mercredi 26 mars 2014

Faces

Aujourd'hui, rions un peu avec le top têtes des meilleures expressions des candidates aux Oscar les soirs de remises de prix. Notons que je dis candidates, parce que, pour je ne sais quelles raisons, je suis toujours beaucoup plus sensible aux actrices qu'à leurs partenaires masculins, et il y a déjà pas mal à explorer de ce côté-là. Alors, voici mon classement, qui révélera en exclusivité la grande lauréate de la meilleure expression oscarienne!

10 ~ Meilleur réalisateur 2012: Emmanuelle, ou les affres de la perplexité.


Alors, je ne sais pas quel cameraman a bien pu trouver une ressemblance frappante entre elle et lui, mais le résultat est plutôt cocasse, avec une Emmanuelle Riva, l'index sur le menton, semblant se demander à quel moment elle a réalisé Silver Linings Playbook lors de l'année écoulée.

09 ~ Meilleure actrice 1998: Meryl, ou: "Mamma mia! E 'la fine del mondo!"


Evidemment, c'est l'Oscar le plus haï de l'histoire, même si la victoire de Gwyneth Paltrow est en soi bien moins déplaisante que ce discours enrobé de saccharose (Et ça pleurniche! Et ça remercie jusqu'au petit chat de la meilleure amie, et gnagnagna!), et les réactions les plus commentées sont surtout celles des perdantes: Fernanda Montenegro et son sourire crispé au mépris à peine dissimulé, Cate Blanchett qui tente de faire bonne figure coûte que coûte, et surtout Emily Watson qui regrette visiblement de n'avoir pas apporté son bazooka pour dézinguer la pécheresse. Cependant, la plus mémorable du lot reste pour moi Sainte Meryl, mignonnement catastrophée lorsque Gwyneth pense ne pas mériter son Oscar face à elle. Avec ses mains autour du visage, elle paraît telle Hécube devant la chute de Troie, même si un bref regard sur le côté révèle que non, elle n'en a finalement rien à faire!

08 ~ Meilleur second rôle féminin 1981: Maureen, ou la secousse électrique.


La vidéo passe un peu inaperçue alors qu'en y regardant de près, ça regorge de millions d'éléments tous plus jouissifs les uns que les autres. Et tout ça grâce au brillant de la divine Maureen Stapleton! En effet, qui lui envoie une décharge électrique alors qu'elle est tranquillement assise sur son siège? Est-ce pour cette raison qu'elle s'empresse de quitter la scène au pas de course après son discours? Quoi qu'il en soit, son mélange d'humour et d'ahurissement est à mourir de rire, comme le synthétise son désir de remercier tous ceux qu'elle a rencontrés dans sa vie entière, chose qu'elle fait de façon hilarante, pas comme 99% des pâles imitateurs venus ensuite. En outre, cette victoire permet d'entendre l'Internationale aux Oscars, de quoi ajouter au comique de situation.

07 ~ Meilleure actrice 1984: Cache ta joie, Jessica!


Mettons les choses au clair: le discours de Sally Field est très drôle, et pas dans le mauvais sens du terme, et nous aussi, on aime tout particulièrement l'actrice à ce moment là. Néanmoins, Sally trouve quand même le moyen de se faire voler la vedette juste avant de monter sur scène, grâce à l'expression éminemment sympathique de Jessica Lange, visiblement très enjouée de ne pas gagner ce soir-là et qui saute littéralement sur son siège pour applaudir la gagnante. On cite souvent Ellen Burstyn et Joanne Woodward en 1973, ou encore Talia Shire en 1976, mais personne ne bat Jessica dans ce registre!

06 ~ Meilleure actrice 1977: Cache ta peine, Shirley MacLaine.


Toutefois, encore mieux que les actrices qui ne prennent même pas la peine de dissimuler leur agacement, voici le tour de celles qui tentent de faire bonne figure sans pouvoir retenir leurs émotions. Et ça, personne ne le fait avec autant d'humour que Shirley MacLaine juste après avoir entendu Janet Gaynor inviter Diane Keaton à la rejoindre sur scène, comme en témoigne ce sourire réussissant l'exploit d'être à la fois déçu et carnassier. A noter également l'inénarrable réaction de Jane Fonda, qui a eu le temps de se laisser pousser la barbe entre l'Oscar de Vanessa Redgrave et celui de Diane Keaton.

05 ~ Meilleure actrice 1987: Je suis gai, soyons gais, il le faut, je le veux!


C'est visiblement ce qu'a dû souffler Pâris à l'oreille de Sally Kirkland en 1987, laquelle se reprend in extremis pour livrer le sourire le plus crispé jamais vu aux Oscars. Ce petit roulement de langue dans la joue semble d'ailleurs confirmer l'état de crispation extrême de la dame, qui souffre déjà le martyre quand Paul Newman cite son nom. Heureusement, Sainte Meryl est encore là pour faire venir à elle les brebis égarées, et divertir par-là même l'assistance en battant le record du saut en hauteur sans perche. Dommage que ce ne fût pas les JO, sans quoi elle aurait ajouté une médaille d'or à ses déjà très nombreux prix!

04 ~ Meilleure actrice 2007: La petite Marion dans la grande ville.


Tout d'abord, il y a Cate Blanchett, bien décidée à nous montrer le fond de son gosier à partir de la plus grande bouche bée jamais entrevue sur Terre. Ensuite, il y a Julie Christie qui prend bien le temps d'accuser le coup avant d'applaudir de façon un peu trop enthousiaste pour être honnête (à sa décharge, elle était considérée comme la favorite). Et puis, il y a... Amy Ryan qui, rien qu'avec cette vidéo, s'impose comme ma nouvelle idole ultime! Il faut dire que son sourire intrigué, en arrière-plan, qui révèle son hallucination totale en écoutant le discours le plus niais jamais prononcé au Kodak Theater, est l'une des choses les plus drôles du monde! A vrai dire, on comprend l'émotion de la lauréate, mais de là à faire des bruitages sans queue ni tête avant de faire un calembour totalement obsolète depuis la fin du XVIIIe siècle...

03 ~ Meilleure actrice 1962: Joan, ou la jubilation incarnée.


Sainte Meryl ou pas, personne n'arrive à la cheville de la déesse Joan Crawford lorsqu'il s'agit de faire des siennes aux Oscars. Et quelle meilleure occasion que cette célébrissime cérémonie où la dame, ravie de couper l'herbe sous le pied de sa plus célèbre rivale, arrive sur scène dans toute sa splendeur, illuminant l'assistance d'un sourire machiavélique tranchant avec la comptine toute mignonne jouée en fond sonore, pour mieux triompher de l'injustice la plus blessante, et chanter par-là même un hymne tout entier aux égos surdimensionnés? Il est d'ailleurs d'autant plus jouissif de constater que la déesse, pas à une garcerie près, n'est même pas fichue de prononcer correctement le nom d'Anne Bancroft, entamant son discours comme à deux doigts de dire "Miss Crawford"! Ne t'inquiètes pas, on le sait que tu t'aimes, Joan, et nous aussi!

02 ~ Meilleure actrice 1974: Stone, the world is stone.


Objectivement, personne n'est en mesure de détrôner Joan Crawford pour le prix de la meilleure réaction oscarienne de l'histoire, mais il y a tout de même deux vidéos qui lui passent devant puisqu'elles impliquent plusieurs personnes en un ballet d'émotions toutes plus jubilatoires les unes que les autres. D'ailleurs, je ne sais même pas par où commencer: Gena Rowlands qui ne prend même pas la peine de retenir un vilain juron devant la caméra? Les réactions béates et simultanées de Diahann Carroll et Valerie Perrine? Le cameraman qui se braque sur Faye Dunaway comme si elle avait gagné, et qui tente de masquer sa déception par un élégant sourire de circonstance? Autant de réactions dans un laps de trois secondes, c'est insurpassable, me direz-vous. Et pourtant si! Car à ce petit jeu, tout le monde se fait méchamment voler la vedette par une Anjelica Huston totalement atone, fixant le vide sans applaudir, à se demander si on n'a pas affaire à une statue de cire... ou un gros rail de coke. Vous avez dit 1970's?

01 ~ Meilleur second rôle féminin 1975: Oh Sylviaaaaaaaa!


Mais voilà, la meilleure grimace, celle qui bat tout le reste à plate couture, est à chercher un an plus tard dans cette hilarante vidéo où tout est à mourir de rire. Franchement : entre la délicieuse Lily Tomlin vêtue comme à un couronnement, Susan Sarandon filmée par erreur et totalement amusée par la situation, et Sylvia Miles qui a eu la bonne idée de fumer trois hectares de marijuana avant d'entrer dans la salle, comment ne pas trouver cette vidéo irrésistible? Non, décidément, Joan Crawford ou pas, c'est Sylvia Miles qui remporte le titre! Congratulations!

Et vous, quelles sont vos réactions favorites? Une Meryl Streep catastrophée? Une Mauren Stapleton électrisée? Une Amy Ryan ahurie? Une Joan Crawford extatique? Une Sylvia Miles défoncée? Une autre? N'hésitez pas à partager vos découvertes!

mercredi 19 mars 2014

Meryl's Trip: August, Tonnage County


Bon, c'est fait, je suis enfin allé voir August: Osage County, un film alléchant à l'origine mais plutôt décevant, quoique divertissant, une fois le générique enclenché. D'ailleurs, je n'en aurais probablement pas parlé si ça n'avait été évoqué dans les commentaires d'un dernier article et, chose promise chose due, voici mon avis sur la question. Tout d'abord, parmi les qualités, notons que l'équipe a très bien restitué le climat étouffant de cette famille névrosée: pièces sombres, volets fermés, espaces vides de l'Oklahoma, mornes villes... autant d'éléments qui rehaussent l'atmosphère sordide du propos. Par ailleurs, le texte est par moments croustillant et présente ainsi un aspect assez jouissif qui, ajouté à mon intérêt très prononcé pour les petits carnages familiaux, ne donne nullement l'impression d'avoir perdu son temps. Malheureusement, le film pèche par bien d'autres aspects, qu'il s'agisse de ficelles en sérieux état d'usure (Hop, après une grosse dispute, sortons vite courir les champs tels des cabris épris de libertés! Hop, pensons à l'avenir en regardant l'horizon!) ou d'un ballet de personnages pas tous très bien exploités et dont la mise en scène répétitive (chacun quitte la propriété à tour de rôle, en colère, après avoir entendu son secret révélé) laisse le spectateur sur sa faim, dans la mesure où l'on aimerait au moins connaître le dénouement du sort des protagonistes les plus attachants. Mais ce n'est pas le plus gênant. Non, car rien ne laissait présager du désastre que seraient... les performances d'acteurs.

Qu'en est-il dans le détail?

Meryl Streep en fait des tonnes. Pire: son apparition et sa sortie de scène sont catastrophiques. En effet, elle commence en alignant un mot toutes les trois minutes avant de harceler Misty Upham avec un ahurissant "J'suis pas belle avec mes cheveux courts? Hein? Hein?", puis elle finit en hurlant des noms dans son salon, avant de retomber en enfance de façon très surjouée. De la part de Meryl Streep, ça surprend, et je comprends tout à fait pourquoi certains l'ont trouvée grotesque dans ce rôle. Par bonheur, elle se calme un peu dans le reste du film, tout du moins se sauve-t-elle en disant des vacheries parfois drôles qui parviennent à faire illusion temporairement. Mais ça ne veut pas dire qu'elle soit bonne dans sa méchanceté, à des lustres de sa délicieuse Miranda d'il y a sept ans. Ici, elle se prend surtout pour Taylor dans Virgnia Woolf mais n'est finalement pas plus effrayante que Janet Gaynor dans Seventh Heaven, et cette erreur de jugement rend son personnage totalement illogique. En fait, on ne ressent absolument rien pour Violet, clairement antipathique mais pas crédible en ogresse, et Meryl Streep ne rend pas tout le sel des dialogues qui auraient pu apporter d'autres dimensions à l'héroïne, comme le rapport à sa mère, par exemple. Il faut dire que ses tics de plus en plus rébarbatifs et de moins en moins créatifs ou réfléchis (oui, c'est de toi qu'on parle, le sourire aux yeux rougis qui sort automatiquement dans chaque film ces dernières années) n'aident pas à rendre cette performance plus fascinante.

Sam Shepard en fait des tonnes même s'il a le temps d'écran le plus limité. Il reste sur sa chaise à geindre avec plus ou moins d'ironie tout en se donnant le beau rôle, alors qu'il est loin d'être sans reproches. Il permet surtout à l'intrigue de se déclencher mais ne crée pas un personnage en tant que tel.

Julia Roberts en fait des tonnes, mais ça passe mieux comme elle a plein de bons moments qui nécessitent uniquement un jeu sur le regard, ce dont elle s'acquitte fort bien dès qu'on lui demande d'arborer un air grave. Hélas, le rôle ne pouvait fonctionner qu'avec une actrice avant tout très démonstrative, et force est de reconnaître que, dès qu'il lui faut s'énerver ou jouer des sentiments hauts en couleur, Julia en fait peut-être trop, justement. Après, on sent bien sa nature impulsive qu'elle s'efforce de contenir, mais de là à se jeter sur Meryl telle Mommie Dearest sur Christina... D'autre part, si Julia parvient à faire la connexion entre les divers personnages, et plus particulièrement les dames, son rapport à Ewan McGregor, accessoirement le principal moteur de Barbara, est totalement massacré. Un coup elle ne veut plus entendre parler de son mari, mais elle l'emmène tout de même dans son périple sans suggérer le pourquoi du comment, et elle ne se comporte pas plus logiquement avec sa fille qu'elle rabroue ou protège d'une séquence à l'autre. Disons qu'à choisir entre Meryl et Julia, la seconde méritait davantage sa nomination, mais c'est pourtant loin d'être un exploit.

Ewan McGregor en fait des tonnes dès qu'il doit s'énerver, mais il bénéficie heureusement de moments plus calmes dans la majeure partie de sa performance. Le problème, c'est qu'il n'a pas grand intérêt dans la mesure où le scénario l'oublie la moitié du temps, et ne le fait intervenir que pour se vautrer dans un propos machiste qui lui fait dire que sa femme est chiante et qu'il est donc en droit de la tromper, bien que lui soit exonéré de tout reproche car, pauvre chou, il est victime des manigances féminines de sa belle-famille.

Abigail Breslin en fait des tonnes, et son personnage est insupportable. Concrètement, elle ne fait que fumer des joints et n'apparaît que lorsqu'on se souvient qu'elle fait partie du casting et qu'il faut bien lui faire dire quelque chose. Sans intérêt.

Margo Martindale en fait des tonnes. Elle reprend le rôle standard de la grosse tante habituée aux moqueries et semblant les prendre avec le sourire mais qui se venge en humiliant son fils. Elle est désagréable au possible et autant Meryl est à peu près drôle lorsqu'elle mitraille sa progéniture de vexations en tous genres, autant Margo réussit l'exploit d'être encore plus forcée lorsqu'elle tente de rire de bon cœur sur leur sort peu enviable. Elle bénéficie toutefois d'un bon moment, celui de sa confession, où elle se calme enfin deux minutes (ouf).

Chris Cooper en fait des tonnes dès qu'il tombe dans le cliché, à savoir lorsqu'il prend la défense de son fils en faisant bien comprendre à sa femme qu'elle est chiante, méchante, machiavélique, frustrée, et blablabla blablabla bla...

Benedict Cumberbatch en fait des tonnes. Le pauvre petit chou est gauche parce que constamment humilié, mais au lieu d'estomper cette impression de trop-plein pour rendre son personnage attachant, l'acteur préfère au contraire accentuer ses grimaces et gémissements, comme s'il était encore besoin d'ajouter de l'eau au moulin d'un propos déjà très lourd en soi. Une bonne séquence néanmoins, celle de la chanson qu'il joue au piano à sa cousine adorée, où il fait enfin preuve de la subtilité qui lui manquait jusqu'à présent, et qui lui manquera plus encore par la suite.

Juliette Lewis en fait des tonnes. Certes, Karen est censée être la moins futée de la fratrie, mais justement, ce n'était pas une raison pour en rajouter une couche pour bien montrer qu'elle ne voit pas plus loin que le bout de la Ferrari de son mec. Du coup, impossible de s'émouvoir pour elle lorsque sa mère lui décoche une série de flèches acerbes en plein repas.

Dermot Mulroney en fait des tonnes. En plus son personnage est un gros macho pour qui la vie se résume aux voitures de luxe et qui n'hésite pas à lorgner sur les adolescentes. Tout pour plaire. Et l'acteur n'adoucit en rien ce type aussi pesant que les autres.

Julianne Nicholson... n'en fait pas des tonnes! Fichtre! Tout du moins, c'est la plus mesurée du lot, et par-là même le seul personnage pour lequel on peut ressentir quelque chose (avec Julia Roberts, dans une certaine mesure). Sa nature réservée apporte une touche de fraîcheur bienvenue à l'histoire et elle ne tente jamais de surjouer ses frustrations. Dès lors, on se laisse vraiment toucher par son histoire au point d'avoir toujours envie d'en savoir plus, d'autant qu'elle joue plutôt pas mal la détresse lors de sa dernière confrontation avec sa mère.

Misty Upham n'en fait pas des tonnes! Hourr... Ah, non, c'est la bonne, elle a trois répliques dans tout le film et elle sert juste à consoler tout le monde, même ceux qui la houspillent pour faire le repas. Elle joue surtout sur le regard et ne cherche jamais à imposer des émotions au spectateur, ce qui fait un bien fou. Mais elle apparaît trop peu pour vraiment susciter l'intérêt.

En somme, August: Osage County est une belle occasion manquée. Les acteurs surjouent quasiment tous au lieu d'apporter des nuances qui auraient pu alléger le propos et le rendre plus brillant, et le fait que même la plus intéressante du lot, Julianne Nicholson, ne laisse pas un souvenir impérissable n'est pas très bon signe. Notons au passage que si le film passe son temps à présenter une belle brochette d'ordures, le texte s'acharne surtout sur les personnages féminins et tend au contraire à donner de bonnes excuses à leur partenaires masculins. Ainsi, pour des mères castratrices frustrées et vénales, une épouse aigrie, une épouse décérébrée prenant systématiquement la défense de son mari du moment que celui-ci a une villa en Floride et une Ferrari, et une adolescente complètement atone, on se retrouve avec des hommes montrés de façon plutôt positive (sauf Dermot Mulroney), dont deux ont bien le droit de tromper leur femme puisque c'est de leur faute à elles si elles sont désagréables (classe). Seules Misty Upham et Julianne Nicholson présentent des traits de caractère perçus comme positifs, mais c'est pour mieux tomber dans le travers de la femme "maternelle" et protectrice. Osage County n'est donc pas seulement un ruminement du passé, c'est aussi un voyage dans des temps archaïques qui auraient eu bien besoin de se renouveler pour qu'un propos se voulant aussi piquant ait pu porter ses fruits. Un modeste 5/10 est déjà très généreux.

Happy Birthday, Mister Téléphone


Nous sommes en 110 après Joan Crawford. Toute la France est occupée par les iPhone... Toute? Non! Un portable orné d'irréductibles touches résiste encore et toujours à l'envahisseur. Et la vie n'est pas facile pour les garnisons de légionnaires phoniens des camps retranchés d'iPhum, iPodum, Macum et Tablettetactilum...

Non que j'aie des actions dans d'autres opérateurs téléphoniques, non que je sois nostalgique du télégraphe ou que je prône systématiquement l'ancienneté (et dieu sait si j'aime certaines nouvelles technologies), mais le fait est que je n'ai jamais changé de portable depuis dix ans. Et ce n'était même pas pour faire mon intéressant à l'origine, la principale raison étant qu'on ne jette pas un appareil démodé par amour ou par pitié, tant qu'il fonctionne parfaitement. Du coup, je me fais méchamment lyncher par le reste du monde à cause de cette vieillerie qui ne me permet même pas de consulter mes mails (comme si je n'étais déjà pas assez addict à mon ordi dès que j'ai du temps libre...) (et quand je dis ordi, je parle d'un PC. Même pas d'un Mac. Vertuchoux!) ou de faire des selfies mal cadrés, mais qu'importe, toutes ces applications ne m'intéressent pas, et encore moins ces écrans tactiles qui laissent des traces de doigts partout.

Alors, pour commémorer les glorieux 10 ans de Monsieur Phone, souhaitons-lui un très bon anniversaire! D'ailleurs, William, Miriam et Olivia ont décidé de lui offrir ce joli gâteau.


Quelqu'un en veut une part?

vendredi 7 mars 2014

Pourquoi?


En regardant les Oscar dimanche dernier, nous avons constaté qu'hormis les nommés et les remettants, il n'y avait pas beaucoup d'autres stars dans la salle. D'où ma question: l'Académie invite-elle seulement les personnalités ayant quelque chose à faire lors de la cérémonie en cours? Vu la taille du Dolby Theatre, pourquoi ne décerne-t-on pas des places d'honneur à des stars éminentes qui, sans avoir à remettre de prix, pourraient ainsi participer à la plus prestigieuse célébration annuelle du cinéma hollywoodien? C'est parce qu'on n'aurait pas la place de loger tout le monde et que ça créerait des incidents diplomatiques? Quand on regarde les vidéos des plus anciennes cérémonies, comme 1939, on y croise justement tout le gratin du cinéma d'alors, y compris ceux qui n'avaient pas à intervenir durant la soirée, à l'instar d'Hedy Lamarr, Charles Laughton, Elsa Lanchester, May Robson, Norma Shearer et tant d'autres. Peut-être sont-ils trop nombreux aujourd'hui pour tous être conviés? Ou est-ce un complot des cameramen, déjà bien en peine de faire un plan de coupe sur la bonne personne au bon moment parmi trois hôtes? Si quelqu'un a un début de réponse, je suis preneur!

Quoi qu'il en soit, c'était la première fois que je regardai une retransmission des Oscar, et je dois bien avouer que... c'était franchement ennuyeux. Certes, c'est toujours un milliard de fois plus divertissant et moins pédant que les cérémonies européennes, et certes, l'absence totale de surprise parmi les lauréats n'a pas aidé à donner un petit coup de fouet au tout, mais entre ces montages inertes de super-héros, ces standing ovations pas du tout méritées (genre Lupita Nyong'o qui n'a pas encore fait ses preuves, alors que rien pour Kim Novak ou Glenn Close), et une Ellen DeGeneres certes très drôle mais qui, hormis une délicieuse séquence pizza et une amusante séquence portrait de groupe, n'avait pas grand chose à faire à part annoncer des noms, le spectacle manquait un peu de peps. C'aurait peut-être été plus sympa avec de meilleures interprétations musicales, aussi. Sinon, je râle, mais ça reste malgré tout un bon show comme on sait si bien en faire outre-Atlantique. Mais je m'attendais à quelque chose d'un peu plus dynamique, et à des remises de prix un peu plus solennelles, ou moins expédiées, qui auraient pu être entrecoupées de numéros musicaux délirants et de passages humoristiques pour déstresser les nommés. En l'occurrence, l'ambiance avait l'air plutôt bon enfant, mais ça faisait un peu comme si ça n'avait pas grande importance. On en regrette presque les candidats stressés comme Sally Kirkland, ou les mauvais perdants comme Jessica Lange en 1984!

Par ailleurs, je n'ai toujours pas compris la logique des couples de remettants de prix. Kim Novak et Matthew McConaughey? Angelina Jolie et Sidney Poitier? Si vous voulez, mais en ce cas, pourquoi a-t-on demandé à Will Smith de remettre l'Oscar du meilleur film et pas à l'une des légendes présentes ce soir-là? Et pourquoi ne ferait-on pas plutôt des couples logiques qui pourraient y aller d'un mini sketch amusant rapport à leur dernier film? Et pourquoi n'est-ce pas Liza Minnelli qui a présenté l'hommage au Magicien d'Oz? Et pourquoi a-t-on préféré un résumé réchauffé des Oscar d'honneur au lieu de faire apparaître Angela Lansbury sur scène pour cette grande occasion?

Pourquoi? Pourquoi?


PS: heureusement, j'ai enfin trouvé comment me servir d'une télécommande, et nous avons pu avoir le show en anglais! Mais lors du tapis rouge présenté par deux zigotos français sans gêne aucune, ("Juliiiiiiie! Angelinaaaaaaa!"), pourquoi la traductrice a-t-elle trouvé judicieux de faire dire à Laura Dern qu'elle était très fière de sa fille, quand celle-ci venait justement de dire qu'en tant que fille, elle était très fière de son père? Pourquoi les gens ne peuvent-ils pas faire attention plus de deux secondes? Pourquoi?

dimanche 2 mars 2014

Difficile.


Je mange de tout sauf du poireau (et des choux de Bruxelles, mais ça, c'est normal). En effet, je n'ai jamais rechigné à goûter des mets pour lesquels je n'ai pas une grande sympathie, des poires belle Hélène aux piments, en passant par les ananas et les poivrons; j'ai même accepté d'ingérer du saucisson pour faire plaisir à des hôtes bavarois, et je n'ai jamais laissé le moindre brocoli dans le coin de mon assiette, toute grande fût la tentation d'en faire tomber involontairement dans le pot de fleurs le plus proche. Eh bien, croyez-le ou non, mais malgré tous mes efforts surhumains pour manger plein de légumes variés pendant toute mon enfance, je n'ai pu échapper à une insupportable belle-mère cherchant à plaquer des réalités totalement fantasmées sur les gens, qui fit un jour remarquer à son délicieux lignage: "Bah, comme tous les enfants, il n'aime pas les légumes. Il est difficile." Blessé par tant d'injustice, ma réaction fut sans appel...


... mais par souci d'honnêteté, je veux bien admettre qu'effectivement, dans certains cas, j'ai une forte tendance à être "difficile". Les différentes remises de prix cinématographiques de l'année 2013 sont d'ailleurs là pour le prouver.

Ainsi, je suis difficile car...


... je n'ai pas aimé La vie d'Adèle. Non, désolé, j'ai beau retourner le problème dans tous les sens, je ne supporte pas ce film interminable auquel je reconnais pourtant plein de qualités. Il est d'ailleurs effarant de voir que dès les premières minutes, l'impression était si bonne que j'étais parti pour lui mettre un bon 8/10, avant de descendre à 7, puis à 6, puis à 5, dans une dégringolade assez vertigineuse. Parmi les qualités, je reconnais que oui, il y a de bonnes idées de mise en scène (le banc sous l'arbre en fleurs, Adèle disparaissant dans la rue, entre autres), oui, la tonalité très naturaliste, presque documentaire, reste une force incontestable pour toucher le spectateur (malgré mon goût plus prononcé pour des points de vue plus mélodramatiques), et oui, mille fois oui, les actrices jouent superbement bien. Je ne suis d'ailleurs pas du tout fan de Léa Seydoux dans l'immédiat, mais je n'ai que des éloges à lui faire pour ce film, et bien entendu, Adèle Exarchopoulos est une telle révélation qu'un César de la meilleure actrice tout court et un prix d'interprétation cannois auraient été amplement mérités. Et le plus incompréhensible dans tout ça, c'est que j'ai vécu une histoire aussi dure que celle d'Adèle, une histoire éprouvante qui m'a tué à petit feu pendant sept ans et dont je ne suis pas sûr d'être tout à fait remis, si bien que j'aurais dû être absolument bouleversé par le propos.

Cependant, quelque chose n'a pas fonctionné. Déjà, puisqu'on parle d'amour, pourquoi le filmer comme un tableau de Diane au bain, aiguisant ainsi le désir du public pour les corps féminins tout en discréditant la force des sentiments que les actrices s'échinent à retransmettre par ailleurs? Et pourquoi passer deux très longues heures sur une histoire de plus en plus statique qui m'a, et ça ne m'arrive pourtant jamais, incité à regarder ma montre à plus d'une reprise? Non, cette torpeur de gestes quotidiens a eu raison de mon goût pour les amours intenses et déchirantes, et je dis ça alors que j'ai découvert le film avant la BD. Ce n'est en effet que le lendemain que j'ai mis la main sur l'éblouissante oeuvre de Julie Maroh, où j'ai justement retrouvé cette intensité et ce déchirement que la réalisation de Kechiche a aboli à mes yeux. Et certes, j'admets que le film avait parfaitement le droit de différer du livre, mais l'évidence demeure: je préfère cent fois passer quelques minutes avec la BD la plus poignante de ma collection plutôt que trois heures avec un film sans magie qui peine finalement à me toucher.


... je n'ai pas aimé Blue Jasmine. Alors je sais que comparé aux deux derniers très gros navets du maître, Blue Jasmine fait figure de renaissance et passerait presque pour un chef-d'oeuvre, mais je ne suis pas convaincu pour autant. Déjà, la trame générale est paresseuse malgré une projection plus personnelle du scénariste via des indices sur sa propre vie (sur laquelle je n'ai aucun avis à donner, lâchez-moi!), et cette impression d'un plat réchauffé nommé Désir a bien du mal à m'emballer. Mais là, je me démarque peu puisque le film en lui-même n'est que très rarement cité comme l'un des meilleurs de l'année. Non, là où je suis manifestement "difficile", c'est sur la question des personnages, et par conséquent des interprètes. En effet, la performance de Cate Blanchett est unanimement louée dans toutes les critiques possibles et imaginables, et je reconnais que c'est effectivement mérité. Oui, Cate s'est investie à fond dans le rôle et elle est techniquement parfaite : elle suggère tout ce qu'il faut au bon moment, elle ne commet jamais l'erreur de se révéler sous un jour plus sympathique et choisit justement de rester toute aussi garce que pathétique, elle pleure extrêmement bien, séduit avec tout autant de facilité, et assure parfaitement la connexion entre les différents états d'âme de Jasmine. On peut donc le dire sans honte aucune : c'est un sans faute très bien rodé qui mérite amplement toutes les louanges qu'on peut lui faire, mais dans le même temps, impossible d'être vraiment enthousiaste devant cette expérience. En fait, j'ai surtout l'impression d'avoir vu Cate dire: "Regardez, je vais vous montrer ce que je sais faire", mais je ne conçois pas vraiment l'intérêt d'un tel rôle. Peut-être l'effet de non-surprise après Blanche DuBois est-il en cause, mais pour le coup, la performance de Cate me paraît trop technique, trop "prétexte", et somme toute assez peu novatrice pour emporter l'adhésion. Mais c'est quand même exceptionnel. Je suis perplexe. Idem pour Sally Hawkins, heureuse bénéficiaire d'un rôle plus subtil et retenu dont elle restitue toute la saveur mais qui ne me séduit aucunement pour les mêmes raisons. Je suis donc vraiment trop "difficile", sans doute. Je ne saurais dire.


... je suis très mitigé sur 12 Years a Slave. C'est vraiment le film qu'il est de bon ton d'aimer actuellement, et pourtant, je n'en suis absolument pas fan, même si là encore je lui reconnais bon nombre de qualités. Parmi elles, une photographie magnifique qui tranche avec l'horreur du propos, propos qu'il m'a fait énormément de bien d'entendre, pour moi qui vit dans un cocon où le Vieux Sud fantasmé de Margaret Mitchell fait figure de référence. En cela, le film est fort et doit effectivement être montré. Toutefois, ce n'était pas une raison pour faire des raccourcis aussi simplistes que: le Nord = l'Eden où tout le monde est gentil et courtois, vs le Sud = l'Enfer où tout le monde est raciste et vraiment très méchant. En effet, les personnages sont tellement didactiques qu'ils en deviennent extrêmement indigestes d'un point de vue scénaristique. C'est surtout le cas des Blancs dont tous les personnages, de l'épouse jalouse au contremaître inculte, sont à peine esquissés pour mieux servir leur prétexte premier. En fait, seuls Brad Pitt, nécessaire à l'avancement de l'intrigue, et Benedict Cumberbatch, un peu plus nuancé, sortent vaguement du schéma "bien vs mal", mais ils sont aussi très secondaires. Des personnages très racistes étaient cependant incontournables pour bien coller aux tristes réalités d'alors, mais leur traitement manque néanmoins de subtilité. Heureusement, les performances d'acteurs corrigent le tir, notamment Sarah Paulson qui tente de suggérer plusieurs dimensions à partir de son personnage très stéréotypé, et surtout Michael Fassbender qui par son intensité donne une grande complexité à cet homme foncièrement mauvais et fermé d'esprit.

Du côté des esclaves, on ne peut évidemment qu'être touché par l'horreur de leur sort, mais paradoxalement, les performances des acteurs en pâtissent quelque peu, dans la mesure où ils n'ont qu'à se laisser porter par le propos et les effets spéciaux. Chiwetel Ejiofor est par exemple très émouvant, et fait bien ressortir les tourments du héros (même si sa résignation me semble un peu trop rapide), mais je ne trouve pas sa caractérisation éblouissante outre mesure. Le cas est similaire pour Lupita Nyong'o, celle du casting qui a le plus de chances de remporter un Oscar dans quelques heures, puisque si son personnage est aussi touchant, c'est davantage à mettre sur le compte de la violence très crue dont Patsey est victime que sur le (bon) travail de l'actrice qui n'a finalement qu'à montrer des réactions similaires lors de ses apparitions. Quant à Eliza, autre personne libre qui tombe en esclavage, elle disparaît trop vite, et je suis assez perplexe sur sa façon de pleurer sur commande tout en s'entrecoupant par des moments de dialogues plus fermes. En fait, le personnage le plus intéressant reste à mon avis Harriet Shaw, campée par la toujours impressionnante Alfre Woodard, qui bénéficie d'un statut vraiment complexe, et dont le comportement indécent donne constamment envie d'en savoir plus sur elle.

Je suis donc assez mitigé sur l'ensemble: c'est un bon film, c'est fort bien joué, et ça fonctionne surtout très bien parce que le tableau très réel et sordide dépeint par McQueen est vraiment très éprouvant pour le spectateur. Mais dans le détail, les performances d'acteurs ne me paraissent pas aussi exceptionnelles qu'on le dit, sauf peut-être celle de Fassbender.


Tout cela pour dire que je suis visiblement difficile à satisfaire en matière de cinéma. Je vais aller en cure de désintoxication chez Norma Desmond, ma psy de Sunset, mais il est vrai que devant tous ces films ou performances adulés de partout, j'ai l'impression d'avoir des attentes peut-être trop personnelles. Je me souviens par exemple d'une conversation Facebook assez violente où tous mes arguments en défaveur de La vie d'Adèle, bien qu'ayant pris soin d'en souligner les nombreuses qualités, étaient systématiquement battus en brèche par 99% des participants, comme si j'étais passé à côté du plus grand chef-d'oeuvre de tous les temps. Et là, je ne prends à témoin que les films les plus récents, mais ces réflexions peuvent également s'appliquer n'importe quelle autre année. Après tout, je n'aime toujours pas The Philadelphia Story après cinq tentatives... Mais pour en revenir à 2013, j'avoue que ces remises de prix m'excitent relativement peu, malgré la très grande qualité de certains rôles. Je crois que je complexe surtout sur Cate Blanchett. Il n'y a absolument rien à redire et peu d'actrices auraient été capables d'atteindre son niveau dans Blue Jasmine, mais je n'arrive vraiment pas à m'intéresser à cette performance. Je dois donc être "difficile" d'une façon ou d'une autre.

Sur ce, je m'en vais préparer une soupe. Sans poireaux.