gentillesse de Melanie malgré son caractère qui s'affirme de plus en plus, et ce qui m'intéresse absolument dans cette composition, c'est la manière qu'a l'actrice de rendre justice à cette phrase du capitaine Butler à son sujet: "Elle a une trop haute conception de l'honneur pour croire que les gens qu'elle estime puissent en être dénués". Eh bien c'est justement ça qui est excellent: dans un rôle limité par une dimension de bonté qui phagocyte un peu tout le reste, Olivia de Havilland réussit à révéler que Melanie ne perd jamais son estime pour ses partenaires tout en soulignant qu'elle n'est cependant pas bernée par leurs actes. On se soucie alors vraiment de ce qui lui arrive, et je dois avouer que si j'ai longtemps été réfractaire à ce personnage, c'est sans doute parce que je partage précisément ce point commun avec Melanie, n'ayant jamais pu me résoudre à reprendre mon estime à certaines personnes qui ne m'ont pourtant pas ménagé. Dès lors, la proximité me faisait peut-être peur, a fortiori à notre époque où il est difficile de s'imposer en société sans cynisme. Quoi qu'il en soit, la performance d'Olivia de Havilland, et toutes les nuances qu'elle apporte à ce rôle étroit, restent une réelle réussite et je me demande vraiment, en écrivant, pourquoi je ne la nomme pas dans ma sélection...


Ma sélection:

Geraldine Fitzgerald - Wuthering Heights: Difficile de choisir entre ses deux très bons rôles 1939, mais malgré toute ma sympathie pour son Ann King de Dark Victory, j'ai tout de même tendance à être plus touché par son Isabella Linton des Hauts de Hurlevent. Dans l'adaptation d'Emily Brontë, l'actrice brosse en effet un très beau portrait de femme qui subit une évolution des plus drastiques, depuis la jeune fille dynamique à la mariée tragique. Et cette réussite est d'autant plus marquante que le personnage est traité de manière elliptique et qu'il semblait a priori bien difficile pour Geraldine de parvenir à être crédible dans les différentes périodes de la vie d'Isabella, surtout celle faisant suite à son mariage. Quoi qu'il en soit, l'actrice s'en sort admirablement à tous les niveaux: l'épouse sèche et prématurément usée est fort convaincante, mais ce sont surtout les scènes de jeunesse qui émerveillent: l'espoir de s'émanciper enfin aux côtés d'Heathcliff, sa façon de tenir tête à Catherine, son esprit vivace et pétillant... vraiment, Isabella en devient sublime et reste, grâce à l'incontestable talent de Geraldine Fitzgerald, le personnage le plus marquant de l'histoire.


Hattie McDaniel - Gone with the Wind: Mamma! Oui, je mets son nom francisé parce que j'ai d'abord découvert le film en français. Dans tous les cas, voilà un personnage absolument marquant au sein de ce chef-d'oeuvre, plus encore qu'Olivia de Havilland, et rien ne me fait plus plaisir que ce soit Hattie McDaniel qui ait obtenu le rôle (j'aurais hurlé si ç'avait été la généralement très fade Louise Beavers). Ainsi, Hattie trouve là le rôle de sa vie et, alors qu'elle savait déjà faire un sort à tous ses autres films y compris dans le plus minuscule rôle de figurante, elle a ici l'occasion de briller de mille feux dans un festival de grandes scènes qui rendent son personnage incontestablement mythique. Mamma est donc une forte personnalité idéale pour tenir tête à l'impétueuse Scarlett, et rien n'est plus jouissif que ce sourire d'autosatisfaction après avoir rappelé à l'héroïne qu'Ashley ne l'a toujours pas demandé en mariage. Mais finalement, Hattie McDaniel est sublime dans toutes ses autres apparitions, qu'il s'agisse pour Mamma de montrer son jupon à Rhett après avoir bu un verre de trop, ou d'éblouir dans de grands moments tragiques lorsqu'elle doit annoncer la mort de Mrs O'Hara ou relater la mort de Bonnie à Melanie. En clair, voilà un second rôle des plus juteux avec lequel l'actrice fait des merveilles, et on en redemande.


Mary Astor - Midnight: Comme toujours, la seule mention de Mary Astor au générique en dit long sur la qualité à venir, tant l'actrice se révèle à chaque fois monstrueusement superbe et charismatique. Et comme Midnight est l'une des comédies les plus drôles qui soient, elle ne manque pas d'être hilarante de bout en bout avec son divin personnage de grande aristocrate parisienne quelque peu hautaine qui voit d'un mauvais oeil son amant lorgner un peu trop du côté d'une non moins géniale Claudette Colbert. Pour commencer, les choix que fait Hélène Flammarion sont tous tellement inattendus que ça me rend complètement fou du personnage, depuis ce sourire forcé dans une chapellerie lorsque Hélène "prête" son amant à sa rivale, à cet élégant dialogue final avec John Barrymore incarné par deux mots des plus fascinants, "suprisingly little", en passant par ces hochements de têtes dans le dos de Don Ameche lors d'une scène mythique de petit-déjeuner. Mais bien entendu, ce n'est pas tout, et ce qui me séduit peut-être le plus dans cette performance, c'est que toutes les répliques d'Hélène prennent un tour absolument savoureux dans la bouche de l'actrice, avec en point d'orgue cet odieux mais délectable:  "Georges seems to be inviting everyone this weekend." Et bien sûr, ne pas oublier les charmants sourires d'une dame qui semble s'affranchir quelque peu de la hauteur de son rang lors d'une conga des plus extatiques. Bref, voilà une performance d'une constante drôlerie sur laquelle je vous invite tous à vous jeter si ce n'est déjà fait.


Ona Munson - Gone with the Wind: Outre les héros et l'inimitable Hattie McDaniel, mon quatrième personnage de prédilection dans cette grande fresque épique, c'est la flamboyante Belle Watling qu'incarne à la perfection une Ona Munson au meilleur de sa forme, même si l'actrice a par la suite regretté qu'on ait toujours cherché à lui faire jouer des rôles similaires. Mais quelles qu'aient pu être ses revendications, force est de reconnaître qu'elle est absolument excellente dans ce registre, et pour rien au monde il n'aurait fallu une autre interprète pour incarner Belle. En effet, sa performance combine tous les atouts qui étaient destinés à la faire entrer dans la légende, à savoir que l'actrice n'hésite pas à se montrer vulgaire sans jamais rien perdre de sa superbe, avant de faire monter les larmes en une poignée de regards touchants jamais forcés, lorsqu'elle doit s'incliner face à l'impétueuse Scarlett, ou conter son passé à Mélanie dans ce qui reste peut-être la plus belle scène du film. Et le rôle a beau être une énième variation sur le thème de la "pute au grand cœur", Ona Munson parvient à le rendre si divertissant qu'on n'a jamais l'impression d'une quelconque redondance. Au contraire: on aimerait qu'elle ait davantage d'apparitions!


Rosalind Russell - The Women: Attention les yeux, les oreilles et les zygomatiques, voici la performance comique la plus drôle du monde, et je pèse mes mots! Je me revois encore un soir d'hiver en train de marteler mon matelas à la façon des caricatures les plus usitées tant je n'en pouvais plus suite à la scène de la jambe de Paulette Goddard. Diantre! Que c'était drôle! J'ai beau avoir revu le film des milliards de fois depuis, ça me fait toujours le même effet! Et si encore il n'y avait que cette scène... Car l'ensemble de la prestation de Roz est du même acabit: chaque grimace, chaque sourire, chaque démarche, même quand elle est en arrière-plan, comptent parmi les choses les plus poilantes qu'il m'ait été donné de voir, sans parler des répliques tout aussi hilarantes! Et puis, voler la vedette à Norma Shearer, Joan Crawford, et tout le reste d'un casting ultra prestigieux, c'est très, très fort! Quant à savoir s'il s'agit d'un premier ou d'un second rôle, Russell est à mon avis plus leading que Crawford et reste celle qui assure le mieux les liaisons entre chaque interprète, mais j'ai malgré tout du mal à me convaincre qu'elle mérite d'être citée dans l'autre catégorie. 

Voilà qui est dit. Et passons dès à présent à la grande révélation du jour: the winner is...

Rosalind Russell - The Women

Bon, finalement, j'ai décidé de ne plus me priver et de couronner enfin la performance que je préfère inconditionnellement cette année: Sylvia Fowler! Sincèrement, c'est le rôle comique le plus drôle du monde et jamais Rosalind Russell n'aura été meilleure qu'ici. On peut certes préférer sa retenue et son incroyable diction dans His Girl Friday, mais voler la vedette à tout le gratin de la MGM dans la plus grande comédie du monde est un exploit insurpassable qui mérite récompense, d'autant qu'elle me fait beaucoup plus rire ici que dans son film suivant. Sur ce, Geraldine Fitzgerald se classe seconde pour ses deux très grands rôles de l'année, Hattie McDaniel troisième pour son personnage émouvant et croustillant malgré quelques clichés, Mary Astor quatrième pour son génie comique brillantissime et Ona Munson cinquième pour ses deux séquences fort touchantes qu'elle illumine de son charisme.

Quoi qu'il en soit, 1939 est une année surchargée d'excellents seconds rôles féminins, et l'on peut facilement trouver une bonne douzaine de candidates qui auraient toutes mérité le prix. C'est ce que Sylva Fowler va s'empresser de révéler via une liste des performances...

dignes d'un Oscar: Mary Astor (Midnight), Geraldine Fitzgerald (Dark Victory) (Wuthering Heights), Hattie McDaniel (Gone with the Wind), Ona Munson (Gone with the Wind), Rosalind Russell (The Women): voir ci-dessus. Mary Boland (The Women): après Roz Russell, c'est pour moi la plus grande performance du film, tant l'actrice réussit à être drôle à vous faire rouler par terre. Gladys George (The Roaring Twenties): alors là! Alors là! Elle est absolument fabuleuse, elle vole la vedette à tout le monde, elle est extrêmement émouvante et je regrette plus que jamais de devoir me limiter à cinq candidates!


dignes d'une nomination: Joan Crawford (The Women): la plus grande garce d'Hollywood dans un grand rôle de garce, ça ne pouvait que faire des étincelles. Bingo, c'est un véritable feu d'artifice de méchanceté, avec en prime un petit côté touchant à la fin! Bette Davis (Juarez): la première fois, je l'avais trouvée trop effacée ou trop hystérique suivant les séquences. A présent, j'en suis totalement fan. Sa performance est d'une très grande cohérence dans son évolution, et diantre, quelle puissance incandescente! Olivia de Havilland (Gone with the Wind): voir ci-dessus. Joan Fontaine (The Women): parce qu'elle fait tellement exprès d'être niaise qu'on tient là un sommet de comédie! Greer Garson (Goodbye, Mr. Chips): en fait, elle est tellement attachante et charismatique que non contente d'imposer sa très forte personnalité cinématographique, elle est la preuve vivante que sans elle, le film n'aurait même plus de raison d'être. Paulette Goddard (The Women): parce qu'il lui suffit d'un clin d’œil pour faire une entrée fracassante dans un casting de luxe, et que son charisme ne se dément jamais. En outre, elle se bat avec Roz Russell herselfVirginia Grey (The Women): certes, c'est un caméo. Mais quel caméo! A côté, même Joan Crawford se désintègre dans la seconde! Edna May Oliver (The Story of Vernon and Irene Castle): parce qu'elle vole la vedette à tout le monde, et qu'elle est à mourir de rire avec ses grimaces de grande dame pas si rude que ça, surtout quand elle découvre les surnoms donnés par Walter Brennan aux animaux. She steals the show! Barbara O'Neil (Tower of London): sublimement tragique et charismatique dans toute sa théâtralité, en plus d'être extrêmement cool la même année dans Gone with the Wind. Maria Ouspenskaya (Love Affair): voir ci-dessus. Claire Trevor (Stagecoach): sa capacité à rester totalement mémorable est vraiment impressionnante, surtout avec Thomas Mitchell en face.


séduisantes: Katherine Alexander (In Name Only): elle en fait beaucoup trop au début, mais sa dernière séquence m'a vraiment séduit. Edna Best (Intermezzo): un personnage empli de clichés, que l'actrice sait rendre attachant. Alice Brady (Young Mr. Lincoln): une Alice Brady toujours prête à crever l'écran, même avec trois fois rien. Jane Bryan (The Old Maid): techniquement, elle n'est pas très bonne, mais son dynamisme suffit à faire illusion. Esther Dale Muriel Hutchinson (The Women): des domestiques attachantes loin de perdre le nord. Jane Darwell (Gone with the Wind): parce qu'elle réussit à nous intéresser à une vieille bique qui s'offusque d'un rien en un clin d’œil. Olivia de Havilland (The Private Lives of Elizabeth and Essex): elle a une mauvaise scène de supplication à la fin, mais elle montre une forte personnalité dans le reste, malgré son jeu absolument pas subtil. Nanette Fabray (The Private Lives of Elizabeth and Essex): bon d'accord, elle n'est pas du tout expérimentée, mais je la trouve fabuleusement convaincante malgré tout. Et sa façon extatique de prononcer "Errrrrrol Flynn" dans le making-of lui fait gagner plein de points! Betty Field (Of Mice and Men): une bonne performance même si ce n'est pas le personnage le plus intéressant. Kay Francis (In Name Only): le scénario rend son personnage difficilement lisible, mais malgré ces limites, Francis s'acquitte de sa tâche plus qu'honorablement. Nan Grey (Three Smart Girls Grow Up): une grande sœur cool et sérieuse pour Deanna Darling. Susan Hayward (Beau Geste): le rôle est trop standard pour elle, mais on sent déjà sa forte personnalité prête à exploser. Laura Hope Crews (Gone with the Wind): elle en fait des tonnes mais je l'adore, surtout quand elle craque en fuyant Atlanta! Hedda Hopper (Midnight): "Oh, come on! Everybody do la conga!" A noter que j'ai beau haïr Hopper à la ville, elle est encore très drôle la même année dans The Women: ça c'est juteux! Priscilla Lane (The Roaring Twenties): elle est vraiment cool et dynamique sans pour autant laisser une impression très vive. Marjorie Main (The Women): la plus sublime des fermières, capable d'en remontrer aux plus huppées des dames des beaux quartiers! Una Merkel (Destry Rides Again): une actrice qui se crêpe le chignon avec Marlene Dietrich est forcément digne de tous les éloges! Dennie Moore (The Women): avouons que sa gouaille en pleine séance de manucure fait des merveilles. Florence Nash (The Women): elle aussi est très cool, même si c'est peut-être la moins intéressante des principales Women. Edna May Oliver (Drums Along the Mohawk) (Nurse Edith Cavell): preuve que son incontournable présence parvient à rendre n'importe lequel de ses projets un minimum intéressant. Maria Ouspenskaya (The Rains Came): il faut dire que même grimée en maharani imposante, Maria Ouspenskaya parvient à rester l'actrice la plus mignonne de l'univers! Helen Parrish (First Love) (Three Smart Girls Grow Up): dans le second elle est charmante mais trop gentille, alors qu'elle est judicieusement pimbêche dans le premier, sans pour autant s'imposer face à Deanna Darling. Phyllis Povah (The Women): loin de n'être qu'une pondeuse en série, elle est aussi hilarante, surtout lorsqu'elle s'illusionne sur son degré de commérage devant Joan Fontaine! Alicia Rhett (Gone with the Wind): elle est méchante et agaçante, mais elle le fait si délicieusement que je la préfère vraiment aux sœurs de Scarlett. Il faut aussi dire qu'elle geint moins, ça aide! Flora Robson (Wuthering Heights): une gouvernante dévouée à l'héroïne et qui ne veut pas blesser Heathcliff sans pour autant parvenir à l'apprécier. Ça la rend complexe et fait sortir le personnage des sentiers battus. Gale Sondergaard (Juarez) (The Cat and the Canary): dans le premier, sa très grande classe estompe son cruel manque de subtilité. Par contre, dans le deuxième, elle réussit l'exploit d'être drôle à se tordre les côtes rien qu'en apparaissant dans l’entrebâillement d'une porte! Une performance de génie! Lucile Watson (The Women): encore une autre dame très mémorable, surtout lorsqu'elle aseptise la chambre de Norma Shearer avec du parfum après le passage de ses amies cancanières! Virginia Weidler (The Women): une très jeune fille coolissime qui soutient admirablement la comparaison avec ses aînées. Le Juvenile Oscar 1939, c'est elle!


sans saveur: Ina Claire (Ninotchka): d'accord, elle est classe, mais elle est juste méchante, sans rien de plus. Mieux vaut voir Constance Bennett dans Two-Faced Woman, deux ans plus tard. Olivia de Havilland (Dodge City): le grand problème du film, c'est que les personnages féminins sont juste là pour faire joli. Et Olivia n'échappe malheureusement pas à la règle... Virginia Grey (Another Thin Man): on va dire que c'est de la faute du film si elle est aussi peu mémorable... Impossible de croire que Virginia Grey ait pu ne pas être fabuleuse ne serait-ce que cinq secondes dans sa vie! Margaret Hamilton (The Wizard of Oz): oui, certes, elle est verte et iconique, mais sérieusement, il faut arrêter d'en faire tout un foin, elle fait juste son job correctement mais sans aucun génie. Rita Hayworth (Only Angels Have Wings): malheureusement, en 1939, on est plus près de la potiche de Susan and God que de Gilda... Brenda Joyce (The Rains Came): en soi elle est plutôt cool, mais on pourrait l'enlever du scénario que ça ne changerait rien à l'histoire, et elle n'est pas assez mémorable pour justement donner envie de la conserver. Butterfly McQueen (Gone with the Wind): évidemment, personne n'est dupe, et l'on sait que l'actrice aurait voulu faire bien mieux. Mais que tirer de ce personnage à clichés, traité avec un racisme non dissimulé? D'autant qu'avoir la voix la plus nasillarde du monde ne joue, pour le coup, pas vraiment en sa faveur. Ann Sheridan (Dodge City): quand elle apparaît sur scène pour chanter I'se Gwyne Back to Dixie, on s'attend à un superbe personnage très cool et puis... non, elle était juste là parce qu'il fallait une séquence au saloon. Dommage, car il y avait du potentiel.


ratées: Billie Burke (The Wizard of Oz) (Topper Takes a Trip): navré, la dame m'insupporte jusqu'au point de non retour, et son excentricité toute relative n'aide pas à faire passer la pilule. Joan Fontaine (Gunga Din): ah non! Sorry Joan, mais être réduite au rang de cruche de service gémissant avec des regards niais, mais ailleurs que dans une parodie, ça ne peut vraiment pas marcher! Rendez-nous Peggy Day! Lotus Long (Mr. Wong in Chinatown): je sais, c'est de la série B dans toute son horreur, mais cette princesse agonisant par paliers, en prenant le temps d'écrire le nom de son assassin sur un papier qu'elle prend bien soin de froisser en s'effondrant, ne pouvait décemment pas passer inaperçue! Verree Teasdale (5th Ave Girl): à l'origine, elle est à peu près aussi drôle qu'un bâton de berger, et lorsqu'elle veut vraiment se donner les moyens de faire rire, ça se limite à se balader dans sa maison avec une casserole de soupe chaude... Haha ha... ha... Helen Vinson (In Name Only): ultra crispante et sans aucune subtilité, elle réussit à nous faire nous demander si notre antipathie à son égard ne viendrait pas plus d'elle que de son personnage... Lucile Watson (Made for Each Other): non seulement son personnage de mère castratrice est déjà très ennuyeux à la base, mais sa façon très mauvaise de mimer un évanouissement ne peut tout de même pas être accepté. Même en admettant que le personnage joue la comédie, c'est trop mal fait!


atroces: Nancy Kelly (Jesse James): pour le coup, elle est vraiment mauvaise, avec son visage aux expressions """quelque peu""" exagérées!




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Oscar de la meilleure actrice 1950

Pour bien commencer la décennie, les Oscars sélectionnèrent un bon cru, de quoi faire oublier le spectre de l'horrible année 1949. Les heureuses élues furent ainsi:

* Anne Baxter - All About Eve
* Bette Davis - All About Eve
* Judy Holliday - Born Yesterday
* Eleanor Parker - Caged
* Gloria Swanson - Sunset Boulevard

Mettons les choses au clair. Il est d'usage de dire que la victoire de Judy Holliday fut une surprise inattendue, et que tout devait se jouer entre Bette Davis et Gloria Swanson, la première devant théoriquement gagner si la présence d'Anne Baxter dans la liste n'avait capté de précieuses voix. Comme je l'ai lu sur d'autres sites, il convient de nuancer cette analyse, qui est semble-t-il plutôt consécutive au statut légendaire acquis par les performances de Davis et Swanson par rapport à celle de Holliday. Je ne nie cependant pas que déjà, à l'époque, All About Eve et Sunset Blvd eurent un énorme impact, mais force est de reconnaître que l'attribution du prix à Judy Holliday s'inscrivait pleinement dans la logique des choses. En effet, celle-ci avait fait forte impression dès ses deux premiers films, via le soutien de Katharine Hepburn, au point qu'elle fut nommée pour rien moins que... 3 Golden Globes en 1950! On la retrouvait ainsi dans la catégorie second rôle pour Adam's Rib, où elle perdit face à Josephine Hull, mais également dans les catégories meilleure actrice Drame et meilleure actrice Comédie, et ce pour le même rôle dans Born Yesterday. Favorisée de la sorte par ce système pour le moins curieux, elle remporta le Globe Comédie (Born Yesterday étant tout de même davantage une comédie, si l'on excepte la scène où Billie se fait tabasser par Broderick Crawford), de quoi laisser Swanson remporter le Globe Drame. C'est dire, dès lors, si Judy Holliday semblait incontournable cette année-là, ce qui joua incontestablement en sa faveur.

J'imagine néanmoins que ses concurrentes lui donnèrent du fil à retordre, et que si l'année est autant discutée, c'est bien parce que Davis et Swanson menacèrent très certainement Holliday. En terme de prix précurseurs, Swanson avait l'avantage sur Davis puisqu'elle avait gagné le Globe et le prix du National Board of Review. En outre, sa prestation dans Sunset Blvd fit beaucoup parler, au point qu'une partie de la profession comme Barbara Stanwyck s'inclina devant elle, tandis que les directeurs des grands studios comme Louis B. Mayer fulminèrent de voir le système hollywoodien ainsi décrypté. C'est d'ailleurs probablement le caractère brut de cette performance qui empêcha Swanson de battre Judy Holliday, dans la mesure où les Oscars ont toujours préféré les rôles plus traditionnels répondant mieux à des normes attendues. Sans compter que Swanson revenait après une éclipse de 20 ans, alors que les jeunes actrices fraîchement débarquées à Hollywood sont toujours bien plus privilégiées les soirs de remises de prix. De son côté, Bette Davis connaissait elle aussi un mini come-back, puisqu'après avoir été snobée par les Oscars depuis 1944 et n'avoir pas retrouvé de rôle à sa mesure dans la deuxième moitié des années 1940, elle revenait triomphante avec un rôle phare faisant tout à fait honneur à son statut légendaire. Mais elle ne put elle non plus empêcher la victoire de Judy Holliday, probablement moins à cause d'Anne Baxter qu'à cause de l'historique de sa propre carrière: elle avait dépassé la quarantaine, avait déjà deux Oscars au compteur et ne bénéficia que du prix de la critique new-yorkaise avant la cérémonie.

Enfin, il ne faut pas non plus négliger Anne Baxter qui dut sans doute récolter un nombre de voix assez conséquent, et eut accessoirement bien raison d'être nommée en tant que premier rôle, vu l'importance de son personnage dans le film. Quant à Eleanor Parker, j'imagine que son portrait fort de femme emprisonnée parvint également à marquer les esprits. Quoi qu'il en soit, voilà un cru qui fait beaucoup parler et qui me semble tout à fait légitime, même si je vais apporter une modification de taille de mon côté.

Je retire:

Judy Holliday - Born Yesterday: Dans le fond, je l'aime bien, et je suis content que ses talents comiques aient été reconnus, mais elle reste tout de même la moins intéressante de la sélection. Pour commencer, le film a beau être effectivement amusant, ce n'est clairement pas le meilleur Cukor et en toute honnêteté, les protagonistes ont tous tendance à m'ennuyer assez vite. Du coup, ça s'en ressent un peu sur les acteurs, et si Judy est forcément bien plus mémorable qu'un insupportable Broderick Crawford, mon coup de cœur va tout de même à William Holden, le seul qui compose un personnage crédible de bout en bout, et qui soit assez humain pour ne pas être une simple caricature. Car le grand problème avec Judy, c'est qu'il reste précisément bien difficile de s'enthousiasmer pour un personnage aussi creux, quoique la peinture soit réussie, le plus ennuyeux étant surtout qu'on sent difficilement l'évolution de Billie. En effet, alors que celle-ci est censée gagner en libre-arbitre et en intelligence, l'actrice reste égale à elle-même dans la seconde partie, si bien qu'on ne perçoit que très mal le changement qui s'est opéré dans l'esprit de l'héroïne, et à ce titre, sa voix nasillarde ne joue vraiment pas en sa faveur. Après, il faut reconnaître qu'on passe tout de même un bon moment en sa compagnie, mais ça s'arrête là, et sa performance sympathique ne méritait tout de même pas d'être récompensée par un Oscar.


Anne Baxter - All About Eve: Ce n'est généralement pas la performance la plus appréciée au sein du film, mais de mon côté, j'ai longtemps été convaincu. Il faut dire que lors de mon premier visionnage dans mon adolescence, alors que je n'avais lu aucun synopsis sur le sujet, j'ai entièrement cru à Eve telle qu'elle est présentée par l'actrice. Je me suis donc totalement laissé prendre au piège dès le départ, aussi le déroulement de l'intrigue à son propos fut plus que jamais marquant pour moi. A présent que je connais le film par cœur, je reste tout à fait séduit par la prestation d'Anne Baxter, qui en durcissant le personnage au fur et à mesure rend parfaitement l'évolution d'Eve, dont l'ambition est déjà palpable au tout début, et qui n'oublie pas de faire rejaillir l'insécurité liée à la nature même de son rôle lorsque les masques tombent, notamment devant George Sanders. Cependant, après avoir revu le film une énième fois aujourd'hui, je dois avouer que sous la séduction, quelque chose fonctionne de moins en moins dans le personnage. En fait, lorsque Eve interpelle Karen dès les premières minutes du film, et déballe son histoire avec un flot de modestie un peu trop appuyé, j'ai l'impression d'entrevoir déjà les ficelles de l'héroïne, et j'ai de plus en plus de mal à croire que les autres protagonistes puissent se laisser berner si longtemps. Malgré tout, je pense toujours qu'il s'agit d'une bonne performance portée par l'énorme charisme d'Anne Baxter, mais je comprends à présent les critiques qui peuvent lui être faites pour ce rôle. L'année étant surchargée de prestations iconiques, il me faut donc me résoudre à l'enlever de ma liste, mais à regret étant donné qu'il lui reste plein de grands moments dans ce chef-d'oeuvre.


Ma sélection:

Bette Davis - All About Eve: Par où commencer? Là, on parle de la plus grande actrice du monde dans le rôle de la plus grande actrice fictive, donc forcément, le rendu ne pouvait être que mythique et un éblouissement de tous les instants. D'ailleurs, j'ai bien peur de ne pas savoir trouver les mots pour décrire l'admiration que j'éprouve pour sa Margo Channing, à moins d'employer à son égard tous les superlatifs qui me viennent à l'esprit: superbe, ultime, suprême... telle est la performance de Davis dans ce chef-d'oeuvre absolu. Le côté diablement humain de la star, le côté divinement capricieux de la femme, l'inquiétude visible quant au sentiment d'avoir fait entrer le loup dans la bergerie, les interrogations sur l'âge, le couple, la carrière et la féminité qui en découlent, les rapports avec chaque membre du casting, le mythique "Fasten your seatbelts, it's going to be a bumpy night!"... Bref, tout, vraiment tout, est une réussite absolue dans ce rôle en or, et bien peu d'actrices peuvent se targuer d'avoir atteint quelque chose d'aussi sublime dans leur art, ce qui me fait dire qu'on tient là, peut-être, la plus grande performance que je puisse nommer dans ma liste, au risque de tuer le suspense. Mais vraiment! Davis est explosive, son interprétation est évidemment d'une extrême cohérence, et chaque moment pris à part est en soi un véritable morceau de bravoure. J'ai lu quelque part que certains ont pu regretter l'absence de Claudette Colbert qui aurait pu, selon eux, apporter plus d'authenticité au rôle, mais je pense personnellement que Margo méritait d'être traitée exactement à la manière de Davis, avec cet air de diva très prononcé qui lui sied à merveille. C'est ce qu'on ressent notamment au début, lorsqu'une Margo surmaquillée écoute l'histoire d'Eve avec un visage à la fois compatissant et supérieur, n'hésitant pas à surjouer un peu avec son ressenti, de quoi donner la plus parfaite des entrées en matière qu'on puisse imaginer pour un tel personnage. Et sa façon de toujours se montrer comme en représentation tout en essayant de paraître composée est vraiment éblouissante. Bref, All About Eve est vraiment le sommet de Bette Davis, ce qui veut dire beaucoup.


Eleanor Parker - Caged: Caged est le film par lequel j'ai découvert Eleanor Parker, et je fus d'emblée séduit par le personnage comme par l'actrice, avant qu'elle ne finisse par s'imposer comme la plus grande interprète des années 1950 dans mon panthéon personnel, tant son charisme et sa versatilité ont su rendre toutes ses performances absolument fascinantes. Son rôle de jeune femme banale emprisonnée pour ses mauvaises connexions n'échappe pas à la règle, et peut d'ailleurs se targuer le luxe de compter parmi les trois plus grands exploits de l'actrice. Pour commencer, Marie Allen est le genre d'héroïne pour laquelle on ne peut qu'avoir beaucoup de sympathie, puisque tout en restant relativement sobre quoique intense, Parker se révèle si lumineuse qu'on souhaite ardemment la fin de son enfer. Par ailleurs, on sent extrêmement bien l'évolution depuis la jeune femme complètement dépassée par les événements à la prisonnière endurcie façonnée par son séjour derrière les barreaux. L'actrice fait ainsi naître le désabusement et la nervosité sur son visage, de quoi contribuer à faire de ce portrait fort une performance des plus réussies, au point de bien faire ressentir à quel point l'héroïne étouffe dans un environnement de plus en plus insoutenable. En fait, cette interprétation compte de nombreux morceaux de bravoure, au premier rang desquels la bataille que livre l'actrice avec sa geôlière-bourreau qui vient l'attaquer dans les moindres recoins de sa dignité, sans oublier le passage où elle se fait raser le crâne, séquence où ses yeux suggèrent son immense détresse. Il n'y a peut-être que la fin où Parker est un brin trop dure dans son jeu, mais autrement, le portrait est magnifiquement brossé, surtout dans la façon qu'à l'actrice de souligner comment Marie apprend à ses servir de ses atouts pour survivre dans ce milieu. On se sent vraiment pris au piège avec elle, et le début du film, où l'héroïne révèle déjà son fort potentiel de caractère sous sa douceur, est probablement ce que je préfère dans le tout. La nomination est évidemment plus que méritée.


Gloria Swanson - Sunset Boulevard: Tout à l'heure, je parlais de la plus grande actrice du monde pour la plus grande actrice fictive à propos de Davis, mais de fait, cette phrase pourrait tout aussi bien s'appliquer à Swanson dans cet autre chef-d'oeuvre absolu du septième art. Evidemment, le registre est ici très différent puisque à la différence de Margo Channing, le temps de Norma Desmond est révolu depuis bien longtemps, ce qui explique sans problème sa façon particulièrement outrancière de réagir à chaque seconde. Et bien entendu, ce jeu sur "l'over the top" est le bon choix puisque Norma est tout droit sortie des années 1920, époque à laquelle les stars du cinéma étaient tout autant des actrices que des reines. Or, Norma n'a jamais pu se résoudre à accepter la fin de cette époque, si bien que le jeu paroxystique de Swanson sied bien à ce personnage, même si en toute honnêteté, je pense qu'elle en fait parfois trop, et que dans le fond je suis assez d'accord avec Marion Davies lorsqu'elle disait du rôle que tout de même, les stars de l'époque n'en étaient pas à ce point là. Disons qu'il en résulte une impression de sécheresse qui empêche par moments d'embrasser totalement cette performance, bien que l'actrice donne tout ce qu'elle ait pour humaniser Norma dans une poignée de regards touchants. Mais ce qui rend son travail vraiment bon, c'est surtout qu'elle ne se contente pas de présenter une femme vivant uniquement dans un monde clos puisque avant la scène finale où Norma plonge définitivement dans la folie, la star a encore conscience d'un certain degré de réalité dans sa vie, et c'est justement la façon qu'a Swanson de révéler de multiples déceptions tout en se réfugiant dans des caprices qui achève de faire entrer cette performance dans la légende. Par ailleurs, j'admire d'autant plus Gloria qu'il lui a fallu beaucoup de courage pour oser se parodier de la sorte car, et ce n'est un secret pour personne, le rapprochement actrice/personnage est constamment latent. Cerise sur le gâteau, elle imite très bien Chaplin. En somme, il y a un petit quelque chose de trop marqué qui me bloque a minima, mais la puissance volcanique et iconique de Swanson reste évidemment digne de tous les éloges.


Claudette Colbert - Three Came Home: Si vous n'avez pas aimé le trop sentimental Paradise Road qui imposait des répliques aberrantes à des actrices de génie, regardez Three Came Home, et admirez ce que peuvent faire des acteurs tout aussi géniaux avec des personnages qui ne se réduisent pas à des caricatures. Colbert domine ainsi un très bon casting et son jeu naturel est extrêmement bien adapté à ce personnage d'épouse de notable qui se retrouve emprisonnée dans un camp japonais. Elle fait ainsi naître l'inquiétude sur son visage mais n'oublie pas de se départir d'un certain humour (voir notamment la séquence où des prisonniers viennent réveiller la maisonnée des dames), et elle réussit également l'exploit de révéler à la fois de l'espoir et du désespoir tout au long du film, parfois à quelques secondes d'intervalle, comme le souligne parfaitement la toute fin du film. En réalité, Colbert enchaîne elle aussi les morceaux de bravoure, avec en point d'orgue ce passage absolument marquant et haletant où elle prend le risque de sortir en pleine jungle afin de parler un moment avec son mari, et autant dire qu'avec tous les bruits environnants et le visage angoissé de l'actrice lors de son escapade, on en a vraiment le souffle coupé. En somme, il s'agit d'une nouvelle réussite de la part de Colbert, bien que ce succès se payât au prix fort: blessée pendant le tournage, elle fut contrainte de décliner le rôle de... Margo Channing. Et malgré tout mon amour pour Colbert, je ne peux pas dire que je le regrette, car je ne vois vraiment personne d'autre que Davis en Margo. Quoi qu'il en soit, Three Came Home reste vraiment l'un de ses plus beaux rôles dramatiques, et j'en profite également pour attirer votre attention sur l'excellente alchimie que l'actrice crée avec Sessue Hayakawa, les deux héros entretenant une sorte de respect de teinté de méfiance qui rend leurs compositions d'autant plus savoureuses. Pour moi, on est dans la même lignée que Since You Went Away, avec un surplus d'émotions tragiques dans lesquelles l'actrice peut allègrement puiser pour étoffer cette performance incontournable de sa belle carrière.


Gloria Grahame - In a Lonely Place: Je dois le confesser même si ça risque d'être douloureux à entendre, mais il se trouve que je ne suis tellement pas fan d'Humphrey Bogart qu'il m'a fallu un bon moment avant de visionner In a Lonely Place. J'ai finalement cédé, et bien m'en a pris car, si je suis toujours totalement insensible au héros bien que ce soit l'un de ses rôles les plus intéressants, j'ai eu l'occasion de découvrir une éblouissante Gloria Grahame dans toute sa splendeur, dans l'une de ses plus grandes performances. Cerise sur le gâteau, elle tient ici un premier rôle et c'est vraiment elle qui porte le film, aussi me voyez-vous très heureux de lui offrir une nomination dans cette catégorie. Pour commencer, elle en impose rien que par sa présence, et non contente de faire l'entrée en scène la plus classe possible, elle sait aussi comment user de ses regards pour se faire servir sans qu'elle ait besoin d'en dire plus. Son charisme est donc énorme, et Grahame donne si formidablement la réplique à Bogart qu'elle fait oublier Bacall dans la seconde, allant jusqu'à faire regretter que ce ne soit pas elle qui ait tenu les rôles de Mrs. Bogart dans les années 1940. Mais ce n'est pas tout, car Grahame ne se contente pas d'être simplement charismatique, elle livre bien entendu une grande interprétation toute en nuances, et fait évoluer le personnage de façon très cohérente. Pour ce faire, elle use d'un timbre grave un brin désabusé, renforcé par sa manie de garder les mains dans les poches, tandis que ses regards pétillants suggèrent une attirance pour son voisin sous le couvert d'une attitude a priori indifférente. Sa complicité avec Bogart lui permet en outre d'étoffer son registre en se montrant sincèrement heureuse, avant que le doute ne vienne s'emparer d'elle, auquel cas l'actrice sait très bien comment rester digne tout en exprimant un désarroi de plus en plus profond. Grahame colle donc parfaitement à la tonalité du film qui veut faire primer la violence intérieure sur la violence physique et, cerise sur le gâteau, l'actrice n'oublie pas d'être excessivement drôle dans sa manière de remettre son partenaire à sa place. Le rôle n'est peut-être pas encore aussi puissant que sa Debby de The Big Heat, mais on s'en approche à grand pas.

Bien. Vous avez donc compris que, toute mythique l'année 1950 soit-elle, l'une des performances se détache vraiment pour s'imposer comme le rôle ultime, et sans doute comme le plus bel hommage qu'une actrice ait pu faire à sa profession. J'ai donc le plaisir de vous présenter la grande gagnante du millénaire, j'ai nommé... 

Bette Davis - All About Eve

Tout est dit. Et certes, j'ai pendant longtemps essayé de faire gagner Swanson pour cette année, et je maintiens que la diva est une immense actrice qui aurait mérité un voire plusieurs trophées depuis ses rôles muets plus que savoureux à son come-back étincelant dans le plus grand chef-d'oeuvre de Wilder, en passant par ses délicieuses comédies du début des années 1930. Malgré tout, j'ai toujours préféré Bette Davis en 1950, et Margo Channing est en définitive une performance tellement plus humaine et nuancée que je ne peux vraiment pas ne pas voter pour elle. Bette Davis est donc incontestablement et définitivement ma grande lauréate de l'année, et pour consoler Swanson, je ferai remonter mes Orfeoscars dans les années 1920 afin qu'elle puisse en rafler quelques-uns. Je me demande d'ailleurs si je n'aurais pas préféré Pola Negri dans le rôle de Norma Desmond, mais je suis très heureux que Swanson ait pu rester dans les mémoires grâce à cette performance. Quoi qu'il en soit, 1950 est l'année Bette Davis, personne ne peut la détrôner. Sur ce, je laisse Gloria Swanson à la seconde place pour son rôle iconique, auquel elle s'est livrée avec un très grand courage, avant de classer la divine Eleanor Parker troisième pour le tour de force qui l'a révélée. Gloria Grahame prend quant à elle la quatrième place pour l'une des plus brillantes compositions de films noirs, ce qui contraint Claudette Colbert à fermer la marche malgré son excellent rôle héroïque et poignant qui aurait également remporté la statuette n'importe quelle autre année. Ces cinq performances font en tout cas de 1950 l'année la plus forte qu'il m'a été donnée de traiter jusqu'à présent, avec 1939 et 1941. En espérant que d'autres années m'enthousiasmeront de la même manière à l'avenir.

En guise de conclusion, la liste des performances que Sylvia Fowler classerait comme:

dignes d'un Oscar : Bette Davis (All About Eve), Eleanor Parker (Caged), Gloria Swanson (Sunset Boulevard)




dignes d'une nomination : Anne Baxter (All About Eve), Claudette Colbert (Three Came Home), Gloria Grahame (In a Lonely Place): voir ci-dessus. Eleanor Parker & Patricia Neal (Three Secrets): à choisir entre les deux, je dirai que c'est Patricia Neal qui l'emporte, tant elle est touchante et charismatique, mais Eleanor Parker en jeune femme plus discrète et naïve n'a nullement démérité. Mais tout ce même, Patricia Neal est mon sixième choix pour cette année, et si la concurrence avait été un peu moins rude, elle serait entrée sans problème dans ma sélection. On la retrouvera plus tard, qu'on se rassure.


séduisantes : Lauren Bacall (Young Man with a Horn): sous réserve d'un nouveau visionnage, mais d'après mes lointains souvenirs, cette Lauren glaciale à souhait m'avait bien plu. Joan Crawford (The Damned Don't Cry): le film a de très nombreuses limites, mais l'héroïne campée par l'actrice m'a toujours beaucoup marqué. Judy Holliday (Born Yesterday): peut-être pas très bien calculé, mais indéniablement plaisant. Deborah Kerr (King Solomon's Mines): parce qu'elle prend bien soin de développer la dimension psychologique du personnage quand bien d'autres auraient pu se contenter d'un joli safari dans la savane.


sans saveur : Marlene Dietrich & Jane Wyman (Stage Fright): un Hitchcock très inégal auquel les actrices ne parviennent pas à donner un peu de piquant. Barbara Stanwyck (The File on Thelma Jordon): aucun souvenir. Jane Wyman (The Glass Menagery): une approche du personnage que je n'ai pas su apprécier.


ratées : Joan Fontaine (Born to Be Bad): "Bonjour, c'est moi, Christabel Caine. Je suis la grande méchante du film, aussi vais-je m'introduire à Joan Leslie en lui lançant des regards de grande méchante, tout en parlant comme une grande méchante. Mais... Ah? Je n'étais pas censée lui révéler tout ça dès le départ? Oups."


à découvrir : Elizabeth Taylor & Joan Bennett (Father of the Bride), Celeste Holm (Champagne for Caesar), Patricia Neal (The Breaking Point), Micheline Presle (Under My Skin), Barbara Stanwyck (The Furies)



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