mercredi 24 août 2016

Les Mines du roi Salomon (1950)


Etant bloqué dans ma motivation pour 1946 (sur mon programme, c'est l'heure de Centennial Summer et Scandal in Paris qui ne me tentent pas du tout pour une revisite, et je ne me sens pas le courage de revoir Utamaro dans une version aux sous-titres décalés), j'ai décidé de passer la journée en Afrique, en commençant par Les Mines du roi Salomon, un film de Compton Bennett, remplacé en cours de tournage par Andrew Marton, apparemment sur demande de Stewart Granger qui ne pouvait s'entendre avec le premier. Deborah Kerr complète la distribution bien qu'il n'y ait pas de personnage féminin dans le roman: le changement est hélas peu excitant une fois le film lancé, la faute à une histoire qui ne sait pas vraiment comment exploiter son aventurière.

Evidemment, selon le film, une femme ne peut aller explorer l'Afrique au XIXe siècle que pour une seule et unique raison: retrouver son mari explorateur égaré dans la zone inexplorée à l'est du futur Congo. En outre, l'époux était parti à la recherche des mines de diamants du légendaire roi Salomon (qui n'aurait pas du tout vécu en Afrique mais au Proche-Orient...), de quoi rendre les recherches d'autant plus alléchantes. Malheureusement, on restera sur sa faim dans les deux cas: le film n'est qu'un long safari où les Anglais ne semblent jamais se soucier de leur proche disparu, et la mine de diamants n'est finalement une motivation pour personne. Concernant l'héroïne, le scénario prend tout de même soin de préciser qu'elle cherchait davantage à se fuir elle-même qu'à retrouver son mari, ce dont on se doutait depuis un bon moment vu son peu d'enthousiasme tout au long de ses recherches. Concernant les mines, les diamants sont hélas de la vulgaire verroterie éclairée par des lampes multicolores, et c'est flagrant. On se retrouve dès lors avec une histoire basique au possible sur la tension sexuelle entre la dame anglaise bien habillée et son guide bourru qui passe son temps à mépriser ses manières. Mais pour le reste? Aucun ornement n'est susceptible d'enrichir ces aventures: le frère qui accompagne la troupe est lisse à mourir, et les personnages africains sont relégués au second plan. Il paraît d'ailleurs qu'Umbopa, le mystérieux inconnu qui tient à se joindre à la troupe, est à l'origine l'un des héros du livre, mais c'est à peine si on arrive à le distinguer tout au long du film... Les Mines du roi Salomon ne sont dès lors pas autre chose qu'un très long safari destiné à faire rêver les spectateurs occidentaux.

Pour être honnête, cet aspect là est réussi. En effet, si l'histoire ne raconte rien, la caméra de Robert Surtees nous offre de très jolies images exotiques pour compenser, et l'on n'en demande pas plus. Comme tous les enfants qui ont rêvé d'aventures, nous sommes surtout là pour voir des paysages, des coutumes locales et des vêtements colorés, ce dont le voyage n'est pas avare. Pourtant, bien des scènes ont été tournées aux Etats-Unis pour des raisons de budget, à l'image de la grotte et du désert filmés au Nouveau-Mexique, mais ce n'est nullement dérangeant: ces lieux revêtent une incomparable beauté qui donne bien du souffle à l'intrigue. Les paysages africains constituent tout de même le clou du spectacle, à l'image de la savane se détachant sur un ciel d'un bleu éclatant, de la rivière où se reflètent des nuages rafraîchissants, ou du plateau tempéré qui ressemble à la campagne anglaise. Deborah Kerr souffre d'ailleurs très bien lors de son périple afin de nous faire ressentir les dangers et les effets de la chaleur, de quoi ajouter une bonne touche d'angoisse à ces cadres idylliques. Les vêtements colorés et les maisons en paille ajoutent quant à eux au charme de l'ensemble.

Mais tout de même, bien qu'on ne puisse reprocher à cette histoire coloniale d'être anglo-centrée, il reste fort dommage que les peuples africains ne soient là que pour faire joli. Comme je le disais, Umbopa ne doit pas prononcer plus de dix mots et se contente de marcher derrière la troupe, avant d'avoir droit à un mini développement personnel recalé dans les cinq dernières minutes; et quand il doit y avoir des morts, ça concerne toujours les porteurs noirs. A vrai dire, lorsque le meilleur ami du guide est tué à son tour, celui-ci ne semble pas s'en émouvoir outre mesure, et quand tout le monde devrait faire preuve de bon sens en s'abritant derrière des rochers lors de la débandade des ongulés, les deux personnages qui paniquent et se font écraser sont des porteurs de la région, qui ont pourtant déjà vu un feu de brousse et ne devraient donc pas réagir comme ça. Mais je suppose que le film avait besoin de son quotas de colonisés idiots pour glorifier l'image des blancs par contraste... On notera d'ailleurs que l'insupportable héros est toujours là pour donner des ordres, même dans les régions où il n'a jamais mis les pieds. Ainsi, en voyant les montagnes jumelles au bout du désert, il est capable d'évaluer la distance à parcourir bien qu'il ne soit jamais venu ici avant. Le pauvre Allan Quatermain perd encore un précieux capital sympathie en mobilisant tout un imaginaire viril assez ridicule, sortant toujours de sa tente torse-nu un revolver à la main pour protéger sa cliente... Autant je trouvais Stewart Granger séduisant dans Scaramouche, autant je le trouve lisse et passablement grotesque ici... Seule sa gentillesse envers les animaux pourrait nous mettre de son côté, mais c'est à double-tranchant: il ne tue pas les éléphants, mais il regarde ses clients les massacrer sans sourciller. Bref, Allan n'est pas un héros attachant, loin de là, à tel point que, vu l'inanité totale de son histoire d'amour peu crédible avec Elizabeth, et étant donné l'incroyable inutilité des fameuses mines dans la narration, on regrette que le film ne se soit pas recentré sur Umbopa et sa reconquête du pouvoir. C'eût été audacieux, mais évidemment, nous sommes dans un film américain des années 1950.

Autrement, Deborah Kerr n'a rien à faire à part souffrir plus ou moins élégamment et... se couper les cheveux. La scène aurait apparemment fait hurler de rire les spectateurs de l'époque, puisqu'elle ne sait visiblement pas comment se servir de ciseaux, bien qu'on la retrouve impeccablement coiffée dans la scène suivante. Par ailleurs, force est de constater que le seul personnage maladroit de la troupe est précisément... la femme! Elle est la seule qui tombe dès qu'elle fait un pas, afin de permettre au héros de venir la secourir toutes les cinq secondes, ce qui est affligeant. Pour le reste, sa performance n'a pas grand intérêt: elle est éclipsée par les animaux du safari (j'adore le plan sur les autruches cernées par deux grands arbres devant la savane), et elle ne crée pas une alchimie foudroyante avec Stewart Granger. Leur relation orageuse en paraît d'autant plus plaquée. Malgré tout, il ne faut pas s'attarder sur les défauts du film: on est surtout là pour voir de jolies images, et le pari est totalement réussi de ce point de vue; et ce jusque dans la composition du cadre à la façon dont sont positionnés arbres ou roches. Mais c'eût été plus intéressant avec un peu plus d'émotions, ne serait-ce qu'à travers le faux prétexte de l'héroïne par rapport à son mari, ou à travers la douleur de la perte d'un ami cher pour le héros. L'absence de musique n'est en revanche pas du tout gênante: ça renforce même la magie des lieux. 6/10.

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