mercredi 17 juillet 2013

Oscar du second rôle féminin 1937

Objectivement, une année relativement faible quoique pas mauvaise, dont je vais devoir m'accommoder vu qu'aucun des films que j'ai visionnés jusqu'à présent, quand bien même certains sont de véritables chefs-d'oeuvre, n'a fait la part belle aux seconds rôles féminins. Par bonheur, je suis absolument ravi de ma lauréate qui domine réellement cette année, mais pour les autres, ma sélection reste assez flexible. Sur ce, on commence:

* Alice Brady - In Old Chicago
* Andrea Leeds - Stage Door
* Anne Shirley - Stella Dallas
* Claire Trevor - Dead End
* May Whitty - Night Must Fall

A mon avis, la victoire d'Alice Brady ne fit aucun doute: elle avait le rôle le plus oscarisable du lot, celui de la matriarche aimante et forte soutenant l'ascension sociale de ses enfants; elle avait déjà été nommée l'année précédente pour My Man Godfrey et restait d'ailleurs connue dans le métier depuis l'époque du muet. En outre, sa Mrs. O'Leary lui permettait de verser à la fois dans le burlesque et le tragique via une performance assez démonstrative et In Old Chicago reçut plus de nominations que les autres films cités dans cette catégorie. Pour les autres, aucune idée quant à savoir qui eut le plus de votes: May Whitty avait l'âge et la respectabilité de son côté, en plus d'un personnage pas tout à fait secondaire, Claire Trevor parvint à marquer les esprits avec un rôle plus proche de la figuration, Anne Shirley avait la fraîcheur pour elle quand Andrea Leeds pouvait compter sur la sympathie qu'éprouvèrent les électeurs envers son personnage. Quoi qu'il en soit, la victoire d'Alice Brady ne fut pas un véritable soulagement pour l'actrice qui, absente de la cérémonie pour cause d'entorse, apprit qu'un imposteur soit-disant venu accepter le prix à sa place s'enfuit sans laisser d'adresse, aussi dut-elle attendre plusieurs mois avant que l'Académie ne lui fabrique un second trophée. Sachant qu'elle mourut l'année d'après, elle n'eut même pas la joie de profiter longuement de son lot de consolation. Mais finalement, était-ce un Oscar mérité? La réponse ci-dessous.

Je retire:

Andrea Leeds - Stage Door: C'est une performance qui gagne à être revue puisqu'on se laisse finalement toucher par le personnage : la première fois, Kay m'était apparue comme l'actrice la plus fade de la pension, mais un second visionnage m'a fait revoir son rôle à la hausse. En effet, on sent bien que Leeds a tenté de donner une réelle personnalité à cette jeune femme atrocement intègre et gentille, si bien qu'on ne peut lui reprocher de ne rien faire. Le problème, c''est que malgré ces quelques efforts non feints, la sympathie qu'on peut ressentir pour le personnage vient davantage du scénario, qui fait intervenir un drame de façon assez inattendue, que de l'actrice elle-même. Pour ainsi dire, elle reste bel et bien la pensionnaire la moins charismatique au sein même du film (sans blague, elle se fait voler la vedette par au moins dix de ses collègues), et ce rôle semble finalement si peu complexe qu'elle reste également la plus faible de la sélection. Dommage, car il y avait du potentiel, mais Andrea Leeds ne l'exploite pas assez pour mériter sa nomination par rapport à d'autres interprètes de ce casting de luxe, dont Eve Arden ou Constance Collier qui crèvent l'écran avec une facilité déconcertante.


Ma sélection:

Alice Brady - In Old Chicago: Dans un film divertissant mais assez inégal, Alice Brady incarne un personnage moins marquant que ses délicieuses héroïnes comiques, mais son Oscar n'en reste pas moins amplement mérité. Certes, le rôle n'a aucune subtilité, mais l'actrice y a au moins l'occasion de jouer sur plusieurs registres, et à vrai dire, son travail devient sincèrement meilleur à chaque vision. Elle n'a ainsi aucune difficulté à s'imposer par de savoureux moments comiques à la limite du burlesque ("Salooooon!"), et elle se révèle également fort marquante dans tous les passages à tonalité tragique, bien qu'on puisse comprendre qu'à force d'en faire des tonnes elle puisse en agacer plus d'un. Ceci dit, ce rôle est tout de même particulièrement juteux et contient tout ce qu'il faut pour constituer un bon second rôle typique de ces années-là, or Brady s'acquitte de sa tâche plus qu'honorablement, en prenant bien soin de donner une dimension épique à cette matriarche qu'elle ne présente pas juste comme une mère-courage stéréotypée, puisqu'elle tente d'exploiter tous les aspects secondaires qu'elle trouve à l'intérieur du personnage. Et puis, sans mentir, elle met une raclée monumentale au reste d'un casting assez lisse.


Anne Shirley - Stella Dallas: Parvenir à s'imposer dans un excellent women's picture vampirisé par une Barbara Stanwyck au sommet de sa force tragique, c'est a priori impossible. Et pourtant, force est de reconnaître qu'Anne Shirley est remarquable dans ce rôle de jeune fille partagée entre deux mondes très différents, et vouant une admiration sincère à chacun de ses parents. En toute honnêteté, le personnage a beau ne pas être extrêmement complexe, j'adore son dynamisme juvénile et sa façon d'aborder la déception en faisant tout pour ne pas blesser sa mère, sans compter qu'il est difficile de ne pas être touché par ses déconvenues étant donné l'horreur sordide qui la frappe de plein fouet à travers cet ignoble ivrogne vulgaire au possible qui passe son temps à troubler la tranquillité de ce foyer. Après, en terme d'interprétation, je n'ai pas grand chose à ajouter : l'actrice est parfaitement castée dans un rôle lui allant comme un gant, et je suppose que ça n'a pas dû être très difficile pour elle de jouer un tel personnage. Cependant, le charme est tel, et le brillant du film m'emporte tant à chaque visite, qu'il m'est absolument impossible de faire l'impasse sur cette performance. Je pourrais éventuellement envisager de la remplacer par Barbara O'Neil dans le même film, mais dans l'immédiat je reste sur Shirley qui a quand même davantage d'opportunités.


Claire Trevor - Dead End: L'une des performances les plus brèves jamais nommées, son apparition de moins de cinq minutes étant davantage un caméo qu'un second rôle en tant que tel. Mais heureusement, les Oscars ne s'y sont pas trompés et ont su percevoir le talent de Claire Trevor à travers cette poignée de répliques auxquelles elle donne un aspect magistral. Dans les faits, ça n'a l'air de rien au début : on a l'impression d'une prostituée parfaitement stéréotypée, mais dès qu'apparaissent les premiers gros plans sur son visage, impossible de nier à quel point l'actrice parvient à nuancer la sensation initiale en révélant à la fois de la joie, du désir et du regret dans ses regards, et l'on sait d'ores et déjà en moins d'une minute qu'on se trouve devant la plus grande performance du film, performance capable d'éclipser un certain Humphrey Bogart. Vraiment, Trevor exprime là des milliers d'émotions, et elle parvient à se montrer si belle et si tragique que sa présence à l'écran devient magnétique, et fait chaudement regretter qu'elle disparaisse après si peu de temps. En somme, l'un des choix les plus originaux opérés par l'Académie, et l'un des plus payants, aussi.


May Whitty - Night Must Fall: A l'image des deux candidates précédentes qui réussissent chacune l'exploit d'exister en face de partenaires plus que prestigieux, May Whitty parvient à s'imposer comme l'un des principaux moteurs de cette histoire haletante, bien plus que Rosalind Russell, et presque autant que Robert Montgomery dans l'un de ses plus grands rôles. Elle compose ainsi une vieille bique absolument marquante, peut-être pas foncièrement différente de sa Lady Beldon de Mrs. Miniver, et force est de reconnaître qu'elle domine la plupart des scènes où elle apparaît, en laissant entrevoir toute la mesquinerie du personnage qui par exemple se fait passer pour infirme alors qu'elle peut très bien gambader dans son salon dès qu'elle y est seule. En fait, Whitty n'a nullement peur de révéler les aspects les plus négatifs de cette vieille dame pas toujours très digne, et ce qui fait la force de sa performance est sa capacité à nuancer ce tempérament désagréable en insufflant beaucoup d'humour au rôle. On se retrouve alors avec un personnage dominateur et amusé, et après avoir été en cette compagnie si particulière, le climax n'en devient que plus suffoquant lorsque la dame ravale son orgueil pour révéler un effroi totalement palpable. En somme, une bonne création qui fait tout à fait honneur à l'ensemble du film.


Maria Ouspenskaya - Conquest: Comme 1939 est surchargée de performances monumentales qui m'ont conduit à laisser sa génialissime Janou de Love Affair sur le carreau, je choisis finalement de lui faire de la place dans cette sélection loin d'être figée, afin de pouvoir la distinguer au moins une fois dans ma liste. Curieusement, comme pour les deux rôles pour lesquels elle fut officiellement nommée aux Oscars, sa performance tient à nouveau en une scène-clef qui s'impose d'emblée comme l'un des deux plus grands moments du films. En effet, Ouspenskaya est ici à mourir de rire, et jamais l'une de ses apparitions n'aura été aussi exquise de drôlerie. Parce que, soyons honnête, comment ne pas tomber sous le charme de cette vieille comtesse sans cesse à côté de la plaque, qui s'autorise à tirer les oreilles à rien moins que Napoléon Bonaparte qu'elle considère plus comme un chenapan mal élevé que comme un conquérant hors pair? A ce titre, l'alchimie de l'actrice avec Charles Boyer est l'une des choses qui fonctionnent le mieux dans ce film somme toute inégal, et à défaut d'être vraiment transcendante, Maria Ouspenskaya a au moins le mérite d'amuser le temps qu'il faut, de quoi apparaître comme une véritable bouffée d'air frais dans cet univers engoncé dans sa rigueur aristocratique.

Et maintenant... Brady, Trevor ou Whitty? The winner is...

May Whitty - Night Must Fall

Sans aucun doute, 1937 est l'année May Whitty dans la catégorie des seconds rôles, puisque non contente de briller dans Night Must Fall, elle compose également le meilleur personnage de Conquest en donnant une dose renversante d'humanité à l'imposante Laetitia Bonaparte. Cependant, je préfère la nommer pour Night Must Fall, un film supérieur qui lui permet de marquer plus durablement les esprits, et de régner sur l'ensemble des personnages secondaires de l'année. Sur ce, j'ai bien envie de classer Claire Trevor seconde pour sa capacité à suggérer beaucoup de choses au cours d'une apparition d'une étonnante brièveté. Alice Brady reste dans le trio de tête puisqu'elle est une de ces rares actrices capables d'être excellentes tout en en faisant des tonnes, de quoi surpasser la charmante Anne Shirley pour une performance plus que prometteuse, laquelle laisse la très drôle Maria Ouspenskaya clore ce classement.

Quant à Sylvia Fowler, elle risque d'être bien peu inspirée pour le coup avec ces performances...

dignes d'un Oscar: Claire Trevor (Dead End), May Whitty (Night Must Fall) (Conquest)




dignes d'une nomination: Alice Brady (In Old Chicago): voir ci-dessus. Anne Shirley & Barbara O'Neil (Stella Dallas): comme précisé tout à l'heure, j'adore la capacité qu'a O'Neil de composer une grande dame classe et compréhensive sans jamais être hautaine, mais elle a si peu de temps d'écran que je reste sur Shirley pour la nomination.


séduisantes: Maria Ouspenskaya (Conquest): parce qu'elle traite Napoléon de freluquet! Jessie Ralph (Camille): parce qu'elle est tellement sympathique qu'on ne peut l'ignorer. Fay Bainter (Make Way for Tomorrow): parce qu'elle est tellement antipathique qu'on ne peut l'ignorer! Cecil Cunningham & Joyce Compton (The Awful Truth): parce qu'elles sont sincèrement amusantes, surtout la seconde avec son numéro musical digne des plus grands cabarets d'Oklahoma City! Eve Arden & Constance Collier (Stage Door): parce qu'outre Kate et Ginger, ce sont les deux personnages les plus marquants de cette pension.


sans saveur: Lucille Ball, Andrea Leeds, Ann Miller & Gail Patrick (Stage Door): parce qu'en dépit de bons moments, elles peinent à vraiment marquer les esprits, sans compter que leur jeu reste trop affecté pour susciter la moindre émotion. Gale Sondergaard (The Life of Emile Zola): une actrice habituellement très charismatique qui a ici perdu tout son piquant.


grande performance en langue étrangère: Zhao Huishen (Malu tianshi): une performance tragique et sans paroles qui réussit même à éclipser mon idole Zhou Xuan, c'est dire!





mercredi 10 juillet 2013

Don't let's ask for the moon. We have the stars.


Troisième et probablement dernière étape de mon cheminement cahoteux à travers mes remises de prix alignées sur les Oscars. Pour mémoire, j'étais tout d'abord en difficulté par rapport au sacre d'Irene Dunne, puisque j'avais souvent tendance à me laisser éblouir davantage par ses concurrentes lors de ses meilleures années. Puis, m'étant finalement décidé à la récompenser pour son plus grand rôle comique, le problème se reporta sur d'autres légendes hollywoodiennes, mon amour ardent pour Miriam Hopkins me donnant très envie de la couronner au moins une fois en tant que premier rôle, sans pour autant enlever un second Oscar à mon autre idole ultime, Greta Garbo. J'en étais alors arrivé à choisir entre deux systèmes assez similaires, soit en me basant sur les premières cérémonies oscariennes, en respectant par-là même le chevauchement des premières années afin de comparer plus aisément mes choix avec les sélections officielles; soit en sortant de ce système saisonnier assez foutraque pour m'aligner sur les années civiles.

Finalement, les deux options ont leur avantage, et voici le résultat de mes réflexions. Dans ma rubrique Oscars, je continuerai de suivre la règle du jeu officielle des premières années pour faciliter plus amplement les comparaisons et pour suivre la compétition jusqu'au bout, mais en faisant tout de même remonter les seconds rôles en 1928 histoire de ne pas laisser de grandes performances sur le carreau. Ce qui ne m'empêchera toutefois pas de créer une rubrique Orfeoscars dans laquelle je supprimerai cette vilaine césure ayant eu lieu jusqu'en 1933, afin d'obtenir un classement plus cohérent que je ferai en outre remonter plus tôt dans les années 1920 afin de parler des grandes performances américaines au temps du cinéma muet, Hollywood n'ayant pas été avare en chefs-d'oeuvre ultimes et artistes d'exception de ce côté-là. L'important, c'est de savoir qu'à partir de 1934, les Oscars ont eu le bon sens de revenir à une liste plus cohérente basée sur les années civiles, aussi ma rubrique Orfeoscars s'arrêtera en 1933. A l'avenir, je pourrais aussi créer une troisième rubrique qui, à l'image des grands festivals européens, prendrait en compte tous les films possibles et imaginables, afin de voir quelles seraient mes préférences dans l'absolu au niveau international. Mais ça, ce ne sera pas pour tout de suite.

Si j'ai un peu de temps cet été, je commencerai donc ma rubrique Orfeoscars, sachant que vous pouvez pour le moment suivre mes réflexions alignées sur les Oscars dans la rubrique que vous connaissez déjà. Or, il faut savoir que j'ai finalement décidé d'être moins généreux dans ce système-là, et qu'au lieu de me tuer à la tâche en cherchant comment couronner plusieurs fois Miriam Hopkins, Greta Garbo et Bette Davis, on partira du principe qu'un Oscar est déjà une grande chose en soi, ce qui n'empêchera pas certaines de recevoir plusieurs prix bien mérités, le moment venu. En somme, comme le dirait Charlotte Vale: "Don't let's ask for the moon. We have the stars."

Ainsi, j'ai fini par effectuer quelques changements en 1929, 1932, 1933 et 1941, modifications qui me conviennent finalement bien plus puisqu'elles correspondent davantage au critère "éblouissement" qui a souvent tendance à primer chez moi, qu'au critère plus rationnel visant à sacrer essentiellement mes actrices préférées. Sachant que ma principale difficulté en matière de cinéma est d'avoir constamment envie d'inonder mes idoles de toutes sortes de prix au détriment d'actrices tout aussi méritantes, aussi ces changements sont-ils finalement plus rassurants car davantage en adéquation avec mon ressenti. Notez d'ailleurs que Miriam Hopkins ne sera nullement lésée par mes nouveaux articles, puisqu'elle continue de gagner pour son brillant second rôle dans Dr. Jekyll and Mr. Hyde. Et si tout se passe bien, elle pourrait même être la première star de mon panthéon à recevoir deux prix, donc même si ça reste en seconds rôles, ce sera déjà un très grand honneur.

C'est tout pour aujourd'hui. Mais avouons que remettre des prix reste l'un des exercices les plus difficiles qui soit tant il y a toujours au moins deux performances incomparables qu'il est souvent très dur de départager. L'avantage, c'est que la compétition n'en est que plus excitante!