mercredi 3 août 2016

Tomorrow Is Forever (1946)


Et hop! Un nouveau Claucol au compteur, grâce à Tomorrow Is Forever, un film d'Irving Pichel (The Most Dangerous Game), où la divine actrice donne la réplique à Orson Welles. L'histoire est une sorte de Retour des cendres inversé, celle d'un homme défiguré lors de la première guerre mondiale, qui ignorait que sa femme était enceinte à son départ, et qui revient vers elle avec un nouveau visage à la veille de la seconde. Le croyant mort, celle-ci s'est remariée entre temps... Doit-il lui faire savoir qui il est, quitte à briser le ménage heureux s'étant formé depuis?

Si le synopsis revêt un aspect un peu mélodramatique (après tout, le roman de Gwen Bristow a été adapté par Lenore Coffee, l'auteur des scripts les plus ahurissants de Bette Davis: The Great Lie, Old Acquaintance, Beyond the Forest), l'intrigue se suit en fait avec grand intérêt. Il se dégage du film une réelle sensibilité, le mérite en revenant principalement aux acteurs, qui évitent constamment une sentimentalité excessive. Ce drame incroyable est alors constamment rafraîchi, et tant mieux, malgré un épilogue un peu décevant. On regrettera surtout que rien dans cet ensemble ne soit vraiment mémorable: on ne s'ennuie pas, les interprètes font de leur mieux et il y a en outre de jolies images, mais on ne ressort pas de l'expérience avec le sentiment d'avoir vu un grand film. Ça vient peut-être de la mise en scène, pas vraiment brillante, alors qu'un réalisateur plus audacieux aurait sans doute donné plus de souffle à l'intrigue. Ici, on doit se contenter d'une apparition fantôme dans un miroir pour enclencher le seul flashback du film, d'une descente d'escaliers pour donner un peu d'épaisseur aux retrouvailles, et d'une scène assez touchante où Elizabeth, qui ne sait toujours pas qui elle a devant elle, tend la main à son premier mari qui hésite à la lui serrer en retour, visiblement gêné par la distance que sa nouvelle identité a créée. Les séquences en question sont bien orchestrées, mais ce sont hélas les seules susceptibles de marquer les esprits.

En fait, Tomorrow Is Forever doit principalement tout à ses acteurs. Orson Welles est notamment très bon puisqu'on sent à quel point ne pas pouvoir révéler son identité à sa femme le ronge, sous son apparence calme et ses regards intenses. Et bien qu'il surprenne peu par rapport à ses autres performances de la période, dont Jane Eyre, on appréciera la complicité qu'il noue avec une toute jeune Natalie Wood, que le personnage vient d'adopter, et plus encore le rapport semi-conflictuel avec Richard Long, qui ignore en retour qu'il est son père. Le problème: Orson Welles ressemble beaucoup trop à... Orson Welles. C'est tout à l'honneur du film de nous montrer de quoi avait l'air le mari avant la guerre, afin qu'on puisse se raccrocher au désespoir de l'épouse, mais le maquillage est si minimaliste qu'on a du mal à croire qu'Elizabeth ne reconnaisse pas John derrière ses lunettes.

De son côté, Claudette Colbert est comme d'habitude hors de tout reproche. Au départ, elle est un peu effacée en femme meurtrie, mais tout de suite, son charme et son pétillant reviennent dès qu'elle cesse de se lamenter au lit. Elle est elle aussi exquise quand elle joue avec Natalie Wood, le sourire aux lèvres, et plus particulièrement lorsqu'elle tente de masquer son désarroi en lui parlant de glaces. Surtout, elle réussit parfaitement la grande scène du film, en touchant d'autant plus parce qu'elle reste maîtresse d'elle-même, au lieu de choisir la voie facile des larmes. Les chœurs angéliques de Max Steiner se chargent d'ailleurs de renforcer la sentimentalité de la séquence, aussi la maîtrise de l'actrice apporte-t-elle davantage de contraste. Seule la scène où elle confronte celui qu'elle perçoit encore comme un inconnu, pour lui reprocher son influence sur son fils vis-à-vis de la guerre, est un peu trop expressive: elle garde les yeux grands ouverts durant toute la séquence. Mais pour le reste, c'est excellent, bien que là encore, Colbert ne surprenne nullement par rapport à ses autres contre-emplois dramatiques de la période, tel Since You Went Away où se mêlait déjà humour et tragique contenu.

Dès lors, on en revient bel et bien au problème de départ: Tomorrow Is Forever est tout à fait plaisant, mais ni la mise en scène ni les interprétations ne comptent parmi ce que les artisans ont fait de plus mémorable. Les seconds rôles confirment cette impression: George Brent est égal à lui même en second mari quelconque, ainsi que Lucile Watson en matriarche pincée, encore que Richard Long soit plutôt prometteur dans le rôle du fils assumant déjà des responsabilités. Parce que le film est bien fait, je pourrais lui mettre 7, mais parce qu'on aurait aimé être davantage saisi lors du visionnage, un bon 6 me semble plus approprié.

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