mercredi 22 mai 2013

Casse-tête hollywoodien

J'ai deux grands problèmes dans ma vie : un, je suis maniaque, et deux, je suis fidèle à plusieurs dames à la fois, qu'elles se nomment Irene Dunne, Greta Garbo ou Miriam Hopkins. Si vous avez lu mes réflexions de la semaine dernière, vous savez que récompenser mes actrices de prédilection tout en suivant la règle du jeu des Oscars est un casse-tête insoluble qui occupe une bonne partie de mes nuits.


L'autre jour, je pensais que le problème pouvait se résumer en la personne d'Irene Dunne à l'aune de sa compétition des plus rudes en 1937. Mais finalement, j'ai revu The Awful Truth une énième fois, et pour avoir trouvé le film encore meilleur que dans mes souvenirs, et avoir la certitude de récompenser à la fois Leo McCarey et Cary Grant pour cette oeuvre, j'accepte d'inclure Irene Dunne à leurs côtés dans le palmarès. D'autant qu'elle mérite tout autant l'Oscar que ses deux principales concurrentes tragiques de la même année, à savoir Barbara Stanwyck et surtout Greta Garbo. Dans l'absolu, je reste peut-être davantage ébloui par Garbo, mais couronner The Awful Truth dans trois catégories a finalement bien plus de sens, donc va pour Irene.


Le problème est-il ainsi réglé? Pas vraiment. Parce que mon obsession pour les grandes divas du Golden Age me donne extrêmement envie de sacrer Greta Garbo à deux reprises, et si je me résous à ne pas lui donner un prix pour Camille, il me faut absolument compenser cette perte par une victoire pour Queen Christina. L'ennui, c'est que 1933 est aussi le meilleur moment pour récompenser Miriam Hopkins en tant que leading lady, car bien que déjà lauréate dans ma liste dans la catégorie seconds rôles, elle reste à mes yeux l'une des plus grandes actrices du Golden Age, et mon plus grand coup de cœur hollywoodien, au point qu'il m'est foncièrement impossible de ne pas la distinguer au moins une fois chez les premiers rôles. Sans compter que 1932/1933 est une saison très riche dans sa carrière, et peu d'actrices peuvent se targuer de m'avoir autant réjoui dans une si courte période: 1931 (The Smiling Lieutenant, 24 Hours, Dr. Jekyll and Mr. Hyde), 1932 (Trouble in Paradise) et 1933 (The Story of Temple Drake, The Stranger's Return, Design for Living), avec en point de mire l'un de ses sommets dans Becky Sharp en 1935. Dès lors, l'affaire "Irene Dunne" se solde par un décalage du problème de quatre ans, et jamais la question de la césure des premières années aux Oscars ne s'était posée avec autant d'acuité.


Alors, quelles solutions?

Je conserve mon système personnel dans lequel les seconds rôles remontent à 1928, tout en respectant le timing des Oscars. Partant du principe qu'Irene Dunne gagne en 1937, on en revient au duel Hopkins/Garbo évoqué plus haut. Dans ce cas, après maintes hésitations, je vais quand même me résoudre à sacrifier Garbo qui l'emporte déjà dans cette catégorie en 1928, puisqu'il me semble tout à fait inenvisageable de ne pas distinguer Miriam au moins une fois comme premier rôle. Je reste donc sur mes positions, mais ça m'agace beaucoup de ne donner qu'un unique prix à la Divine dont je suis éperdument épris. D'un autre côté, Miriam est extrêmement versatile cette même année, entre comédies lubitschiennes (Trouble, Design), drame d'une noirceur incomparable (Temple Drake), et grand rôle tout en retenue (Stranger's Return), tandis que Garbo ne compte que Queen Christina pour s'imposer, ce qui est déjà beaucoup, ceci dit. Quoi qu'il en soit, je maintiens Miriam à la première place, avec l'espoir que d'autres hypothèses me satisfassent de plus ample manière.

Je joue entièrement le jeu des Oscars en enlevant les seconds rôles, tout en gardant la césure des premières années. Ici, le début de ma liste reste absolument le même, à savoir: Mary Pickford en 27/28 pour My Best Girl, La Divine en 28/29 pour A Woman of Affairs, Norma Shearer en 29/30 pour The Divorcee et Marlene en 30/31 pour Morocco. Mais les choses changent à partir de la saison 1931/1932 dans la mesure où je remplace Nancy Carroll, Jean Harlow et Lilyan Tashman par celles que je nomme en seconds rôles dans mon premier système, d'où une nouvelle sélection composée de Mae Clarke (Waterloo Bridge), Barbara Stanwyck (The Miracle Woman), Joan Crawford (Grand Hotel), Ann Dvorak (Scarface) et Miriam Hopkins (Dr. Jekyll and Mr. Hyde). Dès lors, le duel Clarke/Stanwyck du système précédent se trouve remplacé par un duel Crawford/Hopkins, avec une victoire de la seconde puisque son Ivy Pearson de Dr. Jekyll and Mr. Hyde reste à me yeux le plus grand rôle féminin de la saison.

Par ricochet, la voie semble entièrement dégagée en 1932/1933 pour Garbo dans Queen Christina, mais c'est à présent Barbara Stanwyck qui pose problème. Vous me direz que je peux toujours la couronner en 1933 pour The Bitter Tea of General Yen ou Baby Face, en 1941 pour The Lady Eve ou Ball of Fire, ou en 1944 pour Double Indemnity, mais je préfère tout de même un peu plus Garbo, Bette Davis et Tallulah en ces trois occasions. Quant à 1937... Stop! Après tout le mal que je me suis donné pour Irene Dunne, on n'y touche plus! Donc soit je laisse la Divine se contenter de son prix de 1928 et je sacre Barbara en 1933, soit je fait perdre Tallulah en 1944 en raison de sa filmographie moins conséquente. Mon amour pour Ms Bankhead m'incite cependant à opter pour la première solution, mais on retombe sur ce satané cercle vicieux qui m'empêche de donner deux prix à Greta Garbo! Sachant qu'en 1941 la question du second Oscar de Bette Davis ne se pose pas : Bette doit avoir au moins deux Oscars, surtout si elle ne gagne pas en 1950.

 Tant qu'à ne pas jouer entièrement le jeu des Oscars dans mon premier système où j'inclus des seconds rôles avant 1936, autant aller jusqu'au bout de ma démarche et opter pour un classement cohérent. A savoir un classement qui ne serait plus à cheval sur deux années. Et là... Miracle! La magie opère! On aurait ainsi Barbara Stanwyck en 1931 pour The Miracle Woman (et Miriam Hopkins en second rôle pour Dr. Jekyll), Miriam en premier rôle pour Trouble in Paradise en 1932 (et Joan Crawford en supporting pour Grand Hotel), Greta Garbo en 1928 pour A Woman of Affairs, puis en 1933 pour Queen Christina, puis Irene Dunne en 1937 pour The Awful Truth. Ici, le seul problème interviendrait en 1930 puisque je ferais gagner Marlene pour Morocco sur Norma Shearer pour The Divorcee, mais puisque l'année 1929 se libère dans ce troisième système, il y aurait peut-être moyen de la récompenser à ce moment là, à condition de revoir Their Own Desire et de découvrir The Last of Mrs. Cheyney. Mais finalement, puisque j'obtiendrais ainsi une année 1927 complète afin de caser Mary Pickford, ça m'obligerait à prendre en compte des performances sorties trop tôt pour être considérées par les Oscars, à l'instar de Clara Bow pour It. A l'aune de ces nombreux changements par rapport à la cérémonie officielle, pourquoi ne pas faire démarrer ma propre liste de prix plus tôt dans les années 1920? Je pourrais alors primer les plus grands acteurs du cinéma muet, et éventuellement sacrer Norma en 1925 pour son excellent rôle dans Lady of the Night. De cette façon, Lillian Gish n'aurait pas besoin d'attendre trop longtemps avant de remporter son premier prix, Lon Chaney et Pola Negri auraient tout loisir d'être récompensés, et Louise Dresser compenserait sa perte en 1934 neuf ans plus tôt, pour un rôle assez similaire.

Voilà ce qu'il en est de mes réflexions. Finalement, dans un cas comme dans l'autre, les trois systèmes se valent puisque Garbo s'arrange quand même pour gagner au moins une fois, et les sept nominations que je lui concède sont déjà un sacré honneur. A part ça, je suis sûr de m'aligner sur les Oscars à partir de 1936, en raison des seconds rôles, mais pour les années précédentes ma troisième solution semble la meilleure. Viendront bientôt des articles comparés, toutes catégories confondues, quant aux choix que j'aurais fait dans chacun des systèmes présentés jusqu'à 1935. On verra ainsi qui des Oscars ou des Orfeoscars ont le plus de chances de résoudre ce casse-tête. Quoi qu'il en soit, j'y vois déjà plus clair dans cet exercice bien plus difficile qu'on pourrait le croire, et si je parviens à caser tous mes acteurs favoris via ma troisième hypothèse, alors tout sera pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Sur ce, j'ai cinq ans d'insomnies à rattraper, bonne nuit à tous!


samedi 11 mai 2013

The Irene Dunne Case


Au commencement était le syllogisme : les grandes actrices méritent un Oscar, Irene Dunne est une très grande actrice, donc Irene Dunne mérite un Oscar. Et je ne pense pas que l'on puisse me contester sur ce point, Irene pouvant être objectivement classée parmi les dix plus grandes interprètes du Golden Age hollywoodien.

Le problème, et j'en suis encore mortifié rien qu'à l'idée de l'avouer, c'est que je n'arrive pas à récompenser Irene Dunne dans ma propre liste! Ce qui est d'autant plus irritable que je n'ai pas de place pour elle en 1937 alors que du côté des acteurs Cary Grant est bien parti pour l'emporter, ce qui n'a pas vraiment de sens car si Cary est évidemment grandiose dans l'un de ses meilleurs rôles, Irene est tout autant géniale, et l'alchimie entre les deux doit autant à l'un qu'à l'autre. Et parmi les autres points les plus désolants, c'est que lors d'années plutôt pâlichonnes, il m'arrive de sacrer des actrices de moindre calibre que Ms Dunne, ce qui avec le recul me semble parfaitement injuste.

Mais alors, quels sont les meilleurs moments pour espérer couronner la grandiose Irene comme il se doit? Personnellement, je n'en compte que cinq: 1932/1933 pour Back Street, 1936 pour Theodora Goes Wild, 1937 pour The Awful Truth, 1939 pour Love Affair, et 1941 pour Penny Serenade. Dans le reste de sa carrière, Irene s'est toujours arrangée pour livrer d'excellentes interprétations sans aucune fausse note (à deux exceptions près), mais il faut reconnaître que ses autres films n'ont pas le cachet des cinq que je viens de citer, ce qui m'empêche généralement de pousser jusqu'à la nomination dans ma propre liste de prix. Je ne prétends toutefois pas avoir épuisé toute sa filmographie, mais pour en avoir visionné la plus grande partie, je peux me permettre de donner mon avis sur la question.

Thirteen Women
Ainsi, je ne relève que deux faux pas intervenus au début de sa carrière. C'est tout d'abord le cas de Cimarron, sa seconde apparition à l'écran, qui reste malheureusement un très mauvais western où l'actrice est affublée d'un personnage tellement crispant qu'elle m'agace à chaque seconde, même s'il est impossible de nier ses efforts pour composer cette héroïne énervante, via une capacité à lui donner vie en permanence, même lorsqu'elle est en arrière-plan. Le second faux pas est intervenu un an plus tard avec Thirteen Women, un film elliptique et mal monté où la moitié du casting disparaît sans laisser de traces, et où seule la grande méchante jouée par Myrna Loy parvient à faire preuve d'un semblant de charisme. Par comparaison, Irene semble tout à fait perdue dans son rôle, au point qu'elle n'a pas l'air de s'émouvoir plus que ça lorsqu'elle apprend qu'elle et son fils son menacés de mort, bien qu'on puisse éventuellement mettre ces problèmes sur le compte de cette histoire réduite en charpie.

Roberta
Heureusement, si l'on excepte ces deux films problématiques, les autres performances de la carrière d'Irene Dunne sont toutes d'incontestables réussites. Dans Consolation Marriage, elle préfigure son rôle supérieur dans Back Street en évitant à chaque instant le mélodrame en faveur d'un jeu à la fois moderne et subtil, tout en faisant preuve de beaucoup d'humour, notamment dans une scène mythique de bataille d'oreillers. Pour moi, il s'agit d'une très grande performance, mais j'avoue que le film peine à marquer durablement les esprits. Je suis en revanche plus réservé sur Symphony of Six Million, un film laborieux où l'actrice n'est pas le personnage principal, même si en toute honnêteté elle y joue bien, surtout pour faire passer la détresse de l'héroïne dans sa grande confrontation avec Ricardo Cortez. Elle se montre néanmoins bien meilleure dans No Other Woman où sa présence à l'écran est magnétique, qu'il s'agisse pour elle de soutenir ou défier Charles Bickford du regard, mais le film n'est hélas jamais parvenu à m'intéresser. J'ai par ailleurs peu de souvenirs de ses autres rôles de 1933, Ann Vickers et If I Were Free, dont je me souviens juste qu'Irene s'en sortait à nouveau très bien, comme d'hab, même si ce ne sont pas de grands films pour autant. J'ai déjà mieux aimé This Man Is Mine en 1934, bien que cette histoire rébarbative de trio amoureux ne soit pas des plus transcendantes, encore qu'Irene s'y montre à nouveau très charismatique. La même année, Sweet Adeline est en revanche un film raté doté d'un scénario banal au possible qu'on a entrecoupé de numéros musicaux afin de faire passer la pilule, mais force est de reconnaître que l'actrice est à nouveau très drôle, et chante divinement bien. Elle se révèle encore excellente chanteuse dans Roberta en 1935, un film tout à fait charmant (mais trop long pour une histoire aussi mince) où elle donne la réplique à Fred et Ginger,  mais toute sympathique soit-elle, on est tout de même loin de ses plus grands sommets. La même année, son rôle dans Magnificent Obsession est déjà bien plus riche, puisque dans cette intrigue hautement improbable (Robert Taylor parvient quand même à la rendre successivement veuve, aveugle, puis amoureuse) elle évite savamment toute note mélodramatique. Mais là encore, je n'arrive pas à m'exalter pour ce film outre mesure, surtout que je lui préfère son remake de 1954 par Douglas Sirk, avec une performance également excellente de Jane Wyman.

My Favorite Wife
En 1936, Irene est à nouveau la vedette d'un grand film musical, Show Boat, mais si elle y est incontestablement charmante, j'ai tout de même été bien plus attiré par l'immense Helen Morgan dont la voix me paraît déjà plus chaleureuse, et dont le personnage est infiniment plus touchant. En 1938, après avoir révélé un talent comique inégalable dans deux comédies dont je parlerai plus en détail plus bas, Irene se montre à nouveau irrésistible dans Joy of Living, en soulignant l'évolution d'un personnage qui apprend à se faire plaisir, mais si le film regorge de grands moments d'anthologie, à l'instar de cette mirifique scène de patins à roulettes, ce n'est cependant pas ce qu'elle a fait de mieux. C'est aussi le cas de My Favorite Wife en 1940, un film délicieux où Irene retrouve avec grand plaisir Cary Grant, sans que le couple parvienne à atteindre les mêmes sommets que dans leurs deux autres collaborations. D'ailleurs, passé Penny Serenade en 1941, on tombe dans ce qui reste pour moi la partie la moins intéressante de sa carrière, puisque si elle se montre touchante dans Unfinished Business, gentiment excentrique dans Lady in a Jam, un minimum intéressante dans The White Cliffs of Dover, sincèrement drôle dans Together Again, bonne mais avec des airs de déjà vu dans Anna and the King of Siam ou Life with Father, et attachante dans I Remember Mama, il faut quand même reconnaître que ces rôles là ne comptent pas parmi les plus grandes interprétations de la décennie (même si beaucoup m'objecteront, sans doute à raison, que le dernier en fait bien partie). Enfin, à l'aube des 1950's mais au crépuscule de sa carrière, Irene est une fois de plus impeccable dans The Mudlark, car même moi qui déteste les grimages trop évidents, je ne peux que m'incliner devant cette composition très réussie où autorité et humanité sont parfaitement dosées. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas cette performance là qui pourrait lui rapporter un Oscar, surtout que ça tombe la même année qu'une certaine Vivien Leigh dans A Streetcar Named Desire.

Ce qui nous ramène donc aux cinq performances pour lesquelles j'ai vraiment très envie de nommer Irene. Et c'est là que la notion de wrong timing prend tout son sens, puisque bien qu'exceptionnelle à chaque fois, Irene ne parvient jamais à se hisser à la première place de mes préférences lors de ces cinq tentatives.

Back Street
En effet, pour le cru 1932/1933, elle est absolument excellente dans Back Street, en se révélant révolutionnaire dans sa façon d'aborder la déception sans que jamais cela sonne faux ou atrocement mélodramatique. Le problème, c'est que le film et la performance n'ont pas réussi à m'enthousiasmer outre mesure, et de toute façon, la saison reste à mes yeux polarisée par une Garbo très théâtrale dans un rôle immense (Queen Christina), et une Miriam Hopkins plus versatile que jamais dans quatre très grands travaux (Trouble in Paradise, Design for Living, The Story of Temple Drake, The Stranger's Return). Donc, navré Irene, mais la question ne se pose pas pour cet Oscar là.

Theodora Goes Wild
En 1936, son premier grand rôle comique dans Theodora Goes Wild n'est également pas loin de lui rapporter une précieuse statuette, mais malheureusement, l'année est déjà surchargée en très grandes performances, dont Ruth Chatterton dans Dodsworth, Rosalind Russell dans Craig's Wife, et surtout Carole Lombard dans My Man Godfrey. Je comprends parfaitement que dans le registre de la comédie on préfère Irene qui compose un personnage subissant une évolution, et a donc davantage de matière à travailler, mais pour moi le génie tranquille de Lombard, sa constante hilarité et son rôle qui me touche de façon très personnelle sont davantage payants.

The Awful Truth
Troisième tentative, 1937 avec The Awful Truth. Là, c'est généralement le rôle pour lequel tout le monde la fait gagner, et pourtant, sa victoire est loin d'être évidente dans ma liste. Je suis néanmoins le premier à rester ébloui par son rayonnement comique inégalable, sa parfaite alchimie avec Cary Grant et son charisme ravageur, mais malgré tous ces avantages à son actif, elle ne parvient pas à s'imposer comme un coup de cœur aussi fort que ses deux grandes rivales tragiques de l'année, à savoir une Barbara Stanwyck extrêmement émouvante dans Stella Dallas, et surtout Garbo dans son plus grand rôle. J'ai beau me dire que j'ai déjà fait gagner la seconde auparavant, je n'arrive absolument pas à voter pour une autre cette année tant elle est suprêmement lumineuse dans Camille, et de toute façon, Stanwyck reste mon second choix coûte que coûte.

Love Affair
Quatrième tentative, 1939 avec Love Affair. A mes yeux, le plus grand rôle d'Irene Dunne, une véritable merveille où comique et tragique sont savamment équilibrés, et où l'actrice se révèle d'une sensibilité renversante, en évitant à nouveau soigneusement la moindre fausse note. De fait, 1939 est vraiment l'année pour laquelle j'aimerais la récompenser, mais sérieusement, est-il envisageable de ne pas donner la victoire à Vivien Leigh dans le rôle le plus énormissime de toute l'histoire du cinéma, dans l'un des plus grands films de tous les temps?

Penny Serenade
D'où la dernière tentative en 1941, avec Penny Serenade. Ici, Irene est finalement peu surprenante par rapport à toutes les réussites déjà énumérées, mais elle n'en reste pas moins émouvante au possible et sublime à souhait. Cependant, ce rôle se retrouve face à une concurrence extrêmement forte, au point que je lui préfère finalement mes quatre autres candidates, à savoir Olivia de Havilland dans Hold Back the Dawn, Joan Crawford dans A Woman's Face, Bette Davis dans The Little Foxes et Barbara Stanwyck dans The Lady Eve. Dans le même schéma qu'en 1937, on m'objectera que j'ai déjà fait gagner Bette trois ans plus tôt, mais si ce n'était elle, le prix reviendrait à Barbara, puis à Joan, ce qui ne règle malheureusement pas le problème d'Irene.

Ainsi, retour à la case départ, Irene Dunne doit à nouveau s'incliner devant des performances qui m'éblouissent légèrement plus, en dépit de son génie d'actrice des plus fracassants. Alors, quelles solutions?

Première option, attendre de voir ce qu'elle donne dans Bachelor Apartment et The Great Lover en 1931, ce qui ferait néanmoins beaucoup de remue-ménage dans ma liste, car ça m'obligerait à décaler la victoire de Marlene de 27 ans (!), de quoi avoir des répercussions sur au moins deux autres années, afin qu'Irene Dunne reçoive ses propres lauriers. Cependant, tout ceci n'est que pure hypothèse, et rien ne dit que les deux films attendus, qui n'ont pas l'air d'être particulièrement géniaux (mais qui sait?) permettent à Irene de briller autant que le charisme de Marlene que j'aime énormément (et c'est un euphémisme) dans Morocco.

Seconde option: attribuer un tie. Je dois cependant confesser avoir un énorme problème avec les victoires ex æquo, dans la mesure où fussé-je électeur aux Oscars, je n'aurais droit qu'à un unique choix sur mon bulletin. D'autant plus que des années qui mériteraient deux lauréates, il y en a de plus importantes, comme 1950 pour ne citer que la plus célèbre. Si je devais cependant en arriver là, quel serait le meilleur moment pour ce faire? Certainement pas 1937 puisque là c'est l'Oscar de Garbo sans aucune compétition possible. 1941? Éventuellement puisque Bette aura d'autres prix pour elle-même à d'autres reprises, mais la seule pensée de la voir partager son Oscar avec une rivale me donne des frissons. 1939 alors? Non, même si c'est l'année où j'ai plus que jamais envie de récompenser Irene, le prix appartient entièrement à Vivien Leigh. Reste donc 1936, où le partage me convaincrait finalement mieux qu'en 1941. Surtout qu'attribuer un tie avec Carole Lombard pourrait marcher puisqu'on aurait ainsi deux performances comiques très différentes mais tout autant géniales qui se retrouveraient primées. Sans compter que, pour aller jusqu'au bout de mes fantasmes ultimes, Carole Lombard aurait probablement mieux accepté de partager sa couronne que Bette Davis. Et puis, si Irene était primée un an avant The Awful Truth, ça me donnerait une meilleure conscience en 1937 pour faire gagner Cary Grant chez les acteurs. Et oui, quand je me prétends maniaque, j'en suis vraiment à ce point là!


Tout cela pour dire que sur Gretallulah, on ne prend pas les Oscars à la légère, d'où ce long article pour expliquer pourquoi j'en arrive à couronner à la fois Irene Dunne et Carole Lombard en 1936. Ce n'est certes pas la solution la plus réjouissante au monde, mais c'est le mieux que je puisse faire dans l'immédiat.

Oscar de la meilleure actrice 1936

Contrairement à 1935 qui n'offrait que deux ou trois performances réellement enthousiasmantes, 1936 fut une année très solide qui m'oblige à départager une dizaine d'actrices toutes plus épatantes les unes que les autres, malgré quelques ratés dans la sélection officielle. Pour mémoire, les heureuses élues furent :

* Irene Dunne - Theodora Goes Wild
* Gladys George - Valiant is the Word for Carrie
* Carole Lombard - My Man Godfrey
* Luise Rainer - The Great Ziegfeld
* Norma Shearer - Romeo and Juliet

En 1936, Luise Rainer remporta son premier Oscar sans trop de difficultés : elle était à la fois la nouvelle coqueluche MGM depuis sa prestation remarquée dans Escapade l'année précédente, la protégée du très influent Irving Thalberg, la plus jeune de la compétition, semblait tout particulièrement prometteuse, et son rôle dans The Great Ziegfeld lui permettait d'incarner une personne ayant réellement existé, et pas la plus heureuse de toutes de surcroît, tout en livrant quelques numéros musicaux avant une grande scène dramatique qui impressionna le système hollywoodien dans son intégralité. Sans compter que le film, qui reçut l'Oscar suprême de la soirée, était l'une des plus grandes productions de l'année. En somme, on ne pouvait pas ignorer Luise Rainer en 1936, en dépit d'un temps d'écran relativement restreint. De son côté, l'autre star MGM, Norma Shearer, avait déjà gagné six ans plus tôt, et Romeo and Juliet ne reçut pas de bonnes critiques en dépit de quatre nominations. Gladys George jouait quant à elle un autre personnage à tonalité malheureuse dans un rôle typiquement prisé par les Oscars, mais le film n'était pas le plus attendu cette année-là. Enfin, Irene Dunne et Carole Lombard étaient nommées pour deux performances comiques, mais si ces candidates sont celles qui plaisent le plus aujourd'hui, elles n'avaient aucune chance de battre Rainer à l'époque en raison de la nature même de leurs personnages, face à une lauréate qui, elle, pouvait se targuer d'avoir une grande scène de larmes à son actif.

Avant toute chose, je précise n'avoir vu que quatre des actrices de cette sélection, mais puisque j'en ai un peu assez d'attendre vainement la cinquième dans les plus sombres recoins de Youtube ou TCM, je prends quand même le parti d'écrire cet article afin de compléter ma décennie de cinéma favorite. Dans l'absolu, il me reste donc...

... à voir :

Gladys George - Valiant is the Word for Carrie : Avec Betty Compson dans The Barker, c'est officiellement la seule performance qui manque à ma collection. Alors, je sais qu'il est dommage de traiter une année de cette façon, mais au bout de cinq ans de vaines recherches, j'en ai un peu assez d'attendre, on s'en passera donc. J'essaie de me consoler en me disant qu'un Wesley Ruggles, réalisateur particulièrement médiocre (Cimarron, I'm No Angel, The Gilded Lily) a finalement peu de chances de m'intéresser, même si j'aime bien Gladys George par ailleurs.


Je retire :


Luise Rainer - The Great Ziegfeld : Elle m'avait semblé inoffensive la première fois, mais c'était oublier à quel point elle est vraiment mauvaise, tout du moins au début, si bien que la question de son temps d'écran ne se pose finalement pas: elle n'avait rien à faire aux Oscars. Vraiment, son entrée en scène est une catastrophe, l'actrice s'ingéniant à rendre le personnage le plus insupportable possible, à grand renforts de mimiques, de bras qui s'agitent, d'yeux levés au ciel et de phrasés enfantins qui révèlent en quelques secondes une héroïne empreinte de bêtise et de suffisance (oui, elle s'y croit et renvoie même Ziegfeld quand il ne la complimente pas, après avoir minaudé avec lui pendant cinq minutes), à tel point qu'il est impossible de s'attacher à elle. Du coup, l'effet comique voulant qu'elle renvoie puis rappelle le héros en fonction de ses humeurs très changeantes tombe à plat, et même si elle ne perd pas le nord et l'interrompt sans arrêt pour demander, avec avidité, combien il compte la payer pour un prochain spectacle, elle surjoue tellement qu'elle passe pour une idiote. C'est peut-être un parti pris, mais puisque tout le film tend à brosser d'elle un portrait sympathique, présenter Anna Held comme la plus futile des frivoles anéantit au contraire le personnage dès le départ. Autrement, l'actrice ne sait pas chanter, de quoi discréditer ses numéros lors desquels Anna est censée galvaniser les foules, mais comme ces passages là sont brefs, ça n'a pas trop le temps de poser problème. Par la suite, Rainer est assez insipide lors des scènes de tendresse qu'elle joue sans inspiration, et finalement, on ne se soucie plus trop d'elle avant sa grande séquence dramatique où elle félicite son ancien mari au téléphone pour son remariage. C'est précisément cette scène qui lui a valu l'Oscar, mais force est de reconnaître qu'elle y est atrocement mélodramatique, et au lieu de se forcer à rire avec les yeux rougis, elle passe plutôt de l'un à l'autre en grimaçant, annulant aussitôt la puissance potentielle de ce moment. Il est aussi fort dommage que juste après avoir eu vent de la triste nouvelle, elle parvienne à se composer un beau visage calme étonnamment inspiré, effet qu'elle massacre en trois secondes en faisant sa petite souris qui commente les froufrous de la nouvelle épouse, avant de pleurnicher sur son sort. Cependant, sa performance contient malgré tout une excellente scène, mais celle-ci intervient plus tôt dans le film, à savoir lorsque Anna découvre Ziegfeld dans les bras d'une collègue, séquence où elle reste calme bien que déçue, disant qu'il aurait au moins pu fermer la porte, avant de rire jaune et révéler qu'elle n'était pas dupe. Pour une fois, c'est extrêmement bien joué, mais hélas, ça arrive trop tard et à jusqu'à ce moment, elle a été tellement épuisante qu'on est déjà passé très vite à autre chose. Beaucoup de déception, donc, en revoyant cette interprétation.


Norma Shearer - Romeo and Juliet : Autre regret de 1936, Norma Shearer livre elle aussi une performance ratée, même si sa Juliette n'a pas l'outrecuidance d'être vaniteuse ou irritante: on reste sur des sommets de mièvrerie, mais ç'aurait pu être pire. J'avouerai même que je ne suis pas du tout choqué par la grande différence d'âge de l'actrice avec le personnage, plus de vingt ans d'écart, sachant que je suis davantage sensible aux grands acteurs et que c'était la norme à l'époque de faire jouer des interprètes de cette génération, quel que soit le rôle. Par contre, là où le bât blesse, c'est que Norma n'est pas du tout faite pour réciter du Shakespeare, et hormis quelques passages furtifs étonnamment réussis, elle n'a pas la force de donner toute sa substance à un texte aussi théâtral, si bien que l'interprétation sonne faux à plus d'une occasion. Par exemple, dès son entrée en scène dans les jardins, elle envoie à sa mère et sa nourrice des sourires niais dont elle se fait une spécialité par la suite, au point qu'on perd d'emblée tout intérêt pour l'héroïne, sans compter que sa rencontre avec Leslie Howard, très mauvais Roméo, la montre en train de minauder jusqu'à plus soif. Ainsi, les grands élans d'amour tombent constamment à plat, ce qui conduit à une scène de balcon ratée, encore que je ne déteste pas tout dans cette séquence, puisqu'en fonction des répliques Norma est soit atrocement artificielle, soit vraiment convaincante, dans ce dernier cas surtout lorsque le timbre se fait plus grave et qu'elle s'exalte de façon assez impressionnante, notamment lorsqu'elle dit ne plus vouloir être une Capulet par amour. Dans la suite du film, elle reste le plus souvent assez fade et parvient rarement à faire sonner ses répliques correctement, donnant parfois l'impression d'être folle quand elle se touche le menton pour parler à voix basse, mais deux scènes plutôt bien jouées parviennent à sauver quelques meubles in extremis. La première, c'est lorsqu'elle dit bonsoir à ses parents avant d'aller boire la potion: elle y est très noble et fait parfaitement illusion devant eux quant à ce qu'elle prémédite. La seconde, c'est la célébrissime séquence finale, où elle est franchement crédible lorsqu'elle pleure sur le corps de son amant avant d'agir vite, avec vigueur, jusqu'au coup mortel qui la libère. En somme, quelques moments intéressants, mais l'erreur de casting reste trop flagrante, et les manières de l'actrice trop affectées, pour vraiment dire du bien de cette performance.


Ma sélection :

Irene Dunne - Theodora Goes Wild : Premier grand rôle comique pour Irene Dunne et... c'est une réussite! Tout d'abord parce qu'elle est extrêmement touchante dans son rôle de jeune femme très intelligente, laquelle tente de se libérer des conventions par des écrits propres à choquer les dames offusquées de cette petite ville où tout le monde se connaît. A ce titre, toutes les scènes de la première partie où elle donne la réplique à Melvyn Douglas sont tout à fait irrésistibles tant on aime voir l'héroïne découvrir des sentiments auquel elle ne connaît finalement pas encore grand chose. Mais le meilleur dans cette performance, c'est que l'actrice brosse à la perfection l'évolution de Theodora, laquelle se transforme à mi-parcours en socialite new-yorkaise plus libérée que jamais, et si le résultat est absolument hilarant, il faut surtout louer la capacité de l'actrice à rester parfaitement crédible dans ce changement : la seconde version de Theodora est en fait préparée dès le début via la grande dimension comique qu'apporte l'actrice au rôle, mais cette nouvelle héroïne n'a rien perdu de la sensibilité qu'elle avait au début. En somme, ce rôle fonctionne à merveille, et bien que le film ne soit pas ma comédie de prédilection, c'est toujours un plaisir d'y revenir de temps à autre grâce à Irene Dunne.


Carole Lombard - My Man Godfrey : Minute confidence: j'ai un rapport très personnel avec cette divine screwball comedy, et autant dire que la performance de Lombard me parle comme à aucun autre. Pour commencer, sa puissance comique est tellement volcanique qu'on s'écroule de rire à chaque instant devant l'héroïne, et le film n'aurait pas été aussi parfait si Lombard n'avait été là pour donner un aspect paroxystique aux extravagances d'Irene Bullock. Tout au long de l'histoire, elle enchaîne divers caprices tous plus drôles les uns que les autres, si bien que mon sentiment est exactement le même que pour Alice Brady dans le rôle de la mère, à savoir qu'il faut un génie fou pour faire rire à partir de personnages fondamentalement creux, et sans réelle profondeur. Pour tout vous dire, j'ai beau connaître le film par cœur après de multiples visionnages, je ris toujours à me décrocher la mâchoire rien qu'en y repensant, ce qui confirme à mes yeux l'extrême génie de Carole Lombard en matière de comédies. Et puis surtout, il y a cette scène la plus drôle de l'univers, dans laquelle l'actrice saute à pieds joints au sortir de la douche pour pousser Godfrey à révéler ses sentiments : ir-ré-sis-ti-ble.


Ruth Chatterton - Dodsworth : Le grand rôle de Ruth Chatterton, qui prouve à quel point ses nominations pour le soporifique Madame X et le médiocre Sarah and Son n'étaient pas les bonnes. Déjà, Dodsworth est un chef-d'oeuvre, mais même sans ça, l'actrice reste assez mémorable par elle-même pour recevoir de multiples éloges. Ainsi, elle parvient à rendre toute la futilité du personnage tout en prenant bien soin de lui donner une grande épaisseur : elle sait par exemple se montrer sérieuse, et parfois émue, alors que l'histoire met davantage en exergue le côté superficiel de Fran. En outre, l'actrice joue parfaitement bien les états d'âme de l'héroïne, notamment lorsqu'elle doit aborder le registre de la colère, sans parler de sa grande confrontation avec Maria Ouspenskaya devant qui elle se révèle phénoménale de tension. Mais d'un point de vue plus général, ce qui est tout à fait formidable dans son travail, c'est qu'elle prend le risque de jouer un personnage foncièrement antipathique, en faisant en sorte qu'on ne déteste pas complètement Fran sans pour autant faire pression sur le public, ce qui est décidément tout à son honneur.


Myrna Loy - Libeled Lady : Beaucoup lui préfèrent Jean Harlow dans le même film mais, là où la Blonde platine me paraît trop affectée pour m'amuser sur la durée, le naturel désarmant de Myrna Loy me touche bien davantage. Au point qu'elle mérite à mon avis bien plus le titre de fine mouche que sa consœur. En tout cas, le rôle est désopilant et semble fait sur mesure pour l'actrice qui fait des merveilles dans toutes ses scènes, les plus intéressantes de l'histoire à mon goût. Elle parvient ainsi à se montrer divinement hilarante sans jamais se départir du sérieux et de la hauteur consubstantiels à son personnage de riche héritière un peu trop gâtée, et au lieu d'être agaçante comme on aurait pu le croire, elle se révèle au contraire éminemment sympathique. On adore par exemple la voir méfiante envers William Powell, au point d'envoyer les Burns-Norvell dans sa cabine (!), avant que des sentiments plus solides l'amènent à devenir de plus en plus compréhensive. Quoi qu'il en soit, c'est avec ce rôle que j'ai découvert Myrna Loy et que je suis devenu l'un de ses plus grands fans, aussi la question ne se pose-t-elle pas quant à sa nomination dans ma liste.


Rosalind Russell - Craig's Wife : Je suis généralement assez déçu par les films de Dorothy Arzner, en dépit de castings souvent plus qu'alléchants, alors autant dire que je n'attendais pas grand chose de Craig's Wife lors de mon premier visionnage. Oui, sauf que, énorme surprise, il se trouve que non seulement le film est une grande réussite, mais surtout que la performance de Rosalind Russell est tout simplement sensationnelle. Adoptant un air supérieur tout au long de l'histoire, elle rend à la perfection le caractère de cette femme matérialiste au possible, dont la propension à tout vouloir contrôler masque en fait un vide existentiel abyssal. Ainsi, son ego paroxystique, qu'on retrouve jusque dans les initiales brodées sur sa robe de chambre, est tel qu'elle ne peut laisser personne entrer chez elle, ou toucher ses objets. Mais l'actrice est également formidable quant à montrer à quel point Harriet parvient à effectuer un contrôle de soi permanent, en faisant par exemple semblant de ne pas en vouloir à son époux après que celui-ci a brisé un vase particulièrement cher à l'héroïne. Et puis Russell laisse venir l'émoi progressivement, tout en restant très fidèle à l'esprit du personnage, au point de conduire à une conclusion absolument phénoménale.

Voilà pour mes nominations, sachant que ça m'a brisé le cœur de n'avoir pas assez de place pour Katharine Hepburn dans Sylvia Scarlett, Bette Davis dans The Petrified Forest, Marlene Dietrich dans Desire, Miriam Hopkins et Merle Oberon dans These Three. Je maintiens néanmoins mes choix, et la victoire revient en définitive à...

Carole Lombard - My Man Godfrey

Longtemps, il m'a été presque impossible de décider entre les deux grandes performances comiques d'Irene Dunne et Carole Lombard, mais en fait, Carole a toujours eu ma préférence. Dans l'absolu, chacune est en tout point merveilleuse bien que leurs personnages n'aient pas les mêmes enjeux, et je comprends parfaitement qu'on puisse préférer Irene qui brosse une singulière évolution extrêmement maîtrisée, et s'impose comme le véritable moteur de son film. Mais Carole qui reste sur une même ligne réussit l'exploit d'être encore plus drôle, et sa performance est à chaque seconde à mourir de rire, ce qui confirme le gigantesque effet que My Man Godfrey ne manque jamais de me faire après des millions de visionnages. A part ça, je suis sûr de classer Myrna Loy cinquième, puisqu'elle mérite effectivement une nomination pour une année très riche dans sa carrière, bien qu'elle ne parvienne pas à égaler ses rivales. En revanche, aucune idée pour savoir qui de Russell et Chatterton monte sur le podium, les deux étant  réellement exceptionnelles. Avec le recul, je pense d'ailleurs classer Irene Dunne quatrième afin de laisser la place à mes deux coups de cœur dramatiques, Chatterton ayant probablement un très court avantage sur Russell.

Sur ce, donnons la parole à Sylvia Fowler pour classer les performances...

dignes d'un OscarRuth Chatterton (Dodsworth), Irene Dunne (Theodora Goes Wild), Carole Lombard (My Man Godfrey), Rosalind Russell (Craig's Wife): voir ci-dessus.




dignes d'une nominationMyrna Loy (Libeled Lady): voir ci-dessus. Jean Arthur (Mr. Deeds Goes to Town): j'avais oublié à quel point elle y est exceptionnelle, et il faut absolument que je trouve moyen de la nommer. Peut-on la considérer comme un second rôle en admettant que Deeds reste le personnage principal? J'hésite. Bette Davis (The Petrified Forest): non seulement le film est excellent, mais Davis se paye en outre le luxe de crever l'écran. Marlene Dietrich (Desire): une approche comique irrésistible, avec notamment une première partie diaboliquement drôle. Katharine Hepburn (Sylvia Scarlett): une performance qui ne m'inspirait guère au départ et dont je suis devenu un fan inconditionnel au fil du temps. Carole Lombard (The Princess Comes Across): l'imitation la plus drôle du siècle, ni plus ni moins. Merle Oberon & Miriam Hopkins (These Three): le film a beau devoir taire son sujet principal à cause du Code Hays, les deux actrices n'en restent pas moins incontournables dans ces deux rôles puissants.


séduisantesIrene Dunne (Show Boat): le rôle est sympathique, mais elle se fait tout de même largement voler la vedette par la sublime Helen Morgan. Jean Harlow (Libeled Lady): comme souvent elle incarne un personnage amusant, mais le naturel de Myrna Loy emporte davantage l'adhésion. Myrna Loy (After the Thin Man): une performance charmante à souhait qui n'a cependant pas la force de son travail dans Libeled Lady, cette même année. Les rapports Loy/Powell dans cette série sont toutefois le véritable moteur des films. Jeanette MacDonald (Rose Marie) (San Francisco): dans le premier, elle s'impose sans effort face à Nelson Eddy (facile) et parvient à nouveau à me décrocher la mâchoire lors d'une irrésistible scène de saloon. Et je prends un tel plaisir devant San Francisco que la réussite de l'oeuvre rejaillit forcément sur elle. Ginger Rogers (Swing Time): un film dont je ne sais que penser, qui m'ennuie et me divertit à la fois, et où l'actrice se montre toujours très drôle et charismatique.


sans saveur : Katharine Hepburn (Mary of Scotland): navré, mais ce rôle ne me convainc vraiment pas. D'après mes souvenirs, le rôle est joué avec une dureté qui fait davantage penser à Elizabeth qu'à Mary. Sylvia Sidney (Fury) (The Trail of the Lonesome Pine): le premier film est très bon, le second totalement oubliable, mais dans un cas comme dans l'autre, je n'ai pas été séduit par le travail de l'actrice cette année. Barbara Stanwyck (Banjo on My Knee): heureusement qu'elle fait des claquettes sur Old Folks at Home, sans quoi sa performance resterait profondément inerte.


ratées : Norma Shearer (Romeo and Juliet): voir ci-dessus.






atroces : Marlene Dietrich (The Garden of Allah): Non mais, Marlene... Quand on figure dans l'histoire la plus niaise du cosmos, il faut au moins éviter de prendre toutes ses répliques au premier degré, sans quoi c'est le cataclysme assuré. "Oh, mais vous savez rire!" Sans blague.



à (re)découvrir : Joan Bennett (Wedding Present), Joan Blondell (Colleen), Madeleine Carroll (The General Died at Dawn), Marion Davies (Cain and Mabel), Frances Farmer (Come and Get It), Gladys George (Valiant is the Word for Carrie), Myrna Loy & Jean Harlow (Wife vs Secretary)


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