lundi 26 septembre 2016

Une femme à sa fenêtre (1976)


Il y a cinq ans, j'ai hérité d'une parente qui avait une bonne partie de la filmographie de Romy Schneider en DVD. Il m'a tout de même fallu du temps avant de m'y adonner, le cinéma français des années 1970 n'étant pas, à première vue, une époque qui m'attire, mais étant un fan inconditionnel de la performance de Romy dans le Ludwig de Visconti, je voulais vérifier si elle ne pouvait pas gagner un second Orfeoscar, cette fois-ci pour un premier rôle. Voilà qui m'a motivé à regarder enfin ses autres œuvres, bien que je sois dans l'ensemble un peu déçu par cette série de films français.


Une femme à sa fenêtre fut celui qui m'a le plus immédiatement fait envie, la promesse de paysages grecs et de costumes années 1930 étant franchement alléchante sur le papier. C'est un film de Pierre Granier-Deferre, où Romy partage la vedette avec de gros noms du cinéma d'alors, Philippe Noiret et Victor Lanoux, le tout d'après un roman du controversé Pierre Drieu la Rochelle. Franchement, le début est très prometteur : le film s'ouvre sur le profil de l'actrice, impeccablement habillée, se détachant sur les hauteurs du mont Parnasse, introduction on ne peut plus enchanteresse qui donne sincèrement envie d'entrer dans l'histoire. Les bonnes choses s'enchaînent d'ailleurs pendant toute la visite du sanctuaire de Delphes, puisque Jean Ravel découpe les dialogues de façon originale à mesure que le trio marche au sein des ruines, avec en prime une série de métaphores antiques qui dans un premier temps font mouche en inscrivant l'intrigue dans une veine intellectuelle. On a d'autre part des doutes quant aux rapports des membres du trio lors de cette ouverture, étant donné que les réactions de Philippe Noiret, qui laisse Margot, l'héroïne, se faire courtiser par un autre homme sans qu'on sache encore à qui elle est mariée à ce moment là, ne laissent pas d'étonner.


Ce mystère trouve cependant très vite une réponse, et c'est hélas à ce moment-là que le film commence à basculer dans une synthèse maladroite entre fiction politique sur la contestation de la dictature du 4 Août, et romance bourgeoise où la décadence et la futilité des élites ne sont jamais épargnées. Malheureusement, ce mélange manque cruellement de souffle. Déjà, le rythme général est extrêmement lent, alors autant dire que passer deux heures en compagnie de bourgeois qui s'ennuient en regardant des matchs de tennis n'aide pas à rester éveillé. Pire : si le montage de l'introduction intriguait par son originalité, le découpage général est quant à lui assez brouillon, puisqu'on passe d'une époque à l'autre au gré des envies du réalisateur. Ainsi, n'importe quel synopsis vous dira qu'Une femme à sa fenêtre est l'histoire d'une épouse trompée qui s'ennuie, et qui trouve un nouvel élan à son existence en tombant amoureuse d'un militant politique persécuté. Mais cette rencontre, principal moteur de l'action, n'arrive qu'au milieu du film, aussi est-il assez abscons de voir les deux amants ensemble durant de longues séquences dans tout le premier acte. À ce stade, les références littéraires prennent même une ampleur pédante qui n'apporte rien au propos, et la partie politique échoue elle aussi à maintenir l'intérêt, et ce dès le commencement, avec ce long monologue du chef de la police qui narre des événements dont on ne saisit pas du tout les enjeux à ce moment là.


En revanche, on appréciera le jeu sur les différentes images de Romy Schneider penchée à sa fenêtre, afin de ramener le film au cœur du sujet, y compris lorsqu'il s'agit de vitres de voiture tandis que le chauffeur a du mal à se frayer un passage parmi une foule contenue par la police. Le sourire de la marquise, projetée pour la première fois dans la réalité de la dictature, ne manque évidemment pas de s'estomper devant tant de dureté… Les méfaits de la milice au pouvoir sont encore l'occasion de dériver sur de jolies images grecques, en particulier lorsque la fuite d'un fugitif permet de soulever un drap séchant au soleil, et de découvrir par-là même les hauteurs de l'Acropole. La photographie d'Aldo Tonti est de toute façon fort soignée, de quoi donner au film un cachet certain entre les jardins fleuris des villas de luxe, les vieilles voitures dans les rues couvertes de neige, les lignes courbes infinies du théâtre de Delphes, les routes sous l'ombrage des cyprès et les couchers de soleil pas trop kitsch sur les littoraux. De leur côtés, les costumes de Jacques Fonteray et Maria Baroni ne sont pas d'un ravissement exceptionnel, mais ils mettent bien en valeur la silhouette de la star, en particulier le foulard jaune-orangé sur un costume immaculé, sans parler de la robe bleue striée que Margot étale avec fierté en pleine réception.


Pour le reste ? Romy Schneider est toujours absolument fascinante, mais elle ne parvient à sortir le film de sa torpeur. Les incessants allers-retours entre passé et présent empêchent de nous prendre au jeu de sa passion envers le militant politique incarné par un Victor Lanoux peu mémorable, et Philippe Noiret campe pour sa part un personnage si volontairement médiocre qu'il n'y a aucune surprise quant aux sentiments de Margot à son égard. Le mari est quant à lui inintéressant au possible puisqu'on ne le voit que jouer au tennis, mais le dialogue avec la meilleure amie sur l'apologie de l'adultère parvient furtivement à donner un peu de piquant à ce match interminable. Quoi qu'il en soit, Une femme à sa fenêtre est l'archétype de la performance schneiderienne : elle y est très charismatique, extrêmement séduisante, et use d'un comportement libre qui la rend à la fois mystérieuse et attirante bien qu'elle n'hésite pas à jouer avec ceux qui se languissent pour elle. C'est une bonne interprétation, mais je n'y vois rien de spécial étant donné qu'elle a incarné de nombreux personnages similaires. Dans tous les cas, ça ne suffit pas à donner au film le souffle qui lui fait cruellement défaut. Un assemblage plus rigoureux entre les questions politiques, la romance passionnée et la déconstruction d'une strate sociale décadente aurait été souhaitable. En l'état, la note ne saurait dépasser un triste 5/10.


PS : Je reprendrai ma rétrospective 1946 en novembre puisque l'Anonyme au cœur fidèle a la bonté de me prêter Of Human Bondage et Temptation! J'inaugurerai donc une seconde saison 1946, en espérant que ça me laisse le temps de découvrir les films italiens de l'année, ainsi que les comédies introuvables de Danielle Darrieux, sur lesquelles je mise beaucoup pour donner un Globe comédie à l'actrice, qui n'est jamais aussi merveilleuse que dans ce registre. Affaire à suivre.


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