samedi 23 avril 2016

Inventaire 1949


Après avoir enfin élucidé la question des actrices de cette difficile année 1949, j'avais commencé à préparer un inventaire, alors autant le publier tant que je suis d'humeur, même si je n'envisage pas de revenir vers cette année avant un certain temps. Voici donc la liste des 47 films vus au printemps 2016:

[Octobre 17: 51 films listés]

Chine

Dàng fù xīn (蕩婦心) (Une Femme oubliée): réalisé par Yueh Feng (岳楓), avec Bai Kwong (白光). Ecrit par Doe Ching (陶秦) d'après Tolstoï.
Remarques: je vous renvoie à mon avis détaillé sur la question par le lien ci-dessus.
Envie de nommer le film: oui.
Nominations possibles: Feng, Bai, photographie, costumes, musique, chanson.


Mò fù qīngchūn (莫负青春) (Don't waste our youth): écrit et réalisé par Wu Zuguang (吳祖光), avec Zhou Xuan (周璇).
Remarques: Un film étrange qui commence comme une comédie avec adresses aux spectateurs et finit comme un mauvais mélodrame très daté. Zhou Xuan est exquise dans la partie comique par son énergie et ses regards pétillants, mais elle est hélas assez mauvaise car trop expressive dès qu'on lui demande de pleurer. En revanche, la musique de Chen Gexin est agréable, mais dommage que je ne parvienne pas à mettre la main sur les chansons.
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: /


Xuè rǎn hǎitáng hóng (血染海棠紅) (Le Bégonia rouge-sang): réalisé par Yueh Feng (岳楓), avec Bai Kwong (白光) et Gong Qiuxia (龔秋霞). Ecrit par Doe Ching (陶秦).
Remarques: Je vous renvoie également à l'article détaillé que je n'ai pas le cœur à résumer ici.
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: Gong, chanson.


Etats-Unis

Adam's Rib: réalisé par George Cukor, produit par Lawrence Weingarten, avec Katharine Hepburn et Spencer Tracy. Scénario original de Ruth Gordon et Garson Kanin.
Remarques: L'un des premiers films classiques que j'ai découvert. Forcément, la magie diminue depuis la première visite, mais les qualités du film et principalement du scénario continuent d'en faire un candidat de choix dans la catégorie suprême. C'est en tout cas très drôle, l'alchimie du couple légendaire n'aura jamais été mieux utilisée qu'ici, la recherche de l'égalité des sexes ne manque pas de finesse dans sa drôlerie, et l'on reprochera simplement au film de ne pas réussir à me faire rire, quand bien même je reste souriant de bout en bout à chaque fois, surtout pour les séquences sous le bureau au tribunal! C'est peut-être la faute de Judy Holliday, qui m'agace franchement et dont le talent me semble minimaliste, mais ce point négatif est heureusement estompé par l'exquise performance de Katharine Hepburn, dans un rôle néanmoins taillé sur mesure, et surtout par la merveilleuse prestation de Spencer Tracy, toujours plus attachant que sa compagne dans leur collaborations, et encore meilleur ici que dans Woman of the Year.
Envie de nommer le film: oui.
Nominations possibles: film, Tracy, scénario.


All the King's Men: écrit, produit et réalisé par Robert Rossen, avec Broderick Crawford et Mercedes McCambridge. D'après un roman de Robert Penn Warren.
Remarques: Navré, j'ai bien conscience qu'il s'agit d'un bon film, mais je suis resté totalement en marge aux deux essais. Le scénario est pourtant très digne d'intérêt depuis l'ascension d'un incompétent à la corruption qui règne en haut lieu, mais ça ne me parle pas du tout. Broderick Crawford est bon parce qu'il a enfin l'occasion de jouer un rôle prestigieux, même si j'ai toujours trouvé son Oscar du contre-emploi le plus impressionnant un peu facile. Par contre, si j'ai trouvé Mercedes McCambridge charismatique la première fois, sans toutefois l'aimer beaucoup, elle m'a semblé vraiment affreuse au deuxième essai: sèche, surjouant beaucoup et absolument pas surprenante comparé à ses autres rôles secs et surjoués (Johnny Guitar), elle ne me convainc pas du tout bien qu'elle tente tout de même d'apporter un peu de nuance dans sa plus grande scène.
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: j'hésite.


The Barkleys of Broadway: réalisé par Charles Walters, produit par Arthur Freed, avec Fred Astaire et Ginger Rogers. Scénario original d'Adolph Green et Betty Comden.
Remarques: Ça y est! Après en avoir entendu parler de toutes parts, j'ai finalement acheté le DVD. Objectivement, ça n'en méritait pas tant, même s'il est toujours plaisant de compléter ma collection Gingembre, qui a heureusement remplacé Judy Garland au pied levé et m'a donc sincèrement donné envie de voir le film. Le problème, c'est qu'on ne nous raconte pas grand chose. Le couple se dispute gentiment, Madame tente de mener carrière par elle-même mais pas longtemps, et l'on s'ennuie très vite dès que l'histoire s'avère tenir sur un timbre-poste, d'où le besoin de délayer au maximum avec une ribambelle de numéros musicaux. Hélas! La musique est inintéressante au possible, et savoir que le clou du spectacle est une reprise d'un vieux morceau de 1937 rend le film d'autant plus vain. De leur côté, les décors en carton-pâte sont kitsch à souhait, entre les bouleaux peints et ce Manhattan de carte postale revu par la municipalité de Las Vegas, qui a généreusement offert des statues de pharaons pour le square du dernier numéro. Par contre, les chaussures qui dansent toutes seules sont fort sympathiques. Quant à Ginger, elle est simplement correcte mais sans plus: elle grimace un peu trop pour être drôle au début, elle est très bien dans ses moments les plus calmes, et... elle rate tellement bien sa Marseillaise que la séquence en devient mythique! "Ailooons! Enffffants de la pâââtriyiyeux. Le jour de glouârre est térivé! Aux ââârrrrrrrmes citoyens! Forrrrrrrrmez vos bêtaillons! Merchons! Merchons! Qu'un sangue iiiiimpüüür abreuve nos cions!" Quelle merveille! Avec les grimaces qui vont avec, nul doute que Sarah Bernhardt en personne a dû applaudir outre-tombe.
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: /


Beyond the Forest: réalisé par King Vidor, produit par Henry Blanke, avec Bette Davis et Joseph Cotten. Ecrit par Lenore Coffee d'après un roman de Stuart Engstrand.
Remarques: Si les premiers plans aux jolies couleurs de la forêt et la traversée de la ville qui ouvre le film laissent présager de grandes choses, tout ça s'enlise dans un marasme total en peu de temps. C'est outré, Bette Davis n'est plus qu'une caricature d'elle-même comme le laisse présager la présence de sa servante-sosie, et elle montre tellement qu'elle n'avait pas envie d'être là qu'elle passe son temps à se tortiller les cheveux en ayant l'air de s'ennuyer. En outre, le scénario est caduque: comment croire qu'une forte personnalité comme Rosa n'ait pas le cran de faire ses valises et reste à périr d'ennui dans son village, en s'occupant à tirer sur tout ce qui bouge? Le plan devant l'usine fumante est mythique mais c'est à peu près tout ce qu'il y a de passionnant dans ces contrées.
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: /


The Bribe: réalisé par Robert Leonard, produit par Pandro Berman, avec Robert Taylor, Ava Gardner, Charles Laughton et Vincent Price. Scénario de Marguerite Roberts d'après une nouvelle de Frederick Nebel.
Remarques: Malgré la distribution atrocement séduisante, impossible de rentrer dans cette vulgaire histoire d'espionnage, dont j'avais déjà tout oublié une demi-heure après, à l'exception d'une séquence sous-marine.
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: /


Caught: réalisé par Max Ophüls, produit par Wolfgang Reinhardt, avec Barbara Bel Geddes, James Mason et Robert Ryan. Scénario d'Arthur Laurents d'après un roman de Libbie Block.
Remarques: L'un des énièmes films noirs de l'année, d'où un certain ennui, mais avec Max Ophüls derrière la caméra ça se démarque bien plus facilement. La musique d'Hollaender dès le générique donne envie d'entrer dans le film, le plan sur les mains qui ouvrent un magazine en faisant des commentaires reste fascinant, les décors sont opulents à souhait et la photographie de Lee Garmes est une grande réussite, avec ces plans larges dans de grands salons qui isolent les personnages sur fond de neige, et les rayons du projecteur qui donnent à l'un des personnages un aspect inquiétant. Dommage que Barbara Bel Geddes soit insipide, et que Robert Ryan soit tout de même monoexpressif.
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: photographie, décors.


Champion: réalisé par Mark Robson, produit par Stanley Kramer, avec Kirk Douglas et Arthur Kennedy. Ecrit par Carl Foreman d'après une histoire de Ring Lardner.
Remarques: Soyons honnête: je n'aime vraiment pas les films de boxe, et le scénario de celui-ci est trop commun pour piquer mon intérêt. Par contre, Kirk Douglas et Arthur Kennedy se révèlent excellents à la fin bien qu'ils ne m'aient pas marqué plus que ça dans le reste du film, et surtout, le montage d'Harry Gerstad est très réussi: les scènes de combat sont parfaitement fluides et ça impressionne.
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: montage.


Come to the Stable: réalisé par Henry Koster, produit par Samuel Engel, avec Loretta Young et Celeste Holm. Scénario d'Oscar Millard et Sally Benson d'après une histoire de Clare Booth Luce.
Remarques: C'est charmant comme tout (comme toujours chez Koster) et le ton est bien chaleureux sans que le scénario soit exigeant. On apprécie surtout la petite dose d'humour au début du film, quand les sœurs conduisent à cent à l'heure en plein virage l'air de rien, ou quand Celeste Holm déchire son amende en épinglant le goût des Américains pour la paperasse, mais ça ne dépasse jamais ce niveau gentillet. D'ailleurs, le rythme devient trop long passé le premier acte et l'on peine à trouver quelque chose de réellement captivant dans cette histoire trop simple: même la chanson originale est ennuyeuse. En outre, les actrices n'ont pas grand chose à faire, à part Celeste Holm qui s'essaie à un accent français, sans grand succès dans ses phrases précisément en français.
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: /


East Side, West Side: réalisé par Mervyn LeRoy, produit par Voldemar Vetluguin (MGM), avec Barbara Stanwyck, James Mason, Ava Gardner et Van Heflin. Scénario d'Isobel Lennart, d'après un roman de Marcia Davenport.
Remarques: Une agréable découverte qui vaut surtout pour sa distribution cinq étoiles, avec Barbara Stanwyck en épouse trompée qui n'a rien perdu de son répondant, James Mason en époux vaniteux mais pas inintéressant, Van Heflin en bonne âme aussi à l'aise avec la pègre qu'avec la haute société, et Ava Gardner en femme fatale évidemment séduisante mais jamais fade, à la différence des Tueurs qui l'avaient révélée. L'histoire vaut également le détour pour les rapports entre tous ces personnages, même si la partie criminelle, bâclée, ne fait pas le poids par rapport au reste d'une intrigue plus sentimentale. Néanmoins, les bases du suspense sont bien posées, malgré une résolution improbable. En résumé, une œuvre tout à fait divertissante, mais pas un grand film pour sûr.
Envie de nommer le film: oui.
Nominations possibles: ?


The Fan: produit et réalisé par Otto Preminger, avec Madeleine Carroll, Jeanne Crain et George Sanders. Ecrit par Walter Reisch et Dorothy Parker d'après Wilde.
Remarques: Ça n'a pas le souffle de la version Lubitsch des années 1920, mais The Fan reste une œuvre délicate qui mérite vraiment une seconde chance, en particulier pour sa reconstitution d'époque: l'intérieur de Mrs. Erlynne où l'on sert du vin sur un divan colle bien à sa personnalité, et les costumes sont souvent en lien avec le motif de l'éventail. En outre, alors que je goûte assez peu le cinéma de Preminger, sa mise en scène se révèle élégante à plus d'un titre, entre la caméra suivant Mrs. Erlynne dans la boutique à mesure qu'elle écoute la conversation, et l'image de Darlington passant en arrière-plan lors d'un dialogue avec Windermere. La cerise sur le gâteau reste néanmoins l'interprétation riche et nuancée de Madeleine Carroll, dont j'ai déjà beaucoup parlé récemment.
Envie de nommer le film: oui.
Nominations possibles: Carroll, décors, costumes.


Flamingo Road: réalisé par Michael Curtiz, produit par Jerry Wald, avec Joan Crawford et Sydney Greenstreet. Scénario de Robert Wilder d'après sa propre pièce.
Remarques: Un Joan Crawford typique de la fin des années 1940, où la dame souffre admirablement bien tout en bravant l'adversité. Mais le film a si peiné à me captiver que ça reste dans mon esprit à mi-chemin entre le médiocre (Possessed) et le raté (The Damned Don't Cry!). Comme c'est un Curtiz, j'aimerais quand même le revoir pour vérifier si je n'ai pas laissé passer des choses intéressantes, mais dans l'immédiat le souvenir n'est pas très favorable: Crawford est excellente mais ne fait rien qui sorte de l'ordinaire, Greenstreet est dans la continuité du Faucon maltais et ne surprend guère plus, tandis que Gladys George parvient encore une fois à voler la vedette à tout le monde. J'aurais adoré la nommer, mais hélas, elle doit apparaître moins de cinq minutes et n'a pas le temps de dynamiser le film pour pouvoir se hisser dans ma liste.
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: /


The Fountainhead: réalisé par King Vidor, produit par Henry Blanke, avec Gary Cooper et Patricia Neal. Scénario d'Ayn Rand d'après son propre roman.
Remarques: Je ne me damnerais pas pour ce film, mais ça reste très digne d'intérêt, en particulier grâce au scénario qui mêle architecture et philosophie à travers ce parcours atypique. La mise en scène de Vidor fourmille également de bonnes trouvailles, avec par exemple Gary Cooper toujours vu de dos, comme devenu anonyme, alors qu'il essuie refus sur refus; avec le plan sur les bureaux comme dans La Foule et l'image de gratte-ciel toujours en arrière-plan. La photographie de Robert Burks est également merveilleuse en utilisant à merveille l'espace et les nouvelles formes de bâtiment, dans des jeux de lignes verticales et d'isolement des personnages dans de grands bureaux ouverts sur l'immensité de la ville. Autrement, Gary Cooper est pas mal du tout mais je ne le nommerai pas pour ce rôle, tandis que Patricia Neal suinte de charisme par tous ses pores bien que sa dureté soit trop exacerbée. Enfin, le montage est particulièrement intense lors de la rencontre des héros dans la carrière, où les plans sont assemblés de manière à faire surgir une tension sexuelle des plus fiévreuses.
Envie de nommer le film: oui.
Nominations possibles: Vidor, scénario, montage, photographie.


The Great Sinner: réalisé par Robert Siodmak, produit par Gottfried Reinhardt, avec Ava Gardner et Gregory Peck. Scénario de  Ladislas Fodor et Christopher Isherwood d'après Dostoïevski.
Remarques: Vu il y a bientôt six ans, le souvenir est trop lointain pour bien en parler en détail. Je me souviens d'une bonne séquence dans un mont de piété et qu'Ava Gardner n'avait pas grand chose à faire à part être ravissante. Impossible de me rappeler quoi que ce soit de l'interprétation de Gregory Peck en proie au jeu, mais le film ne m'avait pas enthousiasmé plus que ça sur le moment.
Envie de nommer le film: à revoir.
Nominations possibles: idem.


The Heiress: produit et réalisé par William Wyler, avec Olivia de Havilland, Ralph Richardson et Miriam Hopkins. Ecrit par Ruth et Augustus Goetz d'après Washington Square d'Henry James.
Remarques: Un peu par défaut, voici le grand film américain de l'année, mais même sans être mon Wyler préféré, ça reste excellent. En effet, de la mise en scène à l'utilisation de l'espace dans une maison étouffante, en passant par le découpage sur les personnages pour bien cerner leurs états d'âme, tout est parfait... si ce n'est la direction d'acteurs. Car comment Wyler a-t-il laissé passer la performance d'Olivia de Havilland, qui au lieu d'esquisser une évolution force au contraire au maximum dans la timidité à la limite de la bêtise puis dans la dureté vengeresse? Au gré des visionnages, la transition sous la pluie peut me sembler réussie par moments, mais l'actrice va tellement loin dans les extrêmes de part et d'autre qu'il est impossible de prendre sa caractérisation au sérieux, sans compter qu'elle est irritante au possible dans le très long premier acte, à accentuer ses grimaces de fillette demeurée avec un poisson dans les mains. Par contre, chapeau pour le plan final sur la montée des escaliers. On ne sera néanmoins pas surpris de me voir préférer la composition de Ralph Richardson en patriarche autoritaire, même si j'aurais adoré voir Basil Rathbone se frotter au personnage, et bien entendu celle de Miriam Hopkins en tante dynamique, enjouée et pourtant bien vite dépassée par les événements. Autrement, tous les aspects techniques sont très bons, mais je regrette qu'on n'utilise pas assez l'exceptionnelle musique d'Aaron Copland.
Envie de nommer le film: oui.
Nominations possibles: film, Wyler, Richardson, Hopkins, scénario, montage, photographie, décors, costumes, musique.


Holiday Affair: produit et réalisé par Don Hartman, avec Robert Mitchum et Janet Leigh. Ecrit par Isobel Lennart d'après une histoire de John Weaver.
Remarques: Je garde le souvenir d'une petite romance oubliable qui n'avait pas su me captiver sur le moment.
Envie de nommer le film: à revoir, mais l'envie n'y est pas.
Nominations possibles: /


House of Strangers: réalisé par Joseph L. Mankiewicz, produit par Sol Siegel, avec Richard Conte, Edward G. Robinson et Susan Hayward. Ecrit par Philip Yordan d'après un roman de Jerome Weidman.
Remarques: Après revisite, l'impression positive est confirmée, sans que je tienne le film pour un chef-d’œuvre malgré de bonnes idées de mise en scène, dont le portrait du père envahissant toujours le salon, quitte à écraser ses fils qui le contemplent. La seule chose qui me refroidit quelque peu, c'est la séquence du tribunal, improbable mais sans charme particulier, mais l'essentiel de l'intrigue est heureusement passionnant, avec des rapports psychologiques bien développés. Edward G. Robinson hérite alors d'un bon personnage et reste parfaitement crédible en "parrain" à l'accent sicilien prononcé, ne manquant pas de crever l'écran pour mieux dominer sa famille et monter ses fils les uns contre les autres devant une assiette de spaghettis sur fond de Rossini, le tout en révélant les faiblesses de cette figure autoritaire, quand vient le temps des défaites. De son côté, Richard Conte campe un personnage fort, plus intelligent et charismatique que ses frères, l'acteur sachant nuancer joliment son caractère entre charme et pointes de machisme propres à la mafia, tout en ayant à brosser une évolution. Quant à Susan Hayward, elle affiche elle aussi une très forte personnalité où la douleur perce sous une façade aguicheuse, de quoi rendre son personnage aussi captivant que les héros alors qu'Irene n'a pas autant de poids que ses partenaires sur le papier.
Envie de nommer le film: oui.
Nominations possibles: Mankiewicz, Conte, Robinson.


I Was a Male War Bride: réalisé par Howard Hawks, produit par Sol Siegel, avec Ann Sheridan et Cary Grant. Ecrit par Charles Lederer, Leonard Spigelgass et Hagar Wilde sur une histoire d'Henri Rochard.
Remarques: Une comédie totalement futile mais qui peut divertir si l'on est d'humeur. Cary Grant en femme est cependant l'une des choses les moins drôles du monde, mais Ann Sheridan tire son épingle du jeu par son charisme et sa vivacité.
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: /


Intruder in the Dust: produit et réalisé par Clarence Brown, avec David Brian et Juano Hernandez. Scénario de Ben Maddow d'après un roman de William Faulkner.
Remarques: Une excellente surprise, et je suis ravi de voir que Clarence Brown était toujours en forme à la fin d'une décennie à laquelle on l'associe peu. En effet, sa mise en scène est en tout point exceptionnelle: on joue sur les rayures, du clocher au barbier en passant par les cravates; on joue sur les sons, de la cloche incessante aux sirènes de police en passant les chants d'oiseaux et de criquets dans la nuit; on suit le regard perçant de Juano Hernandez avec la régularité d'une pendule, au point qu'il suffit même d'en montrer un seul œil à travers des barreaux pour donner une incroyable puissance à la scène; et l'on oppose aussi brillamment la ville calme et désertique du premier acte à l'animation fébrile de la seconde partie. Le scénario est lui aussi captivant en présentant des personnages de toutes les couleurs avec toujours beaucoup de dignité, la photographie montre de son côté la silhouette imposante du héros se découper dans de larges plans, et le travail sur le son est également parfait pour renforcer la tension et la nervosité des séquences les plus haletantes. Quant à l'interprétation, c'est assez irréprochable dans son ensemble: David Brian est plus que correct, Juano Hernandez a une telle présence qu'on en oublie qu'il reste souvent sur la même note, et Elizabeth Patterson livre une performance bouleversante, depuis son regard déchirant au cimetière à son incroyable capacité de résistance, en particulier dans une séquence saisissante où elle mêle à la fois inquiétude et dignité alors qu'elle tient tête à une foule qui la menace avec de l'essence.
Envie de nommer le film: oui.
Nominations possibles: film, Brown, (Brian?), Hernandez, Patterson, scénario, photographie, son.


A Letter to Three Wives: réalisé par Joseph L. Mankiewicz, produit par Sol Siegel, avec Jeanne Crain, Ann Sothern et Linda Darnell. Scénario de Joseph L. Mankiewicz et Vera Caspary d'après un roman de John Klempner.
Remarques: L'un des films incontournables de l'année sans que j'en sois le plus grand fan, mais j'apprécie le découpage en trois parties sur divers flashbacks, parfois au prix de transitions intenses à l'image des gouttes qui tombent depuis une tuyauterie mal fixée; et j'aime également le parcours social et géographique au sein d'une même ville, à travers trois milieux très différents. A ce titre, les décors et costumes ne sont pas exceptionnels, mais leurs variations d'une maison à l'autre est très intéressante à observer. Evidemment, toutes les histoires ne se valent pas et seule la deuxième m'a réellement captivé (le personnage du premier mari est bâclé aussi s'en contrefiche-t-on, tandis que l'interminable jeu du chat et de la souris du troisième acte finit par ennuyer), mais le tout reste très cohérent et le montage équilibre bien ces trois parcours. Quant à l'interprétation, c'est très positif: Jeanne Crain est pas mal malgré son personnage agaçant, Thelma Ritter est assez drôle même si ça n'est rien de plus qu'une sempiternelle variation ritterienne, et Linda Darnell transpire de charisme et de séduction, aussi sera-t-on ravi de l'avoir su utilisée à bon escient au moins une fois dans sa carrière. Les cerises sur le gâteau sont néanmoins Ann Sothern en épouse distinguée et compatissante qui se laisse toutefois tenter par les ors les plus futiles, Kirk Douglas en professeur sympathique qui ne mâche pas ses mots devant des intrus, et Paul Douglas en industriel amoureux bien moins hautain qu'on pourrait le croire.
Envie de nommer le film: oui.
Nominations possibles: film, Mankiewicz, Sothern, les deux Douglas comme seconds rôles, scénario, montage, décors.


Little Women: produit et réalisé par Mervyn LeRoy, avec June Allyson, Elizabeth Taylor et Peter Lawford. Scénario d'Andrew Solt, Sarah Y. Mason et Victor Heerman d'après le roman de Louise May Alcott.
Remarques: La revisite confirme l'impression initiale favorable, mais je préfère quand même la version de Cukor de 1933. June Allyson campe une héroïne fort sympathique mais sa voix de fumeuse en fin de vie rend ses trente ans un peu trop perceptibles sous le grimage, sans que ce soit vraiment gênant tant le charme et le dynamisme sont présents. Mais ce que j'apprécie le plus, ce sont ces superbes décors de pacotille: la neige en corn flakes, les arbres sur fond de ciels peints et les intérieurs luxueux des Laurence ont beau sentir le studio à plein nez, ils n'en restent pas moins chaleureux à souhait et donnent vraiment envie de revoir le film à l'occasion.
Envie de nommer le film: oui.
Nominations possibles: décors.


Madame Bovary: réalisé par Vincente Minnelli, produit par Pandro Berman, avec Jennifer Jones et Van Heflin. Ecrit par Robert Ardrey d'après Flaubert.
Remarques: En redécouvrant le film cet hiver, sa beauté lui a permis de vite remonter dans mon estime, en particulier grâce aux décors, ruraux à souhait avec la vieille cuisine, ravissants lorsqu'on en vient à la chambre de l'héroïne aux mille affiches sur le mur, somptueux à travers cette brillante idée de reflet dans le miroir au bal, mais épouvantables à travers ce lit-bateau de l'hôtel, de très mauvais goût. La grande surprise vient néanmoins de Walter Plunkett, l'un des costumiers d'Hollywood que j'aime le moins, mais auquel on ne peut absolument rien reprocher ici: la robe blanche de l'apparition au beau milieu de la ferme traduit bien l'idée de cette fleur qui s'épanouit en un lieu qui ne lui sied guère, la superbe robe de bal place Emma au centre des regards alors qu'elle savoure son moment de gloire, et les rayures finales collent bien à l'ambiance du dénouement. Le plus gros reproche qu'on pourrait faire au film, ce sont certaines longueurs en fonction des passages, et cette narration inutile de Flaubert, trop descriptive et qui donne constamment l'impression que Jennifer Jones se fait dicter sa performance dans le premier acte, avant que James Mason ne se taise curieusement par la suite. Disons que l'idée de faire intervenir l'auteur pour défendre son œuvre ajoute une nouvelle dimension au départ, mais y avait-il besoin d'autant expliquer pour innocenter Emma? La force du livre n'est-elle pas de laisser le lecteur libre de son choix? Dans tous les cas, Jennifer Jones a beau n'être pas absolument crédible de bout en bout, la ligne générale de sa performance reste vraiment fascinante, d'où une place bien méritée dans ma sélection.
Envie de nommer le film: oui.
Nominations possibles: Jones, décors, costumes.


My Foolish Heart: réalisé par Mark Robson, produit par Samuel Goldwyn, avec Susan Hayward et Dana Andrews. Scénario de Julius et Philip Epstein d'après une histoire de Jerome Salinger.
Remarques: L'interprétation de Susan Hayward a été beaucoup commentée ces derniers temps sur le blog, l'actrice réussissant l'exploit de mettre son charisme et son portrait d'alcoolique au service d'une belle histoire à laquelle elle donne vie sans rien appuyer, et tout ça est parfait, bien que le film ne soit pas des plus mémorables. Par contre, Lois Wheeler m'a toujours très agréablement surpris: elle ne fait peut-être rien de vraiment spécial, mais elle ne passe pas du tout inaperçue et peut donc se targuer de rester en lice à l'heure actuelle.
Envie de nommer le film: oui.
Nominations possibles: Hayward, (Wheeler?), chanson.


Not Wanted: réalisé par Elmer Clifton, produit par Anson Bond, coproduit et coréalisé par Ida Lupino, avec Sally Forrest et Keefe Brasselle. Scénario de Paul Jarrico et Ida Lupino sur une histoire de Malvin Wald.
Remarques: On rendra toujours grâce à Ida Lupino d'avoir persévéré en matière de réalisation, mais hélas, force est de reconnaître que ses films nagent en pleine série B. J'apprécie néanmoins la suite de mouvements de l'introduction, alors que l'héroïne marche le long des boutiques tout en prenant un bébé qui n'est pas le sien, ce qui reflète vigoureusement la poursuite finale haletante. Par contre, la direction d'acteurs est loin de toucher à l'excellence. Quant au scénario, savoir ce qui se passe dans la tête de la jeune femme est sans doute progressif pour l'époque, mais l'intrigue peine franchement à m'intéresser.
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: /


Pinky: réalisé par Elia Kazan, produit par Darryl Zanuck, avec Jeanne Crain, Ethel Waters et Ethel Barrymore. Scénario de Philip Dunne et Dudley Nichols d'après un roman de Cid Ricketts Sumner.
Remarques: Evidemment c'est raté, puisqu'au lieu de donner le rôle à une jeune métisse comme on l'avait brillamment fait en 1934 pour Fredi Washington, on s'est empressé de distribuer la jeune vedette très en vue de l'année, Jeanne Crain, soit la personne la moins physiquement qualifiée au monde pour un tel personnage. En outre, si elle s'en sort pas trop mal dans The Fan et A Letter to Three Wives évoqués plus haut, elle est franchement mauvaise ici, à force de crisper sa bouche toutes les trois secondes. Les deux Ethel lui volent alors la vedette sans avoir besoin d'essayer, mais leur charisme ne suffit pas à me faire fondre pour leurs performances non plus. La photographie est soignée mais n'apporte malheureusement rien à l'affaire.
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: /


The Reckless Moment: réalisé par Max Ophüls, produit par Walter Wanger, avec Joan Bennett et James Mason. Ecrit par plein de monde.
Remarques: Je sais que tout le monde adore ce film, sauf que les histoires de crime m'ennuient au plus haut point. La mise en scène d'Ophüls sauve un peu les meubles, avec ces plans sur une voiture qu'on suit tout au long du trajet, le chevalet qui sépare la mère et la fille quand le ton monte, ou encore l'appel final derrière les barres de l'escalier, mais décidément l'histoire me laisse de marbre, rien à faire. Joan Bennett parle en outre de façon trop mécanique et se laisse vite éclipser par un James Mason inquiétant, et la musique ressemble dangereusement à un polar de série B. Par contre, la photographie de Burnett Guffey est très riche dans le détail, entre le départ de l'héroïne vu à travers les pieds de chaises retournées, les motifs inquiétants que dessine l'ombre d'une rampe lorsque la fille s'en va discrètement, et la vision d'une Joan Bennett cernée par la jungle de plantes variées dans un jardin.
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: photographie.


The Red Pony: produit et réalisé par Lewis Milestone, avec Robert Mitchum et Myrna Loy. Ecrit par John Steinbeck d'après son propre livre.
Remarques: Je n'avais pas aimé la première fois, mais ça s'avère meilleur la seconde, et l'atmosphère de studio n'est jamais dérangeante. On appréciera surtout le jeu sur l'imagination du petit garçon qui s'évade en pensées: un coup il se voit devant un château de contes de fées en tapant sur un faux tambour, puis il se rêve dompteur de chevaux de cirque au milieu de volailles. Dommage que la photographie soit aux couleurs délavées, mais le balancement entre rêve et réalité est plaisamment mis en scène, notamment lorsque des oies deviennent des chevaux. Le clou du spectacle reste cependant la musique d'Aaron Copland, qui donne envie d'entrer dans le film dès le générique, se fait plus guillerette lors des scènes familiales, et devient plus épique lors des rêves médiévaux.
Envie de nommer le film: oui.
Nominations possibles: musique, mais L'Héritière lui passera devant.


Samson and Delilah: produit et réalisé par le grand prêtre du bon goût exotique en personne, Mr. DeMille, avec Hedy Lamarr, Victor Mature, George Sanders et Angela Lansbury. Scénario de Jesse Lasky Jr. et Fredric Frank, d'après un roman de Vladimir Jabotinsky.
Remarques: Comme on pouvait s'y attendre, on touche à un raffinement sans pareil: Hedy Lamarr se promène dans tout le film en petite tenue, Angela Lansbury se prend pour la reine des Amazones et George Sanders n'a pas peur du ridicule dans ses atours royaux. Quant aux décors, les maisons en terre cuite préfigurent les artifices des Dix Commandements, sur fond de couleurs hideuses de la Terre dans le ciel. Par contre, la musique de Victor Young fait toujours son petit effet: c'est imposant dès le générique, puis langoureusement antique comme dans Cléopâtre, et les jolis accords romantiques lors de l'apparition d'Hedy Lamarr restent le morceau de bravoure de la partition.
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: musique.


The Secret Garden: réalisé par Fred Wilcox, produit par Clarence Brown, avec Herbert Marshall et Margaret O'Brien. Ecrit par Robert Ardrey d'après un roman de Frances Hodgson Burnett.
Remarques: Le souvenir s'est estompé depuis le temps, mais je garde souvenance d'une bonne ambiance gothique.
Envie de nommer le film: oui.
Nominations possibles: à revoir, mais je pense spontanément aux décors et costumes.


She Wore a Yellow Ribbon: réalisé par John Ford, produit par Argosy Pictures, avec John Wayne et Joanne Dru. Scénario de Frank Nugent et Laurence Stallings d'après des nouvelles de James Warner Bellah.
Remarques: N'étant pas le plus grand amateur de westerns, celui-ci m'a peu marqué, la faute, peut-être, à un personnage féminin qui ne tenait pas toutes ses promesses. La photographie de Winton Hoch est en revanche ravissante.
Envie de nommer le film: à revoir.
Nominations possibles: photographie.


The Sun Comes Up: réalisé par Richard Thorpe, produit par Robert Sisk, avec Jeanette MacDonald et Lassie. Ecrit par Margaret Fitts et William Ludwig sur une histoire de Marjorie Kinnan Rawlings.
Remarques: Pauvre Jeanette, qui en vingt ans est passée de star de premier plan à figurante auprès d'un compagnon à truffe. Le scénario trouve quand même le moyen de la faire chanter au départ, mais le drame qui ouvre le film se résout trop vite pour captiver une fois qu'elle se retire à la campagne.
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: /


That Forsyte Woman: réalisé par Compton Bennett, produit par Leon Gordon, avec Errol Flynn et Greer Garson. Scénario de Jan Lustig, Ivan Tors et James Williams d'après un roman de John Galsworthy.
Remarques: Quelle déception! On m'avait tant vanté le contre-emploi d'Errol Flynn en mari autoritaire que j'attendais ce film avec impatience, mais hélas, l'acteur n'a rien à faire à part rester sur la même note de dureté deux heures durant. Autrement, le film est une énième greergarsonerie égale aux autres: la rougeoyante actrice y incarne un sempiternel parangon de vertu qui s'autorise tout de même une infidélité, Walter Pidgeon n'a pas plus d'expressions que d'habitude, les décors et costumes typiques de la MGM sont soignés comme il se doit sans impressionner pour autant, et Janet Leigh ne marque pas vraiment les esprits. A la fin, on s'ennuie ferme et le film manque cruellement de piquant.
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: /


Too Late for Tears: réalisé par Byron Haskin, produit par Hunt Stromberg, avec Lizabeth Scott. Ecrit par Roy Huggins.
Remarques: De la série B dans toute son horreur, et une histoire misogyne à plus d'un titre: impossible de tenir jusqu'au bout. Par ailleurs, je ne sais jamais quoi penser de Lizabeth Scott, qui a indéniablement beaucoup d'allure mais qui trouve systématiquement le moyen de faire des formes bizarres avec sa mâchoire lorsqu'elle parle.
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: /


Tulsa: réalisé par Stuart Heisler, produit par Walter Wanger, avec Susan Hayward. Ecrit par Frank Nugent et Curtis Kenyon sur une histoire de Richard Wormser.
Remarques: C'est un proto-Géant avec introduction pseudo historique et couleurs flamboyantes. Hélas, impossible de me prendre au jeu, et Susan Hayward a déjà été bien mieux utilisée qu'ici, malgré son charisme heureusement pas tombé au fond d'un puits.
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: /


Twelve O'Clock High: réalisé par Henry King, produit par Darryl Zanuck, avec Gregory Peck. Scénario de Sy Bartlett et Beirne Lay Jr. d'après leur propre roman.
Remarques: Désolé, je n'ai pas fait l'effort d'aller jusqu'au bout: c'est un film de guerre, c'est exclusivement masculin, et ça n'est tout simplement pas pour moi.
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: à revoir, mais l'envie n'y est pas.


Whirlpool: produit et réalisé par Otto Preminger, avec Gene Tierney, José Ferrer et Richard Conte. Scénario de Ben Hecht et Andrews Solt d'après un roman de Guy Endore.
Remarques: Preminger est l'un des réalisateurs que j'aime le moins parmi les plus respectés (l'autopsie étant l'heureuse exception), et Whirlpool continue de faire pencher la balance du mauvais côté. Le scénario ménage pourtant une bonne part de suspense dans le détail, et la mise en scène sert bien le propos, entre de multiples gros plans lors des séances d'hypnose et la façon de montrer l'héroïne de dos lorsqu'elle est en proie à ses démons, mais il m'est impossible de m'intéresser à tout ça malgré tout. Gene Tierney est un peu trop nerveuse même quand ça n'a pas lieu d'être ("if you inssssist!"), et elle joue l'emprise de façon un peu laborieuse avec ses regards trop expressifs. A l'inverse, José Ferrer reste suave et souligne sans difficultés son potentiel de domination, mais il en faut plus pour m'impressionner.
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: /


White Heat: réalisé par Raoul Walsh, produit par Louis Edelman (Warner), avec James Cagney, Edmond O'Brien et Virginia Mayo. Scénario d'Ivan Goff et Ben Roberts sur une histoire de Virginia Kellogg.
Remarques: Techniquement, c'est une belle réussite formelle avec des scènes d'attaques et de poursuites au montage haletant, et un finale fort bien photographié dans une usine chimique aux multiples dômes. Ceci dit, j'aurais aimé que l'histoire creuse davantage les rapports entre le gangster maniaque et le policier infiltré dans son gang, sachant que l'histoire n'exploite pas toujours ses autres atouts, notamment la disparition de la mère. L'intrigue fait tout de même froid dans le dos étant donné que les trois quarts de la distribution disparaissent dans des scènes d'une violence inouïe (voir notamment les premiers meurtres gratuits dans le train), de telle sorte qu'on ne s'ennuie jamais bien que cette dureté m'ait sincèrement mis mal à l'aise. Les performances sont pour leur part correctes mais peu surprenantes (Margaret Wycherly en matriarche sèche, Virginia Mayo en petite amie vulgaire, Edmond O'Brien en faux gangster pas toujours convaincant), mais James Cagney donne effectivement l'une des meilleures variations de son personnage-type. Si les scènes de migraine ne m'impressionnent pas (et peut-on parler de cette dernière réplique ridicule?), c'est surtout lorsque Cody se met à parler en toute sincérité à son faux ami que l'acteur donne le meilleur de lui-même, en révélant une sorte de candeur insoupçonnée chez un personnage aussi froid.
Envie de nommer le film: oui.
Nominations possibles: Cagney, montage.


Etats-Unis/Royaume-Uni

Edward, My Son: réalisé par George Cukor, produit par Edwin Knopf, avec Deborah Kerr et Spencer Tracy. Ecrit par Donald Ogden Stewart d'après une pièce de Robert Morley et Noel Langley.
Remarques: Vu il y a des lustres pour Deborah Kerr. Je n'avais pas aimé le film sur le moment mais serais bien en peine d'en juger après plusieurs années, mais vraiment, la pauvre Deborah se vautrait dans une telle caricature que j'avais rarement vu prestation si crispante et grotesque dans une liste de remises de prix. Étonnant, quand on voit qu'elle était dirigée par Cukor.
Envie de nommer le film: à revoir.
Nominations possibles: /


France

Gigi: réalisé par Jacqueline Audry, produit par Claude Dolbert, avec Danièle Delorme, Gaby Morlay et Yvonne de Bray. Ecrit par Pierre Laroche d'après Colette.
Remarques: Comme Irene Dunne, j'ai toujours détesté cette histoire de jeune première jetée en pâture aux hommes par ses tantes demi-mondaines, et cette version me semble encore plus malsaine car Danièle Delorme accentue beaucoup trop son côté enfantin. Ses partenaires séduisent néanmoins davantage par leur forte personnalité, mais ça ne suffira pas à me faire aimer le tout.
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: /


Hans le marin: réalisé par François Villiers, produit par André Sarrut, avec Maria Montez, Lilli Palmer et Jean-Pierre Aumont. Scénario adapté par de multiples contributeurs.
Remarques: Vu pour Maria Montez, aussi fatale que jolie, mais qui ne me convainc pas outre mesure dans cette histoire atrocement misogyne et rabâchée, où l'insupportable marin qui a une fille dans chaque port se retrouve aux prises de la sempiternelle femme vénale qui n'a pas froid aux yeux.
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: /


Occupe-toi d'Amélie: réalisé par Claude Autant-Lara, avec Danielle Darrieux et Jean Desailly. Ecrit par Pierre Bost et Jean Aurenche, d'après Feydeau.
Remarques: J'ai un énorme problème avec ce film. D'un côté c'est réussi puisque l'aspect cartoonesque est tout droit issu de la pièce, mais je déteste Feydeau, ses calembours douteux et son humour exagéré. Donc, aucun moyen de supporter le film dans son entièreté: ça caquette à n'en plus finir, et l'on apprend entre autre que "la coquette est devenue cocotte". Gnnnnn!
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: /


France/Italie

Le mura di Malapaga: réalisé par René Clément, produit par Alfredo Guarini, avec Jean Gabin et Isa Miranda. Scénario de multiples contributeurs.
Remarques: Le néo-réalisme d'après-guerre n'a jamais été ma tasse de thé, et cette histoire d'amour me semble franchement toxique: Miranda tombe amoureuse de Gabin en un clin d’œil et se dépouille immédiatement de toute volonté afin de tout faire pour lui bien qu'il soit un truand. L'actrice tire heureusement son épingle du jeu grâce à son bilinguisme et son fort caractère que le scénario ne parvient pas tout à fait à estomper, même si elle rate hélas sa dernière séquence dans les escaliers, séquence somme toute assez prenante pour faire oublier l'ennui de cette histoire très datée.
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: /


Japon

Banshun (晩春) (Printemps tardif): réalisé par Yasujirō Ozu, produit par Takeshi Yamamoto, avec Setsuko Hara et Chishū Ryū. Scénario de Kōgo Noda et Yasujirō Ozu d'après une nouvelle de Kazuo Hirotsu.
Remarques: Le chef-d’œuvre de l'année, aucun suspense de ce côté-là, le film atteignant la perfection dès l'ouverture. C'est élégant en toute simplicité, le passage de la jeune fille à l'âge adulte est touchant, et malgré sa dimension quotidienne, Printemps tardif tient surtout à montrer l'effritement des valeurs traditionnelles, en lien avec les bouleversements de la société d'après-guerre avec l'arrivée massive de la culture américaine sur le marché japonais. A ce titre, le scénario est très riche, tout se suit avec un très grand intérêt, y compris lors de métaphores compliquées à base de cornichons, et c'est également très bien interprété: c'est peut-être un tout petit peu trop subtil pour m'éblouir de ce côté-là, mais le père joue très bien la déception en voyant sa fille heureuse de lui apprendre le mariage du jeune promis à une autre, et Setsuko Hara réussit très bien la séquence du spectacle où elle perd ses illusions, malgré une image trop virginale qui la rend légèrement agaçante au départ. Mais surtout, Banshun est un chef-d’œuvre technique: le montage de Yoshiyasu Hamamura réussit notamment l'exploit d'isoler les partenaires comme s'ils allaient dans des directions opposées bien qu'ils pédalent ensemble dans la campagne, et la photographie de Yuuharu Atsuta laisse brillamment les roues des vélos s'embrasser comme des alliances tandis que les camarades s'éloignent sans se toucher au second plan. Pour couronner le tout, la musique de Senji Itō touche au sublime et alterne élégamment un tempo lent pour amorcer l'histoire en douceur, et un tempo plus vif pour souligner l'excitation d'un voyage en train, le tout sur de très jolis accords.
Envie de nommer le film: oui, mille fois oui.
Nominations possibles: film, Ozu, scénario, montage, photographie, musique.


Royaume-Uni

Christopher Columbus: réalisé par David MacDonald, produit par Betty Box et Frank Bundy, avec Fredric March et Florence Eldridge. Scénario de Muriel Box, Sydney Box et Cyril Roberts, d'après un roman de Rafael Sabatini.
Remarques: Un film d'aventures porté par l'uns de mes acteurs favoris, forcément, j'avais très envie d'aimer. Hélas, il faut se contenter d'une œuvre assez plate dont j'ai déjà beaucoup de mal à me rappeler moins d'un an après la découverte de cette Amérique aux couleurs pastel et d'une Espagne aux décors rocambolesques. Le point fort du film: la musique d'Arthur Bliss, toujours prompte à vous mettre dans l'ambiance même quand l'histoire ennuie.
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: musique.


Madness of the Heart: écrit et réalisé par Charles Bennett, produit par Richard Wainwright, avec Margaret Lockwood et Kathleen Byron. D'après un roman de Flora Sandstrom.
Remarques: C'est tellement mauvais que c'en devient parfaitement jouissif, et l'on ne s'ennuie pas un seul instant devant ces aventures ahurissantes où une pauvre niaise voit son fiancé partir au loin (!), perd la vue (!!), choisit alors de rentrer au couvent (!!!), avant de bel et bien épouser son fiancé (!!!!) et de se retrouver au cœur de multiples tentatives de meurtre orchestrées par la voisine folle furieuse elle aussi amoureuse du fiancé insipide!!!!! Bref, c'est tellement mauvais que j'adore ça, et ce chef-d’œuvre scénaristique reste un plaisir de tous les instants. Dotée d'un tel arc narratif, Margaret Lockwood ne se tire pas si mal que ça de l'exercice compte tenu de la situation, notamment dans les dernières séquences où elle reprend du poil de la bête. Mais évidemment, elle se fait complètement éclipser par Kathleen Byron qui, malgré tout ce qu'on peut penser du film, donne une performance véritablement réussie. J'oserais même dire qu'elle est nettement meilleure ici qu'en nonne hystérique au Narcisse noir, car elle ne surjoue jamais aucun sentiment et, cerise sur le gâteau, elle emploie une voix calme et posée absolument pas nasillarde! En fait, elle garde beaucoup d'allure tout du long, elle réussit l'exploit de nous faire totalement croire à son ton amical, et ça reste très intéressant de la voir esquisser la ligne fragile entre folie et dépression de l'intérieur, le tout sous le couvert d'un humour mordant, comme lorsqu'elle rappelle à sa voisine aveugle: ''See him again. Don't take see too litterally.''
Envie de nommer le film: non, c'est trop affreux, mais...
Nominations possibles: Byron. C'est très sérieux.


The Queen of Spades: réalisé par Thorold Dickinson, produit par Anatole de Grunwald, avec Edith Evans et Anton Walbrook. Scénario d'Arthur Boys et Rodney Ackland d'après la nouvelle d'Alexandre Pouchkine.
Remarques: Je ne m'en souviens pas assez pour en parler maintenant, mais je garde le souvenir d'une Edith Evans terrifiante dans son attirail de vieille dame. Tout ce qui contribue à la rendre aussi imposante, des costumes aux coiffures, pourrait parfaitement recevoir une citation.
Envie de nommer le film: peut-être.
Nominations possibles: à revoir.


The Small Back Room: écrit, produit et réalisé par Michael Powell et Emeric Pressburger, avec David Farrar et Kathleen Byron. D'après un roman de Nigel Balchin.
Remarques: J'ai bien peur qu'aussitôt vu, aussitôt oublié. David Farrar y joue un héros en proie à l'alcoolisme comme à peu près la moitié des acteurs de cinéma de la fin des années 1940, et Kathleen Byron incarne la traditionnelle épouse dévouée, sur fond de guerre. J'essaierai de lui redonner une chance, mais c'est loin d'être le Powell/Pressburger qui m'a le plus marqué.
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: à revoir.


The Third Man: produit et réalisé par Carol Reed, coproduit par Alexander Korda et David O. Selznick, avec Joseph Cotten, Alida Valli, Orson Welles et Trevor Howard. Scénario original de Graham Greene.
Remarques: Je sais... Sacrilège. Mais il faut bien se rendre à l'évidence, je m'y suis ennuyé ferme. Sans mentir, j'ai eu l'impression d'avoir une piètre imitation d'Hitchcock, le tempo excessivement largo m'a endormi, et la distorsion de tous les angles m'a semblé bien vaine: il n'aurait fallu les tordre que lors des séquences réellement déstabilisantes (l'orphelinat, les égouts), mais pas systématiquement dès le générique. A moins que cette manière de filmer soit censée représenter le chaos d'après-guerre, un aspect du film que je sais apprécier malgré tout, car The Third Man est essentiellement le témoin d'une époque, celle de la corruption dans une Vienne brisée par la guerre. Le problème, c'est que l'atmosphère ne parvient jamais à faire effet sur moi: non seulement le rythme est très lent, mais les tentatives d'insertion d'un peu d'humour sont ratées et, sacrilège ultime, la musique à la cithare d'Anton Karas a totalement cassé l'ambiance supposément obscure à mon goût. Cependant, la mise en scène de Carol Reed contient plusieurs traits de génie: le chat qui mène à une découverte capitale, l'homme aux ballons, la poursuite finale dans les égouts, voilà autant d'éléments qui ont sporadiquement réussi à me faire rentrer dans le film, même si jamais pour longtemps, malheureusement. Autrement, l'interprétation m'a laissé de marbre: Orson Welles est charismatique mais rien de nouveau à l'horizon, et les autres ne m'ont fait ni chaud ni froid. A la fin, le seul aspect que j'aime vraiment dans tout ça, c'est bien entendu la photographie de Robert Krasker: certes, je ne pense pas que la distorsion des angles fût toujours utile, mais cet expressionnisme, ces ombres contrastées et ces gros plans effrayants sont effectivement à la hauteur de leur réputation.
Envie de nommer le film: j'hésite... c'est indéniablement mythique, mais "plus grand film de l'histoire du cinéma"? Pas pour moi.
Nominations possibles: Reed, photographie.


Under Capricorn: produit et réalisé par Alfred Hitchcock, coproduit par Sidney Bernstein, avec Ingrid Bergman, Joseph Cotten et Margaret Leighton. Ecrit par Hume Cronyn et James Bridie d'après un roman d'Helen Simpson.
Remarques: Hitchcock a beau se montrer encore et toujours créatif en usant cette fois-ci de plans-séquences, et l'histoire a beau tenter de maintenir le suspense, des longueurs dans le rythme et les couleurs délavées de l'ensemble m'ennuient terriblement. Surtout, le film est anéanti par la performance d'Ingrid Bergman qui retombe dans son pire travers, à savoir surjouer l'hystérie avec une telle emphase qu'elle se vautre dans des flots de ridicule embarrassants. Elle semble même plus constipée que folle ou alcoolique, ses plissements d'yeux intempestifs sont agaçants, ses confessions sont affreusement amateures, et ça me rappelle pourquoi je lui ai longtemps été réfractaire. Sans compter qu'elle est complètement éclipsée par une Margaret Leighton nerveuse à souhait. Pour le reste, même la reconstitution d'époque à travers les coiffures et les costumes frôle un peu le grotesque par son côté suranné.
Envie de nommer le film: non.
Nominations possibles: /


C'est tout pour le moment. Je suis ouvert à d'autres suggestions.

mardi 19 avril 2016

Orfeoscar de la meilleure musique 1940


Après les décors, les costumes et les chansons, reprenons les remises de prix pour 1940, en attendant de passer à 1934 à la fin du mois. Qui remportera cette catégorie?


5. Jesús Guridi pour
Marianela

Certes, le film est daté et, dans la catégorie qui nous occupe, le son et l'enregistrement le sont d'autant plus. Mais à n'en juger que par la partition, les accords de Jesús Guridi sont assez formidables et variés pour mériter reconnaissance. L'usage de flûte pour les promenades bucoliques dans la campagne est par exemple très judicieux car ça accentue la complicité que noue l'héroïne avec l'aveugle qu'elle accompagne, et certaines mesures franchement cocasses soulignent bien l'humour de certaines situations, en particulier au départ lorsque le film s'ouvre sur un homme qui peine à avancer sous la pluie. Néanmoins, le clou du spectacle reste ce morceau religieux savamment inséré à trois reprises, d'abord à la chapelle lorsque Marianela fait part de ses états d'âme à la Vierge, puis lors d'une discussion avec le jeune homme, où la gravité des accords tranche avec la tonalité bucolique du reste du film et donne une épaisseur romantique à cette histoire d'un autre temps, et enfin lors de la conclusion céleste, où l'ajout de chœurs apporte à l’œuvre une ampleur tragique qui permet d'oublier un instant le dénouement franchement malsain qui se joue sous nos yeux, malgré un beau plan final avec l'envol du rideau. Quoi qu'il en soit, les moments importants sont bien mis en valeur par la mélodie de Guridi, et j'avouerai même que la musique est de loin le meilleur atout du film, malgré une jolie performance principale. Par moments, le son fait penser à un film du début des années 1930, mais si Marianela avait bénéficié d'un meilleur orchestre en gardant la même partition, la musique aurait touché au sublime. D'où mon coup de pouce pour Jesús Guridi.


4. Max Steiner pour
Virginia City

Une nouvelle année, une nouvelle nomination pour Max Steiner, qui pour traduire en musique ce western dont l'intérêt est de se garder de trancher entre nordistes et sudistes, a intelligemment intégré des réorchestrations des grands airs de la guerre de Sécession et des chansons de Stephen Foster (la longue séquence au saloon) à une bande originale à la fois épique et romantique. L'ouverture et les cris pour la liberté ont notamment quelque chose de très solennel mais coloré, évoquant par-là même l'aventure qu'on s'apprête à vivre en suivant ce petit groupe où chacun se dissimule sous une fausse identité au milieu de montagnes et rivières à couper le souffle; tandis que les séquences de poursuite entendent leur musique alimenter l'action au rythme d'accords vigoureux. Le thème d'amour est également présent, peut-être trop facilement steinerien dans sa conception, mais c'est toujours un plaisir, d'autant que sa relative discrétion par rapport aux airs héroïques illustre bien les conflits intérieurs des héros, pour qui le devoir prime sur les sentiments.


3. Leigh Harline et Paul Smith pour
Pinocchio

Trois ans après Blanche-Neige, Disney a continué de creuser l'écart avec le reste du monde de l'animation, cette fois-ci avec Pinocchio, dont les ravissantes images colorées se devaient d'être servies par une partition à la hauteur des événements. En outre, comme on navigue entre différents mondes, la musique ne manque pas de s'adapter à chaque atmosphère: le ton est alors tout à fait rassurant lors des premières séquences dans la maison de Geppetto, avec les jolies horloges et les animaux rigolos qui renforcent la chaleur du foyer; le départ pour l'école, soit une véritable découverte de l'environnement extérieur pour le héros, est quant à lui servi par un tempo plus vif traduisant bien l'excitation vécue dans un tel moment; la tentation d'aller vers le théâtre ou l'île des plaisirs enchantés est de son côté portée par une mélodie intrépide et guillerette prête à faire succomber même les âmes les plus sérieuses; et l'obscurité très glauque du marionnettiste et de la baleine est enfin brillamment opposée aux accords aériens et lumineux de la fée bleue, qui reprennent le thème d'ouverture sur l'idée d'une bonne étoile protectrice. Cette partition est donc très riche et soutient très bien la comparaison avec Blanche-Neige, faisant de ce deuxième opus un véritable chef-d’œuvre d'animation qui n'a rien à envier à son illustre aînée.


2. Miklós Rózsa pour
The Thief of Baghdad

A partir de maintenant, il m'est quasiment impossible de départager mes deux derniers finalistes, qui par bonheur auront tous de multiples chances de remporter des trophées d'autres années. Miklós Rózsa s'incline alors de justesse devant une partition encore plus riche, mais sa composition pour Le Voleur de Bagdad est brillante à plus d'un égard. Par exemple, l'ouverture est grandiose à souhait, avec tout ce qu'il faut de notes faussement orientales et de tempo allegro pour nous transporter dès le générique devant les portes monumentales d'une grande cité de contes de fées, aux tours et marchés multicolores. Les scènes avec Sabu ont quant à elles leur lot de mesures vives teintées d'humour, par opposition avec le thème du méchant vizir, sombre comme il se doit. Mais le morceau de bravoure reste indéniablement le thème d'amour, absolument sublime et traduisant à la perfection ce coup de foudre incroyable dans des jardins verdoyants, avant de dériver sur une déclaration plus solennelle sur les toits d'un palais se confondant avec les cieux. A chaque écoute, il me faut vraiment lutter pour ne pas couronner Miklós Rózsa cette année...


1. Erich Wolfgang Korngold pour
The Sea Hawk

Mais voilà, Le Voleur de Bagdad a beau contenir mon morceau préféré de l'année, je vote tout de même pour la partition très riche de Korngold dans le film d'aventures ultime: The Sea Hawk. En effet, cette composition originale réussit l'exploit de ne jamais se répéter pendant trois quarts d'heure, et c'est un délice de tous les instants. L'introduction est en effet on ne peut plus grandiose et enchanteresse pour bien nous faire palpiter devant les aventures maritimes qui s'annoncent, certains accords ressemblant par ailleurs à de véritables chants de marins; les thèmes réservés aux Espagnols ont pour leur part leur content de notes mystérieuses illustrant les diverses conspirations; la douleur de l'expédition en sépia au Panama se fait bien ressentir à travers une mélodie soudainement dénuée d'attrait, et beaucoup plus pénible pour le héros qui perd sa fougue à mesure que le tempo se fait lent; et les notes féminines de la reine et de la fiancée ont enfin tout ce qu'il faut de ravissement et de légèreté pour nuancer le tout. En clair, tout est parfait, et jamais mélodie n'aura été mieux associée à l'identité même des collaborations Errol Flynn / Michael Curtiz, L'Aigle des mers ayant l'insigne honneur d'être la meilleure.


Tableau d'honneurCharles Chaplin et Meredith Willson pour The Great Dictator: une partition comprenant certains airs originaux, mais ça ne compte pas vraiment dans la mesure où ce sont Brahms et Wagner qui mettent en lumière les séquences les plus inspirées. Aaron Copland pour Our Town: une jolie composition que j'avais oubliée compte tenu du peu d'intérêt que je porte au film, mais le génie de Copland est bien présent. Paul Misraki pour Battement de cœur: pour les mesures instrumentales de la Charade sur laquelle se rencontrent Danielle Darrieux et Claude Dauphin, mais également pour la valse aérienne au vent léger, une mélodie si charmante qu'on s'est empressé d'en faire une chanson pour l'actrice-chanteuse. Alfred Newman pour The Mark of Zorro: pour l'introduction épique aux mesures hispanisantes, même si l'on regrettera un usage trop rébarbatif du même thème tout au long d'un film qui finit par ennuyer légèrement à mi-parcours. Leonid Polovinkin pour Vasilisa Prekrasnaya: parce que même si les chansons ne sont pas des plus mémorables, la musique soutient bien l'action dans le reste du film. Max Steiner pour The Letter: un superbe thème moite et langoureux reflétant à merveille les obscures passions qui se jouent dans cette partie de l'Asie tropicale. Et enfin Franz Waxman pour Rebecca: parce que l'introduction m'évoque une promenade mystérieuse en bord de mer bien que je ne sois pas vraiment touché par le reste de sa partition pour ce film.


Et vous, quelles sont vos musiques préférées pour 1940?

lundi 18 avril 2016

Battement de cœur (1940)


Hier soir, j'ai vécu une expérience palpitante devant un film au titre on ne peut plus adéquat: Battement de cœur, une œuvre d'Henri Decoin sur un scénario de Jean Villeme et Max Kolpé, avec dialogues de Michel Duran, d'après une nouvelle de Lilly Janüsse ayant inspiré le film italien Batticuore un an plus tôt. Cette découverte ravissante est essentielle à trois points de vue. Tout d'abord, c'est une oeuvre si rare, jamais éditée de nos jours, que je désespérais de ne pouvoir mettre la main dessus: avoir triomphé de cette difficulté me met donc en joie! Ensuite, j'ignorais qu'on pouvait réussir une comédie qui soit à la fois légère et sympathique en France, et Battement de cœur vient de me prouver le contraire: c'est l'équivalent français des comédies américaines délicieusement improbables et chics, avec en outre un certain esprit aristocratique qui tranche avec la grande majorité de films français où tous les acteurs se croient obligés de parler comme des poissonniers. Mais surtout, j'avais besoin de me racheter une virginité en matière de cinéma: après avoir visionné quasiment tous les films qui m'inspiraient le plus ces dernières années, je regrettais vivement l'époque bénie du sentiment même de la découverte, d'où une sensation de manque un peu désagréable. Or, Battement de cœur vient de me pousser à dénicher toute la filmographie des jeunes années de Danielle Darrieux, de quoi redonner un nouveau souffle à ma cinéphilie.

Après, je suis peut-être un tout petit peu trop enthousiaste, car le scénario souffre de deux problèmes ultra mineurs. Le premier, c'est la sensation qu'on passe trop facilement d'un personnage à l'autre, certains semblant être très développés au départ avant de disparaître trop longtemps une fois leur tâche accomplie. Le second, qui en découle, c'est qu'après tous ces rebondissements qui se bousculent dans les deux tiers du film, le dernier acte patine en comparaison, au prix d'une résolution trop bâclée. Mais ces défauts ne nuisent nullement au plaisir: notre cœur bat au rythme des aventures de cette jeune voleuse pleine de bonnes intentions qui évolue entre un pensionnat aux formations très particulières et de charmantes salles de bal d'ambassades, sur fond de romance et d'humour. C'est tout à fait plaisant et délicieux, les quiproquos s'enchaînent entre perles, valises et petits chiens, et l'on a constamment envie d'en savoir plus. En outre, les répliques sont souvent très drôles en toute simplicité (la scène avec le valet muet!), ce qui ne gâche rien, et la musique de Paul Misraki nimbe l'ensemble d'une aura pétillante qui donne envie de valser, entre les mesures instrumentales d'Au Vent léger qui invitent à la danse, et la sympathique Charade romantique chantée par l'héroïne.

Surtout, l'interprétation est excellente et fonctionne à merveille pour ce type de comédie. Saturnin Fabre ouvre notamment le film sur une note de drôlerie teintée de sévérité, Julien Carette apporte quant à lui la gouaille nécessaire pour introduire une touche de prolétariat détonnant dans les hautes sphères diplomatiques, et Claude Dauphin, Jean Tisser et André Luguet sont plus que corrects. Cependant, personne n'égale la divine Danielle Darrieux dans une performance qui n'a rien à envier aux grandes interprétations américaines: elle soutient très bien la comparaison avec une Claudette Colbert période It Happened One Night, bien qu'elle fasse davantage penser à une Deanna Durbin espiègle et musicale dans une jolie romance à l'ancienne qu'elle aurait très bien pu incarner. Dans tous les cas, elle sait rester humble telle la jeune fille de dix-huit ans qu'elle incarne sans pour autant se laisser marcher sur les pieds, son honnêteté et sa volonté de bien faire sont souvent hilarantes par comparaison avec ce qu'on lui demande d'accomplir, et chacune de ses grimaces, chacun de ses sifflets et chacun de ses cris est à hurler de rire! Si j'avais des Golden Globes pour 1940, Danielle en ferait indéniablement partie aux côtés de Rosalind Russell, Katharine Hepburn et Margaret Sullavan.

A la fin, le seul défaut très évident du film, c'est son montage abrupt: on saute sans liant d'une scène à l'autre, voire d'un temps à un autre, si bien qu'on perd parfois ses repères. Jamais pour longtemps, heureusement, et le 7/10 que j'envisageais de mettre au départ reste très mérité. A noter que devant le succès de Battement de cœur dans son pays d'origine, Hollywood s'est empressé d'en faire un remake en 1946 avec Ginger Rogers, Adolphe Menjou et l'homme de ma vie. Malheureusement, c'est tellement calqué à l'identique qu'on préférera toujours l'original à la copie, sans compter que Ginger n'a pas, à 35 ans, la fraîcheur requise pour le rôle. Ces deux versions restent néanmoins sympathiques, mais la française est indépassable.

samedi 9 avril 2016

Top 10 : Classiques d'animation Disney

Depuis un an, je suis en train d'acheter tous les classiques Disney en DVD, histoire de me remémorer à quel point c'était bien d'être enfant dans les années 1990. En effet, si j'étais un tantinet trop jeune pour profiter de La Petite Sirène et La Belle et la Bête en salles, j'avais six ans au moment du Roi Lion et sept à la sortie de Pocahontas. Autant dire que chaque année fut l'occasion d'une orgie de Renaissance Disney, festival dûment complété par les VHS de tous les grands classiques antérieurs. Hélas, mon magnétoscope ayant rendu l'âme après vingt ans de bons et loyaux services, il m'était impossible récemment de regarder mes cassettes, d'où l'importance de les convertir en DVD! Si l'on se plaindra du massacre catastrophique des VF sur les nouveaux supports (RIP Blanche-Neige!), ces achats ont tout de même l'avantage d'avoir comblé mes lacunes les plus récentes, puisque j'avais décidé en 2000 que j'étais à présent trop grand pour voir des dessins animés au cinéma et avais honteusement tout snobé depuis les ennuyeux Dinosaures. Alors, après une quinzaine d'années sans Disney, il était temps de rentrer au bercail, et j'ai décidé de fêter ça avec un top 10. On n'y retrouvera peut-être pas les meilleurs opus, mais voici les dix pépites qui me touchent ou me divertissent le plus, avec le recul bienvenu de l'âge adulte:



10 ~ Tangled (2010)

Situé exactement entre les soporifiques et honteusement surestimées grenouilles et reine des neiges, Tangled vient d'acquérir à la surprise générale le statut envié de très agréable découverte, déjà regardée deux fois en moins d'un an, mais aussi de véritable bouffée d'air frais avant que les richissimes studios n'aient rien trouvé de mieux à faire que de jeter leur imagination aux orties afin d'enlaidir leurs vieilles histoires telle Maléfique, voire les balancer depuis la roche Tarpéienne comme la catastrophique Cendrillon de l'année dernière. Par ailleurs, la découverte fut d'autant plus plaisante parce que totale, car aussi étrange que ça puisse paraître, je n'avais jamais lu l'histoire de Raiponce avant de voir le film. J'ai beau avoir tous les livres de contes imaginables depuis l'Océanie jusqu'à la Norvège, Raiponce avait toujours échappé à mon radar, alors merci les studios Disney d'avoir changé la donne. Quoi qu'il en soit, j'aime beaucoup: l'héroïne a beau être l'archétype de l'adolescente contemporaine, elle a assez de personnalité et d'inventivité pour être absolument attachante, elle me fait penser à moi quand elle se roule dans l'herbe en proie aux hésitations les plus vives et, cerise sur le gâteau, elle chante avec les gentils brigands dans la taverne! Ajoutons à cela de très jolies images de lanternes au vent, un cheval qui remet le héros sûr de lui à sa place et une geôlière digne des plus grands rôles de comédies musicales, et le plaisir en augmente d'autant plus. Le bémol: les chansons du film sont hélas très oubliables.



09 ~ Bambi (1942)

Alors, dans Bambi, il ne se passe finalement pas grand chose: c'est l'histoire d'un faon qui vient au monde, qui découvre son environnement, en été, en automne, en hiver, au printemps... Qui grandit, tombe amoureux, apprend à se battre, à se protéger, etc. Une histoire d'apprentissage assez normale, en somme, n'était l'élément perturbateur excessivement choquant que tout le monde connaît, et qui fit entrer le film dans la légende rien que pour cette séquence traumatisante. A cela s'ajoutent de très jolis dessins d'animaux, mais surtout de fabuleux décors forestiers. Or, j'adore les forêts, et il n'est pas un weekend où je n'essaie d'aller à la campagne pour y errer. Dès lors, tous ces décors sont pour moi prodigieusement excitants: les sous-bois sombres à l'aube, les herbes hautes, la neige éclatante, les fleurs chamarrées printanières... C'est magnifique, et ça mérite d'être protégé. D'ailleurs, si le film me plaît autant, c'est que l'homme, invisible, en est le principal antagoniste, et je suis absolument ravi de voir les infâmes chasseurs enfin montrés sous un jour négatif. Il n'y a qu'à lire les réactions enflammées de l'époque pour comprendre que ce point de vue fit un tollé général, les pauvres choux agités de la gâchette, qui aujourd'hui encore n'hésitent pas à tirer sur les sentiers balisés et laisser des bouteilles derrière des souches, s'étant tous sentis insultés. Si ça ne tenait qu'à moi, on interdirait la chasse, on réintroduirait le loup dans nos forêts, et le monde tournerait mieux.

Bambi reste en tous cas un très beau dessin animé avec de charmants personnages: la mère très distinguée à la diction rassurante, Thumper (Panpan) espiègle amateur de fleurs de trèfle, Faline, la jeune compagne dynamique, Monsieur Hibou, râleur au grand cœur, et bien sûr Bambi lui-même, d'abord très timide et qui doit apprendre à s'affirmer au gré d'épreuves assez rudes. Les seuls bémols viennent de Fleur, soporifique de timidité, du Prince de la Forêt, pas franchement occupé par sa progéniture, et de la grosse lapine énamourée qui se prend pour Mae West! Malgré tout, le casting est éminemment sympathique, et si le rythme traîne un peu en longueur dans la première partie, les palpitations s'enchaînent après coup, jusqu'à cette bataille finale et cet incendie géant plus que jamais inquiétants. Relevons encore la très jolie partition de Frank Churchill, qui atteint des sommets lors d'un ballet de cerfs au galop.



8 ~ Alice in Wonderland (1951)

Les chœurs ouvrant le film, typiques des années 1950, sont malheureusement affreux, mais ça n'est pas un empêchement au plaisir, dieu merci! Les puristes regretteront pour leur part les infidélités de ton faites à l’œuvre d'origine, mais ça ne me pose personnellement aucun problème: on nage dans un imaginaire délirant qui se réinvente à chaque instant, et chaque séquence est l'occasion de découvrir de nouveaux personnages fous à lier dans des décors enchanteurs: la course ridicule du dodo autour d'un feu, le lapin en retard qui voit sa maison s'agrandir à son insu, les fleurs intolérantes, la chenille snob aux vapeurs colorées, l'oiseau crispant qui hurle au "serpeeeeeent!", l'arrivée martiale des cartes, la chanson des roses rouges, mais surtout le lièvre et le chapelier qui festoient au milieu de théières multicolores, le chat de Cheshire et la reine de cœur qui fait bander ses flamants roses, voilà qui reste tout à fait croustillant! On ne s'ennuie donc jamais avec Alice, qui n'a même pas le défaut d'agacer dans ses déconvenues, et les péripéties dans le labyrinthe sont toutes plus exquises les unes que les autres. A vrai dire, même la grande sœur est beaucoup plus cool que ses manières austères le laisseraient croire de prime abord.



7 ~ Sleeping Beauty (1959)

En revoyant enfin le film en DVD, je fus agréablement surpris de redécouvrir les sublimes décors médiévaux d'Eyvind Earle, car là où la VHS m'avait laissé un souvenir décevant avec des fées miniatures ayant juste des points noirs en guise d'yeux, le nouveau support m'a rappelé à quel point chaque image, jusqu'à la plus infime pomme de pin, reste travaillée avec un soin extraordinaire, ce dont témoignent les jolies couleurs de vitraux d'église. Vraiment, je viens de nommer le film dans la catégorie meilleurs décors, et ça pourrait battre Ben-Hur sans honte aucune, tant le travail est titanesque et d'une beauté sans égal. En revanche, je continue de faire des reproches à la musique, les chœurs fifties massacrant allègrement Tchaïkovski, dont le génie perce heureusement sous l'adaptation afin de renforcer l'émotion. Ce défaut excepté, l'atout suprême qui vaut à La Belle au bois dormant de figurer en septième position dans cette liste reste évidemment la méchante la plus classe de tous les temps, la divine Maléfique, incomparablement incarnée par Eleanor Audley et qui se moque si superbement des rois et des fées que l'on voudrait une comédie spécialement centrée sur elle! A noter que l'histoire, évidemment très sexiste, est également caduque: les fées sont supposées ne rien pouvoir faire contre leur ennemie et voilà qu'au bout de seize ans, il leur suffit d'ensorceler une épée pour résoudre l'intrigue. Tout ça pour ça? On aurait tellement préféré que Maléfique les endorme à tout jamais tant elles sont agaçantes, sauf la bleue, assez rigolote pour mériter de continuer à déverser son fiel à la cour! Dans tous les cas, c'est beau et plaisant, et Maléfique parvient si bien à nous immerger dans l'histoire qu'on lui pardonne totalement la passivité aberrante de l'héroïne.



6 ~ Pocahontas (1995)

Comme précisé plus haut, j'avais sept ans au moment de sa sortie en salles, et j'avais déjà une grande passion pour les forêts d'Amérique. Alors autant dire qu'on ne pouvait rêver meilleur timing! Les ciels roses et l'onde bleue sont ainsi encore plus enchanteurs que les décors de princesses, si bien qu'on oublie volontiers les ratés au niveau de la morphologie des personnages. De toute façon, le dynamisme et le courage de l'héroïne ont largement de quoi la rendre attachante, et sa force de caractère m'a toujours poussé à lui donner ma préférence sur toutes les autres égéries Disney des années 1990, même si l'on comprend pourquoi l'initiative de la faire tomber amoureuse du capitaine, alors que la véritable Pocahontas avait seulement une dizaine d'années, ait été descendue en flèche. Sans parler de cette vision très Indes galantes des habitants d'Amérique... On pardonnera là encore au film, car la réussite musicale est au rendez-vous afin de donner de multiples couleurs à cette histoire assez simpliste, qui a tout de même le bon goût de finir sur une note moins habituelle, et j'aime autant les airs martiaux de la Virginia Company que les grands accents romantiques de la conclusion. Dommage, en revanche, que les paroles sur nos amis la loutre et le héron soient du niveau de Chantal Goya, mais les mélodies d'Alan Menken sont si jolies qu'on pardonne tout, encore une fois, entre le dynamique Just Around the Riverbend et le sirupeux mais toujours merveilleux Colors of the Wind. Enfin, on ne saurait parler en bien de Pocahontas sans évoquer les animaux de compagnie les plus charmants de l'univers Disney, entre le chien grincheux, le colibri vivace et le raton-laveur coolissime qui n'en est pas à une bêtise près! Bref, Meeko est mon idole, à tel point que j'utilise toujours mes gants de toilette et serviettes de table Meeko au quotidien! Sauf lorsque je donne une réception...



5 ~ Fantasia (1940)

Nous entrons à présent dans le top 5, et si je ne classe Fantasia qu'à la dernière place en raison de son caractère de spectacle à tiroirs, je le tiens tout de même pour un gigantesque chef-d’œuvre où chaque décor est à mourir de ravissement. Ah! Les lignes célestes de la Toccata, les chardons russes et les flocons de neige de Casse-Noisette, les balais de l'Apprenti Sorcier, la lave incandescente et la terreur extrême du tyrannosaure du Sacre du Printemps, les vibrations chamarrées de la Piste sonore, les pégases, cascades et arcs-en-ciel de la Symphonie pastorale, le ballet des autruches de la Danse des heures, l'imagerie médiévale du macabre de la Nuit sur le Mont Chauve, et le bonus ultime d'un superbe bayou au Clair de Lune, voilà une avalanche de merveilles qui associent à la perfection d'élégants dessins à de vénérables adaptions musicales, en une véritable symphonie où l'image traduit à la perfection les airs des grands compositeurs. Fantasia est l'un des films qui m'ont le plus marqué enfant, et sa beauté à couper le souffle ne se dément jamais. A vrai dire, même la photographie de James Wong Howe quant aux musiciens de l'orchestre contient mille traits de génie. Si chacun de ces actes avait donné lieu à un long-métrage aux enjeux dramatiques, c'eût été d'une perfection absolue!



4 ~ Snow White and the Seven Dwarfs (1937)

Si la Belle et la Bête est généralement considéré comme le chef-d’œuvre de la période "renaissance", Blanche-Neige est objectivement le grand chef-d’œuvre de la période "classique", et peut se targuer d'avoir régné sur la franchise pendant une bonne cinquantaine d'années. Evidemment, les dessins sont très novateurs comparés aux affreux courts-métrages du début de la décennie, le style et les couleurs sont une révolution emblématique, et chaque décor est à se damner d'enchantement: le miroir magique, les treillis de la cour du château, la forêt aux doigts crochus, la chaumière sous les sapins, la mine de diamants, le cabinet des poisons... Tout l'imaginaire de contes de fées est là. Quelles merveilles! Mais Blanche-Neige est un film d'autant plus jouissif que ça reste avant tout un grand duel entre deux divas du Golden Age, l'héroïne ayant été calquée sur Janet Gaynor, d'où sa niaiserie palpable, et la royale antagoniste ayant les traits de nulle autre que la déesse Joan Crawford, ce qui explique qu'elle transpire de charisme et de méchanceté! Dommage qu'elle change radicalement de personnalité lors de sa métamorphose, car on image mal Crawford ricaner comme une mégère en allant vendre des pommes (mais bravo Lucille La Verne qui assure les deux voix!), sans compter qu'elle est un peu trop froide dans la première partie, alors que tout le monde sait très bien qu'une Crawford digne de ce nom aurait giflé sa bru avec un cintre en métal, au lieu de se contenter de la regarder méchamment! Et Maléfique est beaucoup plus cool par comparaison. Autrement, l'effort pour varier la personnalité des nains est payant, mais c'est également le plus gros défaut du film (outre son héroïne stupide), car les scènes comiques avec les habitants de la chaumière deviennent trop vite rébarbatives: entre les sacs à patates et les bulles de savon, on s'ennuie ferme et l'on attend vivement que la femme de ménage se fasse empoisonner! Mais les décors sont si beaux qu'on pardonne tout. Cerise sur le gâteau: la musique de Frank Churchill, si prodigieuse et dont chaque chanson est à juste titre devenue mythique.



3 ~ The Great Mouse Detective (1986)

Le plus méconnu des classiques Disney reste pourtant l'un des meilleurs. Et comme pour Blanche-Neige, il est particulièrement orgasmique d'imaginer que sous leurs dehors de rongeurs, les protagonistes qui se lancent dans un duel enflammé sont en fait Basil Rathbone et Vincent Price, celui-ci ayant même prêté sa voix au méchant professeur! Mais le meilleur dans tout ça, c'est que le sous-texte gay transpire à chaque seconde. Car s'il est impossible de mettre en doute l'homosexualité de Ratigan, qui danse comme un dieu, qui joue de la harpe telle une jeune fille de bonne famille, et qui surtout ne perd pas un instant pour caresser amoureusement les moustaches de son rival, il faut aussi être honnête et reconnaître que Basil n'est pas des plus hétéros lui non plus. Après tout, il garde sur sa cheminée le portrait de son grand ennemi qui lui fait les yeux doux, il ne regarde jamais aucune femme, ni la chanteuse de cabaret ni sa cliente éplorée de l'épilogue, et à force de vouloir se détruire mutuellement, les antagonistes laissent à penser qu'ils eurent une relation enflammée jadis, d'où leur obsession à tous deux. La chanson Goodbye, So Soon, non contente de ressembler à une danse en amoureux, est même franchement explicite: "You followed me, I followed you, we were like each other's shadows for a while"... Parce que c'était lui; parce que c'était moi.

Bref, tout cela m'émoustille au plus haut point, mais ce n'est pas tout. En effet, la musique d'Henry Mancini met dans de très bonnes dispositions dès l'ouverture; le ton plus sombre que d'habitude fait sortir des sentiers battus à travers la chauve-souris perverse et l'ivrogne sacrifié; le gros chien est adorable, le magasin de jouets très inventif, la parodie de Victoria hilarante; la séquence du bouge a un je-ne-sais-quoi de Dorian Gray et le suspense final sur les rouages et les aiguilles de Big Ben n'a rien à envier à Hitchcock. Basil contient donc tout ce qu'il faut d'action, d'humour et de romance ambiguë pour faire passer le plus exquis des moments, d'où une troisième place bien méritée, puisqu'il ne manque au film qu'un soupçon de prestige pour se hisser plus haut. Mais félicitons-le encore tout de même: c'est grâce au succès de l’œuvre que les studios se décidèrent à entrer dans leur phase "renaissance", et tant mieux. A noter enfin que le gros chat monstrueux s'appelle... Felicia. Etant donné le contexte actuel, je ris à m'en briser les côtes!



2 ~ Beauty and the Beast (1991)

Incontestablement le chef-d’œuvre moderne des studios, je gage que ce ne sera jamais égalé et que ça fera date pour encore longtemps. Il faut dire que tout est parfait, sauf encore une fois la soumission de l'héroïne, mais Belle est tout de même attachante; et de toute façon, le seul prologue et ses accords sombres et magiques sur une forêt profonde faisant place à d'effrayants vitraux indique qu'on se trouve devant un très grand dessin animé. La musique d'Alan Menken n'y est pas pour rien: La Belle et la Bête est aussi une grande comédie musicale où "Little Town" traduit bien l'ambiance villageoise, où "Be Our Guest" nous plonge en plein sous les projecteurs de Broadway aux multiples couleurs, et où la chanson-titre est traduite en images par une salle de bal où les ors le disputent au bleu profond d'un ciel étoilé: ça fait rêver! Mais le rêve cache également beaucoup d'obscurité, une obscurité effrayante pour qui a découvert le film à quatre ans, entre la forêt au crépuscule et l'apparition satanique de la Bête, dans l'ombre d'un château hanté. A vrai dire, on a beau connaître le dénouement par cœur, l'angoisse me saisit toujours à près de trente ans lorsque j'en reviens au début du film. Son principal défaut: ça manque de seconds rôles attachants. En effet, si Belle et la Bête ont assez de personnalité contrastée pour séduire malgré la situation misogyne, les objets du château sont quelque peu agaçants, quoique Angela Lansbury en personne soit là pour relever le niveau! Par contre, on jettera un voile pudique sur les habitants du village... Quoi qu'il en soit, le dénouement n'aurait jamais dû rendre ses traits humains au prince: on aurait voulu que Belle l'épouse malgré son abondante pilosité au lieu de le voir se changer en blanc-bec insipide! Dieu merci, comme ça n'arrive que dans les trois dernières minutes, on a le temps de ne pas trop s'en soucier, et les images de contes de fées sont si poignantes tout au long du film que le bonheur reste intact.



1 ~ The Hunchback of Notre-Dame (1996)

Eh bien voilà, contre toute attente, mon Disney préféré est celui que j'aimais le moins il y a vingt ans, en raison de son aspect sombre et de sa narration plus historique que féerique. Mais c'est tout l'inverse à présent, et je fais une fixation inquiétante dessus depuis que j'ai acheté le DVD. Evidemment, on est en droit de détester l'adaptation du texte, et l'on peut légitimement s'agacer de voir des personnages antipathiques se transformer en parangon d'amitié sur fond de romances sorties de n'importe où, mais je passe outre ces questions et confesse sans rougir la très forte séduction qu'exerce le film sur moi. Ça tient principalement aux graphismes: j'ai une inexplicable passion pour l'architecture médiévale, et l'on nage en plein fantasme ici: les maisons à colombages du Paris médiéval, les statues et vitraux de la cathédrale, les tours imposantes du palais de justice, les couleurs de la fête des fous, les flammes du désir, les catacombes et la cour des miracles... Voilà autant de choses qui m'excitent à un point inimaginable, bien qu'il faille reconnaître que cette adaptation n'invente rien: la fête des fous de 1939 était déjà une pure merveille même sans la couleur.

Autrement, le message de tolérance est plaisant et ferait bien d'être écouté par les ignares qui nous gouvernent et qui sont la honte de l'Europe, l'érotisme latent qui torture le juge donne une tonalité plus adulte à l'ensemble, et j'apprécie encore de retrouver les sympathiques Tom Hulce et Kevin Kline aux commandes, bien que ce soit Tony Jay qui domine la distribution avec le flamboyant "Hellfire", tandis que Demi Moore révèle qu'elle peut être bonne actrice... quand on ne la voit pas. Bref, on peut reprocher bien des choses à cette adaptation, mais pour un film visant un public essentiellement enfantin, ça me semble beaucoup plus intéressant que ces traditionnels contes de princesses passives, tous jolis soient-ils. L'anecdote amusante: lorsque Le Bossu est sorti en salles il y a vingt ans, les cinémas diffusaient Microcosmos au même moment, et juste derrière nous une vieille grand-mère hautaine expliquait à son petit-fils que c'était pour son bien si elle l'emmenait voir des histoires d'insectes, et non ces "dessins animés" qu'elle qualifiait d'adjectifs méprisants. S'inquiétant d'en être toujours aux bandes-annonces alors que Microcosmos était censé avoir commencé depuis un bon quart d'heure, la dame finit par demander l'heure de la séance à sa voisine, qui lui répondit: "Mais ici, c'est Le Bossu de Notre-Dame!" La vieille bique sortit en grommelant à mon grand amusement.


Voilà mon top 10. Pour le moment, on dit Notre-Dame en première place, mais ça n'a rien d'inamovible étant donné que La Belle et la Bête, Basil et Fantasia peuvent vraiment prendre la tête en fonction des humeurs. Pour finir, quelques remarques sur les classiques aimés et non retenus dans ma liste. On évoquera ainsi... Pinocchio (1940), sans doute le film le plus traumatisant de l'univers Disney, avec des antagonistes tellement pervers que la baleine Monstro passe à côté pour une bonne copine chez qui aller prendre le thé en toute sympathie. Mais les images du village, les jeux d'horloges, les fonds océaniques colorés et les amours du chat et du poisson rouge sont des plaisirs non feints qui me donnent quand même envie de revoir le film à l'occasion. The Sword in the Stone (1963), une histoire atrocement rébarbative sauvée par les fous rires d'Archimède, les métamorphoses de l'hilarante Madame Mim et le crétinisme du loup glouton. The Jungle Book (1967), où les dessins sont terriblement datés mais où les images de la jungle, la chanson "My Own Home" et la voix caverneuse du divin George Sanders en tigre aristocratique assurent à l'ensemble un précieux capital sympathie. The Aristocats (1970), qu'on résumera en ces mots cotillardesques: "C'est moi! C'est ma vie!", tant je me reconnais dans le personnage de Berlioz répétant son solfège! En outre, nous avons le 45 tours à la maison, et je ne compte plus le nombre de soupers où j'ai demandé à ma mère de passer la narration pour égayer le repas. Un seul regret: ne pas avoir de frères et sœurs à qui tirer la queue... Toujours dans les classiques anciens, citons encore Robin Hood (1973), où là encore les dessins ont très mal vieilli bien que le film comporte assez de jolis moments pour que j'en garde un bon souvenir, de la partie de badminton à l'évasion des sacs d'or.

Parmi les plus récents, je conserve également beaucoup d'affection pour... The Little Mermaid (1989), une histoire lente à se mettre en place et qui manque cruellement de personnages attachants, mais qui a l'insigne avantage de comporter plein de jolis calypsos aux paroles cependant douteuses, et une merveilleuse introduction qui donne envie de rentrer dans le film. Un effet pervers en revanche: j'étais inconsciemment amoureux du prince jadis, et j'étais alors persuadé qu'il existait réellement de jolis garçons qui soient également prévenants et distingués dans la vraie vie. L'apprentissage de la réalité fut rude... The Rescuers Down Under (1990), un très beau film avec de magnifiques images de l'Australie et un joli message antispéciste. Dommage que Bianca soit si irritante, mais Bernard qui agit malgré sa réserve est l'un de mes personnages favoris. Le Prince et le Pauvre (1990), un court-métrage intensément frais avec de belles images de neige et de palais, et un duel Mickey-Donald qui m'a beaucoup inspiré dans ma scolarité... The Lion King (1994), ou la Reine des neiges de ma génération: tout le monde ne jurait que par Le Roi Lion et c'était encore largement évoqué sept ans plus tard dans toutes les cours de collèges, avant que les épouvantables Pokémon, Harry Potter et Seigneur des anneaux ne prennent le relais, à mon grand désespoir. Quoi qu'il en soit, si les images de la savane restent fort colorées et si le héros reste vraiment attachant avant de grandir, cette parodie d'Hamlet sans personnage féminin consistant a tendance à m'ennuyer désormais, sans compter que les chansons du film sont des sommets d'abomination composés par cet horrible enfant gâté atrocement vulgaire dont le seul exploit aura été de faire passer Madonna pour une duchesse des plus distinguées. Autrement, j'aime aussi... Hercules (1997), où les personnages sont hideux mais où les couleurs de l'Olympe et l'alliance de gospel et de jardins antiques font passer un très agréable moment. Et enfin Fantasia 2000 (1999), une sélection très inégale où les baleines aériennes, le soldat de plomb et l'arche de Noé ont néanmoins de quoi faire largement rêver.

En enlevant Le Prince et le Pauvre à cause de sa durée, voilà mon top 20. Enfant, j'adorais Rox et Rouky mais j'ai été très déçu en le redécouvrant, La Belle et le Clochard et Cendrillon ont quant à eux un aspect fifties trop prononcé malgré des qualités, Les 101 Dalmatiens ont un graphisme atroce et l'on aurait préféré que Betty Lou Gerson ait de meilleurs graves pour mieux imiter Tallulah, tandis que Mulan a considérablement décru dans mon estime, même si j'y reste attaché dans une certaine mesure. Ah, et si vous m'aviez connu à quatre ans, je vous aurais dit que le plus grand film de l'histoire du cinéma était non pas La Passion de Jeanne d'Arc ou l'Impératrice rouge, mais... La Bande à Picsou: Le Trésor de la lampe perdue. Je rougis à peine... Et je sais que ce n'est pas un vrai classique, mais Picsou demandant à sa secrétaire de vendre son repas ou essayant d'attraper son chapeau mobile me faisait hurler de rire! Dommage que le film s'avère aussi raciste quand on le regarde avec des yeux d'adultes... Pour le reste, je n'aime vraiment pas, la palme revenant à Aladdin, un galimatias complètement raté qui ressemble davantage à un épisode de Disney Channel qu'à un film sorti sur grand écran.

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