lundi 28 septembre 2015

Téléfilms

Comme je ne regarde presque jamais la télévision, je ne suis jamais au courant de rien, et pourtant, on m'assure que je rate pas mal de bonnes choses, en particulier des téléfilms nés du travail de personnes davantage associées au cinéma, et dont les œuvres n'ont pas toujours trouvé le bon distributeur après le montage final. En regardant la liste des Emmy's dans la catégorie des actrices de mini-séries ou téléfilms, j'ai précisément réalisé que de grands noms étaient attachés à des projets apparemment grandioses, d'où mon désir le mois dernier de commencer à étoffer ma culture télévisuelle... en restant ceci dit dans la catégorie en question: impossible pour moi de rester concentré devant une série entière, je crois d'ailleurs n'avoir réussi à en finir que trois (dont deux animés japonais). Faisons donc le tour des téléfilms découverts ces derniers temps.

Playing for Time (1980)

Un téléfilm de Daniel Mann (Come Back, Little Sheba, I'll Cry Tomorrow) avec un très grand casting ultra prestigieux, à propos de l'Orchestre des femmes d'Auschwitz. Eh bien en toute honnêteté, je suis bluffé. D'accord, c'est un téléfilm, et ça se ressent visuellement, mais le sujet est tellement fort qu'on ressort de l'expérience aussi ému et retourné qu'après Schindler ou The Pianist, sachant qu'il m'est plus difficile de faire la comparaison avec Holocauste, que je n'ai pas revu depuis le collège. Mais vraiment, c'est excellent, avec plein d'images fortes qui ne vous laissent pas de répit, à commencer par l'introduction qui, après deux minutes très rapides sur un concert parisien, vous projette directement au cœur de l'horreur, où des mains sur le nez et des regards déchirés en disent bien plus long que certaines images plus immédiatement terrifiantes. A ce titre, les séquences où l'orchestre est obligé de venir jouer à chaque nouvelle arrivée de train font froid dans le dos, devant une situation aussi indécente qu'intolérable. L'histoire est quant à elle passionnante, avec cette galerie de personnages complexes qui subissent l'horreur tout en ayant une situation relativement privilégiée, et chaque interprète joue sa partition plus que correctement. Les cerises sur le gâteau sont néanmoins Jane Alexander dans le rôle d'Alma Rose, la chef d'orchestre déterminée à survivre en se dissimulant derrière un masque de sévérité; Shirley Knight dans le rôle de la geôlière aux émotions contrastées, et bien entendu Vanessa Redgrave, absolument bouleversante et surtout exceptionnelle, et dont chaque expression reste très lourde de sens sans que l'actrice en fasse trop. Apparemment, elle fut beaucoup critiquée pour avoir été distribuée dans ce rôle par rapport à ses prises de position politiques, y compris par Fania Fénelon en personne, mais en ce qui me concerne, je n'ai jamais rien compris au conflit israélo-palestinien et ce n'est pas ça qui m'intéresse ici: le triomphe interprétatif est bel et bien au rendez-vous.

If These Walls Could Talk 2 (2000)

Un téléfilm en trois segments, montrant la vie dans une maison à différentes époques, sous différents propriétaires, avec pour cohésion des thématiques lesbiennes. Le premier segment, réalisé par Jane Anderson, est le plus réussi: ça se passe en 1961, à l'époque de la sortie en salles de La Rumeur, et l'on y découvre une fois encore, devinez qui... une Vanessa Redgrave éblouissante dans le rôle d'une retraitée qui vient juste de perdre la femme de sa vie, et qui doit faire face au saccage de la maison où elle a toujours vécu par les héritiers de sa compagne. Ce segment est essentiel pour comprendre pourquoi il est absolument impératif que le mariage transcende les sexes, à travers les questions du fameux lien familial lors des visites à l'hôpital, et de mise à l'abri du conjoint en cas de disparition de l'autre. Evidemment, ces deux problèmes ne trouvaient pas de réponses en 1961, et Vanessa est sincèrement déchirante, autant dans les séquences à l'hôpital que dans celles avec les héritiers, devant qui elle doit se forcer à dissimuler son lien amoureux et accepter qu'on la spolie de ses affaires sous ses propres yeux. A pleurer.

Le second segment, réalisé par Martha Coolidge, est également essentiel à travers la question de l'homophobie chez les lesbiennes, puisque les copines de Michelle Williams, toutes lesbiennes et féministes revendiquées (on est à présent dans les années 1970), sont les premières à se gausser de l'apparence de Chloë Sevigny, une "Butch" qui aime à s'habiller et se coiffer en homme, attitude que le groupe juge rétrograde d'où une série de moqueries en tous genres. Ce segment reste moins fort que le premier, mais le propos est captivant, et les deux actrices principales sont hors de tout reproche, en particulier Chloë Sevigny, qui transpire de charisme dans ce rôle intrigant.

Le segment d'Anne Heche, si fascinante dans Birth, m'a en revanche laissé sur ma faim, peut-être à cause de l'approche comique du propos, où j'ai du mal à prendre au sérieux Ellen DeGeneres et Sharon Stone. Leur histoire de don de sperme se suit néanmoins avec intérêt, bien que ça n'atteigne jamais la force des tourments de Vanessa Redgrave. Quoi qu'il en soit, un bon téléfilm dans son ensemble, qui divertit tout en sensibilisant à des sujets importants.

Life with Judy Garland: Me and My Shadows (2001)

Ce qui m'a conduit à voir ce téléfilm de Robert Allan Ackerman basé sur les mémoires de Lorna Luft, la propre fille de la star, c'est le célèbre discours de remerciement de Meryl Streep en 2004, où après avoir vanté les mérites de Glenn Close, Helen Mirren et Emma Thompson, elle fait référence à cette performance particulière de Judy Davis "[...] and nobody has put a performance on film better than Judy Davis in the Judy Garland Story", citation plus qu'élogieuse qui conférait déjà une aura de prestige à ce projet avant d'y poser les yeux, ce qui fut plus tard confirmé par l'avalanche d'Emmy reçus cette année-là, dont un pour l'actrice principale. Pourtant, je suis tombé des nues: malgré ses grands airs, ce long téléfilm de trois heures n'est rien de plus qu'un biopic banal à pleurer où l'on raconte tout de A à Z, sans forcément s'arrêter sur les détails les plus importants, et dont l'histoire n'a vraiment aucun intérêt. Après tout, pourquoi se farcir trois heures de vie de Judy Garland quand on peut revoir A Star Is Born dans le même laps de temps, ou faire une soirée marathon avec Le Magicien d'Oz et Meet Me in St. Louis? Par bonheur, certaines qualités viennent rehausser l'ensemble, à commencer par le maquillage, sensationnel (on y croirait presque!), et surtout par l'interprétation, Tammy Blanchard se débrouillant pas mal dans la première partie, avant de céder la place, et d'être néanmoins rendue oubliable, par Judy Davis, vraiment sensationnelle dans sa composition, bien qu'il faudra regretter que cette interprétation ne fût pas au service d'un scénario plus intéressant. A voir pour Judy Davis, donc, même si ça reste en soi un téléfilm franchement oubliable.

Wit (2001)

Cependant, s'il est difficile de dire que Judy Davis a volé son Emmy de 2001, force est de reconnaître qu'il y avait encore mieux en face, en la personne d'Emma Thompson dans une performance exceptionnelle, et ce au service d'une histoire un milliard de fois plus captivante que le biopic précédent. Vraiment, outre le courage de l'actrice qui s'est entièrement rasé le crâne (comme Vanessa Redgrave tout à l'heure) pour les besoins du rôle, on louera surtout son extraordinaire balancement entre émotions brutes et légèreté, qui souligne bien l'apprentissage par l'héroïne d'un peu plus d'altruisme, après une vie consacrée au détachement et au bel esprit. Réalisé par Mike Nichols, ce téléfilm, qui faillit presque sortir au cinéma, comme en témoigne sa sélection à la Berlinale, est par ailleurs extrêmement prenant alors que tout se passe peu ou prou dans une même chambre de clinique, et certains choix de mise en scène, en particulier la volonté de coller au plus près à la pièce d'origine en faisant bon usage d'adresses aux spectateurs, donnent à Thompson beaucoup de grain à moudre afin d'atteindre à quelque chose de vraiment bouleversant. A vrai dire, même la séquence avec Eileen Atkins, faisant usage d'une petite musique au piano, est émouvante en toute simplicité sans que jamais cette ficelle assez visible ne soit dérangeante, de quoi prouver une fois de plus la réussite de l'ensemble. A noter également qu'Audra McDonald bénéficie d'un second rôle assez solide, même si je préfère quand même l'apparition miraculeuse d'Eileen Atkins.

Angels in America (2003)

Cette mini-série là, je l'ai découverte l'année dernière, mais ça reste assez récent pour mériter d'être évoquée ici, d'autant qu'on y retrouve une nouvelle fois le tandem Mike Nichols / Emma Thompson, cette dernière étant plutôt secondaire par rapport au reste d'une distribution chorale, mais faisant des merveilles dans un double-rôle d'infirmière et d'ange monstrueusement charismatique, en plus d'une apparition en clocharde. En fait, tous les acteurs sont extrêmement bons chacun de leur côté, mais autant je trouve qu'Al Pacino en fait un peu trop, que Marie-Louise Parker est dotée de l'arc narratif qui m'intéresse le moins, que Patrick Wilson est un peu effacé et que Jeffrey Wright ne me touche pas particulièrement malgré son charisme, autant je suis absolument subjugué par les quatre autres, Emma Thompson donc, mais surtout Justin Kirk et Ben Shenkman, à qui j'aurais donné un Emmy du premier rôle ex æquo, et bien entendu Meryl Streep, impressionnante en matriarche autoritaire qui voit peu à peu son mode de pensée évoluer. Pour sa part, l'histoire me captive entièrement, même si ça me parle plus du côté de l'homosexualité que sur la question juive, mais ces croisements n'en restent pas moins passionnants, et le choix d'en faire une adaptation télévisée en six épisodes permet d'en détailler tous les points à la perfection, de telle sorte qu'il ne fait absolument aucun doute que cette mini-série mérite tout à fait sa réputation de chef-d’œuvre, quand bien même on reste sur le petit écran. 

Elizabeth I (2005)

Là encore c'est un biopic: on nous épargne la prise du pouvoir par la reine, mais on couvre tous les grands événements de son règne jusqu'à la fin, tout en suivant ses histoires d'amour avec les comtes d'Essex et Leicester. Eh bien malgré toutes mes réserves a priori sur les histoires trop linéaires, celle-ci se suit avec un intérêt constant, en grande partie grâce à une reconstitution historique de qualité (décors! costumes!), et surtout grâce à la performance d'Helen Mirren, peut-être un peu trop Helen Mirren sur les bords (plus j'apprends à la connaître, plus j'ai l'impression qu'elle approche ses personnages de la même manière), mais constamment délicieuse, aussi drôle qu'autoritaire, et quoi qu'il en soi toujours pleine de superbe. Ma séquence préférée: celle où elle cherche le duc d'Anjou sur la galère, et où elle est la première à rire de sa méprise. Vraiment, l'histoire a beau pécher par son manque de relief, l'adaptation reste trop soignée pour empêcher d'y prendre plaisir, et ce malgré un aspect gore un peu trop prononcé (les mains qui explosent et les têtes qui ne se coupent pas du premier coup). Quoi qu'il en soit, pas un grand téléfilm, mais ça n'est pas déplaisant à découvrir, même si je ne pense pas être tenté pour une revisite, tout du moins pas avant longtemps.

D'autres choses à me conseiller? Si oui, je suis preneur!

mardi 22 septembre 2015

Musiques au cœur: 1936


Ce soir, une petite liste, non exhaustive, des musiques que j'aime pour l'année 1936. C'est classé par pays d'origine, puis par ordre alphabétique selon le nom de l'interprète ou du compositeur, généralement plus connus que les titres à proprement parler. Par ailleurs, je n'ai pas fait la différence entre les chansons et les compositions strictement instrumentales, n'ayant pas pour objectif de faire un catalogue et préférant citer les seuls morceaux que je suis susceptible de réécouter régulièrement. Il n'empêche, c'était amusant de rechercher des informations sur les chansons japonaises: il m'a fallu jongler entre le traducteur Google et des sites nippons ou hollandais, tout ça pour découvrir qu'il y a finalement assez peu de sources à ce sujet. Dès lors, merci aux utilisateurs Youtube qui ont posté ces chansons et ont pris la peine d'en afficher les crédits! Par contre, ne me demandez pas l'ordre exact des nom et prénom dans les patronymes japonais, je me plante une fois sur deux.

Etats-Unis

Fred Astaire: ''The Way You Look Tonight'' (de Swing Time) (Musique: Jerome Kern, Paroles: Dorothy Fields).
Compléments: film de George Stevens (RKO), sorti le 27 août 1936. Oscar de la meilleure chanson originale. Sources: la liste Imdb des chansons du film, et celle des lauréats sur le site de l'AMPAS.


Al Bowlly: ''I've Got You Under My Skin'' (reprise) (Paroles et musique: Cole Porter).
Compléments: chanson originale de 1936 introduite par Virginia Bruce dans Born to Dance, un film de Roy del Ruth (MGM) sorti le 27 novembre de la même année. La version d'Al Bowlly est un peu plus dynamique, en tout cas moins langoureuse, et l'introduction orchestrée par Ray Noble est idéale pour une réception un soir d'été, d'où ma préférence pour cette adaptation. Sources: la page Wikipédia de la chanson.


Charles Chaplin: ''Smile'' (de Modern Times).
Compléments: film de Chaplin, sorti le 5 février 1936. Airs composés par Chaplin, mais apparemment mis en musique par David Raksin, et arrangés par Alfred Newman dans le montage final. Sources: l'encart Wikipédia sur la musique du film, et la liste de l'équipe technique sur Imdb.


Billy Cotton et son orchestre: ''The Glory of Love'' (Paroles et musique: Billy Hill).
Compléments: version enregistrée le 1er mai 1936, et qui a d'ailleurs ma préférence sur celles de Benny Goodman et Lew Stone, datant de la même année. Sources: la page Wikipédia de la chanson.


Marlene Dietrich: ''Awake in a Dream'' (de Desire) (Musique: Friedrich Hollaender, Paroles: Leo Robin).
Compléments: film produit et réalisé par Frank Borzage, coproduit par Ernst Lubitsch (Paramount), sorti le 2 avril 1936. La chanson sert également de thème instrumental tout au long du film. Sources: la liste Imdb des chansons du film, et le coffret "Marlene Dietrich, la Blonde Vénus (1928-1948)" des éditions Frémeaux et associés.


Deanna Durbin: ''Annie Laurie'' (reprise) (Paroles et musique: Alicia Scott, v. 1834-1835, d'après un poème de William Douglas).
Compléments: chanson enregistrée en décembre 1936 pour la compagnie phonographique Decca Records. Sources: la discographie de Deanna sur Wikipédia, et la page de la chanson sur le même site.


Benny Goodman et son orchestre: ''Stardust'' (reprise) (Musique: Hoagy Carmichael, 1927).
Compléments: la version n'est ici qu'instrumentale, mais des paroles ont été ajoutées en 1929 par Mitchell Parish. Quoi qu'il en soit, pas vraiment mon style de musique, mais j'aime curieusement ce morceau-là. Sources: la page Wikipédia de la chanson.


Erich Wolfgang Korngold: ''Anthony Adverse''.
Compléments: film de Mervyn LeRoy et Michael Curtiz (Warner), sorti le 29 juillet 1936. Oscar de la meilleure musique (attribué à Leo Forbstein, chef du département musical de la Warner). Sources: la liste des lauréats sur le site de l'AMPAS.


Jeanette MacDonald: ''San Francisco'' (de San Francisco) (Musique: Bronislau Kaper et Walter Jurmann, Paroles: Gus Kahn).
Compléments: film de Woodbridge Van Dyke II (MGM), sorti le 26 juin 1936. A noter que dans le même film, la réjouissante Jeanette interprète également bon nombre de jolies chansons traditionnelles, comme The Holy City, Nearer My God to Thee et The Battle Hymn of the Republic. Elle chante également des airs d'opéra, principalement le Faust de Gounod, mais je la préfère bien plus nettement dans le registre populaire. Tout du moins pouvait-on rêver meilleure cantatrice. Sources: la liste Imdb des chansons du film, et la page Wikipédia de la chanson.


Sergueï Rachmaninov: ''Symphonie n°3 en la mineur, Op. 44''.
Compléments: apparemment, cette symphonie fut composée en Suisse, par un compositeur russe donc, mais comme elle fut créée le 6 novembre 1936 à Philadelphie, sous la baguette de Leopold Stokowski, je la classe dans ce pays-ci. En vidéo, la version dirigée par Rachmaninov lui-même, avec l'Orchestre de Philadelphie en 1939. Sources: la fiche Wikipédia, assez complète.


Paul Robeson: ''Ol' Man River'' (de Show Boat) (reprise) (Musique: Jerome Kern, Paroles: Oscar Hammerstein II, 1927).
Compléments: film de James Whale (Universal) sorti le 14 mai 1936, adapté de la comédie musicale de Jerome Kern et Oscar Hammerstein II de 1927. Sources: la liste Imdb des chansons du film, et la page Wikipédia de la chanson.


Ginger Rogers: ''Let Yourself Go'' (de Follow the Fleet) (Paroles et musique: Irving Berlin).
Compléments: film de Mark Sandrich (RKO), sorti le 20 février 1936. Voir aussi la version dansée en duo avec Fred Astaire. Sources: la liste Imdb des chansons du film.


Barbara Stanwyck et Tony Martin: ''Where a Lazy River Goes By'' (de Banjo on My Knee) (Musique: Jimmy McHugh, Paroles: Harold Adamson).
Compléments: film de John Cromwell, produit par la Fox, sorti le 11 décembre 1936. La chanson est d'abord interprétée par Barbara Stanwyck seule, accompagnée à l'harmonica par Joel McCrea, puis reprise en duo avec Tony Martin. Sources: la liste Imdb des chansons du film.


1936 est aussi l'année du sympathique Sing Sing Sing de Louis Prima, mais je n'arrive pas à trouver la version originale. La plus connue est apparemment celle de 1937 par Benny Goodman.


France

Damia: ''Celui qui s'en va'' (Musique: Tiarko Richepin, Paroles: Charles Richter).
Compléments: le disque fut apparemment distribué en mars 1936 par la Columbia Records, d'après la notice de la vidéo. Les ''r'' sont atrocement roulés, mais la mélodie reste sympa.


Danielle Darrieux et Pierre Mingand: ''Ça vient tout doucement'' (de Mademoiselle Mozart) (Musique: Wal Berg, Paroles: Camille François).
Compléments: film d'Yvan Noé (Cinel), sorti le 17 janvier 1936. Sources: la liste des chansons du film sur Imdb.


Danielle Darrieux et Pierre Mingand: ''Le bonheur, c'est un rien'' (de Mademoiselle Mozart) (Musique: Wal Berg, Paroles: Camille François).
Compléments: film d'Yvan Noé (Cinel), sorti le 17 janvier 1936. Sources: la liste des chansons du film sur Imdb.


Jean Lumière: ''Envoi de fleurs'' (Musique: Paul Delmet (1898), Paroles: Henri Bernard).
Compléments: pas d'informations sur la chanson, je m'en réfère à cette notice indiquant le nom des auteur et compositeur, ainsi que la date de l'interprétation par Jean Lumière.


Jean Lumière: ''Le secret des tes caresses'' (Créateurs: S. Ala? Marc Cab? Henri Varna?).
Compléments: les informations sur cette chanson sont actuellement inexistantes... Et celles sur l'interprète sont à peine plus fournies. Je n'ai donc d'autre choix que de me référer à la notice de la vidéo en question. En tout cas, tout le monde se moque de moi parce que j'écoute Jean Lumière: rien à fiche, j'assume!


Jean Sablon: ''Vous qui passez sans me voir'' (Musique: Johnny Hess et Paul Misraki, Paroles: Charles Trenet et Raoul Breton).
Compléments: grand prix du disque pour Jean Sablon l'année suivante. Sources: la fiche de la chanson sur Wikipédia.


Hongrie

Béla Bartók: ''Musique pour cordes, percussion et célesta''.
Compléments: cette pièce fut bel et bien composée en 1936, mais la création eut néanmoins lieu l'année suivante, à Bâle, le 21 janvier, sous la direction de Paul Sacher. Ici, la version de l'Orchestre symphonique du RIAS de Berlin, dirigée par Ferenc Fricsay en 1954. Je précise néanmoins ne pas être le plus grand amateur de compositions instrumentales contemporaines, mais je reste un inconditionnel de Bartók. Et ne sachant pas quelle est l'orchestration la plus réputée, j'attends vos lumières avec impatience sur la question! Sources: euh... la page Wikipédia, on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a.


Japon

Fujiyama Ichiro (藤山一郎): ''Otoko no Junjou'' (男の純情) (Cœur pur de l'homme) (chanson-thème du film ''Âme'' (魂) des studios Nikkatsu) (Musique: Masao Koga / 古賀政男, Paroles: Sonosuke Sato / 佐藤惣之助).
Compléments: chanson produite par la société discographique Teichiku. Sources: la notice Youtube postée par cet utilisateur.


Fujiyama Ichiro (藤山一郎): ''Tokyo Rhapsody'' (東京ラプソディ) (Musique: Masao Koga / 古賀政男, Paroles: Yutaka Kadota / 門田ゆたか).
Compléments: une chanson sortie sur la face A d'un single produit par la société discographique Teichiku, et sorti en juin 1936. Le succès de ce foxtrot fut tel qu'il conduisit les studios PCL à produire un film du même nom, au scénario basé sur les paroles de Yutaka Kadota, avec Fujiyama Ichiro dans le rôle principal. Sourcesla page Wikipédia de la chanson (et du film), d'après le traducteur Google.


Kirishima Noboru (霧島昇): ''Omoide no Enoshima'' (思い出の江ノ島) (Souvenirs d'Enoshima) (Musique: ? Paroles: ?).
Compléments: impossible de trouver la moindre information sur ce titre, commercialisé dans l'album Japanese Retro Hits - The Pre War Years, Volume 3, couvrant les années 1935 et 1936. Peut-être le nom des compositeurs est-il inscrit lors de l'achat du titre, ce que je n'ai pas encore fait.


Kusunoki Shigeo (楠木繁夫): ''Onna no Kaikyou'' (女の階級) (La femme/Les femmes de la classe) (chanson-thème du film du même nom) (Musique: Masao Koga / 古賀政男, Paroles: Murase Mayumi / 村瀬まゆみ).
Compléments: un film de Chiba Yasuki, produit par les studios Nikkatsu et sorti le 15 octobre 1936. La chanson-titre fut distribuée sur la face A d'un single produit par la société discographique Teichiku en décembre 1936. Sources: la page Wikipédia du film (et de la chanson), passée à la moulinette du traducteur Google.


Mexique

Carlos Chávez: ''Sinfonía India''.
Compléments: symphonie créée lors d'un concert radiophonique du 23 janvier 1936, puis donnée pour la première fois en concert le 10 avril de la même année, par l'Orchestre symphonique de Boston. Ici, la version de l'Orchestre philharmonique de la ville de Mexico, dirigée par Enrique Bátiz dans les années 1980. Une fois encore, si vous avez d'autres versions à me conseiller, n'hésitez pas! Sources: la page Wikipédia.


URSS

Sergueï Prokofiev: ''Pierre et le Loup''. 
Compléments: conte musical créé à Moscou le 2 mai 1936, sur commande de Natalya Sats. Ici, la version de l'Orchestre philharmonique de New York, narrée et dirigée par Leonard Bernstein en 1960. Comme toujours, vos lumières sur les versions de référence sont les bienvenues. Sources: quelques informations intéressantes ici.


C'est tout pour aujourd'hui. Si vous avez des choses à me faire découvrir, je suis preneur! Sachant que je ne suis pas très friand de jazz néanmoins... Je n'ai pas, personnellement, d'enregistrements d'opéras de 1936 et serai curieux d'en découvrir à l'occasion.

mercredi 16 septembre 2015

Oscar de la meilleure actrice: mes choix.



Les Années 1930


Ceci est un petit inventaire pour savoir où j'en suis à présent dans mes visionnages des "meilleures actrices" selon les Oscar. Ayant évidemment tendance à changer d'avis, bien du mouvement a eu lieu depuis la première esquisse en 2015, et m'étant surtout rendu compte que l'article était trop long, je prends cinq ans plus tard la décision de le diviser par décennies.


Voici donc la liste officielle, par ordre chronologique, où les actrices sont classées de haut en bas de la meilleure performance à la moins bonne, ma gagnante étant celle que je préfère dans l'absolu, sans qu'il soit question de redistribution où d'avantager mes stars favorites. On verra alors que se focaliser sur la liste des Oscar présente bien des limites, avec des actrices de moindre talent finissant parfois numéro 1 par défaut, alors que rien pour certains génies comme Carole Lombard, mais dans l'immédiat, jouer à se mettre dans la peau d'un électeur obligé de choisir parmi une sélection imposée m'excite totalement. En jaune, les performances qu'il me reste à voir.


1927/1928
Gloria Swanson (Sadie Thompson)
Janet Gaynor (Seventh Heaven, Street Angel, Sunrise)
Louise Dresser (A Ship Comes In)

Mon choix : Sans aucune hésitation, Gloria Swanson dans Sadie Thompson, pour une très belle performance émouvante et dynamique à souhait, peut-être sa meilleure, malgré l'abondance d'expressivité propre au muet. J'ai la flemme de revoir les Janet Gaynor pour reclasser les performances, même si de mémoire Street Angel avait ma préférence, et Louise Dresser finit sans surprise bonne dernière à cause de son rôle à clichés trop mince pour qu'elle puisse l'enrichir de quelque façon.

Dans l'absolu : Mary Pickford pour My Best Girl, en restant le cœur brisé pour Eleanor Boardman (The Crowd), Evelyn Brent (The Last Command), Marion Davies (The Patsy), Pola Negri (Barbed Wire) et Gloria Swanson (Sadie Thompson), qui auraient toutes permis de faire démarrer ce jeu sous les meilleurs auspices.


1928/1929
Jeanne Eagels (The Letter)
Corinne Griffith (The Divine Lady)
Bessie Love (The Broadway Melody)
Mary Pickford (Coquette)
Ruth Chatterton (Madame X)
Betty Compson (The Barker)

Mon choix : Comme on s'en doute, je n'ai pas vu Betty Compson, trouvable uniquement en Californie, mais aimant l'actrice par ailleurs, j'ai toute confiance en elle. Dans l'immédiat, difficile de choisir une autre que Jeanne Eagels, pour sa performance intense et ses accents lyriques lors du procès, ce qui lui permet de finir loin devant ses consœurs. Autrement, je garde toujours beaucoup de sympathie pour Corinne Griffith chantant Loch Lomond au clair de Lune, bien qu'elle ne fasse rien d'assez spectaculaire pour vraiment mériter sa nomination, tandis que Bessie Love a le mérite d'être dynamique, mais pas forcément convaincante dans une performance laborieuse typique des débuts du parlant. Quant aux autres, on rappellera que Mary Pickford se lançait un nouveau défi, et qu'elle a au moins le mérite d'avoir essayé même si c'est raté, alors que je n'ai pas revu Ruth Chatterton depuis des lustres, quoique l'ayant trouvée soporifique et très datée lors du seul essai.

Dans l'absolu : Lillian Gish pour The Wind, l'une des plus grandes interprétations du cinéma muet, malgré une compétition brillante en face avec Betty Compson (The Docks of New York), Joan Crawford (Our Dancing Daughters)Jeanne Eagels (The Letter), Greta Garbo (A Woman of Affairs), Olga Tchekhova (Moulin Rouge) et Anna May Wong dans le grand rôle de sa vie, Piccadilly.


1929/1930
Nancy Carroll (The Devil's Holiday)
Norma Shearer (The Divorcee)
Greta Garbo (Romance)
Norma Shearer (Their Own Desire)
Greta Garbo (Anna Christie)
Gloria Swanson (The Trespasser)
Ruth Chatterton (Sarah and Son)

Mon choix : Franchement, il m'est impossible de classer ces candidates, n'arrivant vraiment pas à déterminer mes préférences entre les doubles nommées de l'année, et si je serais tenté de voter pour la délicieuse Norma Shearer pour ses mondaines épanouies qui firent les beaux jours de l'ère pré-Code, je confesse tout de même préférer ce parangon de charisme qu'est Nancy Carroll, pour une performance dynamique crevant l'écran et qui parvient presque toujours à éviter les pièges du scénario. Gloria Swanson me plaît beaucoup dans l'ouverture amusante d'un film un peu suranné, tandis que la Divine est un peu trop diva en fille des bas-fonds pour totalement convaincre dans Anna Christie, d'où ma nette préférence pour sa cantatrice pétillante de Romance, malgré un phrasé trop appuyé. Reconnaissons enfin que Ruth Chatterton ne se repose pas sur ses lauriers, bien que sa performance laisse franchement à désirer.

Dans l'absolu : Barbara Stanwyck, dévastatrice dès son premier Capra (Ladies of Leisure), malgré, une fois de plus, de brillantes alternatives telles Nancy Carroll (The Devil's Holiday), l'intense Mary Duncan (City Girl), la magnifique Janet Gaynor pour son plus beau rôle (Lucky Star), la divine Jeanette MacDonald (The Love Parade), la touchante Helen Morgan (Applause), et la corrosive Norma Shearer (The Divorcee).


1930/1931
Ann Harding (Holiday)
Marlene Dietrich (Morocco)
Norma Shearer (A Free Soul)
Marie Dressler (Min and Bill)
Irene Dunne (Cimarron)

Mon choix : Techniquement, Ann Harding donne la meilleure interprétation des cinq, au sens où elle compose réellement un personnage, mais ses envolées lyriques sont tout de même très datées, alors qu'à l'inverse, Marlene Dietrich a beau ne prendre aucun risque, elle semble néanmoins d'une plus grande fraîcheur qui me divertit beaucoup plus, même si je reconnais ses évidentes limites. Mais tout de même, quel charisme! Et si l'on est totalement sous le charme de sa personnalité cinématographique, la victoire est tentante. Quant aux autres, Norma Shearer a beau pétiller dans le registre léger de son film, elle en devient notoirement mauvaise dans la partie dramatique; Marie Dressler a dégringolé dans mon estime tant et si bien que je n'adhère plus du tout ni à sa personnalité, ni à ses grimaces, malgré un très beau sourire lumineux dans Min and Bill; tandis qu'Irene Dunne est coincée dans le plus mauvais film du lot, où elle n'a pas grand chose à faire, ce qui m'oblige à la classer dernière: qui l'eût cru?

Dans l'absolu : Je ne sais pas. Il faut choisir entre la délicieuse Ina Claire (The Royal Family of Broadway), la génialement minimaliste Marlene Dietrich (Morocco et Dishonored), la théâtrale Ann Harding (Holiday), l'amusante Kay Johnson (Madam Satan), l'exquise Jeanette MacDonald sauvant à elle seule Monte Carlo du naufrage, l'inattendue Sylvia Sidney (City Streets), et la toujours fabuleuse Barbara Stanwyck (The Miracle Woman).


1931/1932
Lynn Fontanne (The Guardsman)
Marie Dressler (Emma)
Helen Hayes (The Sin of Madelon Claudet)

Mon choix : C'est réglé, Lynn Fontanne fait la course très largement en tête grâce à une performance délicieuse et constamment drôle, un véritable petit bijou comique qui réjouit au plus haut point, surtout au regard de la sélection hautement paresseuse en face. Il faut dire que Marie Dressler refait son numéro habituel mais en moins bien, et qu'Helen Hayes est beaucoup trop théâtrale, dans un film très daté qui plus est, pour me séduire.

Dans l'absolu : Joan Crawford, volcanique et s'emparant de Grand Hôtel au nez et à la barbe de tous ses partenaires de prestige, malgré une forte concurrence de la part de Mae Clarke, sublime dans Waterloo BridgeClaudette Colbert et Miriam Hopkins dans deux des performances comiques du siècle (The Smiling Lieutenant), Marlene Dietrich, pour sa souffrance contenue et son charisme au-delà des mots (Shanghai Express), Lynn Fontanne (The Guardsman), Jeanette MacDonald, une nouvelle fois à hurler de rire dans l'exquis One Hour with You, mais encore Norma Shearer pour sa plus grande interprétation comique (Private Lives).


1932/1933
May Robson (Lady for a Day)
Katharine Hepburn (Morning Glory)
Diana Wynyard (Cavalcade)

Mon choix : Dans cette sélection maigre et peu inspirante, May Robson s'impose comme le seul choix possible par défaut. Elle livre une composition touchante, quitte à forcer dans le pathos, et reste parfaitement mémorable bien qu'elle n'ait rien à se mettre sous la dent à partir du deuxième acte. Malgré tout, sa performance reste la plus fraîche et divertissante de la sélection, tant il est impossible de se connecter aux excès de Katharine Hepburn, et encore moins à la hauteur insupportable de Diana Wynyard, une grande actrice qui aurait mérité d'être nommée pour d'autres films dans sa carrière, bien que Gaslight fût inéligible en son temps.

Dans l'absolu : Miriam Hopkins pour le sommet absolu de sa carrière dans The Stranger's Return, où contrairement à tout ce qu'on a pu dire d'elle, elle fait montre d'une subtilité et d'une retenue exemplaires. Avec, cerise sur le gâteau, Trouble in Paradise, Temple Drake et Design for Living la même saison! Qui dit mieux? Heureusement, l'année n'en reste pas moins riche avec l'inimitable Tallulah Bankhead (Faithless), la magnifique Ruth Chatterton (Frisco Jenny), la courageuse Laura Hope Crews (The Silver Cord), l'envoûtante Kay Francis (Trouble in Paradise), l'audacieuse Ann Harding (Double Harness), l'une fois n'est pas coutume cinématographique Helen Hayes (A Farewell to Arms), l'immense Mary Pickford en son chant du cygne (Secrets), l'émouvante May Robson (Lady for a Day), une Barbara Stanwyck sulfureuse à souhait dans le risqué Baby Face, et formidablement nuancée dans le savoureux Bitter Tea of the General Yen, mais encore Loretta Young pour sa grande année de cinéma avec Man's Castle et Midnight Mary.


1934
Claudette Colbert (It Happened One Night)
Bette Davis (Of Human Bondage)
Norma Shearer (The Barretts of Wimpole Street)
Grace Moore (One Night of Love)

Mon choix : J'ai du mal à me décider, étant donné la minceur de la sélection, mais je suppose que Claudette Colbert reste en tête avec It Happened One Night, de loin la performance la plus fraîche de la liste, même si elle manque du pétillant qui fait tout son charme dans d'autres rôles bien plus juteux. De fait, elle se contente d'assurer le service minimum, alors que Bette Davis prend à l'inverse un risque énorme, en composant un personnage honni par excellence, auquel elle apporte une énergie dévastatrice. Hélas, le résultat reste en demi-teinte, car autant son approche sans compromis est courageuse, autant sa démesure survoltée a plutôt mal vieilli, et apporte beaucoup de pesanteur à un film surtout sauvé par Kay Johnson. Néanmoins, elle ose sortir des sentiers battus, ce qui me donne souvent l'idée de la faire passer devant Colbert. A leurs côtés, Norma Shearer se classe troisième pour tous ses moments très bien joués dès qu'elle arrête d'agiter les bras dans tous les sens, au rythme de trémolos très datés; tandis que Grace Moore doit fermer la marche, pour une performance sympathique qui manque tout de même de relief dans le comique. Sachant que Myrna Loy était assurément cinquième grâce aux votes par écrit cette année-là, je regrette qu'elle n'ait jamais été listée ici car elle eût aisément triomphé sur mon bulletin.

Dans l'absolu : Claudette Colbert, mais pour sa Cléopâtre pétillante et royalement tragique; avec jute derrière Greta Garbo dans le rôle de sa vie, Queen Christina, et d'une modernité de jeu tout à fait exemplaire sous le couvert du Voile des illusions; Myrna Loy, sensationnelle dans la plus grande année de sa carrière, notamment louée pur son alchimie comique avec William Powell dans The Thin Man, mais plus encore remarquable dans une version tragique du couple légendaire avec Evelyn Prentice; Carole Lombard pour son premier grand rôle (Twentieth Century), Jeanette MacDonald, une fois de plus très à l'aise dans le grand rôle musical de l'année (The Merry Widow); et Margaret Sullavan, superbe de délicatesse dans le très beau Little Man, What Now?


1935
Miriam Hopkins (Becky Sharp)
Katharine Hepburn (Alice Adams)
Merle Oberon (The Dark Angel)
Bette Davis (Dangerous)
Claudette Colbert (Private Worlds)
Elisabeth Bergner (Escape Me Never)

Mon choix : Bon. Fermons les yeux et tentons d'être objectif cinq minutes. Qui préféré-je réellement? Eh bien en toute honnêteté, j'en reviens à Miriam Hopkins dans Becky Sharp, et pas parce que c'est sa seule nomination: je la trouve sincèrement délicieuse, constamment drôle dans ses excès assumés, et toujours tellement charismatique que cette performance me rappelle pourquoi j'ai aimé l'actrice instantanément. Par ailleurs, pour avoir rendu récemment visite à Alice Adams, j'avoue avoir été légèrement moins séduit cette fois-ci, Katharine Hepburn me paraissant encore trop affectée à ce moment de sa carrière, avant sa métamorphose de 1938. De son côté, Merle Oberon me charme de plus en plus dans un film sublime que j'adore, malgré deux ou trois défauts minimes qui m'ont empêché d'adorer sa performance du premier coup; tandis que Bette Davis m'a toujours fait meilleure impression pour Dangerous que dans son rôle précédent, même si ce n'est pas un très grand exploit non plus. Néanmoins, elle reste plus mémorable que Claudette Colbert dans un rôle trop consciencieusement sérieux, en dépit de quelques choix de jeu dignes d'intérêt, et qu'Elisabeth Bergner, dont la démesure ne me convainc pas, tout du moins pas dans le contexte d'un tel film.

Dans l'absolu : une année si riche qu'il conviendrait de la rendre sphérique, à savoir la diviser en drame et comédie à la manière des Golden Globes. Côté drame, on retrouverait Bette Davis pour ses deux rôles auto-destructeurs dans Bordertown et Dangerous Greta Garbo, magique Anna Karénine de cinéma ; Ann Harding, merveilleuse de retenue dans l'envoûtant Peter Ibbetson Katharine Hepburn pour les raisons évoquées avec Alice Adams ; et Merle Oberon pour le magnifique Dark Angel. Côté comédie, Miriam Hopkins y côtoierait, avec son immortelle Becky Sharp, une Marlene Dietrich non moins immorale (The Devil Is a Woman), une Jeanette MacDonald hilarante pour la dernière fois de sa carrière avec la coquine Naughty Marietta; une Anna Neagle démentielle de drôlerie dans le rôle de la favorite Nell Gwyn, et, histoire d'ouvrir enfin cette cérémonie aux interprètes non anglophones, une Lioubov Orlova tout à fait rigolote chez Les Joyeux Garçons russes. Malgré tout, je crois bien que mon choix de l'année, comique et dans l'absolu, sera Carole Lombard dans Hands Across the Table, un subtil mélange de drôlerie et de gravité qui reste sûrement son interprétation la plus nuancée.


1936
Irene Dunne (Theodora Goes Wild)
Carole Lombard (My Man Godfrey)
Gladys George (Valiant Is the Word for Carrie)
Norma Shearer (Romeo and Juliet)
Luise Rainer (The Great Ziegfeld)

Mon choix : En 1936, le meilleur de l'année fut une fois n'est pas coutume incarné par la comédie, registre où il m'est sincèrement difficile de trancher entre deux approches fort différentes, Irene Dunne ayant une transformation à opérer, ce dont elle s'acquitte divinement bien, et Carole Lombard faisant quant à elle le choix délibéré d'une idiotie exubérante qui me fait hurler de rire même après de multiples visionnages. Tout n'est vraiment qu'affaire de subjectivité dans ce cas précis. Côté drame, Gladys George sauve les meubles grâce à une performance touchante et captivante dans un film obscur, tandis que Norma Shearer a pour sa part de bons moments submergés par une approche vraiment pas convaincante d'un rôle iconique dont elle n'avait clairement plus l'âge. Enfin, la dernière fois que j'ai dit du mal de Luise Rainer, la pauvre a préféré s'en aller dans un autre monde, alors ne remuons pas le couteau dans la plaie par pitié!

Dans l'absolu : Ma revisite de Jeux de mains me permettant de voter pour Carole Lombard sans états d'âme l'année précédente, Irene Dunne conforte sereinement sa place ici pour Theodora Goes Wild désormais. Cependant, 1936 est encore une excellente année à rendre sphérique avec, côté drame, Ruth Chatterton dans un grand rôle risqué, Dodsworth Bette Davis, impressionnante avec trois fois rien dans les plaines arides de La Forêt pétrifiée Miriam Hopkins et Merle Oberon dans un grand duo élégant, These Three ; et Rosalind Russell, exceptionnelle dans la peau d'un personnage antipathique, Craig's Wife. Côté comédie, ce sont aussi les grandes heures de Jean Arthur, absolument sublime dans ce qui reste sans doute son plus beau rôle, Mr. Deeds Goes to Town ; de Marlene Dietrich, menant son monde par le bout du nez dans Desire ; de Carole Lombard dans l'une des imitations du siècle avec The Princess Comes Across ; de Myrna Loy dans une interprétation exquise et élégante, Libeled Lady ; et, à condition que le film ait été montré à Los Angeles, de la délicieuse Françoise Rosay, ahurissante en maîtresse femme capable de sauver sa ville à grand renfort de diplomatie dans La Kermesse héroïque.


1937
Greta Garbo (Camille)
Barbara Stanwyck (Stella Dallas)
Irene Dunne (The Awful Truth)
Janet Gaynor (A Star Is Born)
Luise Rainer (The Good Earth)

Mon choix : La première sélection réellement satisfaisante par ordre chronologique, où l'on retrouve avec grand plaisir trois des plus grandes actrices du monde, et une interprète habituellement peu inspirante dans son plus beau rôle. Évidemment, c'est la cinquième qui a gagné, mais je n'en dirai pas plus et me contenterai de chanter à nouveau les louanges des heureuses élues, notamment Irene Dunne et Barbara Stanwyck, sincèrement éblouissantes, respectivement dans le comique et dans le tragique, et dont le seul défaut est que leurs performances tombent l'année où la Divine a décidé de donner le meilleur d'elle-même dans un rôle ultime et indépassable. Impossible, dès lors, de ne pas voter pour Greta Garbo, mais dieu sait s'il m'est pénible de trancher!

Dans l'absolu : Greta Garbo est imbattable dans l'un des rôles du siècle, mais outre ses concurrentes exceptionnelles justement sélectionnées, Irene DunneJanet Gaynor et Barbara Stanwyck, citons encore Constance Bennett, pour son interprétation comique la plus célèbre, Topper ; Bette Davis, s'emparant d'un grand rôle de la décennie précédente, That Certain Woman, pour le remettre avec brio au goût du jour ; Olivia de Havilland, démentielle de drôlerie dans It's Love I'm After Miriam Hopkins, absolument remarquable dans Men Are Not Gods Carole Lombard, toujours très drôle dans Nothing Sacred Anna Neagle, royale de légèreté contenue dans le rôle de Victoria the Great Ginger Rogers, incroyable de charisme et de modernité dans Stage Door ; et pour une fois qu'un film japonais a été montré aux États-Unis à l'époque, l'excellente Sachiko Chiba dans Sois comme une rose.


1938
Norma Shearer (Marie Antoinette)
Bette Davis (Jezebel)
Margaret Sullavan (Three Comrades)
Fay Bainter (White Banners)
Wendy Hiller (Pygmalion)

Mon choix : Après plusieurs années d'hésitation, le choix s'impose de lui-même, tant Norma Shearer trouve le rôle de sa vie avec sa somptueuse Marie-Antoinette, une souveraine à la fois pétillante et tragique, qui n'a pour seul bémol que d'accentuer l'insouciance de la très jeune fille dans les premières séquences. Bette Davis me ravit néanmoins dans son premier très grand rôle, mais elle s'est tellement surpassée par la suite que Jezebel pâlit un peu avec le recul, malgré cette scène extraordinaire mêlant surprise et dépit en robe immaculée. Pour les trois autres, le classement est plus difficile, mais aux dernières nouvelles, je suis finalement plus séduit par la sensibilité charismatique de Margaret Sullavan, et par l'extrême consistance de l'excellente Fay Bainter, dont le seul défaut est de figurer dans un film oubliable, que par la technique pourtant redoutablement aguerrie de Wendy Hiller, qui fut un temps ma numéro 3.

Dans l'absolu : Katharine Hepburn, dantesque dans un rôle hilarant, Bringing Up Baby, et merveilleusement nuancée dans le plus beau rôle de sa carrière, Holiday. Mais la concurrence est rude, encore et toujours, avec, outre Norma Shearer et Bette Davis, toutes deux royales dans deux grands rôles à la mesure de leur talent, Claudette Colbert, très à son aise chez Lubitsch pour Bluebeard's Eighth Wife Deanna Durbin, irrésistiblement drôle et très en voix dans Mad About Music ; Myrna Loy pour son entrée en scène exceptionnelle de charisme dans Test Pilot ; et Ginger Rogers, pour sa grande année comique avec Carefree et Vivacious Lady.


1939
Vivien Leigh (Gone with the Wind)
Bette Davis (Dark Victory)
Irene Dunne (Love Affair)
Greta Garbo (Ninotchka)
Greer Garson (Goodbye, Mr. Chips)

Mon choix : Vivien Leigh dans Autant en emporte le vent, la question ne devrait pas se poser… sauf que ses concurrentes sont sublimes. En effet, l'indépassable Irene Dunne a trouvé cette année-là l'un de ses plus beaux rôles, où elle est aussi parfaite dans le registre amusant que dans un registre plus sérieux, tandis que Bette Davis est absolument exceptionnelle dans un mélodrame très à mon goût, où elle évite tout pathos avec une fougue et une vivacité extraordinaire. Vraiment, Dark Victory est de loin le plus grand rôle de son premier âge d'or, même avec les Wyler en comparaison. Autrement, la sélection reste excellente, avec une surprise irrésistible de la part de Garbo, et une révélation très charismatique de la part de Garson, hélas dans un rôle plutôt secondaire.

Alternatives : Vivien Leigh est indépassable et Bette DavisIrene Dunne et Greta Garbo ont été justement nommées, sachant que j'aurais décalé Greer Garson dans l'autre catégorie. Manquaient à l'appel Claudette Colbert, absolument magnifique dans son pic absolu (Midnight) ; Deanna Durbin, à nouveau hilarante dans son dernier grand rôle avant l'âge adulte (Three Smart Girls Grow Up) ; Merle Oberon, iconique sur la lande des Hauts de Hurlevent Rosalind Russell, démentielle dans l'interprétation comique la plus drôle du monde (The Women) ; et Norma Shearer, iconoclaste avec son accent russe dans Idiot's Delight, et non moins parfaite, quoique légèrement éclipsée par sa collègue, dans The Women, lors de sa dernière grande année de cinéma.


Pour résumer la décennie, quelques statistiques que je crois bon de partager :

Lauréates officielles : Leigh (39) > Davis (38) > Shearer (30) > Davis (35) >> Colbert (34) >>> Dressler (31) > Gaynor (28) > Hepburn (33) > Hayes (32) > Rainer (37) > Pickford (29) > Rainer (36).

Lauréates personnelles : Garbo (37) > Leigh (39) > Dunne (36) > Shearer (38) > Hopkins (35) > Swanson (28) > Fontanne (32) > Carroll (30) > Eagels (29) > Harding (31) >> Colbert (34) > Robson (33).

Lauréates dans l'absolu : Garbo (37) > Leigh (39) > Gish (29) > Dunne (36) > Stanwyck (30) > Hepburn (38) > Hopkins (33) > Crawford (32) > Pickford (28) > Colbert (34) > Lombard (35) > MacDonald (31).

Sélections: 1939 > 1937 > 1938 > 1935 > 1934 > 1930 > 1936 > 1928 > 1931 > 1932 > 1929 > 1933.


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lundi 7 septembre 2015

The King and I (1956)


Pour moi qui adore absolument les arts et cultures asiatiques, et qui ai eu la chance de vivre dans de véritables cabinets de curiosités aux chinoiseries fascinantes, tout aurait dû, en théorie, me conduire à aimer du premier coup les différentes adaptations de l'autobiographie d'Anna Leonowens au cinéma. Ce ne fut pourtant jamais le cas, essentiellement à cause de l'héroïne en tant que telle, dont le destin m'ennuie et dont la personnalité m'agace au plus haut point, la dame étant restée convaincue jusqu'au bout d'avoir apporté ses lumières au royaume de Siam, bien que l'historique des réformes ne soit apparemment pas de son fait; exemple typique de la conception occidentale des "bienfaits de la colonisation". Par bonheur, elle fut incarnée au cinéma par deux actrices capables de beaucoup d'humour et d'humanité, Irene Dunne et Deborah Kerr ayant su rendre l'héroïne éminemment sympathique, sans rien de la vieille bique qu'on aurait pu attendre. Pour comparer les deux versions, on dira que si je n'arrive toujours pas à rentrer dans celle de 1946 après de multiples essais, celle de 1956 gagne en revanche des points à chaque visite, comme si tout passait mieux en chansons. En fait, j'avais décroché de prime abord à la sérénade des amants dans les jardins, la perspective de rester concentré encore plus d'une heure vingt étant alors inenvisageable, mais une revisite quelques mois plus tard a finalement changé la donne, et je peux affirmer sans rougir que j'apprécie bien mieux le film à présent.

C'est d'autant plus extraordinaire que je ne suis vraiment pas fan des comédies musicales de Rodgers et Hammerstein, que je ne connais pour le moment que par State Fair et Carousel, bien gentils mais absolument pas mémorables, et bien entendu par The Sound of Music, dont l'adaptation cinématographique, quoique plaisante, reste beaucoup trop longue à force de faire la part belle aux petits enfants qui chantent dans la montagne: gniiiiii! D'ailleurs, je ne trouve même pas que les chansons de La Mélodie du bonheur soient si exceptionnelles que ça, puisque à part de jolis accords sur "Climb Every Mountain" et "My Favorite Things", les paroles et mélodies manquent cruellement de vivacité pour divertir comme il se doit. Tourné dix ans plus tôt, The King and I s'inscrit réellement dans la même logique: le livret comporte un esprit très bon enfant, avec tout ce qu'il faut d'humour, de gentilles gouvernantes, de patriarches bourrus débordant de tendresse refoulée et de petits enfants insupportables pour donner du baume au cœur et cibler tous les publics. Mais curieusement, l'ensemble a l'air beaucoup moins niais que La Mélodie, sans doute parce qu'hormis l'interminable leçon de géographie, l'équivalent du Do-Ré-Mi des von Trapp, et la trop longue représentation de la Case de l'Oncle Tom, préfigurant le spectacle de marionnettes du chevrier tyrolien; l'histoire cherche avant tout à développer la relation entre les deux adultes, sans trop s'attarder sur les rejetons, heureusement trop nombreux pour être le centre de l'attention. On voit ainsi les rapports entre deux fortes personnalités évoluer à mesure que se brise la glace, tout en donnant des indices sur la vie affective d'Anna à travers la furtive apparition de l'ambassadeur, et c'est évidemment mille fois plus intéressant que de la voir apprendre aux cent-cinquante enfants à servir le thé ou à placer le Siam sur une carte.

Néanmoins, l'histoire pèche par d'autres aspects, en particulier lorsque les scénaristes tentent d'aborder des questions plus dramatiques, telles la possible transformation du royaume en protectorat ou les réflexions sur l'esclavage et le concubinage, soit autant de problématiques traitées bien trop furtivement pour être crédibles, et dont certaines ne sont qu'un prétexte pour faire la fête, comme la réception des ambassadeurs. Ces interrogations sérieuses brisent en quelque sorte le ton du film, ce qui en soi n'est pas une mauvaise chose histoire de donner un peu plus de profondeur à un scénario trop enfantin, mais leur traitement très succinct apporte finalement moins de crédit à l'intrigue qu'il ne préfigure les nazis rose bonbon de La Mélodie du bonheur. D'ailleurs, la dernière partie, qui tente d'insérer un peu d'obscurité à cet ensemble chamarré, est plus ratée qu'autre chose: le chagrin du roi arrive très mal, d'autant qu'on ne peut même pas croire à ce dénouement par rapport à sa personnalité dans le reste du film. Surtout, la séquence en question dure plus de vingt minutes! Ça déséquilibre l'ensemble à un moment qui risque justement de rester davantage dans les mémoires, au point que la balance ne penche pas forcément du bon côté à l'arrivée du générique de fin. Ceci dit, les problèmes de déséquilibre étaient déjà présents auparavant, notamment avec cet interlude musical d'une douzaine de minutes sur la Case de l'Oncle Tom, une séquence captivante du point de vue de la scénographie, et pas mal écrite du tout puisque ça résout deux ou trois points mineurs évoqués dans la leçon de géographie, mais dont la durée donne vraiment l'impression que les scénaristes n'avaient plus rien à raconter dans la deuxième heure, au point de faire durer toutes les séquences concernées beaucoup trop longtemps. Sans mentir, les principaux rebondissements se bousculent tous dans la première partie et seules les cinq minutes consacrées à Tuptim font vraiment avancer l'histoire dans la seconde. Curieusement, c'est exactement la même chose avec The Sound of Music, où non seulement les péripéties essentielles arrivent uniquement avant l'entracte, mais où toutes les chansons arrivent également avant la coupure du milieu! Par bonheur, The King and I évite cet écueil avec une meilleure répartition des musiques, même si l'interlude de l'Oncle Tom est trop long en soi.

La musique, justement, constitue la clef du film, mais force est de reconnaître qu'à ce niveau, ce n'est qu'à moitié réussi. En fait, comme pour La Mélodie du bonheur, j'ai bien du mal à trouver les airs mémorables, au point que seuls trois d'entre eux parviennent à rester en tête après coup: "I Whistle a Happy Tune", le plus sympa sur le plan mélodieux, "Getting to Know You", trop répétitif mais comportant de jolis accords, et "Shall We Dance?", aux paroles atrocement crispantes mais dont la mélodie est facilement mémorisable. Autrement, le reste se partage entre l'insipide le plus pur ("Hello, Young Lovers" ou "We Kiss in a Shadow") et l'affreusement paresseux ("A Puzzlement" et "Something Wonderful", qui ne sont ni bien interprétés, ni même agréables à l'oreille), si bien que la marche des enfants est par comparaison nettement plus marquante, bien que ce ne soit dans le fond qu'une ritournelle beaucoup trop longue. Disons clairement que pour une comédie musicale, on reste légèrement sur sa faim, même si ces airs assez peu digestes sont heureusement compensés par un véritable sens de la mise en scène qui sait donner du peps au film, là où un simple récital aurait ennuyé dès les premières minutes. En effet, entre la polka finale et les danses typiquement siamoises de l'Oncle Tom oriental, on ne s'ennuie jamais tant les chorégraphes savent comment occuper l'espace, et même les morceaux les moins exigeants parviennent à être inventifs, comme lorsque Deborah Kerr bouge au milieu des enfants en pleine leçon, ou lorsque la progéniture du roi vient se présenter à la gouvernante en un mouvement où chaque petit figurant esquisse un geste particulier afin d'aérer cette séquence beaucoup trop longue. On retient d'autant plus ces chorégraphies grâce aux cadrages et éclairages de Leon Shamroy, le format Cinemascope servant d'ailleurs parfaitement les mouvements des personnages, même lorsque ceux-ci se contentent de marcher.


Cette réussite photographique me fera notamment avouer que si le film me plait autant, c'est bien parce qu'il s'agit avant tout d'un éblouissement visuel difficilement inégalable, tout du moins pour moi qui adore les décors asiatiques. Or, je suis servi. Entre les fontaines, les statues de lion, les colonnes gigantesques, les panneaux vernis et le cabinet de travail du roi, l'excitation est totale, et ce d'autant plus que l'équipe a fait le choix judicieux d'utiliser une couleur par pièce, de quoi dynamiser considérablement le propos alors qu'on passe parfois plus de dix minutes dans une même salle. Et outre les tons jaunes de la cour d'audience ou le rose de la salle d'étude, le simple fait de changer les dégradés de bleu derrière les fenêtres en fonction de l'heure augmente le plaisir, et donne envie de faire des centaines de captures d'écran. Il en va de même pour les costumes, franchement merveilleux, surtout la robe de bal d'Anna dans la deuxième partie, et chaque mouvement de crinoline rend la démarche de Deborah Kerr absolument gracieuse, ce qui correspond tout à fait à la personnalité de l'actrice mais aussi à celle de l'héroïne.

La star britannique est en effet idéalement distribuée dans le rôle, tant les personnages de gouvernantes ou d'enseignantes semblent lui être consubstantiels (The Chalk Garden, The Innocents, voire Young Bess et Black Narcissus dans une certaine mesure), et on ne saurait franchement rêver meilleure Anna tant l'actrice frappe par son maintien et son charisme, tout en sachant nuancer cette impression de perfection en ajoutant beaucoup d'humour au rôle, notamment lorsqu'elle joue à se mettre à quatre pattes devant le roi. Elle a également conscience de l'esprit très bon enfant de l'histoire, et son jeu est en parfaite harmonie avec la tonalité du film, à l'image de toutes les scènes où elle doit rassurer d'autres personnages, qui seront finalement tous sa "tasse de thé", comme le précisent les paroles de "Getting to Know You". Cependant, Deborah Kerr est évidemment trop bonne actrice pour se contenter de rester uniquement dans un même registre, aussi n'hésite-t-elle pas à révéler d'autres facettes de la personnalité d'Anna, qu'il s'agisse pour elle de tenir tête au roi, de se mettre en colère par moments, voire de se retirer dans ses appartements en boudant avec grâce, à l'image de ce superbe regard riche en émotions qu'elle lance à Lady Thiang lorsque celle-ci vient la supplier d'être plus à l'écoute du roi. Enfin, l'actrice souligne à merveille le réchauffement des relations entre ces deux fortes têtes, allant jusqu'à insérer une petite dose d'érotisme à leur polka à la manière dont elle cherche à reprendre son souffle, après que les corps se soient dangereusement rapprochés lors d'un tourbillonnement dynamique sur le marbre de la grande salle. Finalement, Deborah rend l'héroïne éminemment sympathique, sans jamais appuyer sur le côté un tantinet prétentieux de la dame, si bien que non contente de porter la moitié du film sur ses épaules, c'est bel et bien elle qui donne envie d'entrer dans l'histoire et de découvrir la suite.

Il faut dire qu'en face, Yul Brynner est franchement agaçant dans un rôle à clichés dont il ne montre que la surface, au point qu'on ne voit plus que les ficelles de son jeu sans jamais pouvoir s'immerger dans la pensée ou le ressenti du roi. Ainsi, Brynner ne donne aucune dimension à son personnage, préférant tout miser sur sa diction irritante et son accent peu crédible, usant et abusant de formules toutes faites qui ne font même pas sourire ("et cetera, et cetera, et cetera"), et ratant totalement sa dernière grande scène en suggérant à peine l'abattement d'un roi plus effervescent qu'attristé. En fait, seule son alchimie avec Deborah Kerr parvient à donner des points à son interprétation, mais dans l'absolu, c'est loin d'être une grande performance d'acteur. A vrai dire, même son chant laisse à désirer, un comble en partie imputable aux chansons inintéressantes attribuées à son personnage, lesquelles ne sont d'ailleurs pas très difficiles d'un point de vue technique. C'est en fait le cas pour toutes les chansons du film, et l'on se demande bien pourquoi les producteurs ont tant tenu à faire doubler Deborah Kerr par Marni Nixon, même si la célèbre voix hollywoodienne assure, il faut le reconnaître, une bonne continuité vocale avec les intonations parlées de la star du film. On louera tout de même la capacité de Nixon à rester beaucoup plus mémorable quoique invisible que tous les seconds rôles réunis, Rita Moreno étant assez mauvaise à surjouer les demoiselles en détresse, Carlos Rivas totalement insipide en amoureux transi, et Terry Saunders, Alan Mowbray, et Geoffrey Toone se faisant largement éclipser par les protagonistes. Seul Martin Benson a le temps de laisser une petite empreinte grâce à son personnage de ministre rigide, mais on notera par ailleurs qu'Anna est affublée d'un enfant qui disparaît pendant les trois quarts du film avant de réapparaître à la fin comme par magie. Sans blague, même la figurante qui joue Eliza sur scène a plus de temps d'écran dans sa séquence de douze minutes que le garçonnet en deux heures et demie. En somme, le film appartient vraiment à Deborah Kerr sur le plan de l'interprétation, et rendons lui grâce de tenir la dragée haute à une débauche de décors et de costumes tous plus éblouissants les uns que les autres, lesquels n'arrivent jamais à lui voler la vedette malgré leur fort pouvoir de séduction.


Séduisant restera ainsi un bon mot pour qualifier Le Roi et moi, pour peu qu'on fasse l'effort de lui redonner une chance si l'on n'était pas d'humeur la première fois. En outre, malgré son esprit bon enfant qui évite le tragique de la version Irene Dunne, elle-même aussi parfaite que Deborah Kerr mais dans un film qui m'a toujours ennuyé, The King and I parvient finalement à me divertir bien davantage que cette autre adaptation, ce qui est tout à son honneur sachant mes grandes réserves quant aux comédies musicales de Rodgers et Hammerstein. J'ai d'ailleurs beaucoup comparé cette histoire de roi siamois à la mélodie autrichienne sans rien dire de l'esprit des réalisateurs, respectivement Walter Lang et Robert Wise, mais c'est aussi qu'on ressent nettement plus l'influence du livret de départ dans ces films que la marque de metteurs en scène s'étant contentés de les filmer assez joliment. Quoi qu'il en soit, ces deux très gros succès musicaux des années 1950/60 restent fort plaisants, mais si je pense être plus volontiers charmé par The Sound of Music rapport à son casting, The King and I évite pour sa part certaines niaiseries, d'où mon envie de lui mettre une meilleure note. Comme tout n'est pas parfait malgré la réussite technique, je pensais en rester à un bon 6/10, mais venant juste de mettre la même note aux Dix Commandements, pourtant beaucoup moins bien filmés et atrocement pédants, je considère de plus en plus de monter jusqu'à un petit 7, à moins que je n'enlève un point au DeMille qui m'a vraiment déçu la dernière fois. Ces histoires de notations n'ont finalement pas grande importance, et Le Roi et moi restera un plaisir visuel qui divertira allègrement le temps d'une soirée, ou le temps d'une polka, c'est au choix!

samedi 5 septembre 2015

Les Dix Commandements (1956)


Dans ma revisite des films de 1956, Les Dix Commandements furent un passage obligé. Pour quel ressenti? Voyons ça en dix points.

Tu ne traîneras point trop en longueur. Passe encore que l'entracte et les génériques durent dix minutes chacun, les panneaux comportant de jolies couleurs assez variées qui divertissent malgré tout, mais quatre heures de film? C'est bien trop long. C'est d'autant plus dommage qu'hormis les scènes de foules, effectivement spectaculaires à l'image des préparatifs de l'exode aux mille couleurs, la plupart des séquences d'intérieur sont filmées comme une pièce de théâtre, et n'était le dynamisme de certains acteurs, on finirait sincèrement par décrocher à passer plus de dix minutes dans la même salle, à écouter des gens se prendre très au sérieux en parlant religieusement, tout du moins dans la première partie.


Tu feras preuve d'un peu plus d'humilité. Honnêtement, pour moi qui n'ai jamais lu aucun texte sacré, je ne suis pas mécontent qu'on me précise dans le générique de quel passage des écritures l'épisode relaté est tiré. Ça donne des pistes à creuser pour étoffer ma culture historique et philosophique, et je ne vais certainement pas m'en plaindre. Mais que Cecil B. DeMille vienne en personne m'expliquer pendant cinq minutes que Son film est extrêmement important et novateur, et me dire que je m'apprête à voir un chef-d’œuvre comme je n'en avais jamais vu jusqu'alors, non merci. Ça tourne même méchamment à la pédanterie lorsque tout ça est répété deux minutes plus tard dans le déroulement des crédits, où, sous le nom du réalisateur écrit en police 180, la notice nous précise bien que "ceux qui regarderont ce film, produit et réalisé par MOI, feront un pèlerinage sur les lieux mêmes où évolua Moïse 3000 ans plus tôt." Rien que ça! Ce n'est d'ailleurs pas vrai, la preuve avec le troisième commandement:

Tu n'abuseras pas trop des effets spéciaux. D'accord, je reconnais que ce devait être impressionnant sur grand écran en 1956, je ne remets pas ça en cause, et voir les bâtons se transformer en cobras, la mer Rouge s'ouvrir majestueusement et le feu sacré inscrire les commandements sur la pierre reste finalement divertissant. Mais ce qui m'agace par-dessus tout, c'est cette manie d'incruster les images en arrière-plan, même pour montrer des choses moins spectaculaires, si bien que tous les personnages au premier-plan sont constamment cernés de bleu. La technique n'est donc pas tout à fait au point, et le fameux voyage en Egypte et au Sinaï est objectivement remplacé par un voyage dans les studios de la Paramount. C'est déjà pas mal, certes, et les prises de vues réelles dans les monts du Proche-Orient, bien qu'incrustées après coup derrière les acteurs, font tout de même leur petit effet, d'autant qu'on ne peut pas demander à un film de cette époque d'atteindre le même niveau d'illusion que les productions contemporaines. Malgré tout, la Cléopâtre du même DeMille, intégralement tournée en studio vingt-deux ans plus tôt, créait une bien meilleure illusion avec seulement quelques décors, et ces Dix Commandements auraient pu se contenter des effets spéciaux propres à la magie biblique, sans se croire obligés de projeter des images plus quotidiennes, tel le chantier, sur un fond d'écran tout bleu où chaque interprète a l'air d'un halo ambulant.

Tu utiliseras mieux tes décors. Peut-être qu'en soi, les décors sont bien travaillés, mais à la façon dont ils sont filmés, tout sonne faux dès le départ, et ça sent le carton-pâte à plein nez. Sincèrement, les roseaux et nénuphars de l'ouverture ont l'air d'être en plastique, les multiples statues de lions ne font pas authentiques du tout, et même les nombreuses colonnes des temples et palais ne semblent pas avoir grand-chose d'égyptien. A vrai dire, même les fuseaux de laine de Séphora ressemblent avant tout à de la barbe-à-papa, et seules les maisons en briques sonnent finalement à peu près juste. Pour en revenir à Cléopâtre, l'Egypte vue dans les années 1930 semblait cent fois plus cinématographique avec pourtant moins de décors, mais cette Egypte-là sent le studio à plein nez. C'est flagrant lorsque l'on compare Les Dix Commandements avec les autres grandes fresques colorées de 1956. En effet, quand je regarde Le Roi et moi, j'ai réellement l'impression d'être en Thaïlande malgré la débauche de décors un peu trop surchargés. Quand je regarde la deuxième partie de Géant, je n'ai jamais l'impression d'être dans un studio, mais bel et bien dans un grand hôtel au Texas. Et dans les scènes d'intérieur de Friendly Persuasion? J'arrive totalement à m'immerger dans une maison américaine de la guerre de Sécession. Quant au pique-nique champêtre entre Vincent van Gogh et sa cousine dans Lust for Life, séquence manifestement tournée en studio avec les arbres peints au fond, je n'ai aucun problème à me croire réellement dans un verger brabançon. Mais dans Les Dix Commandements, je me sens uniquement devant une scène, où même les couleurs des murs sont trop criardes pour être honnêtes. Je n'arrive dès lors pas à déterminer si le problème vient de la décoration ou de son utilisation par DeMille.


Tu ne te laveras point les cheveux dans la farine. Autre catégorie technique qu'on a du mal à prendre au sérieux, la manière dont les personnages sont coiffés pose un gros problème de crédibilité. Sérieusement, c'est quoi cette barbe peinte à la farine? Maquillé de la sorte, Moïse a moins l'air d'un prophète que d'un apprenti cuistot qui aurait renversé des ingrédients partout, et son vieillissement est encore pire, avec ces kilos de tissus blancs qui le font davantage ressembler au frère caché des rois mages et du Père Nöel qu'à un vieillard qui vient d'errer quarante ans dans le désert. En toute honnêteté, le joli blanchiment de cheveux de Liz Taylor et Rock Hudson dans Giant renvoie Moïse à un carnaval de cour de récréation, et même James Dean a l'air plus crédible vieux que Charlton Heston la même année. Par contre, les perruques brunes que portent toutes les actrices blondes afin d'avoir l'air égyptiennes ne posent nullement problème, et c'est plutôt bien trouvé de ce côté-ci.

Tu éclairciras mieux le parcours de tes personnages. Comme précisé plus haut, je n'ai jamais lu les Testaments, qu'ils soient ancien ou nouveau, et je ne sais pas si le récit est clair concernant les héros, mais en l'état, le scénario pose problème sur plusieurs points. Premier exemple: Bithiah. Depuis quand est-elle veuve? Comment justifie-t-elle qu'un bébé lui soit sorti du ventre comme par magie alors que son mari est enterré depuis au moins un certain temps? Ce point est essentiel car son frère, le pharaon Séthi Ier, ne doute jamais que Moïse soit bel et bien son fils à elle. Sachant que le nourrisson a été allaité par sa vraie mère, Yochabel, comme Memnet le révèle plus tard, imagine-t-on Bithiah arriver en cour un beau jour en montrant un fils dont nul n'avait entendu parler jusqu'alors sans que personne n'ait de soupçons? Le scénario ne se pose pas de questions à ce niveau-là, mais ça me fait personnellement tiquer. Deuxième exemple: Moïse. Après avoir retrouvé sa véritable famille, le prince décide du jour au lendemain de devenir esclave. Outre le fait que Charlton Heston ne suggère en rien le conflit intérieur qui devrait théoriquement affecter le héros (mais ce n'est pas le propos: il s'agit d'aller directement à l'essentiel en présentant un personnage héroïque, et on imagine mal DeMille donner une profondeur psychologique à une histoire qu'il prend manifestement au premier degré, ou tout du moins très au sérieux), nous nous retrouvons donc avec un Moïse qui s'en va couler des briques comme si de rien n'était après seulement une unique nuit qui aura bouleversé son existence. Oui, mais personne au palais ne s'interroge sur la disparition du prince? Lorsque celui-ci fait son retour couvert de boue pour révéler la vérité au pharaon, il est clair que Séthi ne savait pas que son neveu était parti rejoindre les esclaves. Mais sur le chantier, comment se fait-il que Baka, qui a côtoyé Moïse au quotidien depuis le début, ne reconnaisse pas le prince à deux mètres, avec juste un peu de boue sur le nez, alors que Néfrétiri parvient à le retrouver du premier coup parmi des milliers d'esclaves? Vous allez me dire que je m'égare sur des détails ultra mineurs, mais ça m'a réellement posé problème lors du visionnage. Je conclurai en signalant que les soldats lancés à l'assaut des Hébreux en pleine mer Rouge ne pensent tout simplement pas à s'enfuir en voyant les eaux se refermer sur eux, pas même les plus proches de la berge. Ça tient évidemment aux effets spéciaux, mais ça n'empêchait pas qu'un ou deux figurants esquissent un geste de repli au lieu de rester là à attendre sans rien faire. Autrement, l'histoire se suit avec intérêt dans les grandes lignes, tout n'est pas à jeter non plus, loin de là!

Tu dirigeras mieux tes acteurs. Outre mon indifférence non feinte pour Charlton Heston, un acteur à mon goût très limité et se contentant de jouer au héros sans jamais esquisser la moindre nuance ni le moindre embryon d'interrogation ou de complexité (la scène improvisée du parfum dans The Naked Jungle reste son sommet), admettons malgré tout que l'interprétation dans le film contribue à renforcer l'impression de fausseté engendrée par les décors: à force de théâtralité exacerbée, on voit trop les ficelles pour pouvoir s'immerger réellement dans un film qui aurait gagné à laisser un peu plus de naturel venir à soi. Par exemple, Yul Brynner est bien meilleur ici dans le rôle qui lui valut son Oscar la même année, The King and I, encore que sa performance dans Anastasia reste à mon avis sa meilleure; mais il est simplement méchant, sans nuances ni subtilité. On lui reconnaîtra tout de même beaucoup de panache et un regard perçant ravageur, mais on ressent finalement peu d'humanité chez le personnage, pas même lorsque les drames le touchent alors qu'il garde un air teigneux et renfrogné. Dans la version animée de 1998, Moïse et Ramsès sont présentés de prime abord comme très proches et toujours prêts à faire les 400 coups ensemble, ce qui leur donne non seulement de l'humour, mais aussi de la complexité à mesure que leurs relations se détériorent. Le scénario de 1956 ne donne néanmoins pas à Yul Brynner une telle piste à exploiter: comme précisé plus haut, il faut aller à l'essentiel et différencier très vite le héros du méchant, si bien que l'acteur joue à l'antagoniste dès sa première apparition. Le seul avantage, cocasse, que lui offre le scénario d'un point de vue contemporain, c'est que Ramsès gagne malgré tout la sympathie du spectateur, mais par défaut, face au prosélytisme irritant de Moïse qui se balade de pièce en pièce comme un petit oiseau pour faire la morale à tout le monde, dans la seconde partie. Et je sais bien, Moïse harcèle Ramsès pour sauver son peuple, mais ça ne l'empêche nullement de faire autant de mal que son rival en étant d'autant plus agaçant, et si c'est en plus pour finir par lâcher les Hébreux dans le désert sans esquisser le moindre pardon, tout ça parce qu'ils se sont laissés tenter une fois en son absence, c'est bien la peine de se poser en grand moralisateur sur son piédestal.

Autrement, les seconds rôles sont très quelconques: Edward G. Robinson et Vincent Price sont juste méchants, John Derek franchement insipide, et Cedric Hardwicke bénéficie d'une scène de mort particulièrement risible dans ses accents mélodramatiques. Martha Scott est quant à elle assez mauvaise à force de réciter de façon très théâtrale un texte pas du tout subtil à l'origine, tandis que les autres actrices ont pour leur part été recrutées en fonction de leur tour de poitrine, parfois pour le meilleur (une Yvonne de Carlo aussi jolie que charismatique même si elle n'a pas grand chose à faire, à part tenir tête à l'ouragan Anne Baxter), parfois pour le pire (Debra Paget qui attend seulement que Joshuaaaaaa (!!!) vienne la sauver). Entre les deux, Judith Anderson est sèche à souhait dans un rôle de servante maussade qui ne s'embarrasse pas de subtilité. Par ailleurs, il aurait été préférable, également, de dire aux figurants de se calmer cinq minutes, parce qu'entre le vieillard qui danse dans le grain comme s'il avait vu Dieu avant Moïse, et le pépé qui passe dans la foule en criant "Moïse" comme s'il appelait sa bien-aimée, ça prête plus à rire qu'autre chose.


Tu renommeras ton film "The Anne Baxter Show". Cependant, si le film ne brille pas par son interprétation, ce n'est pas un si gros problème que ça, puisque Anne Baxter est là pour ne faire qu'une bouchée de tous les autres acteurs, au point de nous faire oublier à quel point certains sont mauvais. En fait, on aurait même pu enlever les décors, les costumes et tout le reste de la distribution pour la placer seule sur une scène vide que ça n'aurait pas changé grand chose: elle en fait tant et tant qu'elle dynamise le film à elle seule, si bien qu'on ne voit vraiment plus qu'elle. Mais est-ce une bonne chose pour autant? L'ennui, c'est qu'on assiste à un récital de ce que l'actrice sait faire: un regard inquiet par-ci, une moue provocante par-là, et une larme sur une joue, au choix; mais l'actrice est toutefois incapable de se maîtriser, se vautrant parfois dans des flots de ridicule particulièrement gênants, à commencer par sa diction quelque peu outrée, avec ses fameux "Môôôsssssseeeeees!!!" énoncés à la manière d'une rock star en fin de vie. Sinon, sa performance est assez limpide: elle joue à la fille riche et capricieuse qui s'amuse à titiller tout le monde, tout en soulignant son amour pour Moïse sans pour autant cesser de jouer avec lui, et elle bénéficie d'autant de scènes mal maîtrisées dans leurs excès que de séquences très bien jouées, telle la mort du pharaon. Disons que c'est moins une performance qu'une démonstration de charisme, mais ça a tout de même quelque chose d'addictif dans son caractère très spécial. J'aurais même pu trouver cette interprétation franchement excellente... si Anne Baxter avait donné exactement la même dans une comédie!

Il n'y a qu'à comparer son jeu avec celui de Nina Foch dans le même film pour réaliser à quel point la seconde avait une longueur d'avance sur sa consœur. En effet, Nina Foch tombe pour sa part toujours juste même quand elle doit exprimer ses émotions avec force, et son grand moment qui la voit évoluer, inquiète, entre la maison de Yochabel et le palais est extrêmement bien joué, l'actrice sachant marquer les esprits sans jamais dépasser la dose prescrite par le bon sens, et se payant même le luxe d'ajouter de la dureté à la sympathie qu'elle dégage de prime abord. En définitive, je suis beaucoup plus intéressé par la mère digne que par la fiancée capricieuse, de quoi plomber d'autant plus mon ressenti envers Anne Baxter, quoique Nina Foch n'ait absolument rien à faire dans la seconde partie. Franchement, j'aurais adoré la voir s'interposer entre les Hébreux et les chars de Ramsès, ou la voir tenter de raisonner les croyants lors de l'épisode du veau d'or, mais le scénario préfère réduire ces scènes-là à un unique plan, ce que je comprends vu que Bithiah n'est pas un personnage central, même si ça me fait rester sur ma faim.


Tu feras malgré tout un joli spectacle. Bon, j'ai beau avoir pas mal de réserves sur le film, ça reste un très grand divertissement que j'ai pris plaisir à revoir, et force est de reconnaître que c'est aussi bien plus excitant que d'autres péplums de l'époque, comme l'insipide Alexandre le Grand de la même année, pourtant d'esthétique plus cinématographique que le DeMille en question. Certaines images des Dix Commandements sont d'ailleurs mythiques pour de bonnes raisons, tel Moïse commandant l'ouverture de la mer Rouge, mais je suis pour ma part encore plus séduit par les scènes de foule, en particulier par les préparatifs de l'exode, avec tous ces figurants s'échangeant des objets chamarrés aux portes du désert. Voilà qui fait rêver et voyager. Par contre...

Tu arrêteras cinq minutes avec les jolies danseuses. Certes, c'est bien sympa de caser des scènes de danses exotiques depuis le début, mais la recette commence un peu à tourner à vide chez un réalisateur qui n'hésite pas à en rajouter une couche ici, entre les Éthiopiennes, les Égyptiennes et les Israélites en pleine orgie autour du veau d'or. Une fois de plus, tout est prétexte à assouvir des fantasmes de vieux barbon, mais quelqu'un a-t-il pensé à dire à DeMille que toutes les filles de l'Antiquité n'avaient pas pour seul objectif que de participer à des orgies?

Les Dix Commandements restent alors un spectacle assez intéressant qui pèche néanmoins par bien des aspects, de quoi me conduire à être moins indulgent avec l’œuvre que je ne le fus par le passé. Pour l'effort et la volonté d'en mettre plein la vue par des effets spéciaux novateurs pour l'époque, et parce qu'il y eut tellement pire en 1956, j'en resterai à un modeste 6/10. Je reconnais également avoir eu des attentes déplacées à l'égard d'un sujet qui n'avait pas pour but de présenter des héros follement complexes. On ne m'empêchera pas de penser, tout de même, qu'il aurait été nettement plus intéressant de prendre du recul face au récit sacré au lieu de tout raconter au premier degré. Je ne sais néanmoins pas ce qu'ont donné les adaptations suivantes: quatre heures de DeMille m'ont diverti pour les dix ans à venir sur la question!