samedi 31 mai 2014

Mrs. Parkington (1944)

Je sais, j'ai toujours mon article sur 1939 à poster (quand?), mais dans l'immédiat, j'ai surtout envie d'occuper mon temps libre sur internet en faisant d'une pierre deux coups, en parlant de films centrés sur une grande actrice du Golden Age, afin de détailler mes opinions souvent beaucoup trop succinctes dans mes articles "Orfeoscar". Et la grande gagnante du jour est donc:

de Tay Garnett
Après avoir été un peu insensible à ce que j'appelais les "greergarsoneries", dans la folie d'une jeunesse cynique et impétueuse, j'ai fini par changer d'avis, jusqu'à devenir un grand fan de l'une des actrices les plus charmantes de l'histoire d'Hollywood, une dame capable de rendre intéressant n'importe lequel de ses films grâce à une personnalité chaleureuse et un incontestable talent. Par conséquent, je suis d'autant plus disposé à revoir à la hausse mon opinion sur ses rôles, et sonner à nouveau à la porte de Susie Parkington m'a finalement fait passer un bien agréable moment, même si j'ai peur que la saveur de l'ensemble ne s'estompe rapidement avec le recul.

Quitte à commencer par les aspects négatifs, disons que ce qui me plait le moins dans le film, c'est l'histoire. Pourtant, le scénario est plutôt bien ficelé entre une intrigue dans le présent centrée autour d'une matriarche qui doit faire un choix entre le bonheur de sa petite-fille préférée et les intérêts économiques du reste de ses pairs, et une narration en longs flashbacks relatant la jeunesse de l'héroïne, dont certains souvenirs doivent l'aider à faire un choix dans le dilemme initial. Or, tant que le passé fait avancer l'intrigue principale, spécialement sur la thématique "famille/argent, quel est le plus important?", le scénario fonctionne sans aucun problème. Mais, tous les éléments du passé ne servent pas systématiquement le sujet, d'où l'impression d'une histoire parfois trop linéaire, de type: "elle est jeune, elle se marie, elle a des enfants, elle se dispute, etc", a priori pas le propos le plus passionnant qui soit, tout du moins pour moi. En outre, certaines ellipses plombent un peu le registre de l'émotion, comme par exemple cette séquence où l'héroïne vient de perdre un enfant qu'on n'a jamais vu, ce qui empêche de nous connecter totalement à sa douleur, et ce d'autant plus que l'année de réclusion que vient de vivre Susie est mal ressentie, puisqu'on a eu juste avant un retour dans le présent, et qu'il suffit qu'Agnes Moorehead vienne consoler l'héroïne pour que celle-ci se remette sur pieds dans la seconde et chantonne à l'idée de partir en voyage pour renouer avec son époux. A mon avis, il y avait moyen de faire plus percutant, mais en dépit de certaines maladresses de ce genre, on suit heureusement les aventures de Susie avec grand intérêt. Sans compter que le scénario n'oublie pas des pointes d'humour, comme la présence du prince de Galles comme sympathique adjuvant.


De son côté, la mise en scène de Tay Garnett est réussie à défaut d'être originale, et l'on ne note finalement que deux fantaisies qui retiennent vraiment l'attention. En premier lieu, ce sont les transitions qui assurent les allers-retours entre passé et présent, ou entre différentes séquences au sein d'une même époque. A ce niveau, certaines sont bien faites, avec l'utilisation d'une horloge comme marqueur de temps, ou de figurines saxonnes comme souvenirs matériels transcendant les âges, mais en dépit d'une constante unité de thèmes, le travail sur l'image aurait pu être plus soigné. Par exemple, la dernière transition montre le visage d'une jeune Greer Garson enlacée par Walter Pidgeon, avant que l'image fonde pour révéler une héroïne âgée dans les bras de sa petite-fille, mais les têtes ne sont pas positionnées au même endroit, ce qui aurait sans doute été plus esthétique. Le plus énervant, c'est que lorsque l'effort esthétique est prégnant, l'effet est gâché par l'usage d'un fondu noir qui rend l'image plus floue, notamment lorsqu'une Greer Garson âgée apparaît très exactement entre les deux visages du couple de jadis. En définitive, la meilleure transition du film reste celle qui montre successivement Agnes Moorehead et Greer Garson au lit, le lendemain des noces, dans laquelle les visages apparaissent parfaitement au même endroit du cadre. 

Autrement, l'autre fantaisie dans la mise en scène reste l'utilisation d'un élément du décor, à savoir les portraits gigantesques de Garson et Pidgeon, lesquels rythment l'histoire de façon efficace, puisqu'on a d'abord l'actrice principale à côté de son effigie lors de son apparition, puis son partenaire à côté de sa propre peinture lors de l'emménagement, avant que Susie ne se tourne une dernière fois vers le portrait de Gus lorsqu'elle doit assumer son choix, comme si la boucle était bouclée. A part ça, la réalisation reste plus que classique et ne fait pas particulièrement usage de décors si pompeux qu'on a très vite la sensation d'étouffer, y compris dans les pièces les plus spacieuses, d'autant que les immenses escaliers ont une connotation assez malheureuse à un moment donné. Disons que cette surcharge de grandeur, qui sied cependant très bien au niveau de vie représenté, ne sert vraiment le propos qu'à trois reprises, en comptant les tableaux et les marches, l'autre étant le sentiment de l'héroïne de n'être qu'une pièce du patrimoine de son époux, au moment où elle émet le désir de faire autre chose de sa vie que jouer à la comtesse en représentation. A ce titre, les décors "pauvres" de la pension où travaille Susie au début sont plus "aérés", au point de créer des séquences plus légères et inspirées, comme en témoigne cette idée de faire dialoguer les héros sur un toit, à travers un drap tendu pour que l'héroïne ne soit pas vue en robe de chambre.

L'usage des costumes reste tout de même plus marquant, d'autant que l'humour du film repose principalement sur les atours. Ainsi, lorsqu'on voit Susie revêtir la cape et le chapeau de son locataire, avant d'être interrompue par lui et de devoir revenir chercher ses chaussures dans sa chambre, l'histoire prend une coloration chaleureuse qui lui va à ravir. Et quand l'héroïne, enrichie par son mariage, souffre le martyre en revêtant une robe de soirée, avant de souffler de dépit lorsque Agnes Moorehead lui suggère un autre essayage, la séquence prête évidemment à sourire, même si c'est loin de faire rire aux éclats. Il faut dire que le dialogue n'est pas brillant puisque, lorsque Susie a peur que son mari n'ait pas assez d'argent pour payer un vêtement de luxe, et que la baronne lui demande si elle réalise qui elle a épousé, elle répond de façon presque outrée: "My husband of course!" Hum... A la limite, la voir s'offusquer de se trouver nue dans un tel costume, tandis que la couturière lui fait remarquer qu'il s'agit-là d'un décolleté, est déjà moins lourd, malgré la relative médiocrité de la ficelle comique. Ah, et j'allais oublier: c'est moi où Gladys Cooper en duchesse aigrie porte bien des pantalons à la fin?!

Sinon, pour en finir avec la mise en scène, deux mots sur l'usage de la musique, où il n'y a malheureusement pas grand chose à signaler. En effet, la musique d'ouverture est prestigieuse à souhait comme dans tous les films MGM de l'époque, mais rien de très mémorable à l'horizon, surtout que les chants de Noël qui s'ensuivent sont entrecoupés par les vociférations d'une Gladys Cooper de très mauvaise humeur, si bien qu'on n'en profite même pas. En revanche, l'utilisation d'une musique trop doucereuse dans une séquence de deuil a vite tendance à conduire à saturation, comme s'il était encore besoin de surcharger l'atmosphère après la pomposité des décors et la quasi absence de scènes d'extérieur pour mieux aérer le propos.


En somme, l'élaboration du film est réussie, mais rien qui mérite de réelles louanges malgré quelques effets intéressants. D'ailleurs, ce sont surtout les performances d'acteurs qui tirent l'ensemble vers le haut et font de l'expérience Parkington un agréable moment.

Au sommet de l'édifice trône évidemment Greer Garson dans le rôle-titre, avec une performance divisée en deux parties: l'une où elle joue à la vieille matriarche resplendissante, et l'autre où elle est plus typiquement jeune, malgré des cheveux bruns qui détonnent un peu. Or, la vieille Susie est jouée on ne peut mieux par l'actrice qui épingle tous les tics de dame âgée pour nourrir sa composition, et donner d'autant plus d'humour et de chaleur au personnage. Ainsi, outre de charmantes intonations dites d'une voix un peu chevrotante, elle n'hésite pas à souffler sur ses lunettes avant de lire un document, en plus de deux/trois autres grimaces assez amusantes. Cependant, elle n'en fait jamais trop dans le registre comique, et la vieille dame frappe aussi par son sérieux, et sa capacité d'en imposer auprès de sa famille, qu'elle peut congédier d'un geste de la main si elle le souhaite. En fait, tout est dans la nuance puisque que l'actrice, ni trop comique, ni trop tragique, se révèle surtout extrêmement intelligente et rassurante, comme le lui fait remarquer sa petite-fille en décrivant sa perspicacité d'un judicieux "so clever!" Du coup, on s'attache à l'héroïne dès les premières séquences grâce au travail de l'actrice, au point qu'elle donne constamment envie d'en savoir plus sur elle.

Malgré tout, c'est principalement la jeune Susie qui est montrée dans le film, et force est de constater que le portrait reste très cohérent. En effet, Susie est tout aussi charmante lorsqu'elle essaie divers vêtements de luxe auxquels elle n'est pas habituée rapport à ses origines modestes, mais on découvre évidemment bien d'autres aspects plus sérieux et tout autant bien joués, notamment lors des scènes de ménage avec son époux, où Garson sait prendre de bonnes intonations fermes sans jamais rien perdre de son charme. L'actrice prend également bien soin de nuancer le personnage, en particulier lorsqu'elle parle avec détachement pour faire croire à Walter Pidgeon qu'il ne lui a pas trop manqué après dix semaines de séparation, alors qu'elle est en réalité absolument ravie de le retrouver. L'alchimie entre les deux interprètes fonctionne d'ailleurs très bien, comme dans leurs films précédents, et la façon dont la modeste Susie apprend à se sentir à l'aise avec son nouveau mari reste plus que jamais plaisante. Le seul bémol dans la performance de Garson, c'est qu'elle en fait parfois trop dans le registre de l'humilité, surtout quand elle prend une voix de petite fille face à une Agnes Moorehead qui la met mal à l'aise au début. Et notons tout de même que la séquence du tremblement de terre est jouée de façon assez bizarre, avec une actrice qui arbore un regard fixe beaucoup trop longtemps quand on lui communique une triste nouvelle. On se doute qu'elle a tenté de ne pas être trop mélodramatique, mais ça sonne un peu faux, de même que la séquence du second deuil qui reste un brin forcée, et dont l'enchaînement sur une tonalité guillerette n'est pas très crédible. Enfin, quand elle s'excuse d'avoir fait une fausse couche après un accident, c'est trop ostensiblement lourd, et ça nuit clairement à la puissance émotionnelle du rôle. Mais dans l'absolu, la performance est réussie, même si Garson n'est jamais totalement à l'aise lorsqu'elle doit jouer une extrême jeunesse à quarante ans passés (voir The Valley of Decision l'année suivante).

De son côté, Walter Pidgeon est assez agréable en homme riche, poli et sûr de lui, n'oubliant pas au passage d'apporter une petite dose d'humanité à son personnage, bien que sa performance reste pleinement dans la lignée de ses portraits un peu raides entrevus auparavant. En outre, Gus est assez souvent hors des séquences les plus dramatiques, ce qui n'aide pas à le rendre vraiment intéressant.


En fait, le meilleur personnage du film après Garson reste évidemment l'inimitable Agnes Moorehead, très à l'aise en baronne sophistiquée un brin excentrique. Ses intonations sont par exemple très drôles alors que la caméra ne la filme pas encore, et son accent étranger, à défaut d'être tout le temps français, est plutôt amusant. Ce phrasé particulier n'est d'ailleurs jamais ennuyeux, et ça a même quelque chose d'assez rassurant, surtout lorsque Aspasia tente de consoler Susie après un deuil, alors que tout dans la mise en scène tente d'alourdir le propos : en effet, tandis que l'héroïne se tourne dans son lit pour marquer son abattement, (avec un ruban blanc sur les yeux?!), le calme serein de la baronne rehausse l'effet dramatique d'une scène qui aurait pu n'être qu'agaçante autrement. Finalement, Agnes Moorehead est elle aussi assez nuancée, ce dont témoigne une série de répliques touchantes où le personnage ne se fait pas d'illusions sur son physique: "This is the real me", "rather ugly and not very young". A noter qu'ici, la mise en scène est plutôt bien pensée puisque après n'avoir été vue que dans le noir, elle ne prononce ces mots qu'une fois qu'on ouvre les rideaux et qu'elle paraît dans la lumière du jour, quoique rien de très original à l'horizon. Quant aux touches de regret disposées par l'actrice, elles ne manquent pas d'être éminemment savoureuses: "I'm your friend but she is your wife." Un regret tout de même, le fait que la baronne soit ostensiblement gentille, sans aucune trace de jalousie, de quoi laisser un peu sur sa faim quant au personnage. Il faut dire que le réalisateur a également oublié de filmer ses réactions les plus potentiellement intéressantes, notamment lorsque Susie annonce sa grossesse, plan où Aspasia est laissée en marge du cadre et ne peut donc pas montrer ce qu'elle ressent vraiment. Sincèrement, il aurait été bien plus judicieux de la voir spécifiquement en cet instant, plutôt que de remplacer ce moment fort par une minute d'humour grinçant sur l'air du "je préfère que ce soit un garçon, et moi une fille".

Il est toutefois passionnant de constater que les deux femmes principales se font chacune manger par l'autre dans une séquence, bien qu'elle parviennent à créer de formidables rapports dans le reste du film. Ainsi, Garson se laisse entièrement dominer lorsqu'elle force un peu trop dans l'humilité, tandis que Moorehead rate quelque peu sa grande scène dramatique, en surjouant la surprise, main sur la joue et grimace crispée, alors que sa partenaire est parfaitement posée en face, au moment des confidences. Du coup, ces quelques défauts dans chaque performance sont un peu dommage et me font personnellement hésiter sur l'intérêt de les garder dans ma liste de prix, bien que dans leur globalité ces compositions soient très réussies, tandis que la complicité qui se tisse entre ces dames rend le film d'autant plus chaleureux.

Les autres personnages n'ont en revanche pas grand intérêt, et ne sont même pas particulièrement bien joués. Gladys Cooper (pour une fois plus jeune que Greer Garson, ça change!) est si peu nuancée dans sa sécheresse qu'elle est probablement au pire de sa routine, sans compter qu'elle a tendance à méchamment surjouer pour le peu qu'elle apparaît. Frances Rafferty en charmante petite-fille est pour sa part clairement inexpérimentée, tandis que les hommes de la famille (Edward Arnold, Tom Drake) sont assez insignifiants, et il en va hélas de même pour Cecil Kellaway en prince de Galles pourtant sympathique.

En somme, Mrs. Parkington méritait effectivement un regard plus neuf puisque ça se révèle bien plus séduisant qu'à l'origine, malgré un certain manque d'originalité et l'impression de rester sur sa faim selon certains événements. Et même si le portrait brossé par Greer Garson est toujours savoureux, il est quand même notoire qu'elle ne fait finalement rien qui sorte de l'ordinaire, pas même quand elle est âgée puisque cette dimension avait déjà été entrevue un an plus tôt dans Madame Curie. Ceci dit, le charme opère tellement qu'elle reste une concurrente très solide pour ma liste de prix, même si je suis plus mitigé pour le reste du film, ne sachant pas trop dans quelles catégories je pourrais le nommer. Quoi qu'il en soit, Mrs. Parkington possède une réelle séduction d'esprit très "MGM" qui lui vaut un bon 6/10. Qu'en dites-vous?

mercredi 28 mai 2014

Oscar de la meilleure actrice 1945

Pendant bien longtemps, 1945 a été pour moi une sorte d'année honnie, vu que sur tous les films de l'époque, j'en compte seulement deux que je regarde souvent avec plaisir, avec tout de même trois très bons films qui arrivent juste après. Mais dans l'absolu, on est loin de la période bénie du Pre-Code à l'entrée en guerre. Heureusement, à force de bien creuser, j'ai fini par arriver à une sélection qui m'enchante tout à fait chez les actrices, de quoi estomper nettement l'arrière-goût amer que me laissait cette année en général. Mais reprenons depuis le début avec la sélection officielle:

* Ingrid Bergman - The Bells of St. Mary's
* Joan Crawford - Mildred Pierce
* Greer Garson - The Valley of Decision
* Jennifer Jones - Love Letters
* Gene Tierney - Leave Her to Heaven

Enfin! Après vingt années de bons et loyaux services, Joan Crawford parvint à se faire nommer aux Oscars. Il était temps. Il faut dire qu'une fois libérée du carcan de la MGM, elle eut enfin l'occasion d'avoir tous les facteurs de son côté, à savoir un nouveau studio, la Warner, enfin prêt à miser sur sa nouvelle recrue à l'époque où l'aura de Bette Davis commençait à décliner; une communication parfaitement rodée, portée par une Hedda Hopper qui écrivit dès la post-production du film que la performance d'actrice était si bonne qu'elle gagnerait sûrement la statuette; et bien sûr des connexions professionnelles désireuses de récompenser la star après tous ses services au cinéma, au premier rang desquels Louis B. Mayer lui-même, qui alla jusqu'à voter pour son ancienne vedette par sympathie, au détriment de sa propre candidate, Greer Garson. Ajoutons à cela que les trois principales concurrentes de Crawford venaient toutes d'être oscarisées au cours des trois années précédentes, et la nature même de Mildred Pierce, à savoir un grand comeback dans un rôle de mère sacrificielle flamboyante, ne pouvait que jouer en faveur de la star, sans compter que, last but not least, la performance était effectivement à la hauteur de sa réputation, ce que personne ne pouvait feindre d'ignorer, ce dont témoigne son prix au National Board of Review. Cerise sur le gâteau, Crawford estimait également que sa prestation dans A Woman's Face quatre ans plus tôt avait conforté ses talents dramatiques, et en faisait une sorte de candidate injustement snobée qu'il convenait de consoler dans les plus brefs délais. En somme, étant donné l'avalanche d'avantages pour l'actrice en cette saison de remises de prix, point n'était besoin de se faire porter pâle le soir de la cérémonie, pour mieux se donner en spectacle en robe de chambre devant tout le quartier!

Remarque, toute favorite fût-elle pour cet Oscar, Crawford craignait par-dessus tout que l'une de ses concurrentes, Ingrid Bergman, la coiffe au poteau. En effet, la nouvelle coqueluche d'Hollywood, tout juste sacrée plus grande actrice dramatique de l'époque l'année précédente, était alors tellement en vogue qu'elle remporta le prix de la critique new-yorkaise et le Golden Globe, en particulier pour un rôle de religieuse qui plut à énormément de monde, trois ans après la victoire de Jennifer Jones en Bernadette Soubirous, et un an après le succès fracassant de Going My Way, dont The Bells of St. Mary's n'était autre que la suite. Ainsi, Bergman avait beau être fraîchement oscarisée, il y a fort à parier qu'il aurait suffi du moindre défaut dans la communication autour de Crawford pour qu'elle emporte le trophée deux années consécutives. En revanche, les autres candidates ne constituèrent pas une réelle menace pour Joan. En effet, Love Letters et la performance de Jennifer Jones venaient d'être éreintés par la critique, au point que l'actrice ne dut probablement sa nomination qu'à ses connexions selznickiennes. Greer Garson figurait pour sa part dans le grand rôle dramatique de prestige de la MGM, avec le studio bien évidemment à ses côtés pour lui assurer une place dans la liste, mais The Valley of Decision reçut finalement peu d'amour de la part de l'Académie, et la performance était sans doute trop redondante et pas assez flamboyante pour faire le buzz. Quant à Gene Tierney, elle ne fut jamais considérée comme une actrice à oscariser, mais le contre-emploi dramatique et sa silhouette superbement photographiée dans un film noir haut en couleurs lui valurent manifestement sa nomination. Bref, à l'exception de Tierney, ce cru 1945 ne fut absolument pas surprenant, même s'il était possible de faire plus original. En conséquence...

... je retire:

Jennifer Jones - Love Letters: Gros bémol pour commencer : je n'arrive pas du tout à rentrer dans le film, et j'ai eu beau essayer à plusieurs reprises, je finis toujours par décrocher au bout d'un moment. Pourtant, l'histoire est en soi passionnante, portée par un bon rôle juteux qui permet à l'héroïne d'être amnésique et d'avoir des troubles de la personnalité, mais à mon grand regret, jamais Jennifer Jones n'a réussi à m'intéresser véritablement à son sort. Pire, elle est même notoirement mauvaise dans ce rôle, ce qui tranche regrettablement avec The Song of Bernadette et Since You Went Away, ses deux rôles précédents et bien mieux joués, et ça annonce tristement son grand numéro de n'importe quoi dans Duel in the Sun l'année suivante. Et je suis navré, j'aimerais beaucoup parler en bien de Jennifer, une actrice que j'apprécie sincèrement en temps normal, mais il faut savoir se rendre à l'évidence: elle est terriblement affectée tout au long de Love Letters, de quoi mettre en lumière à quel point elle était encore inexpérimentée en 1945. En effet, on décèle toujours quelque chose de forcé dans ses regards ou ses sourires, et elle minaude tellement qu'elle en devient vite agaçante, notamment lorsqu'elle tente de jouer en même temps la joie et la surprise en ouvrant sa porte à Joseph Cotten. Par la suite, elle passe son temps à le regarder avec des expressions terriblement exagérées, en particulier sur les bords de la Tamise où l'on dirait qu'elle va le manger, sans compter qu'à trop vouloir faire comprendre son bonheur, elle flirte dangereusement avec le ridicule: "My house! My ring!" Cependant, le pire est encore à venir puisque toutes les séquences finales, qui la voient crier dans la roseraie et pleurer derrière la chaise de Gladys Cooper, sont en fait un festival de grimaces toutes plus atroces les unes que les autres, aussi ne suis-je finalement guère étonné lorsque les critiques de l'époque disaient trouver cette performance un brin stupide. Et quand elle tente de ne pas surjouer, elle se révèle très vite ennuyeuse. Mais vraiment, cette façon d'écarquiller les yeux à tout bout de champ, et d'utiliser sans arrêt une voix de petite fille puérile, plombent vraiment l'impression de charme et de mignonnerie qui se dégage de l'actrice en temps normal.


Greer Garson - The Valley of Decision: La première fois, je n'avais vraiment pas aimé, et j'avais même décroché à la moitié du film tant cette performance me semblait redondante de la part de Greer Garson. Et puis, je me suis quand même décidé à revoir le tout à tête reposée, et qu'elle ne fût pas ma surprise de découvrir que le film comme sa prestation sont en fait bien meilleurs que dans mon souvenir. Après, il reste toujours quelques petits défauts qui nuisent un peu à la crédibilité de l'ensemble, à savoir que d'une part, à quarante ans passés, Garson n'a plus du tout l'âge de jouer les jeunes filles, et à ce titre, la voir s'occuper d'un enfant lorsqu'elle entre en scène fait davantage penser à une mère qu'à une grande-sœur, bien qu'il faille toutefois avouer que la présence de Gladys Cooper estompe par la suite ce problème d'âge, Garson ne détonnant finalement pas tant que ça avec la jeune génération de ses employeurs. D'autre part, Greer Garson est une duchesse, et malgré tout ses efforts, elle ne semble pas vraiment faite pour le rôle d'une femme de chambre, quoiqu'elle en restitue plutôt bien les manières, à grand coup de manches remontées devant le labeur et de savoir-faire pratique. Ceci dit, l'actrice a beau ne pas être le choix idéal pour un tel personnage, son charme opère tellement qu'on ne voit presque plus le problème au fur et à mesure du visionnage, et même si la nature du film semble trop redondante de prime abord pour son interprète, il convient de noter quelques touches d'innovation de la part de Garson, notamment vers la fin où elle fait preuve de fermeté envers sa rivale, avec des éclairs de dureté qu'on ne lui connaissait pas vraiment jadis. Ah, et cerise sur le gâteau, elle est extrêmement drôle lorsqu'elle montre ses réactions en découvrant chaque membre de la famille lors d'une descente d'escaliers. Néanmoins, cela suffit-il à rendre cette nomination indispensable? Objectivement non. Garson se fait malgré tout voler la vedette par une Gladys Cooper plus humaine qu'à l'accoutumée, son histoire d'amour avec Gregory Peck manque quelque peu de réalisme, et l'actrice en fait souvent trop dès qu'elle tente de se montrer humble et peu à l'aise. Cependant, le rôle reste vraiment très cool et divertissant, et c'est toujours ça de pris.


Ingrid Bergman - The Bells of St. Mary's: Si Greer Garson n'est pas idéalement faite pour son rôle, on peut en dire autant d'Ingrid Bergman, certes dotée d'une aura de sainte qui sied bien à son personnage de nonne, mais dont l'entrée en scène façon movie star, le sourire aux lèvres, fait d'emblée moins penser à une religieuse qu'à une actrice contente de jouer à la religieuse. Il suffit de voir les présentations entre sœur Mary Benedict et le père Chuck O'Malley incarné par Bing Crosby, pour réaliser qu'Ingrid a presque l'air espiègle, au point qu'on l'imagine moins en mère supérieure qu'une Deborah Kerr beaucoup plus ferme. Idem, on ressent mal son influence sur la communauté: lorsqu'elle toise les soeurs qui ne retiennent plus leur rire, elle garde son sérieux mais il lui manque clairement la ténacité qui aurait rendu sa composition plus crédible. Et quand elle donne des cours de boxe à l'un de ses élèves, la scène est éminemment savoureuse, mais Bergman fait quand même davantage penser à une bonne copine qu'à une directrice en robe de bure. En somme, on a surtout l'impression qu'elle est là pour s'amuser et qu'elle prend un pied énorme à faire de ce film, sans qu'elle ait l'air de vraiment jouer un personnage. Mais finalement, ce n'est pas tellement un reproche car sa personnalité est telle que l'oeuvre se serait effondrée sans elle, et elle est si adorable et si charmante qu'il est presque impossible de décrocher, tant elle donne envie d'en voir plus. En outre, elle trouve constamment la bonne note, de telle sorte qu'elle livre une vraie grande performance parfaitement nuancée, qu'il s'agisse de faire de l'humour en ne pouvant s'empêcher de rire tout en essayant de garder son sérieux, ou de révéler des émotions plus graves, et de bien restituer la tristesse et l'épuisement. En somme, Bergman rend l'expérience vraiment agréable, et soeur Mary Benedict est clairement le personnage qui manquait à Going My Way, sachant que sa seule présence m'a fait totalement apprécier The Bells. Et même si le ratio actrice/personnage n'est pas extrêmement bien calculé par moments, elle y est tellement mignonne que j'aurais sans doute envisagé de conserver cette nomination une autre année. 


Ma sélection:

Joan Crawford - Mildred Pierce: Ce n'est pas un scoop, je suis un fan inconditionnel de la star, j'ai un orgasme dès qu'elle se met à bouger ou à parler, et Mildred Pierce est sans doute le rôle qui définit le mieux le mythe Crawford. En outre, le film, excellente alliance de mélodrame et de film noir, reste à mes yeux le grand chef-d'oeuvre de l'année, et permet à l'actrice de passer par toutes les émotions et tous les états d'âme possibles, alors autant dire que je suis parfaitement servi côté éblouissement et divertissement. Pourtant, dans le détail, il y a bien un petit défaut mineur dans cette performance, à savoir le plan où Crawford apprend la mort d'une personne très proche, dans lequel sa réaction rappelle plus une machine à laver qui aurait inondé un sous-sol et la perspective de devoir passer sa soirée à nettoyer. Peut-être l'actrice a-t-elle eu peur de surjouer ce passage et a finalement raté son coup, mais dans l'ensemble, ce n'est pas excessivement gênant dans la mesure où elle se rattrape dans tout le reste du film, où elle est excellente de bout en bout. En effet, lorsque Mildred est heureuse, sa joie met du baume au cœur, et Crawford n'hésite pas à jouer de sa séduction pour en renforcer le charme: "No whistle?" Mais lorsque l'héroïne est déçue, et voit les drames s'enchaîner, Crawford souffre admirablement bien, et pour le spectateur contemporain, les problèmes avec sa fille aînée ont un petit côté plus que jouissif, rapport à qui vous savez. J'admire aussi la façon dont Crawford parvient à être parfois toute mignonne, lorsqu'elle s'excuse d'avoir giflé sa fille, avant de passer à une exceptionnelle dureté qui perce derrière son visage pétrifié, lorsque les rôles s'inversent. L'actrice suggère également bien l'énorme détermination de l'héroïne, dont la volonté de s'en sortir par le travail n'est pas sans rappeler le passé de la star, à tel point qu'on réalise que Crawford était vraiment faite pour jouer ce personnage, qui reste défini dans les mémoires comme le rôle de sa vie. Ajoutons encore que l'affection inconditionnelle dont l'héroïne fait preuve envers Ann Blyth est fort bien esquissée, et de toute façon, cette performance est d'un tel niveau de divertissement qu'on tient là un feu d'artifice crawfordien dont je ne peux me passer!


Gene Tierney - Leave Her to Heaven: Bon j'avoue, j'ai toujours eu un mini problème avec le film, qui me divertit certes plus qu'honorablement mais qui présente des personnages dont je ne comprends pas toujours la logique, surtout vers la fin. Du coup, je ne sais jamais trop quoi penser d'Ellen, d'autant que l'interprétation souvent sur la même note de Gene Tierney n'aide pas vraiment à y voir plus clair. Concrètement, ce qui m'interpelle, c'est qu'on voit difficilement les traces de folie ou de danger dans sa construction de l'héroïne, tant elle semble toujours beaucoup trop humaine et normale pour être malhonnête. A vrai dire, elle paraît par instants tellement saine d'esprit qu'on dirait davantage mon ours en peluche qui tenterait de jouer une crise de jalousie pour s'adapter à nos sociétés cyniques, qu'une perfide épouse maladivement possessive. A ce titre, l'actrice aurait sans doute gagné à laisser davantage planer le mystère dès le départ, parce qu'en l'occurrence, on doute finalement si peu d'elle qu'on ressent mal ses antécédents, d'autant qu'une dernière séquence un peu ridicule plombe d'autant plus le personnage. Cependant, j'ai beau râler et dire que je ne trouve pas cette composition 100% logique, il n'en reste pas moins qu'avec l'aide du metteur en scène, Tierney arrive à livrer une performance extrêmement charismatique et divertissante, ce qui suffit entièrement à faire illusion pour l'amateur de garces flamboyantes que je suis. En effet, passée la première partie où je ressens mal les indications de folie sous ce visage très attirant, tous les plans de coupe intervenant dans les dialogues un peu niais entre les deux frères révèlent une interprétation d'actrice réussie, rapport à la dureté et la déception qu'elle insère dans ses regards pétrifiés, même si objectivement ça ne lui demande pas un grand effort. Et sa façon de scruter ses partenaires avec insistance ou de s'immiscer dans les conversations reste formidablement fun, à partir du moment où l'on admet enfin la dangerosité de l'héroïne, avec en point d'orgue le célébrissime climax sur le lac. En somme, une performance sur laquelle je reste un peu mitigé, et pas toujours très bien jouée dans les passages qui demandent le plus d'expressivité, mais malgré tout, le divertissement, le contre-emploi dramatique et l'extrême charisme de la dame s'imposent de façon trop prégnante pour ne pas me faire converser une affection maladive pour un rôle que j'aime en définitive... à la folie.


Tallulah Bankhead - A Royal Scandal: J'ai longtemps hésité quant à savoir que faire de ce film, étant donné que son rythme et sa construction me dérangent quelque peu, comme si Preminger avait eu du mal à restituer tout le sel de l'histoire, dont il vaut mieux voir la version précédente par Lubitsch. Mais indépendamment de ces problèmes, les acteurs sont heureusement délicieux et sauvent constamment le matériel quand la réalisation et le scénario commencent à s'essouffler. Trônant au sommet de l'édifice, Tallulah Dahling est pour sa part absolument incontournable en tsarine impérieuse, comme en témoigne son entrée en scène plus charismatique que jamais, avec un «Shut up» claquant comme un coup de fouet. Voilà qui pose d'emblée le personnage, qui sera bien entendu capricieux et ne se laissera jamais marcher sur les pieds, d'où une série de séquences comiques dont le caractère hilarant est parfaitement restitué par l'actrice. Elle est par exemple très drôle lorsqu'elle parle avec gravité sans regarder les gens, avant de lever les yeux sur eux pour leur annoncer qu'ils méritent d'être fusillés! Et sa façon pince-sans-rire de rester dans le déni lorsqu'elle veut que ses partenaires comprennent où elle veut en venir, sans qu'on lui fasse remarquer les ficelles employées pour arriver à ses fins, est aussi royalement drôle. L'aspect de nymphomane très classe de la tsarine est également fort bien esquissé, surtout quand l'actrice passe du rire à la vexation en un clin d’œil. Par ailleurs, Tallulah humanise constamment l'impératrice qui, non contente d'imposer ses quatre volontés ("You are thirsty."), sait aussi se montrer toute mignonne lorsqu'elle se sert une coupe de champagne, ou demande à de jeunes officiers si leur cœur n'est pas déjà pris. Ses prises de bec avec Anne Baxter sont encore de véritables délices, surtout quand l'actrice tente de garder le contrôle de soi jusqu'à une irrésistible explosion : "Siberia!" En somme, on a autant de Tallulah que de Catherine, aussi la réussite de casting est-elle indéniable, et bien que ce ne soit pas mon rôle préféré de sa part, le cool et le fun suffisent à emporter totalement l'adhésion. Le rôle se résume en fait en une réplique culte qui illustre parfaitement mon opinion à ce sujet : "Of course I don't believe a word you said... but I'm awfully glad you said it."


Ingrid Bergman - Spellbound: Décidément, 1945 fut une formidable année pour Bergman et, pour ceux qui, comme moi, ne sont pas naturellement fan de la dame, Spellbound est précisément l'occasion de reprendre foi en ses talents d'actrice. En fait, c'est un peu comme si elle s'était décidée d'arrêter avec ses tics atrocement exagérés après sa suite américaine du désastre en ré majeur (For Whom the Bell Tolls, Saratoga Trunk et Gaslight), et qu'elle avait compris qu'un peu de subtilité et d'intériorisation ne font de mal à personne. Ainsi, ce qui m'a d'emblée frappé dans cette performance, c'est le calme extrême de l'actrice qui se glisse parfaitement dans la peau d'une psychanalyste à la fois sérieuse et rassurante, tout en dépassant allègrement l'artifice pompier de la "gravité par les lunettes". En effet, l'actrice ne laisse jamais passer une occasion de nuancer son personnage, afin de lui donner dès le départ une énorme épaisseur, comme en témoigne son sourire mystérieux alors que son collègue tente de l'étreindre, tout en lui reprochant son caractère froid et distant. Elle n'hésite donc pas à jouer sur l'ambiguïté de ses pensées, en répondant par exemple de façon amusée, et presque médicale, aux avances de son collègue, et l'on notera par ailleurs que Bergman parvient toujours à créer une formidable alchimie avec ses partenaires, au premier rang desquels Gregory Peck, envers qui elle souligne très bien son attirance via une plus grande spontanéité. D'autre part, et ça me fait un bien fou de le constater, l'actrice n'est jamais forcée dans ses réactions, notamment lorsque la surprise et la suspicion s'installent dans ses regards, et même lorsqu'elle entreprend d'exhorter le héros à retrouver ses souvenirs, de manière presque énervée, elle n'en fait jamais trop. A vrai dire, elle parvient même à faire passer la pilule lorsqu'on lui fait dire des répliques un peu bidon sur la psychanalyse (contre quoi je n'ai rien dans l'absolu mais qui justifie trop facilement certains rebondissements du film), ce qui est tout à son honneur. Ajoutons encore que le charisme de l'actrice, sa grande force de persuasion et son courage final, me la rendent tout particulièrement sympathique, et bon sang, qu'il est bon de voir une héroïne à hautes responsabilités dans un monde médical habituellement dominé par les hommes.


Deanna Durbin - Lady on a Train: Un an après son essai dramatique pas vraiment exceptionnel, mais loin d'être raté, dans le très intéressant Christmas Holiday, la désormais jeune adulte Deanna Durbin fit en 1945 son grand retour dans le registre comique, avec cette délicieuse enquête criminelle dont on devrait parler bien plus souvent. Or, si le rôle est pleinement dans la continuité de ce à quoi l'actrice nous avait habitué depuis les années 1930, il est fort possible que ce soit son sommet, tant son charme, son humour et son esprit intrépide semblent avoir trouvé là le meilleur écrin possible pour s'épanouir. Quoi qu'il en soit, j'ai toujours considéré Deanna Darling comme une actrice très prometteuse, même quand elle n'était qu'adolescente, et Lady on a Train ne fait que confirmer l'impression initiale. En effet, Deanna est absolument drôle dans la peau de ce détective amateur, et elle ne laisse jamais retomber la pression vu que chacune de ses apparitions compte au moins une expression hilarante, y compris dans les séquences chantées où l'actrice prend un malin plaisir à casser son image d'enfant trop policée en jouant pleinement de sa séduction (sauf sur Silent Night, mais ça va de soi). Mais outre cette irrésistible interprétation de Give Me a Little Kiss où elle harcèle un écrivain qui n'avait rien demandé, provoquant par-là même la jalousie de sa fiancée, Deanna est fabuleuse dans tout le reste du film, depuis son entrée en scène où elle se parle à elle-même à ses sourires d'autosatisfaction quand elle parvient à ses fins, en passant par une escalade de grille et une tentative délirante d'être prise au sérieux par un enquêteur, alors qu'elle lui agite un roman policier sous le nez. D'ailleurs, ce moment-là est peut-être le meilleur du film, tant son regard est hilarant. Ceci dit, tout n'est pas exempt de reproches dans cette performance et, soyons honnêtes, Deanna Durbin n'est pas Carole Lombard, au risque d'être parfois un peu trop affectée dans le registre comique, mais dans l'ensemble, tout est parfaitement mis en place par l'actrice afin de rendre sa prestation la plus drôle possible, et c'est un sans fautes côté divertissement. Vraiment, un rôle charmant, charmant et délicieux!

Voilà mes choix. Mais avant de conclure, deux mots sur Joan Bennett dans Scarlet Street. Comme vous le savez certainement, c'est l'une des performances qui se voit régulièrement couronnée dans les listes alternatives, surtout depuis que Peary a amorcé la tendance dans les années 1990. Et j'avoue, alors que je n'avais pas un regard très objectif sur 1945 en général, en plus de souvenirs assez lointains de mon premier visionnage, je m'étais dit que ça pourrait être effectivement une bonne idée, et j'étais vraiment partant pour faire de même. Mais hélas, j'ai revu le film pour cet article, et toutes mes espérances se sont effondrées. Car si elle joue bien dans l'absolu, elle me semble toujours trop mécanique et trop forcée dans le registre vulgaire (écoutez sa voix lorsqu'elle se plaint auprès de son boyfriend, c'est terriblement cliché), alors qu'elle dégageait à mon avis assez de gouaille à l'origine sans qu'elle ait besoin de trop appuyer celle de son personnage. Du coup, sa vulgarité sied néanmoins bien à l'héroïne, mais j'ai constamment l'impression de voir l'actrice tirer les ficelles pour bien en rajouter une couche. Et puis, même son grand éclat de rire lors du climax ne me paraît plus aussi puissant que jadis. Ceci dit, c'est peut-être moi qui suis sans doute un peu trop "swany", et qui reste en marge d'un trop-plein de sordide, mais même avec ça, j'ai du mal à être fan du travail de l'actrice.

Donc, tant pis, pas de Joan Bennett pour cette année, et ce sont finalement bien mes cinq performances préférées qui se battent pour le prix. And the winner is...


Ingrid Bergman - Spellbound

Fichtre! Un Orfeoscar pour Ingrid Bergman? Devant Joan Crawford dans son rôle-phare? Qui l'eût cru? Eh bien oui, j'adore Crawford de façon inconditionnelle, sa Mildred Pierce est pour moi l'un des rôles les plus éblouissants du Golden Age, et l'une des victoires d'actrices qui me font le plus jubiler, mais d'une part, je préfère tout de même Crawford dans Humoresque, et d'autre part, je suis totalement fan d'Ingrid Bergman dans Spellbound. En fait, c'est assez étrange car si j'avais dû les départager en 1945, j'aurais certainement voté pour Crawford, mais avec le recul et Humoresque en point de mire, la voie est à présent dégagée pour Bergman, dont l'effet de surprise via sa performance calme et intériorisée m'a totalement envoûté. Sur ce, Crawford se classe évidemment seconde, Deanna Darling troisième pour sa performance comique irrésistiblement rafraîchissante, l'impériale Tallulah quatrième pour sa nymphomanie distinguée au cœur d'un palais russe, et Gene Tierney cinquième pour sa vipère flamboyante de charme et de charisme. Sinon, je crois enfin avoir mis le doigt sur ce qui me gênait de prime abord avec 1945, à savoir que j'ai toujours été inconsciemment mal à l'aise devant Katherine March, et réaliser que cette performance ne me plait finalement plus autant que dans mon souvenir me fait un bien fou, surtout que ça me permet de réintégrer Ellen Berent Harland dans ma liste, dont je n'aurais en fait jamais pu me passer malgré mes réserves à son sujet. Du coup, je me retrouve bel et bien avec une sélection très excitante pour moi, et tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes!

Et à présent, conclusion fowlerienne et classement des rôles:

dignes d'un OscarIngrid Bergman (Spellbound), Joan Crawford (Mildred Pierce)





dignes d'une nomination: Tallulah Bankhead (A Royal Scandal), Deanna Durbin (Lady on a Train), Gene Tierney (Leave Her to Heaven): voir ci-dessus. Rosalind Russell (Roughly Speaking): le scénario est beaucoup trop linéaire pour lui permettre d'éblouir, mais la performance est une énorme réussite savamment balancée entre drame et comédie, avec en prime une héroïne féministe forte. Et la façon qu'elle a de rouler des yeux quand un homme lui fait de l’œil, ou sa manière de grelotter de froid avant de se coucher, colorent joliment le tout. Elle devient donc mon sixième choix.


dignes d'intérêtJoan Bennett (Scarlet Street), Ingrid Bergman (The Bells of St. Mary's): voir ci-dessus. Bette Davis (The Corn is Green): un rôle que l'actrice aurait pu jouer les yeux fermés, même si c'est très bien fait. Greer Garson (The Valley of Decision): voir ci-dessus. Finalement, elle est peut-être plus intéressante la même année dans Adventure, où elle est assez drôle en provoquant une bagarre en plein dîner ou en courant avec des poules à travers champs, avant de briser les cœurs sur le plan sentimental, encore que le film rende sa performance assez peu mémorable, après coup. Myrna Loy (The Thin Man Goes Home): dans cette série, Myrna a beau faire la même chose d'un film à l'autre, elle parvient toujours à y être fabuleusement formidable. Merle Oberon (A Song to Remember): je n'ai aucun reproche à lui faire en termes de jeu, mais bizarrement, je l'ai trouvée beaucoup trop froide dans son interprétation de George Sand. Disons que ce qu'elle fait reste très intéressant, mais ce n'est pas l'image que j'avais de la dame, ce qui me laisse un certain goût d'étrangeté. Rosalind Russell (She Wouldn't Say Yes): elle ne fait aucun faux pas et reste évidemment très drôle, quoique le film soit tellement oubliable que ça plombe un peu sa performance, très divertissante au demeurant. Barbara Stanwyck (Christmas in Connecticut): elle surprend peu pour avoir été plus drôle ou plus touchante dans de meilleurs films, mais elle est si irrésistiblement charmante qu'il est bien difficile de ne pas s'intéresser à ses aventures préfigurant le Baby Boom de Diane Keaton. Mention spéciale pour la séquence dansée, où le charisme de l'actrice fait des merveilles.


dont on peut se passer: Jeanne Crain (State Fair): avouons qu'elle est assez insipide malgré la séduction de ce film coloré. Le fait qu'elle soit doublée l'empêche également de gagner des points. Joan Fontaine (The Affairs of Susan): le problème, c'est qu'elle doit incarner des femmes diamétralement opposées en fonction du regard de chaque protagoniste. Le concept est captivant, mais j'ai mal senti une vraie connexion entre toutes ces dames. Peggy Ann Garner (Nob Hill): elle est mignonne comme tout, mais ni son film ni sa performance ne volent vraiment très haut. Betty Grable & June Haver (The Dolly Sisters): leur reprise de Sidewalks of New York m'a toujours donné envie de voir le film, mais concrètement, leurs performances sont totalement lisses, sans rien du piquant qu'on attendait chez de telles héroïnes. June Haver est de surcroît un second rôle, bien qu'il soit difficile d'en parler indépendamment de sa collègue. Katharine Hepburn (Without Love): pour moi, la moins bonne de toutes ses collaborations avec Spencer Tracy, et je l'ai trouvée étonnamment terne une fois n'est pas coutume. Maureen O'Hara (The Spanish Main): autant elle est cool lorsqu'elle se décide à ne pas se laisser marcher sur les pieds, autant elle est très oubliable quand elle joue à la jeune héroïne romantique qui veut épouser le héros sans qu'on comprenne le pourquoi du comment.


ratéesJennifer Jones (Love Letters): voir ci-dessus. Mary Beth Hughes (The Great Flamarion) (The Lady Confesses): ouh qu'elle est mauvaise dans le premier, à grand coup de regards dans le vide et de sourires entrecoupant fort mal à propos ses scènes de colère! Quant au second, je n'ai pas réussi à aller jusqu'au bout, je me suis endormi au bout de dix minutes, et je n'ai pas l'impression d'avoir manqué grand chose... Ann Rutherford (Two O'Clock Courage): oups. On comprend pourquoi l'actrice reconnaissait n'avoir pas servi à grand chose à Hollywood, car pour une fois qu'elle tenait un premier rôle, pourquoi fallait-il qu'elle se montre aussi forcée pour faire croire qu'elle pouvait être drôle? Sans compter qu'elle se fait manger par Jane Greer en un clin d’œil...


à découvrir: Constance Cummings (Blithe Spirit), Linda Darnell (Hangover Square), Paulette Goddard (Kitty), Deborah Kerr (Perfect Strangers), Dorothy McGuire (A Tree Grows in Brooklyn). Judy Garland (The Clock): je l'avais annoncée dans mes pronostics, mais je n'ai finalement pas eu le temps d'y jeter un coup d’œil, et à vrai dire, ce n'est pas vraiment ma priorité. Mise à jour à suivre.


grandes performances non éligibles: Wendy Hiller (I Know Where I'm Going!): à mes yeux le plus grand rôle de l'année dans le monde anglo-saxon, et je regrette vivement que le film ne soit sorti qu'en 1947 aux Etats-Unis. Maria Casarès (Les Dames du bois de Boulogne): une performance fascinante absolument légendaire, avec une actrice tissant sa toile autour de ses partenaires avec autant de méticulosité que dans sa façon de jouer.


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mercredi 14 mai 2014

Désir

Non, ceci n'est pas une critique de la délicieuse comédie de Borzage avec Dietrich et Cooper, mais un petit article osé en un soir où je me retrouve tristement isolé à la maison. Car voilà bientôt deux ans que Gretallulah est sortie de sa tour d'ivoire, et je viens juste de réaliser que nous n'avons toujours pas parlé du sujet ultime par excellence: le désir et la séduction.

Tallulah: Désir? Séduction? On peut participer?

Orfeo: C'est-à-dire que... N'avez-vous pas une Joan Crawford à courtiser?

Tallulah: Ah oui, c'est vrai, j'allais oublier. Eh bien, je repasserai peut-être une prochaine fois. Bye Dahling!

Ouf! Et maintenant que la voie est libre, profitons-en pour présenter mon top actuel des dix personnages du cinéma "classique" les plus excitants selon mes critères très particuliers. Et tuons le suspense tout de suite: plus un type est fou furieux, plus il a de chance de me séduire. La preuve ci-dessous:


10 ~ Le comte Orlok (Max Schreck) dans Nosferatu

Oups. Ça commence mal, me direz-vous. Alors évidemment, vous allez trouver qu'il est laid, et je ne peux pas vraiment vous en tenir rigueur, mais malgré tout, ça ne l'empêche nullement d'avoir une formidable puissance érotique, comme le veut de toute façon le scénario. Sans doute le costume y joue pour beaucoup, à commencer par sa plume au vent dans une campagne désolée, en plus de sa "mitre" pour le moins abracadabrante, mais il est vrai que physiquement, quelque chose d'extrêmement séduisant se dégage du comte: ses sourcils d'ébène, ses yeux cernés de noir, ses mains allongées laissant entrevoir la possibilité d'une étreinte, ou encore sa démarche rigide, tout concourt à évoquer un puissant désir chez moi. Même ses dents paraissent totalement acceptables après coup, c'est dire...


9 ~ The Lodger (Ivor Novello) dans The Lodger: A Story of the London Fog

Forcément, le fameux locataire d'Hitchcock est ceint d'une aura de mystère qui renforce son pouvoir de séduction, et rien que cette fabuleuse entrée en scène, un visage pâle à moitié dissimulé sous une écharpe obscure, lui fait gagner de très nombreux points. Et lorsqu'il se dévoile, son élégance et sa coiffure des années 1920 ne lui font rien perdre de son charme, au contraire.


8 ~ Richard Waldow (Brian Aherne) dans The Song of Songs

Objectivement, avec ses cheveux aplatis de la sorte, ce n'est pas nécessairement le type sur lequel je me retournerai en priorité dans la rue, mais avouons que dès qu'il se met à parler avec un brin d'agacement dans la voix, la séduction apparaît aussitôt avec son charisme. Et ce côté "artiste bohème" joue également beaucoup en sa faveur, a fortiori lorsqu'il peut évoluer sur mon morceau préféré de Tchaïkovski, au sein d'un film que j'aime beaucoup malgré ses défauts. Le fait que Brian Aherne soit aussi l'un de mes acteurs préférés, que je trouve fabuleusement séduisant et talentueux à peu près partout, même avec de gros favoris dans Juarez, mais plus encore dans Sylvia Scarlett et My Sister Eileen, doit aussi expliquer mon vif intérêt pour ce personnage.


7 ~ Jin De Hen/金德恩 (Jin Yan/金焰) dans Peach Blossom Weeps Tears of Blood/桃花泣血記

Difficile de trouver une image tirée du bon film tant l'acteur se fait rare sur les zones de recherches occidentales, mais j'ai toujours été totalement envoûté par son physique dès son entrée en scène aux côtés de la divine Ruan Lingyu. Et si je n'ai pas de préférence physique entre Greta Garbo et son alter ego chinoise, impossible de nier que Jin Yan est mille fois plus attrayant que son équivalent européen, le bellâtre Valentino. Pola Negri risque de n'être pas tout à fait d'accord avec moi, mais j'assume!


6 ~ Armand Duval (Robert Taylor) dans Camille

Là, c'était la mention facile de la soirée, mais impossible de faire l'impasse sur Robert Taylor dans Camille, mon fantasme ultime d'adolescent. Il faut dire que l'acteur est absolument sublime, aussi bien sur le plan physique qu'en termes de jeu, dans ce qui reste son plus beau rôle, et tout le romantisme qu'il dégage me charme à un point inimaginable, et me fait même désirer rencontrer un amant aussi affable qu'Armand, même si dans la vraie vie les connards prétentieux et autres pervers narcissiques parasitent malheureusement le marché des amours. Mais ne désespérons pas, et consolons-nous avec Armand et Marguerite dans l'immédiat!


5 ~ Dr. Henry Jekyll (Fredric March) dans Dr. Jekyll and Mr. Hyde

Ici, je ne parle que du docteur Jekyll, pas de l'ignoble Mr. Hyde qui martyrise effroyablement la plus grande actrice de l'univers (devinez qui!). Il faut dire que Fredric March jeune est déjà très beau en soi, mais là où le charme opère vraiment, c'est lorsque le personnage commence à se lâcher, passant du type très propre sur soi au savant fou beaucoup plus négligé, avec en point d'orgue cette mèche sur le front qui achève de le rendre savoureusement séduisant. Le trouble d'identité et de personnalités le rend également d'autant plus excitant.


4 ~ Georges de la Croix (Alfred Abel) dans Sappho

Comme je le révélai plus haut, je me trouve systématiquement attiré par les psychopathes et les fous furieux. Avec Alfred Abel dans ce génial film muet haut en couleurs, je suis servi, puisque le comte de la Croix subit lui aussi une évolution drastique qui le fait passer du beau mondain intègre aux costumes impeccablement repassés au fou le plus effrayant de l'univers, mal rasé et dont le visage tordu dans tous les sens lui confère un aspect effrayant, que sa beauté naturelle sait tout de même rendre fascinant, voire carrément attrayant. Du coup, il a beau tenter de s'en prendre à l'immense Pola Negri dans son plus beau rôle, je n'arrive même pas à lui en tenir rigueur...


3 ~ Comte Alexei Alexandrovich Karénine (Basil Rathbone) dans Anna Karenina

J'ai longtemps hésité avec Sir Guy of Gisbourne tant Basil Rathbone parvient à être extrêmement séduisant en costume historique, mais comme il donne sa meilleure performance dans Anna Karénine et que je fantasme totalement sur la Russie du XIXe siècle, c'est finalement l'époux engoncé dans ses principes qui a emporté l'adhésion. En même temps, Karénine a beau être dur, voire carrément cruel par moments, il a aussi un véritable côté touchant qui l'humanise et le rend d'autant plus séduisant, tout du moins grâce à la performance de l'acteur. Et Basil Rathbone est vraiment très beau, si bien qu'il est difficile de lui résister, tous méchants ses personnages soient-ils.


2 ~ Scott ffolliott (George Sanders) dans Foreign Correspondent

En général, George Sanders est plus mémorable lorsqu'il incarne de vilains personnages effroyablement cyniques, et je vous rassure tout de suite, je le trouve extrêmement attractif dans ces rôles-là, Addison DeWitt en tête. Mais curieusement, le sympathique Scott à l'initiale perdue est vraiment le rôle où je le préfère côté séduction, sans que j'aie de véritables arguments à avancer. Dans tous les cas, je suis extrêmement sensible aux voix, et à ce titre, George Sanders bénéficie sans conteste de la voix la plus suave et attirante du septième art. On en viendrait même à fantasmer sur un tigre rien que pour l'écouter parler...


1 ~ Nicholas van Ryn (Vincent Price) dans Dragonwyck

Alors là, il est méchant, drogué et sans doute un peu fou sur les bords, mais aussi méprisant et d'un maintien tout aristocratique, donc... bingo, c'est tout ce qui m'attire! Ajoutons à cela le mystère qui entoure ses actions, et la grande performance d'un acteur au meilleur de sa forme qui fait durer le suspense jusqu'au bout, injectant par-là même des petites touches de nuances dans ce personnage a priori glacial, et l'on obtient vraiment l'homme le plus excitant qui soit au cinéma.

Sinon, je dois avouer que Cary Grant dans La Mort aux trousses, Clark Gable dans Les Révoltés du Bounty, Gary Cooper jeune, Charles Boyer dans Gaslight, Paul Robeson dans Show Boat, Montgomery Clift dans The Search, James Dean dans la Fureur de vivre, Paul Newman dans La Chatte sur un toit brûlant, mais surtout Errol Flynn dans toute sa filmographie, malgré un côté playboy trop prononcé pour me séduire totalement, en ce qui le concerne; auraient été des alternatives très honorables. Malheureusement pour eux, je leur préfère les fous, les psychopathes, les fourbes, les cruels et les vampires. Priez pour moi!