mardi 19 mars 2013

Oscar de la meilleure actrice 1930/1931

Au programme :

* Marlene Dietrich - Morocco
* Marie Dressler - Min and Bill
* Irene Dunne - Cimarron
* Ann Harding - Holiday
* Norma Shearer - A Free Soul

En remportant l'Oscar à 63 ans, Marie Dressler devint l'actrice la plus âgée à avoir été primée dans cette catégorie, avant qu'une certaine Katharine Hepburn ne la détrône 50 ans plus tard. Sa victoire record et atypique, dans cet univers qui n'a traditionnellement d'yeux que pour la jeunesse de ces dames, ne fut cependant pas une vraie surprise à l'époque. Marie Dressler était en effet respectée par la profession depuis la période du muet, Min and Bill avait été un gigantesque succès public, et l'actrice allait se voir couronnée n°1 au box-office pour les deux ans à venir. Il semblait donc tout à fait logique de l'homologuer pour son film le plus lucratif où, cerise sur le gâteau, elle livrait une performance tapageuse mi-comique mi-tragique qui ne pouvait qu'impressionner les spectateurs, preuve qu'à mon sens son Oscar récompensait avant tout ce rôle très précis plus que l'ensemble de sa carrière, comme il est de coutume de le dire. Face à elle, la principale concurrence vint probablement de Marlene Dietrich, tout juste importée d'Allemagne afin que la Paramount ait sa propre "Garbo", et dont l'immense bruit fait autour de l'Ange bleu et de ses collaborations américaines avec Sternberg tournées dans la foulée, Morocco et Dishonored, rendait l'actrice tout particulièrement incontournable cette année. Ceci dit, Irene Dunne non plus ne pouvait être ignorée: Cimarron avait, comme Min and Bill, rapporté 2 millions de dollars au box-office; l'Académie l'avait distingué dans sept catégories pour cette cérémonie, et le film repartit finalement avec le titre suprême de Best Picture. Mais cela n'enlève rien au poids dont jouissait Norma Shearer dans l'industrie, et rien ne dit que sa victoire quelques mois plus tôt l'ait empêchée de glaner un bon nombre de voix. Nul doute qu'Ann Harding eut certainement plus de difficultés à faire aussi forte impression que ses concurrentes, ce qui ne veut bien sûr pas dire qu'elle ait démérité, loin de là, car...

Je retire :

Irene Dunne - Cimarron: Non mais non mais non mais non. Déjà que supporter un très mauvais western sur la durée est au-delà du possible (les allusions racistes certes témoins d'une époque n'aident pas, sans parler de ces ellipses totalement incongrues), inutile de préciser que subir deux heures d'Irene Dunne constipée est carrément suicidaire. Parce qu'à l'image du casting, son personnage est une gigantesque caricature antipathique à l'extrême et l'actrice ne fait malheureusement rien pour la rendre un minimum intéressante. Alors, il faut tout de même reconnaître qu'elle tente de bien restituer l'esprit de l'héroïne et qu'elle ne se repose jamais sur ses lauriers: chaque plan la montre par exemple faire quelque chose avec ses expressions, même quand elle est en arrière-plan, preuve s'il en est qu'Irene Dunne se révélait déjà très bonne actrice dès son second film. Mais si c'est pour aboutir à une Sabra qui geint, parfois de façon totalement grotesque devant une horde de cowboys armés, à une Sabra constamment renfrognée dans la première partie, ou à une Sabra qui se vautre parfois dans les pires inflexions machistes ou puritaines du propos, autant recentrer l'histoire sur Dixie Lee, le seul personnage à peu près cool de l'ensemble. Et ce n'est pas la dernière scène où l'actrice parvient à donner un peu de classe à l'héroïne, malgré une perruque la vieillissant de façon ridicule, qui efface le souvenir d'une performance des plus crispantes.


Norma Shearer - A Free Soul: En visionnant ce film dans la foulée de The Divorcee, il me semblait de prime abord avoir préféré le piquant de Jan Ashe face à la parfois un peu plus fade Jerry Martin; bien qu'en terme de films The Divorcee m'eût davantage diverti tout en étant néanmoins bien loin d'être un chef-d'oeuvre. Deux ans plus tard, je reste sur la même opinion sur le second point, A Free Soul devenant toujours aussi vite épuisant lors du visionnage, mais j'ai finalement changé d'avis sur les performances de Shearer. En effet, si j'ai pu regretter que Jerry ne soit pas un personnage entièrement bien maîtrisé, quoique très solide, le travail de l'actrice n'en reste pas moins beaucoup plus cohérent dans The Divorcee. Car Jan Ashe a beau crever l'écran dès qu'il s'agit pour Shearer de capter l'essence de cette socialite libre et épanouie, force est de reconnaître que dans les moments les plus sombres, l'actrice part dans un sur-jeu pas très bien calculé, à grand renfort de mains qui s'agitent, qui tranche beaucoup trop avec les passages plus charmants basés sur un naturel plus convaincant. En outre, les rapports de l'héroïne avec ses partenaires masculins ne parviennent jamais à refléter une once de crédibilité: en mettant de côté l'approche de Lionel Barrymore qui me semble trop datée pour me permettre d'être vraiment objectif, Leslie Howard et Clark Gable peinent à atteindre le degré d'aisance d'un Robert Montgomery qui, lui, a toujours fait des merveilles face à Mrs. MGM. Ceci dit, Shearer reste définitivement le meilleur atout du film, et rien que pour ça, elle est loin d'avoir volé sa nomination.


Marie Dressler - Min and Bill: Si vous aimez les performances calmes où tout vient de l'intérieur, passez votre chemin. En effet, Marie Dressler en fait ici des tonnes et des tonnes, mais comme il s'agit bien entendu d'une actrice associée au vaudeville, elle ne donne jamais l'impression que sa débauche d'effets soit autre chose que parfaitement voulue. Elle peut donc se montrer extrême dans tous les registres, il n'en reste pas moins que c'est avec une facilité déconcertante qu'elle est capable d'émouvoir ou de faire sourire en fonction des séquences, rendant au passage l'héroïne honnêtement humaine malgré son comportement outrancier, si bien qu'il est difficile de ne pas ressentir beaucoup de sympathie pour elle à la fin. En tout cas, l'actrice crève l'écran de façon monumentale et croque toutes ses scènes à pleines dents, mais à force de trop en faire à chaque fois, elle en vient à lasser de façon très rapide, et ce d'autant plus qu'elle n'est pas aidée par ce film franchement médiocre, dont elle est néanmoins l'élément le plus brillant. Finalement, la clef de cette performance réside dans les dernières scènes, où une super Min vengeresse et protectrice se bat bec et ongles pour l'avenir de celle à qui elle a consacré sa vie, avant de briser les cœurs par un dernier regard lumineux d'une beauté à couper le souffle. C'est d'ailleurs ce regard phénoménal qui rend ce rôle, pourtant pas le meilleur de l'actrice, aussi marquant.


Ma sélection :

Marlene Dietrich - Morocco: Malgré les images absolument mythiques de Marlene en costume embrassant l'une des clientes du cabaret sur la bouche, la performance en tant que telle reste éminemment contentieuse, puisqu'on a d'un côté les admirateurs éblouis par le fascinant charisme de la dame, et de l'autre ceux pour qui l'actrice ne joue pas vraiment, et se contente d'être très joliment filmée par Sternberg. Sans aucune surprise, je fais partie des premiers, mais j'entends tout à fait les arguments des détracteurs: oui, il est clair que Marlene a essentiellement suivi les ordres de son mentor sans afficher une palette expressive très étendue, et concrètement, elle ne joue qu'avec deux expressions, très justement exécutées ceci dit, via ses regards désabusés un peu déprimés et ses sourires légèrement ironiques. Cependant, nous parlons bien de Marlene Dietrich, la femme la plus charismatique de l'univers et l'une des mes idoles absolues, que je vénère depuis l'enfance, ce qui me rend totalement partial. Alors, peu importe qu'il y ait en fait peu de choses à dire sur l'interprétation en tant que telle, que Marlene récite toutes ses répliques d'une même voix (mais elle ne parlait pas encore anglais à l'époque), ou qu'elle n'approfondisse pas vraiment le personnage: la fascination est bel et bien là, son degré de photogénie inouï lui permet de voler la vedette à Gary Cooper et même Adolphe Menjou, qui donne pourtant la performance du film, et force est de reconnaître que Marlene sait comment regarder ses partenaires avec intensité même en ne faisant rien, chose que Sternberg a parfaitement su capter. Et bien que la performance soit uniquement due à la direction d'acteurs, le fait que Marlene ait parfois à ajouter des sourires en coin au gré des besoins de l'histoire donne une impression d'aération et de nuance qui rend le personnage d'autant plus intéressant, entre force et vulnérabilité. Et puis, avouons-le, dirigée ou pas, c'est quand même Marlene qui crève l'écran par sa seule personnalité, et l'éblouissement de la séquence du cabaret est bien à mettre à son crédit: en effet, c'est l'actrice en personne qui a suggéré de jouer sur sa bisexualité en ajoutant un baiser lesbien, et c'est encore elle qui a pris soin de charmer l'assistance avec une fleur pour empêcher que la scène ne soit coupée par la censure par un savant jeu de continuité. En somme, voilà autant d'aspects qui font de ce film excitant l'un des meilleurs de l'année, et la contribution de Marlene n'est certainement pas à nier.


Ann Harding - Holiday: Dans un rôle auquel elle fait pleinement justice et où elle ne souffre aucunement de la comparaison avec Katharine Hepburn, Ann Harding fait preuve d'une classe, d'un dynamisme et d'une repartie qui piquent d'emblée l'intérêt, comme lorsqu'elle pousse sa sœur du coude à l'église pour la rassurer, sans compter qu'elle est encore très drôle dans le mode inquisitoire, en questionnant sans aucun problème, et avec une pointe d'humour, le héros sur sa situation financière. Elle crée également une complicité immédiate avec Mary Astor avant que leurs différences de points de vue ne les éloignent, sans oublier de renvoyer une image protectrice lorsqu'elle tapote gentiment les mains de sa sœur pour l'apaiser, bien que le résultat tombe un peu à l'eau à mesure qu'Astor révèle sa vraie personnalité. C'est l'une des raisons pour lesquelles on lui préférera tout de même sa collègue, d'autant qu'à force de vouloir la consoler, Ann Harding se lance dans des envolées lyriques se voulant réconfortantes mais qui passent de plus en plus mal face à la force rêche d'Astor, d'autant que cette alternance entre des passages très naturels et des répliques beaucoup plus théâtrales n'est pas des plus heureuses dans une adaptation cinématographique, à l'image de son vibrato sur des phrases tout à fait quelconques telles "Ooooooh! Let me do it for you! Leeeeet me do something for you once!" D'ailleurs, Harding joue de la même façon lors d'un conflit avec son père, qui lui reproche de ne pas paraître à la fête publique au rez-de-chaussée, mais cette fois-ci, ses envolées théâtrales sont atténuées par son regard défiant qui souligne la véritable force de l'héroïne. En fait, la théâtralisation passe évidemment beaucoup mieux quand Linda se met en scène et tente de dérider l'atmosphère: "I think he is a verrrrry good number". Finalement, si ces fameuses envolées tranchent quelque peu parmi le reste du casting, on retiendra avant tout une performance d'actrice excessivement charmante, avec toujours un brin d'humour même quand Linda est déçue (voir la scène où son frère Ned lui dit qu'il a compris ses sentiments, à quoi elle répond: "Give me some water."), et sa présence d'esprit reste constamment rafraîchissante.


Jeanette MacDonald - Monte Carlo: Une fois n'est pas coutume, Lubitsch a été bien peu inspiré pour ce film, que ce soit à cause de certaines scènes qui rappellent trop The Love Parade sans pour autant prétendre à son brillant, ou à cause d'un casting de seconds rôles peu judicieux, en particulier ZaSu Pitts, l'actrice la moins drôle de l'univers qu'on s'est à nouveau obstiné à caser dans une comédie, et Jack Buchanan, qui réussit l'exploit de me faire regretter Maurice Chevalier, c'est dire. Par ailleurs, si le film se propose d'exploiter à nouveau les talents musicaux de Jeanette MacDonald, force est de reconnaître qu'aucune chanson n'est assez mémorable, Beyond the Blue Horizon compris, pour la faire briller dans ce registre, à part éventuellement Always in All Ways. Néanmoins, malgré toutes les embûches mises sur sa route, super Jeanette arrive largement à tirer son épingle du jeu, et si elle mérite absolument d'être citée ici, voire d'être à deux doigts de finir dans le top 5, c'est aussi parce qu'elle tire à elle seule le film vers le haut. Il faut dire que contrairement à tous ses partenaires, lorsqu'elle décide d'être drôle, elle est... hilarante! Vraiment. Rien que l'introduction qui la voit fuir une cérémonie en robe de mariée pour se jeter dans un train est à mourir de rire, et chaque tic comique de l'actrice, savamment dispensés ça et là, souligne qu'elle sait parfaitement ce qu'elle fait, à l'image de sa façon atrocement mignonne de s'enthousiasmer pour un séjour à Monte Carlo, lever de doigt et large sourire à l'appui. Et tout ça n'est qu'un avant-goût de ce qu'elle réserve par la suite, le sommet de sa performance restant cette séquence ahurissante où on lui masse le cuir chevelu, et où elle n'est jamais loin de friser l'orgasme, avant de s'ébouriffer de dépit à la moindre contrariété. En définitive, elle est la seule du casting à ne pas se prendre au sérieux, de quoi décupler mon estime pour sa performance. La seule chose qui me retient de la nommer, outre la petite concurrence en face, c'est que je la sélectionne déjà trois fois pour des Lubitsch dans un court laps de temps, et celui-ci étant leur collaboration la moins étincelante, je préfère finalement faire l'impasse dessus, quand bien même l'actrice s'en donne à cœur joie et a peut-être davantage de choses à faire par elle-même que dans les autres.


Norma Shearer - Let Us Be Gay: Ce sera donc mon seul changement par rapport à ma liste originelle, mais on reste tout de même en terrain connu puisque je remplace l'actrice par elle-même, dans un rôle délibérément comique qui lui sied mieux que sa flamboyante divorcée aux expressions dramatiques pas toujours très bien maîtrisées. Surprise: sa Kitty Brown est également une divorcée, mais cette performance est d'une plus grande fraîcheur pour deux raisons, d'une part parce qu'on nous épargne ici une seconde intrigue tragique pour n'user que du registre de la comédie de reconquête maritale, et d'autre part parce que l'actrice doit esquisser une évolution entre l'épouse atrocement commune qui finit par lasser son mari à force de dévotion, et la flamboyante mondaine devenue coquette et apte à tourner la tête aux célibataires les plus endurcis. La clef de la réussite, c'est évidemment de suggérer que la ménagère naïve habillée comme un sac et coiffée comme un balais à brosse, puis la divorcée ravissante qui papillonne en société sont bel et bien la même femme, or Norma s'en tire avec tous les honneurs, justement parce que la performance est très bien dosée. Ainsi, l'épouse terne a beau se laisser berner par son mari, elle n'est jamais dupe trop longtemps et Norma souligne bien que cette femme a une personnalité et une perspicacité refoulées qui ne demandent qu'à sortir, le tout sans jamais se reposer sur les accoutrements grossiers qui indiquent trop lourdement le manque de confiance en soi de l'héroïne. De l'autre côté, la mondaine chic et très drôle a gardé en elle une sorte de bonté et d'honnêteté qui nous font bien dire qu'elle est la même personne qu'au début du récit, son évolution étant rendue totalement logique par le jeu d'actrice. Et sincèrement, Norma est absolument délicieuse avec son aisance inégalable dans le registre mondain, sans compter que sa repartie fait mouche à plus d'une reprise, et que ses sourires coquins lui donnent un charme ravageur qui séduit en toute simplicité. Norma se surpassera l'année suivante dans le registre purement comique, mais ce qu'elle montre ici est une réelle réussite dont le pouvoir de divertissement reste très grand.


Sylvia Sidney - City Streets: N'étant pas un grand spécialiste de la première moitié de sa carrière (comme beaucoup de personnes de ma génération, je l'ai d'abord découverte chez Tim Burton), j'avais toujours ouï dire que la jeune Sylvia Sidney était l'archétype de la demoiselle en détresse, aussi m'attendais-je inconsciemment à une performance gentille mais pas transcendante. Sauf que, si Nan est effectivement la victime des événements ici, l'actrice est tout simplement... monstrueusement charismatique! Presque au point de voler la vedette à un Gary Cooper qui la dépasse pourtant de trois têtes! Dès lors, autant dire que l'effet de surprise se révèle particulièrement payant, et c'est un réel plaisir de voir une héroïne a priori toute mignonne avoir beaucoup de répondant dans un milieu de gangsters. D'ailleurs, en affichant à la fois de la tendresse et de la dureté dans ses regards, l'actrice trouve la meilleure tonalité qu'on pouvait donner au personnage, puisque Nan apparaît ainsi comme la plus féminine d'un environnement masculin, et comme la plus masculine d'un entourage féminin lors des scènes de prison. Et même si la seconde partie tend davantage vers le schéma convenu du "je me fais sauver par Gary Cooper qui porte l'essentiel de l'action", avouons que voir Sylvia Sidney tenir trois malfrats en respect dans un véhicule lancé à toute allure reste une expérience tout à fait savoureuse.

A mettre à jour.

A la réflexion, ses concurrentes ont beau faire un travail plus approfondi, personne ne bat Marlene en terme de charisme, et aucun personnage ne me fait plus jubiler que cette Amy Jolly à la fois glaciale et passionnée, dont les quelques sourires en coin donnent un relief bienvenu à un état d'esprit impénétrable et mystérieux. La présence de l'actrice à l'écran fait ainsi de tels ravages que je suis constamment émerveillé, et décidément, tous ces regards d'une force inégalable qu'elle jette à Gary Cooper donnent un aspect plus que mythique à sa performance, avec en point d'orgue cette formidable scène de séduction dans un cabaret. Sans compter que ce film exotique porté par une excellente photographie ajoute à la puissance incandescente qui se dégage de ce rôle, certainement le meilleur de l'actrice dans la première partie de sa carrière. Il ne fait donc aucun doute que 1930/1931 est l'année Marlene Dietrich, qui se paye en outre le luxe de crever l'écran dans deux autres Sternberg, L'Ange bleu et Dishonored, même si la force de son Amy Jolly suffit à elle seule à lui valoir le prix. Sur ce, je classe Norma Shearer seconde pour son génie comique, Jeanette MacDonald troisième pour sa capacité à sauver à elle seule l'ensemble de son film tout en me faisant rire aux éclats, comme à son habitude, Ann Harding quatrième pour sa performance d'une envoûtante sympathie, puis Sylvia Sidney cinquième pour la bonne surprise engendrée par la découverte de ce rôle. Des questions?

Tallulah: Baiser lesbien? Vous avez dit baiser lesbien? On peut participer?

Marlene: Peut-être. Mais je croyais que vous n'aviez d'yeux que pour ce divin Gary Cooper...

Tallulah: Dahling, en grande actrice, je suis reconnue pour ma versatilité.

Joan: Bonjour, c'est moi. Désolée, je suis en retard, j'étais partie en vacances. Navrée de vous avoir autant manqué.

Tallulah: Ah? On n'avait pas remarqué. Et où étiez-vous donc partie, dahling?

Joan: Oh, j'ai dû faire une cure de repos suite à ma déconvenue de l'autre fois. Comme vous le savez, j'avais une fâcheuse crise de nerfs à soigner. Mais tout est pour le mieux à présent, j'ai passé des mois merveilleux dans une superbe retraite au milieu des bois, c'était très joli.

Tallulah: Intéressant. Et c'était où, cet endroit paradisiaque?

Joan: En Arizona. A mon arrivée, ça s'appelait, je crois... Holly Green Wood. Mais depuis mon passage le nom a changé. On appelle ça The Petrified Forest.

Orfeo: Et tandis que certaines savourent la non-victoire de Norma Shearer pour A Free Soul, donnons la parole à Sylvia Fowler afin de classer les performances de l'année selon qu'elles sont...

dignes d'un Oscar : Marlene Dietrich (Der blaue Engel) (Morocco), Norma Shearer (Let Us Be Gay): à mettre à jour.


dignes d'une nomination : Marlene Dietrich (Dishonored): n'étaient les miaulements de la paysanne faussement prude, une exquise performance dans la droite ligne de Morocco. Ann Harding (Holiday), Jeanette MacDonald (Monte Carlo), Miriam Hopkins (Fast and Loose): parce que dès son premier grand rôle, elle mange tout ce qui existe alentour, quand bien même le film reste assez inégal. Sylvia Sidney (City Streets): voir ci-dessus.


séduisantes : Constance Bennett (Sin Takes a Holiday): Elle est touchante pour sa simplicité au début, et parvient à ajouter de petites touches d'humour pour rendre sa composition intéressante, surtout lorsqu'elle use de répondant face à sa rivale. Mais dans l'ensemble, ce n'est pas aussi marquant qu'on aurait pu le croire. Helen Chandler (Dracula): parce que mine de rien, elle peut être ultra flippante rien qu'avec ses regards, même si personne n'arrive à la cheville du mythique Bela Lugosi. Claudette Colbert (Honor Among Lovers): une actrice très charismatique et une performance énergique qui relèvent le niveau d'un film beaucoup trop larmoyant sur la fin. Marie Dressler (Min and Bill): voir ci-dessus. Norma Shearer (A Free Soul): voir ci-dessus. Sylvia Sidney (An American Tragedy): une bonne performance dans un rôle devenu mythique grâce au remake, mais on ne s'étonnera pas de me voir préférer l'héroïne plus piquante de City Streets. Gloria Swanson (Indiscreet): parce que comme souvent, elle fait preuve d'un véritable sens comique qui aurait cependant mérité un support un peu plus exaltant pour emporter totalement l'adhésion.


sans saveur : Greta Garbo (Inspiration): en soi la performance est pas mal, mais le film est clairement l'un des moins intéressants de sa carrière. Et toutes ces thématiques sur le mode des courtisanes deviennent franchement redondantes. Jeanette MacDonald (Let's Go Native): une actrice vaguement rigolote qui finit en pleine jungle dans un accoutrement douteux cousu de feuilles. Pourquoi pas... Helen Twelvetrees (Millie): un air de chien battu et un manque total de charisme qui détournent très vite l'attention vers la géniale Lilyan Tashman en bonne copine lesbienne rigolote.


atroce : Irene Dunne (Cimarron): la petite Irene Dunne attend sa maman Subtilité au rayon prochain film. Merci de votre attention. Et je veux bien admettre que l'actrice travaille réellement son personnage, cette performance m'irrite bien trop pour la classer plus haut, même si ça me fait mal au coeur de parler en ces termes de l'habituellement divine Irene. Jeanette MacDonald (The Lottery Bride): non mais... Jeanette? Tressée comme une fermière? En sabots? Lançant une série de regards lubriques en jouant de l'accordéon? Piquant un sprint contre un dirigeable? Dans un film à moitié coupé au montage (des nouvelles de Zasu Pitts qui disparaît sans laisser de traces?) où les acteurs chantent toujours au mauvais moment? Mais pourquoi?


à découvrir : Tallulah Bankhead (Tarnished Lady), Joan Crawford (Dance, Fools, Dance), Irene Dunne (Bachelor Apartment) (The Great Lover), Mae Murray (Bachelor Apartment), Barbara Stanwyck (Night Nurse)




performances remarquables en langue étrangère : Ruan Lingyu (Tao hua qi xue ji): parce qu'elle est divine, belle et charismatique, et que cette histoire très similaire aux films tournés par une certaine actrice suédoise justifie pleinement son statut de "Chinese Garbo".



7 commentaires:

  1. "Jeanette MacDonald (Let's Go Native): une actrice vaguement rigolote qui finit en pleine jungle dans un accoutrement douteux cousu de feuilles. Pourquoi pas..."

    C'est étonnant, ceci me rappelle vaguement quelque chose. Serait-ce...Mais oui! Il suffit de reformuler un peu tout cela et on obtient:

    Claudette Colbert (Four Frightened People): une actrice vaguement rigolote qui finit en pleine jungle dans un accoutrement douteux cousu d'une peau de léopard. Pourquoi pas...

    [Je sais que le film date de 1934 mais le parallèle était trop tentant]

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    1. Oui sauf que Let's Go Native est quand même un cran au-dessus de FFP: c'est du McCarey, et le côté exotique n'arrive qu'à la fin. Et pour le coup, Jeanette est naturellement plus drôle (dans le cadre de cette comparaison) que Claudette dans le film incriminé. Et puis Jeanette, elle a une grosse couronne d'abord!

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    2. Four Frightened People c'est quand même du DeMille. On était donc en droit d'atteindre quelque chose de plus démesurément grandiose. A la place, on a eu droit à cette gigantesque roue de chariot sur laquelle des pygmées, émigrés on ne sait pourquoi en Malaisie, vont attacher l'héroïne en tenue léopard et son promis atteint par une flèche heureusement pas empoisonnée.

      Ça n'a pas grand chose à voir mais je suis sûre qu'il y a un truc à faire sur la géographie dans le cinéma hollywoodien. Le nombre de perles que l'on doit pouvoir trouver...!

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    3. Sachant que DeMille avait réalisé l'excellent Why Change Your Wife? 14 ans plus tôt, on était également en droit de s'attendre à des situations plus drôles que le consternant résultat de FFP.

      Je me demandais juste: ta propension à citer ce "film" dans les commentaires est-elle le fruit d'un puissant traumatisme, ou est-ce une subtile incitation à ce qu'on t'offre la tenue de Claudette Colbert pour ton anniversaire? Je suis sûr que tu en meurs d'envie, avoue!

      Quant à la géographie, je ne vois pas dans l'immédiat d'autres erreurs aussi flagrantes dans le cinéma hollywoodien. Je demanderai à Elinor Dashwood ce qu'elle en pense, elle pourra peut-être nous donner des pistes à creuser!

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    4. Au vue des pouvoirs magiques de ladite tenue, je pense qu'il s'agirait d'un bon investissement. A moins que tout le potentiel métamorphique ne provienne de cette cascade dans laquelle Claudette se baigne.

      OK, je pense qu'il doit y avoir un traumatisme psychologique derrière pour que je me rappelle encore de chacune des scènes de cette...chose. Ça et le fait que je n'ai vu que les deux recalés de la sélection, que Cimarron est une purge à gros budget avec une Irene Dunne constipée et que je n'ai guère de souvenirs de Free Soul.

      Et pour les erreurs géographiques, je propose The Letter et son antagoniste originaire de ce magnifique pays qu'est l'Eurasie ou encore le merveilleux Thirteen Women avec une Myrna Loy tantôt javanaise, tantôt indienne. Sans parler de Beyond the Rock qui nous apprend que la pyramide de Gizeh est régulièrement attaquée par des armées de Touaregs mais que, heureusement, la cavalerie algérienne veille.

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    5. Oh oui! Les nationalités interchangeables de Myrna dans Thirteen Women: comment ai-je pu oublier ça? Pour The Letter je suis plus indulgent puisque l'obligatoire goutte de sang européen de Mrs. Hammond fut imposée par la censure, même si je reconnais que la mention d'Eurasie est quelque peu... vaste. Et c'est d'ailleurs dommage car, une fois n'est pas coutume, le grimage est tellement bien fait qu'on ne doute jamais du caractère 100% asiatique de Gale Sondergaard, de quoi rendre ce background européen effectivement caduque.

      Toujours dans les invraisemblances géographiques, mais à bien plus grande échelle, on pourrait également penser à l'immense Osa Massen dans ce chef-d'oeuvre absolu qu'est... Rocketship X-M, où l'on précise que la fusée n'a pas assez de carburant pour atteindre la Lune, ce qui oblige les passagers à changer de destination pour... Mars. Normal.

      Quoi qu'il en soit, si tu en as d'autres, je suis preneur!

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    6. PS: Je te prête Morocco quand tu veux, c'est de loin le meilleur film parmi ma sélection. Et puis Marlene... rhaaaaa... Sachant que Gary Cooper est très rhaaaaa lui aussi...

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