samedi 26 janvier 2013

Oscar de la meilleure actrice 1948

En 1948, les Oscars sélectionnèrent un cru des plus intéressants où aucun faux pas n'est à déplorer:

* Ingrid Bergman - Joan of Arc
* Olivia de Havilland - The Snake Pit
* Irene Dunne - I Remember Mama
* Barbara Stanwyck - Sorry, Wrong Number
* Jane Wyman - Johnny Belinda

Jamais oscarisées, Irene Dunne alors à sa cinquième nomination et Barbara Stanwyck déjà nommée à trois reprises, durent à nouveau s'incliner face à plus jeune qu'elles, en l'occurrence devant Jane Wyman qui n'était nommée quant à elle que pour la seconde fois. Apparemment, le critère de sympathie aurait nettement joué en faveur de Wyman qui à la ville avait perdu un enfant en 1947, et qui à l'écran incarnait une jeune fille pauvre, sourde, muette, violée et... ça fait déjà beaucoup. Lorsqu'elle monta sur scène chercher son prix, elle déclara d'ailleurs non sans humour: "I accept this, very gratefully, for keeping my mouth shut once. I think I'll do it again.", puisqu'elle était ainsi la première interprète du cinéma parlant à être récompensée pour un rôle muet. Quoi qu'il en soit, avec un personnage aussi chargé, elle ne pouvait que séduire un bon nombre d'électeurs, d'où sa victoire. Concernant ses concurrentes, il est bien difficile de savoir comment elles ont pu être classées. Certes, le critère overdue a dû marcher pour Irene Dunne et Barbara Stanwyck, mais il est fort possible qu'Olivia de Havilland leur soit passée devant avec son portrait fort et plutôt révolutionnaire d'internée psychiatrique. Et même si Bergman avait déjà gagné quatre ans plus tôt, elle était encore tellement appréciée à Hollywood qu'elle put vraisemblablement recueillir un nombre de voix assez conséquent. De mon côté, bien que cette sélection ne me pose aucun problème, je vais apporter quelques modifications.

Je retire:

Ingrid Bergman - Joan of Arc: Sans surprise, la Bergman des années 1940 n'ayant jamais été l'une de mes favorites, elle doit à nouveau s'incliner face à d'autres. Pourtant, elle est pas mal dans le fond, en prenant la peine d'ajouter un petit côté volontaire à la sainte qui rend crédible la détermination de la combattante, et ce en restant par ailleurs très calme et très digne histoire de bien coller au mythe. Le problème, c'est que le film traîne tellement en longueur qu'on finit par être très vite saoulé par cette hagiographie à la sauce Fleming, et autant Gone with the Wind reste fascinant parce que regorgeant de personnages complexes et variés, autant Joan of Arc ennuie à force de se focaliser sur une Ingrid Bergman dans un registre pas bien difficile pour elle.


Irene Dunne - I Remember Mama: Comme on parle d'Irene Dunne, c'est forcément bien joué. En effet, l'actrice est parfaitement adéquate pour restituer le côté chaleureux de cette famille d'immigrés, en incarnant une matriarche aimante et maternelle prête à tout pour ne pas voir ses enfants désespérer, et ce en faisant, cerise sur le gâteau, un joli travail sur l'accent norvégien. Sa nomination est donc entièrement méritée. Soit, mais est-ce pour autant l'une des plus grandes créations de sa carrière? Je ne pense pas. Car même si le film se laisse regarder sans déplaisir, il m'est sincèrement impossible de rester passionné deux heures durant par une intrigue aussi banale desservie par des seconds rôles particulièrement lisses. Trina osera-t-elle révéler son mariage à ses soeurs? Le petit chat va-t-il mourir? Irene Dunne sera-t-elle démasquée sous son costume de femme de ménage? Autant d'événements qui à titre personnel ne m'intéressent pas, quand bien même Irene Dunne est là pour raviver le tout.


Jane Wyman - Johnny Belinda: Là encore, c'est une bonne performance dont j'ai toujours gardé un agréable souvenir, mais en la revoyant j'ai tout de même réalisé que ce n'est pas le genre de personnage que je préfère. Je ne nie cependant pas que Jane Wyman est effectivement l'une des sensations de l'année avec cette nomination pour un rôle aussi sombre, pas plus que je ne conteste son talent à pouvoir rendre fascinante cette jeune héroïne via un langage corporel tout en retenue, mais objectivement j'ai du mal à m'intéresser à cette performance plus avant. Peut-être mon goût pour les femmes plus piquantes est-il en cause, peut-être cette impression vient-elle davantage de la qualité du film, à ce jour le Negulesco que j'ai le moins apprécié, mais bien que trouvant Belinda tout à fait attachante et la performance de Wyman particulièrement réussie, je ne peux m'empêcher d'estimer cet acharnement sur le personnage un brin too much pour emporter totalement l'adhésion.


Ma sélection:

Olivia de Havilland - The Snake Pit: En tranchant quelque peu avec les personnages plus habituels incarnés par l'actrice, Virginia Stuart Cunningham reste probablement le rôle le plus fascinant de la carrière d'Olivia. En effet, la réussite est indéniable car l'actrice n'hésite pas à donner tout ce qu'elle a dans le ventre pour rendre saisissant et réaliste ce portrait d'internée psychiatrique, sans jamais craindre de montrer les aspects les plus sombres du personnage lors des crises les plus aiguës, et ce tout en livrant une performance savamment contrôlée. Ainsi, tout repose sur l'équilibre entre les deux mondes dans lesquels évolue Virginia, selon sa propre perception du réel, et l'on appréciera d'autant plus que l'actrice prenne toujours soin de nuancer l'héroïne, sans jamais donner l'impression que celle-ci est complètement folle. En outre, Olivia fait une brillante ouverture sur la dernière partie, avec en point d'orgue le choc ultime que constitue le séjour dans la fosse, et force est de reconnaître que le changement qui s'opère à ce moment-là dans son esprit est fort bien retranscrit, y compris de façon vocale lorsque la caméra filme les lieux en plongée. Une grande réussite, donc.


Barbara Stanwyck - Sorry, Wrong Number: Quatre ans après son rôle mythique dans Double Indemnity, Barbara Stanwyck se retrouve à nouveau dans un film noir, à la différence que celui-ci lui donne encore plus de grain à moudre puisqu'elle doit jouer une hypocondriaque clouée au lit. Or, l'actrice est une fois de plus épatante, en réussissant notamment à porter la moitié du film sur ses épaules alors qu'elle reste cloîtrée dans un environnement particulièrement asphyxiant. Elle sait donc parfaitement tirer toutes les ficelles du personnage pour éveiller constamment l'intérêt, accentuant judicieusement son jeu au fur et à mesure que l'intrigue s'assombrit. De surcroît, elle est fort crédible en mégère franchement antipathique, aspect que l'on retrouve également dans les scènes de flashback, mais le tout est si bien nuancé qu'on ne peut s'empêcher de se passionner pour l'héroïne et de lui souhaiter un bon dénouement, sans qu'à aucun moment Stanwyck cherche à se rendre plus avenante. Et même si ce n'est pas le plus grand rôle de l'actrice, Sorry, Wrong Number n'en reste pas moins l'un de ses nombreux pics, respect.


Jean Arthur - A Foreign Affair: Jean Arthur dans son avant-dernier rôle, voilà qui fait à nouveau des étincelles. En effet, l'actrice se montre une fois de plus très drôle, et ce alors qu'elle bénéficie du personnage le plus difficile, en l'occurrence une déléguée du Congrès bien trop absorbée par le sérieux de son travail pour avoir jamais pensé à se divertir ou à se mettre en valeur. Bien entendu, elle devient en tout point hilarante dès que les masques tombent et qu'elle se trouve prise au piège d'une passion aussi subite qu'inattendue, mais de fait, l'actrice n'attend pas cet exquis retournement de situation pour faire preuve de beaucoup d'humour, comme en témoignent ces regards outrés par ses découvertes des moeurs berlinoises, ou sa tentative désespérée de passer pour une Allemande afin de n'être pas démasquée. Mais évidemment, rien ne bat l'ensemble des scènes suivant son épanouissement progressif, depuis ces expressions de jeune fille énamourée à ce grand moment d'anthologie qui la voit chanter et danser, ivre, au beau milieu d'un bar. Et si l'on ajoute que les désillusions de Phoebe Frost finissent de la rendre éminemment sympathique, inutile de dire que Jean Arthur s'impose définitivement comme le meilleur membre du casting.


Joan Fontaine - Letter from an Unknown Woman: Avec Tessa Sanger dans The Constant Nymph, Lisa Berndle est sans conteste le plus beau rôle de Joan Fontaine, peut-être son meilleur si l'on prend en compte la qualité supérieure du chef-d'oeuvre d'Ophüls. Il faut dire que ce film lui permet de réaliser un exploit plus grand encore qu'en 1943, puisqu'elle doit convaincre que malgré ses 30 ans elle est bien une adolescente au début de l'histoire, avant d'avoir à jouer une femme plus mature mère d'un enfant. Or, Fontaine est tout simplement formidable à chaque période de la vie de l'héroïne : on croit autant à la jeune fille qu'à la grande dame mariée, et ce d'autant plus que l'actrice reste extrêmement fidèle à l'esprit du personnage tout au long du film, trouvant le juste équilibre entre un tempérament volontaire mais aussi très réservé. Mais ce qui fait de ce rôle une très grande réussite, c'est avant tout le talent de Fontaine à toucher le spectateur au plus profond de son âme, en composant une héroïne touchée par la grâce si émouvante qu'on ne peut être que submergé.


Ida Lupino - Road House: Si l'on veut voir du Negulesco en 1948, on a le choix : soit de se prendre de sympathie pour une Jane Wyman muette dans une intrigue sombre à souhait, soit d'être davantage séduit par une Ida Lupino chanteuse dans une histoire plus convenue de triangle amoureux. C'est finalement la seconde qui l'emporte pour moi, car l'actrice ne se laisse justement jamais enfermer dans le schéma a priori trop simpliste de la "jeune femme désabusée qui fait chavirer le coeur des deux héros", cherchant au contraire à rendre le personnage toujours plus complexe au fil de l'intrigue. Malgré tout, ce n'est pas l'interprète qui m'a le plus touché dans le casting, la faute à une Celeste Holm en très grande forme, mais force est de reconnaître que la performance d'Ida Lupino reste très réussie, avec notamment cette propension à laisser se dévoiler les émotions de l'héroïne d'une manière très contrôlée afin de bien en restituer l'état d'esprit. Autre atout, Ida n'est pas doublée lors des scènes chantées, de quoi lui permettre de révéler un timbre suave et profond qui lui sied à merveille et contribue à rendre le personnage plus vivant que jamais.

Voilà pour ma liste. And now... the winner is...


Youpi! Venez tous fêter ça en Iowa!
Jean Arthur - A Foreign Affair

Objectivement, les soeurs de Havilland mériteraient elles aussi le trophée haut la main, mais Jean Arthur est tellement énorme dans son propre registre que 1948 me semble le meilleur moment pour la faire gagner. J'aurais donc tendance à classer Olivia seconde et Joan Fontaine troisième, devant une excellente Barbara Stanwyck qui laisserait Ida Lupino fermer la marche, quoique je l'aime également beaucoup.

En guise de conclusion, laissons Sylvia Fowler nous parler des performances...

dignes d'un Oscar : Jean Arthur (A Foreign Affair), Olivia de Havilland (The Snake Pit), Joan Fontaine (Letter from an Unknown Woman)




dignes d'une nomination : Ida Lupino (Road House), Barbara Stanwyck (Sorry, Wrong Number), Jane Wyman (Johnny Belinda): voir ci-dessus. Lauren Bacall (Key Largo): le meilleur rôle Golden Age de l'actrice. Rita Hayworth (The Lady from Shanghai): peut-être très bien dirigée, mais indéniablement très bien castée. Vivien Leigh (Anna Karenina): une actrice mythique dans un rôle légendaire, bien que je préfère l'éclat de la version de 1935. Moira Shearer (The Red Shoes): son jeu s'essouffle quelque peu dans la seconde partie, mais sa performance n'en reste pas moins très solide.


séduisantes : Marlene Dietrich (A Foreign Affair): une performance qui n'a rien de brillant, quoique voir Marlene oser incarner une sympathisante nazie vaille le détour. Irene Dunne (I Remember Mama): voir ci-dessus. Lana Turner (The Three Musketeers): ultra kitsch, mais dire que je ne prends pas un pied énorme devant ce film serait un mensonge éhonté.


sans saveur : Ingrid Bergman (Joan of Arc): pas aussi mal qu'on a pu le dire, mais on peut sans problème vivre sans.




à découvrir : Joan Bennett (Secret Beyond the Door), Ann Blyth (Another Part of the Forest), Bette Davis (June Bride), Katharine Hepburn (State of the Union), Jennifer Jones (Portrait of JennieMyrna Loy (Mr. Blandings Builds His Dream House), Aline MacMahon (The Search), Jeanette Nolan (MacBeth), Merle Oberon (Berlin Express)


grandes performances en langue étrangère : Wei Wei (Le printemps d'une petite ville), Zhou Xuan (L'histoire secrète de la cour des Qing): deux bons rôles qui agrémentent joliment cette année 1948.

mercredi 23 janvier 2013

Intensité


Toi aussi tu veux voir un film d'une intensité à couper le souffle? Oui? Alors va au cinéma, RIGHT NOW!

dimanche 13 janvier 2013

Il était une fois...

Le 13 janvier 2013, alors que Paris se croyait de retour en l'an de grâce 1413... 


... Nichette et Marguerite allèrent à la campagne se marier.


Marguerite pria sa cousine suédoise Christine d'être son témoin, laquelle accepta avec joie et fit le déplacement avec son épouse Ebba, la Suède étant quelque peu plus avancée que nous sur ces questions.


Quant à Nichette, elle demanda à son pote Leo de signer à son tour le registre. Celui-ci fut ravi de venir aux côtés de son compagnon Ulrich.


Hertha, la soeur d'Ulrich, assista également à la cérémonie en compagnie de la belle Felicitas, une jeune femme qui lui avait ravi son coeur lors d'un bal quelques années auparavant.


Peu après les festivités, Ulrich montra à un Leo très amoureux le bâtiment où tous deux allaient pouvoir, dans les prochaines semaines, remplir les formulaires leur permettant d'adopter un enfant. Nichette et Marguerite eurent quant à elles recours à la PMA.


Ils vécurent tous heureux et eurent beaucoup d'enfants, qui vécurent tous heureux également, sous l'oeil attendri de leurs grands-mères bien contentes d'avoir des petits-enfants!

Oscar de la meilleure actrice 1989

Au programme:

Isabelle Adjani - Camille Claudel
Pauline Collins - Shirley Valentine
Jessica Lange - Music Box
Michelle Pfeiffer - The Fabulous Baker Boys
Jessica Tandy - Driving Miss Daisy

Toutes deux victorieuses aux Golden Globes, Michelle Pfeiffer et Jessica Tandy formèrent cette année-là l'essentiel de la compétition. Et c'est finalement la seconde qui emporta le trophée ultime, probablement en raison de son âge et du succès de son film (couronné par quatre Oscars pour neuf nominations), ce qui lui permit de devenir la personne la plus âgée à avoir été à la fois nommée et récompensée, avant que Christopher Plummer ne la détrône l'année dernière, en espérant que lui-même sera supplanté par Emmanuelle Riva d'ici peu. Quant à Michelle Pfeiffer, elle était au pic de sa popularité dans ces années-là, mais on a pu penser qu'elle pourrait aisément gagner un peu plus tard, ce qui ne fut hélas pas le cas. De son côté, Jessica Lange achevait brillamment la décennie la plus prolifique de sa carrière avec une cinquième nomination, mais son prix du second rôle remporté en 1982 et les mauvaises critiques que reçut Music Box n'en firent pas une concurrente de premier ordre. Pauline Collins, pour sa part, n'avait aucune chance : elle débarquait tout juste au cinéma après une carrière théâtrale et télévisée, aussi ne pouvait-elle prétendre au titre à l'aune de sa non-intégration au système hollywoodien. Isabelle Adjani, enfin, renouvelait la formule gagnante biopic-folle-XIXe-siècle qui l'avait introduite avec grand retentissement sur la scène internationale quinze ans auparavant, mais 1989 n'était clairement plus son moment à Hollywood, sa nomination relativement inattendue étant en soi un honneur.

De mon côté, l'année est plutôt alléchante à première vue, mais le détail me donne envie de partir dans d'autres directions. La preuve en images!

Je retire:

Jessica Tandy - Driving Miss Daisy: J'ai vu ce film le même jour que Shirley Valentine, et sur le moment j'étais plutôt tenté de sélectionner Collins au détriment de Tandy, la première bénéficiant d'un personnage aux enjeux plus intéressants. Mais avec le recul, c'est finalement la seconde qui l'emporte parce que d'une part, c'est Jessica Tandy et que quoi qu'elle fasse elle en impose, et d'autre part elle figure dans un film qui sans être un chef-d'oeuvre est tellement mieux filmé que je préfère orienter ma liste dans cette direction. Mais concernant la performance de l'actrice, qu'avons-nous exactement? Un rôle standard de vieille dame qu'elle manie avec beaucoup d'humour, en façonnant de façon attendue un personnage distant et suspicieux qui dissimule un cœur d'or sous ce vernis. Dans ce cadre, les meilleures scènes sont celles qui entérinent la complicité de l'interprète avec Morgan Freeman, à commencer par cet apprentissage de la lecture au beau milieu d'un cimetière, avec en point d'orgue le trip en Alabama, où Tandy se révèle plus charismatique que jamais. Personnellement, je suis moins touché par le dernier tiers du film où l'héroïne a vieilli de vingt ans et ne peut plus se nourrir elle-même, ces scènes-là alourdissant à mon sens une relation d'amitié qui aurait gagné à être traitée sur une période plus brève, et tendant également trop à chercher la sympathie du spectateur envers les protagonistes. Mais avouons que l'actrice reste malgré tout lumineuse sous cette détérioration physique.


Jessica Lange - Music Box: La performance de l'actrice n'est pas en cause, mais j'avoue d'emblée rester quelque peu circonspect devant le film. Alors, certes, je ne nie pas m'être laissé prendre au jeu de ce drame judiciaire et familial, mais tout ça pour en arriver là? Avec au passage une leçon pataude et pleine de clichés sur le devoir de mémoire? Hmm, voilà qui me laisse perplexe. Ceci dit, Jessica Lange parvient à se hisser nettement au-dessus du tout puisqu'elle sait puiser dans les moindres recoins de son personnage afin d'extraire celui-ci des schémas simplistes des autres protagonistes. Elle s'investit dès lors à fond dans le film pour montrer comment le doute s'installe chez l'héroïne qui, d'assez sûre d'elle au départ, se met à soupçonner le pire au sein de son propre foyer. Son portrait de femme forte et déterminée rend donc crédible son travail d'avocate, tandis que sa sensibilité qui perce dans différentes scènes arrive à point nommé pour nuancer l'héroïne comme il se doit. Il est cependant dommage qu'on nous inflige cette grande confrontation finale vue et revue, même si l'actrice est parfaitement adéquate dans la façon d'exprimer les émotions du personnage à ce stade de l'intrigue. Une bonne performance, donc, qui aurait toutefois mérité un meilleur support.


Pauline Collins - Shirley Valentine: Mettons nous d'accord: il s'agit d'une bonne performance. Lauréate du Tony Award pour ce même rôle qu'elle avait tenu sur scène l'année précédente, l'actrice est tout particulièrement à l'aise pour en faire ressortir les enjeux. Elle sait ainsi parfaitement mêler l'humour à l'émotion dans ses innombrables monologues de femme au foyer délaissée, et se montrer également très drôle dans ses dialogues avec les autres protagonistes, qu'elle parle travaux, cuisine ou relations. Le problème, c'est que le film est loin de faire honneur à son interprète principale. En effet, si à l'origine cette histoire bâtie autour d'un unique monologue pouvait supposément permettre à l'actrice de briller sur les planches, la transposition au cinéma, et par-là même l'inclusion de dialogues coupant les réflexions de l'héroïne, donne une impression de bizarrerie et de maladresse. Sans compter que l'ensemble est particulièrement mal filmé, depuis ces décors grecs sortis tout droit de l'appareil photo jetable d'une enfant de cinq ans à cette scène de cul grotesque qui ne s'épargne aucun cliché via la fréquence du ressac. Dès lors, Pauline Collins fait certes un bon travail et s'élève nettement au-dessus du tout, mais son rôle devait avoir plus de sens à la scène qu'au cinéma.


Ma sélection:

Isabelle Adjani - Camille Claudel: J'idolâtre Adjani, je vénère Claudel, aussi n'ai-je pas besoin de préciser que je suis un fan inconditionnel de ce rôle. Certes, on pourra m'objecter que ce personnage n'est pas un challenge des plus difficiles pour une actrice de la trempe d'Adjani, mais avouons que voir l'actrice  évoluer dans le domaine des arts et plonger petit à petit dans une paranoïa aiguë, le tout à une époque absolument fascinante, reste un plaisir de tous les instants. Adjani n'a en effet pas son pareil pour brosser le portrait d'une artiste de génie vivant au rythme de ses passions et, comme le laisse entrevoir ce commentaire d'un Rodin jaloux, l'actrice comme le personnage savent fort bien exalter la vie comme la mort à travers leur art. Ainsi, le jeu de l'interprète est tellement prenant qu'on a sans cesse envie d'effleurer les sculptures de Camille, de les étreindre et les caresser, avant qu'un glissement vers la folie, très lisible et fort bien amené, ne vienne emporter le spectateur de façon saisissante vers un savant jeu d'autodestruction plus ou moins conscient. Cerise sur le gâteau, l'alchimie qui se dégage des rapports entre Adjani et Depardieu fait des merveilles, de même que les relations bien exploitées entre l'héroïne et sa famille achèvent de faire entrer cette performance dans la légende.


Michelle Pfeiffer - The Fabulous Baker Boys: Dans son rôle le plus iconique, Michelle Pfeiffer chante, émeut et fait rire avec un personnage complexe qu'elle compose avec brio. Les critiques dithyrambiques quant à cette performance n'ont d'ailleurs pas manqué de la comparer avec celles des grandes stars du Golden Age, et il est tout à fait exact qu'à partir de l'entrée fracassante de l'actrice dans le film, il est bien difficile d'en détourner le regard tant elle a le don de vous scotcher à l'écran. Il faut dire qu'elle chante divinement bien dès son premier essai, se révélant au passage comme une idéale chanteuse de jazz, ce talent si particulier culminant dans cette extatique représentation du Nouvel An où l'artiste se produit dans des poses langoureuses sur un piano. Pfeiffer sait ainsi parfaitement assurer le show musicalement parlant, mais ce n'est évidemment qu'une des multiples facettes de sa performance puisqu'elle se montre également excellente dans tous les autres registres. Susie est en effet divinement drôle dans sa manière de ne jamais se laisser marcher sur les pieds, mais elle est aussi absolument touchante dans ses rapports des plus alchimiques avec Jeff Bridges, atteignant par-là même des sommets en mêlant ces diverses émotions dans ses sourires, pour notre plus grand bonheur.


Annette Bening - Valmont: Un an après Glenn Close, Annette Bening a repris le rôle de la marquise de Merteuil pour en livrer une version différente, et je dois dire que je suis tout autant charmé que par la première. Après, il est dommage que les deux films soient sortis en un laps de temps aussi restreint, car on ne peut s'empêcher de les comparer, ce qui donne l'avantage à la brillante version de Frears. Mais heureusement, Bening ne pâtit jamais de la comparaison, surtout qu'elle domine totalement le reste du casting, dont Colin Firth dans le rôle-titre. Elle livre ainsi une interprétation très sexy de Merteuil, se basant sur un charme inégalable qui renforce totalement son esprit machiavélique : gardant ses frustrations pour elle et faisant preuve d'un humour notoire, elle est tellement affable et tellement souriante, qu'on a totalement envie de se laisser prendre au piège de sa séduction quand bien même on connaît le fin mot de l'histoire, et cette sournoiserie me semble tout aussi payante que celle plus marquée dont faisait preuve Glenn Close. A l'inverse, Annette Bening a peut-être moins de détresse à jouer dans cette adaptation plus libre, mais elle n'oublie cependant pas de rester totalement marquante en révélant une audace délirante qui sied parfaitement à sa lecture du personnage, comme en témoignent tous les airs de défis qu'elle lance à la ronde en position de faiblesse, même avec une épée pointée sur son cou! Vraiment, un début fracassant pour une actrice légendaire.


Meg Ryan - When Harry Met Sally: Bon d'accord. J'ai longtemps lutté de crainte de tomber sur une comédie romantique standard, mais il me faut avouer que je fus très agréablement surpris, grâce à un scénario et des personnages fouillés rappelant davantage Woody Allen que les megryaneries des 1990's. Et certes, Meg Ryan n'est peut-être pas une très grande actrice, pas même ici où elle ne peut s'empêcher de grimacer ou de très mal jouer la tristesse, mais il n'en reste pas moins que quelque chose fonctionne énormément dans ce rôle, un je-ne-sais-quoi ne tenant pas seulement à la très bonne écriture du personnage. Elle doit en fait incarner de multiples émotions, et force est de constater qu'elle s'en tire plutôt pas mal, hormis les quelques réserves émises à l'instant. Elle se révèle ainsi sincèrement drôle dans le registre comique, avec en point d'orgue la séquence la plus célèbre du film qu'elle rend avec un brio certain, au point de toujours faire rire bien que la scène soit vue et revue; mais elle est aussi très touchante lorsqu'il lui faut être plus sérieuse, au point qu'on parvient totalement à s'identifier à ses problèmes. Disons que pour briller, il lui sied mieux de rester dans un jeu assez sobre puisque les excès ne lui réussissent pas vraiment, mais dans tous les cas, l'impression est plus que positive, et l'engouement de taille. Et puis, quoique loin de lui arriver à la cheville, Meg (ou Sally?) fait vraiment écho à Diane Keaton, de quoi suffire à la valoir sa nomination.


Kathleen Turner - The War of the Roses: Pauline Collins et Jessica Tandy peuvent être drôles tout leur content dans leurs rôles respectifs, personne ne bat Kathleen Turner dans le registre comique en 1989. En effet, dans ses retrouvailles avec Michael Douglas après leurs amusantes collaborations aventurières du milieu de la décennie, l'actrice se montre toujours autant charismatique au point de faire de nombreuses étincelles dès qu'elle apparaît à l'écran. Et justement, rien n'est plus jouissif que de la voir donner tout ce qu'elle a dans le ventre dans ce jeu de massacre particulièrement jubilatoire, et ce en réussissant l'exploit d'être monstrueusement hilarante (et c'est un euphémisme) en conservant tout son sérieux en apparence. De surcroît, elle trace son personnage de façon si cohérente que tous ses actes, même les plus excentriques, paraissent tout à fait normaux au regard des sentiments de cette héroïne en pleine crise de la quarantaine. Dès lors, aux côtés de son excellent partenaire, Kathleen Turner est constamment à hurler de rire dans une série de scènes toutes plus féroces les unes que les autres, depuis ces dialogues crépitants dans la chambre à coucher à ces ébats cultissimes au beau milieu d'un lustre, en passant par tous ces autres moments redoutablement comiques.

Voilà ce qu'il en est de mes goûts, sachant que même si la concurrence est rude entre la machiavélique Annette, la virtuose Isabelle, l'hilarante Kathleen et la sublime Michelle, Meg Ryan est loin d'avoir démérité et reste totalement digne de cette distinction pour l'unique sommet de sa carrière. Cependant, mon prix 1989 se joue entre les quatre autres qui m'ont toutes quatre absolument subjugué. And the award goes to...


Michelle Pfeiffer - The Fabulous Baker Boys

En définitive, le choix final est quasi impossible mais 1989 reste plus que jamais LE moment Pfeiffer. Susie Diamond est incontestablement le rôle phare de sa carrière et lui permet de brosser un personnage complexe qui traverse une multitude d'émotions, tout en se payant le luxe d'éblouir dans de sublimes scènes chantées : Michelle Pfeiffer est donc sans aucun doute l'actrice de l'année. Sur ce, avec Meg Ryan assurée d'avoir la cinquième place, j'ai du mal à classer les trois autres. On va dire que dans l'immédiat, j'ai un assez gros coup de cœur pour Bening qui me fascine de plus en plus via tous les personnages très variés qu'elle a joués dans sa carrière, mais Turner et Adjani dans leur zone de confort sont tout autant géniales, aussi m'est-il vraiment difficile de les départager, surtout pour des registres aussi différents.

Quant aux honorable mentions, j'aime beaucoup Mia Farrow dans Crimes and Misdemeanors mais j'aurais plutôt tendance à la nommer en second rôle aux côtés d'Anjelica Huston. J'attends également de découvrir Andie MacDowell dans Sex, Lies and Videotape, dont j'entends partout le plus grand bien, quoique je sois plus que réticent envers une "actrice" qui m'évoque avant tout de la crème antiride. Mais peut-être le vaut-elle bien, pour le coup... Autrement, c'est tout ce que j'ai à vous proposer dans l'immédiat, sous réserves de nouvelles découvertes. Ceci dit, ma sélection m'emballe totalement, et je n'ai pas vraiment envie d'en changer!

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