lundi 28 septembre 2015

Téléfilms

Comme je ne regarde presque jamais la télévision, je ne suis jamais au courant de rien, et pourtant, on m'assure que je rate pas mal de bonnes choses, en particulier des téléfilms nés du travail de personnes davantage associées au cinéma, et dont les œuvres n'ont pas toujours trouvé le bon distributeur après le montage final. En regardant la liste des Emmy's dans la catégorie des actrices de mini-séries ou téléfilms, j'ai précisément réalisé que de grands noms étaient attachés à des projets apparemment grandioses, d'où mon désir le mois dernier de commencer à étoffer ma culture télévisuelle... en restant ceci dit dans la catégorie en question: impossible pour moi de rester concentré devant une série entière, je crois d'ailleurs n'avoir réussi à en finir que trois (dont deux animés japonais). Faisons donc le tour des téléfilms découverts ces derniers temps.

Playing for Time (1980)

Un téléfilm de Daniel Mann (Come Back, Little Sheba, I'll Cry Tomorrow) avec un très grand casting ultra prestigieux, à propos de l'Orchestre des femmes d'Auschwitz. Eh bien en toute honnêteté, je suis bluffé. D'accord, c'est un téléfilm, et ça se ressent visuellement, mais le sujet est tellement fort qu'on ressort de l'expérience aussi ému et retourné qu'après Schindler ou The Pianist, sachant qu'il m'est plus difficile de faire la comparaison avec Holocauste, que je n'ai pas revu depuis le collège. Mais vraiment, c'est excellent, avec plein d'images fortes qui ne vous laissent pas de répit, à commencer par l'introduction qui, après deux minutes très rapides sur un concert parisien, vous projette directement au cœur de l'horreur, où des mains sur le nez et des regards déchirés en disent bien plus long que certaines images plus immédiatement terrifiantes. A ce titre, les séquences où l'orchestre est obligé de venir jouer à chaque nouvelle arrivée de train font froid dans le dos, devant une situation aussi indécente qu'intolérable. L'histoire est quant à elle passionnante, avec cette galerie de personnages complexes qui subissent l'horreur tout en ayant une situation relativement privilégiée, et chaque interprète joue sa partition plus que correctement. Les cerises sur le gâteau sont néanmoins Jane Alexander dans le rôle d'Alma Rose, la chef d'orchestre déterminée à survivre en se dissimulant derrière un masque de sévérité; Shirley Knight dans le rôle de la geôlière aux émotions contrastées, et bien entendu Vanessa Redgrave, absolument bouleversante et surtout exceptionnelle, et dont chaque expression reste très lourde de sens sans que l'actrice en fasse trop. Apparemment, elle fut beaucoup critiquée pour avoir été distribuée dans ce rôle par rapport à ses prises de position politiques, y compris par Fania Fénelon en personne, mais en ce qui me concerne, je n'ai jamais rien compris au conflit israélo-palestinien et ce n'est pas ça qui m'intéresse ici: le triomphe interprétatif est bel et bien au rendez-vous.

If These Walls Could Talk 2 (2000)

Un téléfilm en trois segments, montrant la vie dans une maison à différentes époques, sous différents propriétaires, avec pour cohésion des thématiques lesbiennes. Le premier segment, réalisé par Jane Anderson, est le plus réussi: ça se passe en 1961, à l'époque de la sortie en salles de La Rumeur, et l'on y découvre une fois encore, devinez qui... une Vanessa Redgrave éblouissante dans le rôle d'une retraitée qui vient juste de perdre la femme de sa vie, et qui doit faire face au saccage de la maison où elle a toujours vécu par les héritiers de sa compagne. Ce segment est essentiel pour comprendre pourquoi il est absolument impératif que le mariage transcende les sexes, à travers les questions du fameux lien familial lors des visites à l'hôpital, et de mise à l'abri du conjoint en cas de disparition de l'autre. Evidemment, ces deux problèmes ne trouvaient pas de réponses en 1961, et Vanessa est sincèrement déchirante, autant dans les séquences à l'hôpital que dans celles avec les héritiers, devant qui elle doit se forcer à dissimuler son lien amoureux et accepter qu'on la spolie de ses affaires sous ses propres yeux. A pleurer.

Le second segment, réalisé par Martha Coolidge, est également essentiel à travers la question de l'homophobie chez les lesbiennes, puisque les copines de Michelle Williams, toutes lesbiennes et féministes revendiquées (on est à présent dans les années 1970), sont les premières à se gausser de l'apparence de Chloë Sevigny, une "Butch" qui aime à s'habiller et se coiffer en homme, attitude que le groupe juge rétrograde d'où une série de moqueries en tous genres. Ce segment reste moins fort que le premier, mais le propos est captivant, et les deux actrices principales sont hors de tout reproche, en particulier Chloë Sevigny, qui transpire de charisme dans ce rôle intrigant.

Le segment d'Anne Heche, si fascinante dans Birth, m'a en revanche laissé sur ma faim, peut-être à cause de l'approche comique du propos, où j'ai du mal à prendre au sérieux Ellen DeGeneres et Sharon Stone. Leur histoire de don de sperme se suit néanmoins avec intérêt, bien que ça n'atteigne jamais la force des tourments de Vanessa Redgrave. Quoi qu'il en soit, un bon téléfilm dans son ensemble, qui divertit tout en sensibilisant à des sujets importants.

Life with Judy Garland: Me and My Shadows (2001)

Ce qui m'a conduit à voir ce téléfilm de Robert Allan Ackerman basé sur les mémoires de Lorna Luft, la propre fille de la star, c'est le célèbre discours de remerciement de Meryl Streep en 2004, où après avoir vanté les mérites de Glenn Close, Helen Mirren et Emma Thompson, elle fait référence à cette performance particulière de Judy Davis "[...] and nobody has put a performance on film better than Judy Davis in the Judy Garland Story", citation plus qu'élogieuse qui conférait déjà une aura de prestige à ce projet avant d'y poser les yeux, ce qui fut plus tard confirmé par l'avalanche d'Emmy reçus cette année-là, dont un pour l'actrice principale. Pourtant, je suis tombé des nues: malgré ses grands airs, ce long téléfilm de trois heures n'est rien de plus qu'un biopic banal à pleurer où l'on raconte tout de A à Z, sans forcément s'arrêter sur les détails les plus importants, et dont l'histoire n'a vraiment aucun intérêt. Après tout, pourquoi se farcir trois heures de vie de Judy Garland quand on peut revoir A Star Is Born dans le même laps de temps, ou faire une soirée marathon avec Le Magicien d'Oz et Meet Me in St. Louis? Par bonheur, certaines qualités viennent rehausser l'ensemble, à commencer par le maquillage, sensationnel (on y croirait presque!), et surtout par l'interprétation, Tammy Blanchard se débrouillant pas mal dans la première partie, avant de céder la place, et d'être néanmoins rendue oubliable, par Judy Davis, vraiment sensationnelle dans sa composition, bien qu'il faudra regretter que cette interprétation ne fût pas au service d'un scénario plus intéressant. A voir pour Judy Davis, donc, même si ça reste en soi un téléfilm franchement oubliable.

Wit (2001)

Cependant, s'il est difficile de dire que Judy Davis a volé son Emmy de 2001, force est de reconnaître qu'il y avait encore mieux en face, en la personne d'Emma Thompson dans une performance exceptionnelle, et ce au service d'une histoire un milliard de fois plus captivante que le biopic précédent. Vraiment, outre le courage de l'actrice qui s'est entièrement rasé le crâne (comme Vanessa Redgrave tout à l'heure) pour les besoins du rôle, on louera surtout son extraordinaire balancement entre émotions brutes et légèreté, qui souligne bien l'apprentissage par l'héroïne d'un peu plus d'altruisme, après une vie consacrée au détachement et au bel esprit. Réalisé par Mike Nichols, ce téléfilm, qui faillit presque sortir au cinéma, comme en témoigne sa sélection à la Berlinale, est par ailleurs extrêmement prenant alors que tout se passe peu ou prou dans une même chambre de clinique, et certains choix de mise en scène, en particulier la volonté de coller au plus près à la pièce d'origine en faisant bon usage d'adresses aux spectateurs, donnent à Thompson beaucoup de grain à moudre afin d'atteindre à quelque chose de vraiment bouleversant. A vrai dire, même la séquence avec Eileen Atkins, faisant usage d'une petite musique au piano, est émouvante en toute simplicité sans que jamais cette ficelle assez visible ne soit dérangeante, de quoi prouver une fois de plus la réussite de l'ensemble. A noter également qu'Audra McDonald bénéficie d'un second rôle assez solide, même si je préfère quand même l'apparition miraculeuse d'Eileen Atkins.

Angels in America (2003)

Cette mini-série là, je l'ai découverte l'année dernière, mais ça reste assez récent pour mériter d'être évoquée ici, d'autant qu'on y retrouve une nouvelle fois le tandem Mike Nichols / Emma Thompson, cette dernière étant plutôt secondaire par rapport au reste d'une distribution chorale, mais faisant des merveilles dans un double-rôle d'infirmière et d'ange monstrueusement charismatique, en plus d'une apparition en clocharde. En fait, tous les acteurs sont extrêmement bons chacun de leur côté, mais autant je trouve qu'Al Pacino en fait un peu trop, que Marie-Louise Parker est dotée de l'arc narratif qui m'intéresse le moins, que Patrick Wilson est un peu effacé et que Jeffrey Wright ne me touche pas particulièrement malgré son charisme, autant je suis absolument subjugué par les quatre autres, Emma Thompson donc, mais surtout Justin Kirk et Ben Shenkman, à qui j'aurais donné un Emmy du premier rôle ex æquo, et bien entendu Meryl Streep, impressionnante en matriarche autoritaire qui voit peu à peu son mode de pensée évoluer. Pour sa part, l'histoire me captive entièrement, même si ça me parle plus du côté de l'homosexualité que sur la question juive, mais ces croisements n'en restent pas moins passionnants, et le choix d'en faire une adaptation télévisée en six épisodes permet d'en détailler tous les points à la perfection, de telle sorte qu'il ne fait absolument aucun doute que cette mini-série mérite tout à fait sa réputation de chef-d’œuvre, quand bien même on reste sur le petit écran. 

Elizabeth I (2005)

Là encore c'est un biopic: on nous épargne la prise du pouvoir par la reine, mais on couvre tous les grands événements de son règne jusqu'à la fin, tout en suivant ses histoires d'amour avec les comtes d'Essex et Leicester. Eh bien malgré toutes mes réserves a priori sur les histoires trop linéaires, celle-ci se suit avec un intérêt constant, en grande partie grâce à une reconstitution historique de qualité (décors! costumes!), et surtout grâce à la performance d'Helen Mirren, peut-être un peu trop Helen Mirren sur les bords (plus j'apprends à la connaître, plus j'ai l'impression qu'elle approche ses personnages de la même manière), mais constamment délicieuse, aussi drôle qu'autoritaire, et quoi qu'il en soi toujours pleine de superbe. Ma séquence préférée: celle où elle cherche le duc d'Anjou sur la galère, et où elle est la première à rire de sa méprise. Vraiment, l'histoire a beau pécher par son manque de relief, l'adaptation reste trop soignée pour empêcher d'y prendre plaisir, et ce malgré un aspect gore un peu trop prononcé (les mains qui explosent et les têtes qui ne se coupent pas du premier coup). Quoi qu'il en soit, pas un grand téléfilm, mais ça n'est pas déplaisant à découvrir, même si je ne pense pas être tenté pour une revisite, tout du moins pas avant longtemps.

D'autres choses à me conseiller? Si oui, je suis preneur!

2 commentaires:

  1. j'ai écrit un long message mort-né tout à l'heure, à cause d'une blague de connexion. J'en réécris donc une version plus courte !

    Je disais donc : ce soir il y a justement, sur la TNT (téva je crois) le biopic sur Dorothy Dandrige avec Halle Berry (très bien), c'est l'équivalent du téléfilm sur Judy garland, avec le même climax !!! (la remise des oscars 1954).

    J'ai adoré voir Natalie Wood se frotter à la Chatte sur un toit brûlant ou Glenn Close faire honneur à Aliénor d'Aquitaine dans Un Lion en Hiver. C'est ce que je trouve formidable avec tous ces téléfilms (et il y en a beaucoup que j'aimerais voir et qui ne se trouvent pas ou alors sans st ce qui rend, dans mon cas de figure, plus compliquée les soirées familiales devant la TV).

    Dans les bonnes surprises que j'ai eues : Judi Dench est formidable et surprenante en adorable vieille fille timide dans Cranford (très jolie production typique BBC) et ... la divine Faye fait un numéro géniale dans ... un Colombo ! Elle avait d'ailleurs remporter un GG et été nommée aux Emmies (ou l'inverse ?)

    L'AACF qui espère que ça va marcher cette fois.

    PS : Pour Kathleen Turner, j'estime beaucoup, mais je ne me pâme pas, même si j'aimerais voir le Ken Russell.

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    1. Merci pour les suggestions! Le Halle Berry ne me fait pas vraiment envie puisque ça a l'air d'être un long biopic, ce qui a tendance à m'ennuyer, mais pourquoi pas? En revanche, j'ai très très envie de voir Glenn Close dans Le Lion: j'entends beaucoup dire autour de moi qu'elle n'est pas aussi bien que Katha-Hari en 1968, mais ce n'est pas ça qui m'empêchera de me jeter dessus quand je trouverai le DVD, d'autant que si l'approche est différente, ça peut être très intéressant de comparer.

      Et je vais donc devoir regarder un épisode de Columbo pour Faye, qui a bien gagné l'Emmy cette année-là. La série ne me fait pas du tout envie autrement, mais s'il y a Faye en guest star, c'est un must absolu!

      PS: Pas vu non plus Crimes of Passion. Mais je suis vraiment très fan de Turner, elle me fascine totalement. J'ai même regardé un épisode de Friends (oui, oui!) rien que pour elle.

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