jeudi 24 avril 2014

Oscar du second rôle féminin 1952

Au programme:

* Gloria Grahame - The Bad and the Beautiful
* Jean Hagen - Singin' in the Rain
* Colette Marchand - Moulin Rouge
* Terry Moore - Come Back, Little Sheba
* Thelma Ritter - With a Song in My Heart

Grahame dans un chef-d'oeuvre satirique, Hagen dans la meilleure comédie musicale hollywoodienne, une Ritter sarcastique dans un biopic flamboyant, Moore dans l'adaptation d'une grande pièce théâtrale et Marchand dans le Paris artistique de la Belle Epoque, voilà une sélection qui met l'eau à la bouche et promettait de faire des étincelles. Malheureusement, la déconvenue fut rude et ce cru prometteur reste l'un des plus ternes de la décennie, quoiqu'une grande performance vienne par bonheur relever le tout. Autrement, concernant les chances des candidates, j'imagine que la voie était relativement dégagée pour Grahame après l'éviction de Katy Jurado, lauréate aux Globes, vu qu'elle était la seule de cette sélection a avoir été nommée pour le même prix, sans compter que The Bad and the Beautiful concourrait dans six catégories cette soirée-là, se payant le luxe de rafler cinq trophées, preuve que les votants étaient très enclin à récompenser ce film en particulier. Et n'oublions pas que Grahame bénéficiait du personnage le plus tragique des cinq candidates, atout considérable, et qu'elle figurait la même année dans The Greatest Show on Earth (Oscar du meilleur film), Sudden Fear et Macao, d'où une visibilité bienvenue. De son côté, sélectionné dans sept catégories, Moulin Rouge était également en vogue en 1952, mais Colette Marchand était probablement trop française et trop nouvelle pour l'emporter. A l'inverse, Thelma Ritter en était à sa troisième nomination consécutive, probablement héritée du succès de With a Song in My Heart, mais les électeurs ont bien dû s'apercevoir qu'elle n'avait pas grand chose à se mettre sous la dent pour mériter récompense pour ce rôle-là. Les deux autres œuvres ne reçurent en revanche pas beaucoup de nominations, et Terry Moore était éclipsée dans son propre film par la sensation Shirley Booth, aussi n'avait-elle aucune chance. Jean Hagen portait quant à elle les couleurs de la comédie, chose sans doute considérée comme trop légère pour prétendre au titre.

Quoi qu'il en soit, il y avait largement moyen de faire mieux, beaucoup mieux. En conséquence...

... je retire

Thelma Ritter - With a Song in My Heart: Mettre sur le tapis ce qu'on sait faire de mieux, c'est bien. Sans imagination aucune, c'est mal. Parce qu'honnêtement, que fait-elle qui mérite nomination pour ce film? Alors certes, c'est toujours sympa de la voir grommeler une flopée de répliques sarcastiques à tous vents, mais autant c'était cool dans A Letter to Three Wives et All About Eve, via le prestige se rattachant à ces projets, autant ça devient totalement poussif et redondant dans un film mineur comme celui-ci. En outre, elle n'a même pas de soupçons à avoir, ou de personnage à développer: elle est juste là à faire des remarques ironiques mais bienveillantes à ses patients afin qu'ils se sentent mieux et c'est tout. A mon avis, ce qui explique cette nomination, c'est qu'on ne pouvait plus ignorer Thelma Ritter en 1952, puisqu'elle faisait office de comédienne charismatique toujours bienvenue pour boucher les trous lorsqu'on ne savait plus qui nommer, et que ses rôles plus ou moins croustillants plaisaient vraiment aux audiences, au point qu'on ne s'est manifestement pas posé la question cette année-là: "Tiens, y a Ritter qui fait des réflexions à Hayward, dont on ne peut pas se passer non plus, empressons-nous de lui offrir une troisième nomination consécutive, et tant pis pour la Mexicaine qui a eu le Globe!" Bref, un rôle sympathique mais sans enjeux. Adieu.


Colette Marchand - Moulin Rouge: Alors autant Ritter n'avait vraiment rien à faire dans le film précédent, autant Marchand bénéficie de plusieurs pistes à explorer ici. Le problème, c'est qu'elle est mauvaise. Ou tout du moins m'a-t-elle paru mauvaise. En effet, je peux comprendre que certains d'entre vous aient pu lui trouver un petit quelque chose "d'authentique" puisqu'on peut attendre d'une prostituée du Paris d'antan qu'elle s'exprime de façon aussi gouailleuse et exagérée, mais à moi, ça m'a justement paru trop exagéré. Trop forcée, si constamment occupée à être affectée, l'actrice ne m'a jamais semblé convaincante, et je n'ai tout bonnement rien ressenti pour elle. A vrai dire, je lui ai même préféré Suzanne Flon, même si en l'occurrence, il s'agit d'une Suzanne Flon étonnamment terne et à des lustres de ce qu'elle sait faire de mieux. Reste tout de même la touche française de Colette Marchand qui a l'avantage d'avoir l'accent de son côté pour se donner plus de crédibilité, mais en raison de ses origines ce n'est évidemment pas un exploit. Non, vraiment, j'attendais beaucoup de ce film et de ces performances, mais jamais couleurs ne m'auront paru si pâles, et jamais personnages aussi flamboyants sur le papier ne m'auront autant déçu.


Terry Moore - Come Back, Little Sheba: Terry Moore mérite quant à elle d'être classée plus haut étant donné qu'elle n'est pas mauvaise et qu'elle a quelque chose à faire de son personnage, mais ce n'est pas pour autant qu'elle est mémorable. Pour tout vous dire, j'ai revu le film en début d'année, et je suis incapable de me rappeler quoi que ce soit d'elle, à l'exception d'une ou deux séquences avec son boyfriend. Je suis donc vraiment désolé, j'ai la flemme de visionner le film une nouvelle fois pour en parler plus en détail, aussi me contenterais-je de dire que ce personnage sert avant-tout de détonateur non conscient aux réactions de Burt Lancaster, et qu'à ce titre, ce statut particulier ne permet pas à Terry Moore d'avoir un rôle très riche en soi, si bien qu'elle semble constamment un peu en dehors de l'action. Néanmoins, tout semble bien mis en place par l'actrice pour livrer une performance plus que décente, mais n'importe quelle comédienne de son âge aurait pu faire de même, et l'on regrette que Terry Moore n'aille justement pas chercher plus de profondeur chez son personnage. Le fait qu'elle ait un physique très passe-partout n'aide d'ailleurs pas à créer une présence plus imposante au sein d'un film vampirisé par l'expérience de Shirley Booth.


Gloria Grahame - The Bad and the Beautiful: Jusqu'à présent, j'ai toujours entendu dire du mal de cette performance, mais une révision du chef-d'oeuvre de Minnelli ces derniers temps ne m'a précisément pas placé du côté des détracteurs du rôle, même si je suis loin de tomber dans le camp des admirateurs en retour. Disons que mon opinion sur cette prestation reste plutôt mitigée, sachant que les éléments négatifs me font davantage l'impression de venir de l'écriture du personnage plus que du travail de la toujours fabuleuse Grahame, qui a au moins le mérite de ne pas passer inaperçue au sein de cette distribution de luxe. Ainsi, ce qui rend effectivement hermétique à Rosemary, c'est qu'elle est sincèrement exaspérante: elle parle à n'en plus finir, a toujours un commentaire à faire sur tout, et n'a même pas le mérite d'être sympathique puisqu'elle se laisse éblouir par la première once de brillant qui se présente à elle dès son arrivée à Hollywood. Grahame donne cependant pleinement chair à cette femme emplie de clichés, et même si je comprends que certains la trouvent trop outrageusement affectée, ça ne me donne pourtant pas d'irritations. Non, disons que mon principal problème avec ce rôle, c'est qu'il est loin d'être le plus mémorable du film, surtout face aux performances bien plus riches de Kirk Douglas, Lana Turner, Dick Powell et Barry Sullivan. Mais dans l'ensemble, ce n'est pas quelque chose qui me dérange outre mesure.


Ma sélection

Jean Hagen - Singin' in the Rain: Scoop: j'ai longtemps refusé de voir Singin' in the Rain pour tout un tas de raisons personnelles qui paraissent bien futiles aujourd'hui, et mal m'en a pris, car le film est effectivement à la hauteur de sa réputation, constituant même à mon goût la meilleure comédie musicale de l'ère des grands studios d'Hollywood. En outre, ça m'a donné l'occasion de redécouvrir Jean Hagen après son caméo dans Adam's Rib et fichtre! Qu'elle est drôle! A vrai dire, il lui suffit juste d'apparaître derrière de grosses lunettes blanches à une avant-première pour être drôle. C'est plutôt bon signe!  Et elle aussi en fait des tonnes, mais elle atteint systématiquement la bonne note, et fait rire constamment. En effet, elle est hilarante vocalement parlant ("Heÿ! What's the bïg ïdëä!"), justifiant par-là même le statut iconique de l'un des meilleurs scenarii de l'époque, mais tout, dans sa démarche, ses regards, ses sourires machiavéliques, son comportement sans gêne et sa suffisance fort mal placée, est à se rouler par terre tant c'est drôle à pleurer. Inutile de préciser qu'avec un tour de force comique de cet acabit, elle vole allègrement la vedette à l'intégralité du casting, malgré le vigoureux dynamisme de ses collègues. Mais la cerise sur le gâteau, c'est bien entendu cette histoire de doublage dans la mesure où, alors que son personnage est doublé par sa rivale, c'est par moment Jean elle-même qui double Debbie Reynolds, d'où un contre-pied plus que jouissif!


Danielle Darrieux - 5 Fingers: Pour être honnête, j'ai longtemps hésité avant de la nommer, et puis j'ai revu le film deux fois cette semaine pour être sûr, ce qui m'a permis de découvrir plein de détails ou de nuances qui m'avaient échappé de prime abord. Pour commencer, elle a évidemment la classe et le charisme que cette noble dame impérieuse demandait, et dieu sait si elle en impose rien qu'avec une inflexion du sourcil pour se montrer persuasive. Mais ce n'est pas tout, car elle dote également la comtesse d'une certaine dose d'humour, n'hésitant pas à moquer sa gloire passée tant que ça sert ses intérêts. Ainsi, sa repartie fait des merveilles, et l'actrice trouve le parfait équilibre entre les deux moteurs de la dame: calcul et séduction, comme en témoigne cet air de plaisir sadique qui passe sur son visage le temps d'une étreinte. Disons que ce qui peut retenir de la nommer, c'est qu'elle joue un peu sur la même note pendant tout le film, si bien qu'il n'y a aucun mystère autour de ses motivations (mais étant donné son temps d'écran restreint, il faut bien comprendre rapidement où elle veut en venir), encore que les traces d'insécurité qu'elle prend bien la peine d'esquisser sont autant de nuances bienvenues pour complexifier ce personnage très lisible. De toute façon, on parle de Danielle Darrieux, la plus grande actrice française de tous les temps, et impossible de ne pas la distinguer au moins une fois aux Oscar.


Gloria Grahame - Sudden Fear: Et voilà, elle me semble en définitive bien plus intéressante ici puisque les enjeux du personnage sont nettement plus fascinants et qu'elle dessine de nombreux aspects tous plus excitants les uns que les autres. En effet, elle est tout d'abord très distinguée malgré ses motivations bien plus triviales qu'il n'y paraît, allant même jusqu'à être totalement lumineuse dès qu'elle entre en scène, presque au point d'éclipser Joan Crawford (lollipop!). De fait, elle marque totalement les esprits parce qu'elle fait preuve d'une personnalité très affirmée, ce dont témoignent son répondant et ses regards de défis lancés à Jack Palance, ainsi que des manières assez brusques lorsqu'elle est en privé et n'a donc pas besoin de porter un masque. Grahame suggère également un brin de masochisme chez son personnage, à l'image de ce sourire séduisant alors qu'elle vient juste de se faire jeter violemment sur un sofa, et l'actrice est encore loin de s'arrêter là, creusant plus en profondeur pour montrer qu'Irene a aussi un côté mignon, comme le révèlent ces éclairs de satisfaction qui illuminent son visage par moments. En somme, Grahame brosse le fabuleux portrait d'une grande comédienne dans l'âme, qui sait se montrer fort affable malgré ses intentions, et l'équilibre entre ces deux aspects reste plus que jamais hautement divertissant.


Katy Jurado - High Noon: Dans l'absolu, je ne suis pas sûr qu'elle soit plus intéressante que Grace Kelly, qui crève vraiment l'écran dans son premier grand rôle, mais Katy Jurado dans High Noon, c'est un personnage iconique sur lequel on ne saurait faire l'impasse, et l'actrice a une telle présence qu'on se surprend à guetter avidement toutes ses apparitions, même si l'ensemble du film est déjà extrêmement captivant. Tout d'abord, elle bénéficie d'un statut particulier qui ne pouvait que piquer mon intérêt, puisque Helen Ramírez jouit du pouvoir plus qu'enviable de tirer les cordons de la bourse de la ville, et donc d'avoir une influence considérable qui pousse les gens à venir la consulter pour affaires. En cela, elle intrigue, et l'actrice a le charisme et la gravité nécessaire pour tenir ce rôle à la perfection. Mais le meilleur, c'est évidemment l'épaisseur humaine que revêt le personnage via la révélation de son histoire passée avec le héros, et Katy Jurado montre bien la complexité des sentiments d'Helen, en suggérant que tout n'est peut-être pas fini, contrairement à ce qu'elle aimerait croire, et sa grande inquiétude dans des séquences finales plus qu'intenses achève de conférer à ce rôle la dimension qu'on lui connaît.


Debbie Reynolds - Singin' in the Rain: En général elle est considérée comme le premier rôle féminin du film, mais comme précisé dans un autre article, je l'imagine plus à sa place dans cette catégorie, étant donné qu'elle a moins de temps d'écran que Donald O'Connor, lui-même supporting, et qu'elle sert surtout d'adjuvant à Gene Kelly, sans que son propre développement soit très conséquent. Quoi qu'il en soit, Debbie Reynolds est incontestablement iconique dans ce rôle, qui reste à ce jour celui où je l'apprécie le plus. Pour commencer, elle brille du haut de ses timides vingt ans, et fait preuve d'un dynamisme débordant qui lui permet de n'être jamais éclipsée par l'énergie atomique de Gene Kelly, et en fait même sa partenaire idéale, bien plus que Leslie Caron un an auparavant. Et quoi qu'ait pu en dire le tyran danseur, Debbie danse très bien, soutient parfaitement le rythme face à ses partenaires, et au niveau de la comédie, ses expressions exagérées sont souvent bien plus drôles que celles de Kelly en personne, comme si l'actrice avait parfaitement su doser sa performance, en prenant soin de ne pas toujours en faire des tonnes. Par ailleurs, le côté émotionnel qui ressort dans ses regards ou dans ses larmes, ajoute au sel de cette performance, même si, on ne le répétera jamais assez, le film appartient entièrement à Jean Hagen.

Voilà pour ma sélection, bien qu'en toute honnêteté, je pourrais envisager sans remords de remplacer certaines de mes candidates par Grace Kelly dans High Noon, pour sa capacité à rendre fascinante cette Quaker modèle malgré une marge de manœuvre assez restreinte; ou Eleanor Parker, ma nouvelle Miriam Hopkins dont je ne peux plus me passer, pour son irrésistible comédienne dans Scaramouche, où elle ajoute tout ce qu'il faut de fun et d'émotions pour constituer un second rôle mémorable et savoureux, bien que ce ne soit pas son personnage le plus ambitieux. Et en parlant de Miriam, vous aurez tous noté qu'elle est impressionnante de dureté dans l'excellent Carrie de Wyler, mais curieusement, je n'arrive pas à me décider à la nommer pour ce rôle-là...

En attendant, la grande gagnante est...

Jean Hagen - Singin' in the Rain

Voilà, sans aucune surprise, c'est bel et bien l'une des plus grandes performances comiques américaines qui se retrouve lauréate. En même temps, le film est un chef-d'oeuvre et si l'on veut le récompenser dans l'une des catégories d'interprétation, Jean Hagen écrase totalement la compétition. D'ailleurs, elle l'emporte aussi très facilement sur toutes les autres candidates de l'année, personne n'ayant réussi à laisser une si forte impression. De toute façon, elle est trop hilarante pour faire l'impasse dessus! Sur ce, je pense que Debbie Reynolds et Gloria Grahame livrent les meilleures performances parmi mes autres concurrentes, mais pour cette année précisément, je pense que j'aurais quand même voté pour Katy Jurado ou Danielle Darrieux si Jean Hagen ne faisait pas la différence. Il faut dire que la tentation de récompenser l'immensément immense Darrieux, que je préfère de loin à Signoret, Presle ou Morgan, est vraiment très forte, même si je reconnais que sa comtesse de 5 Fingers n'est pas son plus grand rôle. Du coup, je ne sais pas trop quel classement vous proposer, laissez-moi quelques jours de réflexion, et patientez avec la liste fowlerienne des performances...

dignes d'un Oscar: Jean Hagen (Singin' in the Rain): "Hey! What's the big idea!"






dignes d'une nominationDanielle Darrieux (5 Fingers), Gloria Grahame (Sudden Fear): voir ci-dessus. Miriam Hopkins (Carrie): la plus grande actrice du monde se révélant à nouveau fabuleuse, surtout quand elle craint Laurence Olivier sans se départir de son aigreur, mais elle est peut-être un peu trop dure trop longtemps pour me satisfaire amplement. Mais dans l'ensemble c'est parfait, rien à ajouter. Katy Jurado (High Noon): voir ci-dessus. Grace Kelly (High Noon): parce qu'elle a de la personnalité à revendre sous ses airs d'épouse modèle, et qu'elle n'hésite pas à aller à l'encontre de ses principes pour faire avancer l'action. Eleanor Parker (Scaramouche): parce qu'elle en fait judicieusement des tonnes comme le ferait une comédienne volcanique de la Commedia dell'arte, et qu'elle devient extrêmement émouvante lorsque les masques tombent. Debbie Reynolds (Singin' in the Rain): voir ci-dessus.


dignes d'intérêt: Bette Davis (Phone Call from a Stranger): un petit rôle surprenant pour le monument Davis, rôle dont elle s'acquitte fort bien, au demeurant. Joan Fontaine (Ivanhoe): parce qu'elle ne se laisse pas marcher sur les pieds et parvient à faire taire une redoutable armée de Normands médiévaux! Zsa Zsa Gabor (Moulin Rouge): à mes yeux, la seule lumière du film, puisque dotée du personnage le moins intéressant, elle parvient à en faire le seul qui soit un tantinet cool. Ava Gardner (The Snows of Kilimanjaro): sincèrement, quoi qu'on pense de ses talents d'actrices, je la trouve très touchante en toute simplicité, malgré une dernière séquence ridicule fort mal à propos. Gloria Grahame (The Bad and the Beautiful): voir ci-dessus. Susan Hayward (The Snows of Kilimanjaro): cool et très charismatique, comme toujours, mais pas dotée d'un rôle vraiment fascinant. Hildergard Knef (The Snows of Kilimanjaro): vraiment bien plus mémorable que ce qu'il m'avait semblé à l'origine, même si sa grande scène de colère passe difficilement. Je suis peut-être un peu biaisé par son accent, ceci dit. Janet Leigh (Scaramouche): une actrice cool et dynamique, contrairement à ce que son personnage d'oie blanche laissait supposer au départ. Marilyn Monroe (Clash by Night): il paraît qu'on l'a coachée pendant le tournage, mais quoi qu'il en soit, le résultat est vraiment bon, bien qu'on imagine mal Marilyn en ouvrière à poissons. Mildred Natwick (The Quiet Man): assez touchante pour un rôle assez habituel chez elle. Gigi Perreau (Has Anybody Seen My Gal?): un personnage dynamique qui m'a plu. Beatrice Straight (Phone Call from a Stranger): un mini-rôle vraiment impressionnant qui préfigure les capacités de l'actrice à briller avec trois fois rien. Elizabeth Taylor (Ivanhoe): très sympathique, mais je préfère Joan Fontaine dans le même film, une œuvre par ailleurs fort décevante. Ethel Waters (The Member of the Wedding): un rôle bourré de clichés rendu mémorable par l'actrice. Shelley Winters (Phone Call from a Stranger): toujours légèrement crispante et pathétique, mais le rôle étant court, ça n'est pour une fois pas irritant.


sans intérêt: Suzanne Flon (Moulin Rouge): sobre et retenue, elle peine malgré tout à marquer les esprits. Jane Greer Deborah Kerr (The Prisoner of Zenda): deux performances plombées par la torpeur du film, même si Greer tente d'être piquante à sa manière, et Kerr sentimentale sous sa dignité. Mais vraiment, le film est loin de leur faire honneur, et on les oublie aussitôt le générique de fin. Marilyn Monroe (Monkey Business): elle aurait presque pu être drôle, sauf qu'avec Ginger Rogers en face, non. Terry Moore (Come Back, Little Sheba): voir ci-dessus. Thelma Ritter (With a Song in My Heart): parce que ça va bien cinq minutes les remarques sarcastiques plus ou moins bienveillantes, mais il faudrait tout de même penser à faire autre chose, Madame!


irritantesDorothy Lamour (Road to Bali): la pauvre est coincée dans un gros navet qui ne lui demande que d'être exotique, ce qui n'aide pas, mais elle réussit tout de même l'exploit de se faire éclipser par une grosse pieuvre en carton-pâte, donc bon... Colette Marchand (Moulin Rouge): voir ci-dessus.



Sinon, mon caméo préféré, c'est Judy Landon en parodie de Pola Negri dans Singin' in the Rain! En trois répliques prononcées avec beaucoup de sérieux, elle en devient presque aussi drôle que Jean Hagen. La classe!

mardi 22 avril 2014

Top 10: Personnages de Gosford Park


Petit top 10 rapide, subjectif et totalement indépendant de la qualité des performances d'acteurs afin de présenter mes personnages favoris de ce grand cru altmanien, un petit bijou qui m'avait très impressionné dès l'époque de sa sortie, il y a douze ans déjà. C'est parti!

10 ~ Dorothy (Sophie Thompson)

Pour sa modestie sincère, sa pureté sentimentale et le côté émouvant qui en résulte, pour le sérieux de cette jeune femme qui ne rechigne jamais à la tâche, et parce que Sophie Thompson est la sœur de qui l'on sait, et que c'est toujours un plaisir de la retrouver dans des seconds rôles qu'elle sait toujours rendre mémorables (cf Emma, Four Weddings and a Funeral).

9 ~ Lady Louisa Stockbridge (Geraldine Somerville)

Ok, elle ne fait strictement rien et ne sert même pas à grand chose, mais le fait est que je suis systématiquement fasciné par ce personnage. Pourquoi? Sans doute parce qu'une noble dame chic et classe, qui a joué son mari aux cartes et qui papote tranquillement avec sa sœur tout en la haïssant cordialement, ne peut pas laisser indifférent.

8 ~ Ivor Novello (Jeremy Northam)

Pour son air détaché, presque amusé, lorsqu'il distrait l'assemblée tout en observant les petits secrets de chacun, pour ses mélodies au piano, pour ce portrait à la ville d'un acteur fascinant qui me fait fantasmer depuis plusieurs années, maintenant.

7 ~ Robert Parks (Clive Owen)

Pour son calme froid et le mystère qui entoure ses origines. Parce qu'il est serviable et pense à apporter une bouillotte à sa collègue, qu'il fait fermer son caquet à son colocataire bien trop curieux, et que tout valet stylé aperçu en débardeur est forcément digne d'intérêt.

6 ~ Mabel Nesbitt (Claudie Blakley)

Pour sa détresse conjugale qui attire la sympathie sans que l'actrice vienne supplier le spectateur, pour son bouillonnement intérieur, ses moments de répits face à Ivor Novello, et sa gaieté s'ensuivant de leurs conversations. Parce qu'elle ose répondre aux critiques même si ça n'a que peu d'effets sur cette société snob qui la toise de haut.

5 ~ Lady Sylvia McCordle (Kristin Scott Thomas)

Pour sa beauté marlenisée, pour ses garceries intempestives envers ceux qu'elle méprise, pour sa franchise de ton, pour ses tenues chic et le charisme de l'une des actrices les plus captivantes qui soient. Parce qu'en mauvaise mère totalement jouissive, elle oublie les cadeaux qu'elle a fait à sa fille unique. Parce qu'elle préfère fêter son veuvage dans les bras d'un beau valet plutôt que de porter du noir et verser des larmes de crocodile.

4 ~ Mrs. Wilson (Helen Mirren)

Pour ses qualités de prévoyance et d'organisation. Parce qu'elle est la parfaite domestique et que son absence de vie privée la rend extrêmement touchante. Pour son rapport avec un passé lourd de conséquences. Pour ses chamailleries avec la cuisinière. Pour cette dernière scène absolument phénoménale.

3 ~ Lady Constance Trentham (Maggie Smith)

Parce qu'elle est la plus fun du lot. Pour sa capacité à être absolument irrésistible lorsqu'elle s'inquiète d'un rien, grimaces à l'appui. Parce qu'elle se plaint sans arrêt, comme il se doit. Parce qu'elle fait "Miam miam" avec un petit sourire d'autosatisfaction. Pour ses indiscrétions et sa repartie savoureusement snob. Pour son rire de vieille bique lorsque Henry Denton se fait renverser une tasse de café dessus. Parce qu'elle se met des concombres sur les yeux.

2 ~ Elsie (Emily Watson)

Pour son charisme et sa volonté d'échapper à un système qu'elle ne supporte plus. Parce qu'elle ne se laisse pas marcher sur les pieds et double toutes ses collègues qui font la queue pour prendre leur bain, avant d'humilier sa patronne devant ses invités. Parce qu'elle dérobe une boule de poils ambulante au vu et au su de tous, et qu'on lui souhaite sincèrement d'avoir le grand avenir cinématographique dont elle rêve. Pour sa complicité avec la fille de son employeur, et sa prévenance envers la triste Mabel Nesbitt. Parce qu'elle placarde des photos de Garbo sur les murs de sa chambre.

1 ~ Mrs. Croft (Eileen Atkins)

Parce qu'on a constamment envie d'en savoir plus sur elle! Pour les brides qu'elle révèle de son passé. Pour sa rivalité avec Mrs. Wilson. Parce qu'elle grommelle dans sa barbe alors qu'elle a le cœur sur la main. Parce qu'Eileen Atkins est plus que jamais la meilleure personne à qui faire appel dans un film sur les relations entre patrons et domestiques dans une grande demeure anglaise. Pour son regard dévastateur lors de son tout dernier plan, lors d'une étreinte surprenante.

Voilà pour moi. Les dames du top 5 sont vraiment incontournables, et les quatre premières pourraient sans problème figurer sur ma liste d'Orfeoscar. Sinon, on peut compter au moins deux autres personnages intéressants, à savoir Bertha, la cuisinière jouée par Teresa Churcher, pour son rapport intrigant à l'un des invités, et Henry Denton (Ryan Phillippe), essentiel à l'intrigue mais trop antipathique à mon goût, son seul intérêt étant de coucher avec tout ce qui a deux chromosomes X upstairs ou downstairs. Et j'allais oublier: j'aime également beaucoup Charles Dance en lord à moitié à l'ouest qui ne comprend qu'une réplique sur deux. Dommage qu'il ne soit pas plus développé.

Et vous, qui sont vos favoris?

lundi 14 avril 2014

14 avril


En ces moments de pannes de temps libre et d'inspiration, je ne sais plus trop quoi vous dire. Alors, je me contenterai de ces quelques mots: j'aime tout! J'aime tout ce qui provient de ce chef-d'oeuvre de Sofia Coppola, le film sorti au bon moment dans ma vie: bac, permis, majorité, premières années d'études supérieures, premières soirées rock'n'roll, premières amours, ce sentiment troublant de se sentir adulte tout en restant fondamentalement adolescent... Bref, la période 2006-2007 reste à ce jour la plus intense et la plus grisante jamais vécue pour moi, et nul film n'aurait pu atteindre une meilleure réussite de timing pour accompagner tous ces instants. Inutile de préciser que le recul me rend quelque peu nostalgique...

Ceci dit, cette concordance absolument parfaite n'est que l'une des très nombreuses qualités de ce diamant sans aucun défaut, et comme il m'est très difficile de trouver les mots pour parler en bien de mon Humoresque des années 2000, j'irai directement à l'essentiel. Qu'on prenne l'écriture d'un destin unique qui évoque paradoxalement plein de sentiments universels grâce au judicieux parti-pris de briser les frontières entre histoire et actualité, qu'on prenne l'exploration richement détaillée de ces émotions parfois contradictoires qui nous tenaillent tous aux périodes charnières de nos vies, qu'on prenne cette atmosphère insouciante sous des ors éblouissants alors qu'on a le sentiment que le tragique arrive à grand pas, qu'on prenne ces lendemains d'anniversaire mélancoliques, qu'on prenne la sublime photographie de Lance Acord, sous l'oeil de qui des mouvements quotidiens tels une promenade dans les champs ou l'envol d'une abeille deviennent d'une beauté artistique rare, qu'on prenne ces clins d’œil humoristiques aux mœurs versaillaises dont ces irrésistibles mécaniques de levers royaux, qu'on prenne ces réjouissants échos à Norma Shearer ou Bob Fosse, et que l'on prenne encore cette avalanche de costumes et macarons colorés suscitant de multiples désirs, voilà autant d'arguments qui prouvent que oui, j'aime précisément tout dans ce film.

Les performances d'acteurs ne sont d'ailleurs pas en reste, qu'il s'agisse d'une Kirsten Dunst d'une émotion à fleur de peau, et absolument phénoménale lorsqu'elle s'effondre suite à ses déconvenues maternelles; d'un Jason Schwartzman touchant à souhait par sa gaucherie, d'une Judy Davis hilarante rien qu'avec trois grimaces, d'une vieille bique encore plus drôle avec ses trois tonnes de peinture sur des rides fossilisées, d'un Rip Torn totalement détonnant dans un univers sclérosé, et surtout d'une Rose Byrne plus inspirée que jamais en bonne copine complètement extravertie, donnant par-là même une brillante imitation de votre serviteur avec une coupe de champagne dans le nez!

Et cependant, il y a encore mieux, Marie Antoinette pouvant se targuer d'avoir la meilleure bande-son non originale jamais réunie en un même film, de New Order à Windsor for the Derby, de Siouxie and the Banshees à Bow Wow Wow, de Radio Dept. à The Cure, d'Air à Squarepusher, de Rameau à Vivaldi, avec en point d'orgue le sublime morceau April 14th d'Aphex Twin posté à l'instant. 

En somme, voilà le film parfait dans toute sa splendeur, et l'un de ceux qui me touchent le plus émotionnellement. Un 10/10 chamarré ne me semble même pas assez...