mardi 26 décembre 2017

On avance! (partie 1)


Ces derniers temps, j'ai réussi à mettre la main sur certaines des performances d'actrices officiellement nommées aux Oscars qui me manquaient. En voilà six pour cette première partie:


* Jill Clayburgh dans Starting Over (1979): Hélas! Une comédie sur le divorce dans les années 1970 avait toutes les chances de mal vieillir, et c'est le cas. Le style est froid, le personnage central incarné par Burt Reynolds a eu toutes les peines du monde à m'intéresser, et ses partenaires n'ont pas réussi à piquer mon intérêt vu le peu d'alchimie qui se dégage des couples. Jill Clayburgh compose néanmoins le personnage le plus intéressant du lot, dans le rôle d'une enseignante dépressive qui lui permet d'osciller entre des moments de calme absolu et des scènes de colère hystérique quand son manque de confiance en elle prend le dessus. Son interprétation fonctionne dans ces deux extrêmes: lorsqu'elle est d'humeur sanguine et chaleureuse, on conçoit absolument qu'elle puisse séduire le héros et il est franchement difficile de ne pas la trouver irrésistible (alors qu'elle est en concurrence directe avec l'ex-épouse sexy); et lorsqu'elle est d'humeur atrabilaire, on ressent sa souffrance, comme lorsqu'elle cherche à garder sa dignité tout en criant qu'elle n'est pas "un coup d'un soir mais une femme intelligente digne de ce nom". Malgré tout, si l'on a affaire à une bonne interprétation, Jill Clayburgh n'arrive malheureusement pas à rester très mémorable, et alors que le film se veut une comédie, elle n'est pas drôle. A sa décharge, personne ne l'est, et elle domine à la fois une œuvre et une distribution nettement plus médiocres qu'elle: Candice Bergen, également citée pour son second rôle, n'est remarquable que pour la scène où elle chante volontairement faux, mais alors que son personnage avait toutes les cartes en main pour devenir délectablement détestable, elle est finalement très décevante compte tenu de ce qui aurait pu être.

Place dans la sélection: en l'absence de l'introuvable Marsha Mason, quatrième. Ses concurrentes ont des rôles nettement plus juteux à la base, auxquels elles apportent en outre assez de bonnes choses par elles-mêmes pour lui passer devant.


* Bette Midler dans The Rose (1979): Exactement ce à quoi je m'attendais, à savoir pas un grand film, mais une bonne performance énergique à souhait. Je suis pourtant peu porté sur les rock stars, mais Bette Midler est si vive et charismatique que je ne suis jamais parvenu à m'ennuyer: c'est une véritable bête de scène, sa voix rauque est parfaitement adaptée à l'héroïne, et bien que celle-ci soit vulgaire, on la trouve malgré tout sympathique et jamais repoussante. Cerise sur le gâteau, les émotions sérieuses équilibrent idéalement l'humour extrait de répliques osées ("Hello Motherfuckers!"), et l'épuisement d'une femme droguée en fin de vie est toujours très bien suggéré par l'actrice, qui dose ce degré d'essoufflement à mesure qu'on avance dans l'histoire. Bref, à partir d'un récit sans intérêt, Bette Midler fait le show à elle seule, et c'est impressionnant. Même si le personnage ressemble davantage à la Divine Miss M qu'à Janis Joplin, dont The Rose est un biopic plus ou moins déguisé, ça n'a aucune importante car la star est aussi à son aise dans l'enthousiasme musical que dans la fatigue de plus en plus tragique. Pour compléter le tableau, j'avouerai avoir même pris plaisir à l'écoute des chansons, notamment The Rose que j'aimais beaucoup avant de connaître le film, et Midnight in Memphis, irrésistiblement dansante alors que l'interprétation d'origine était assez affreuse.

Place dans la sélection: première. Comme précisé, Jill Clayburgh se classe actuellement quatrième, et si je ne suis absolument ébloui par aucune des candidates de l'année, la rock star dynamique et charismatique est exactement le genre d'interprétation pour laquelle j'ai envie de voter, face à une Jane Fonda très compétente mais finalement peu mémorable, et une Sally Field iconique mais qui est loin de donner la performance de génie qu'on décrit si souvent.


* Annette Bening dans Being Julia (2004): Parfait! L'Anonyme m'avait confié que j'aimerais vraisemblablement cette performance, et c'est le cas! Non seulement le film est beau et charmant, quoique un peu simpliste mais j'ai vraiment aimé ce dénouement cathartique à souhait, mais surtout, Annette Bening passe par toutes les émotions imaginables, au point de livrer une performance exactement faite pour moi. A la fois forte et vulnérable, parfois masochiste mais toujours capable de se ressaisir, et sautant avec le plus grand naturel, malgré la théâtralité assumée de l'exercice, du sérieux à la légèreté, la comédienne est fabuleusement nuancée et surtout incroyablement divertissante. Elle est même judicieusement complexe, comme en témoigne le dialogue avec son fils, qui lui reproche d'être en représentation permanente même en famille, et devant qui elle tente de trouver un embryon de naturel sans pour autant renier sa vraie nature. En définitive, Julia Lambert a beau être parfois étouffante, Annette Bening nous met tellement de son côté qu'on jubile à chaque fois qu'elle réussit à remonter la pente, au détriment de tiers qui l'ont de toute manière bien cherché. Cerise sur le gâteau, le couple moderne qu'elle forme avec Jeremy Irons fait amplement plaisir à voir. J'adore!

Place dans la sélection: première, et l'une de mes lauréates personnelles qui m'enthousiasment le plus! On peut légitimement lui préférer l'intériorité d'Imelda Staunton ou les cheveux bleus de Kate Winslet, mais une diva flamboyante aux émotions complexes est si gretallulienne que je ne ne songe même pas à changer mon vote.


* Cate Blanchett dans Elizabeth: The Golden Age (2007): Sans surprise, un mauvais film. Le premier était déjà médiocre, celui-là l'est encore davantage, mais je ne me suis pas ennuyé. Mais dieu que c'est ridicule! Entre la décoration du palais tout droit sortie d'un film de science fiction, la romance avec Walter Raleigh qui ne décolle jamais, le sort de Marie Stuart jeté aux orties, la guerre contre l'Invincible Armada filmée comme un mauvais remake de Star Wars, la nudité gratuite contredisant même le message transmis (la reine, à la silhouette superbement affinée, tente de nous faire croire qu'elle se trouve laide), l'absence totale de charisme des rôles secondaires (Clive Owen et Abbie Cornish), et l'abysse absolu de la caméra tournant autour d'une héroïne statufiée, voilà un festival de très mauvaises idées. Coincée dans ce navet réjouissant, Cate Blanchett prend heureusement le parti d'en rire, au point de donner une interprétation somme toute divertissante et non dénuée d'humour, quitte à se vautrer parfois dans des excès de colère passant très mal devant une caméra, encore que le fameux discours sur le vent devant l'ambassadeur espagnol soit moins catastrophique dans son contexte qu'isolé en scène à Oscars. Bref, ce n'est pas ce que l'actrice a fait de mieux, mais quand même, elle est si charismatique et parfois si drôle que je ne bouderai pas mon plaisir.

Place dans la sélection: sur les quatre visionnées actuellement, j'ai envie de dire deuxième. Ce n'est pas vraiment une bonne performance, mais c'est aussi le cas pour Ellen Page, et entre l'adolescente pas à même de lutter contre un très mauvais scénario et une actrice confirmée au charisme royal et à l'humour ravageur, l'ado cède évidemment le pas à la souveraine.


* Amy Adams dans American Hustle (2013): Comme je m'y attendais avec David O. Russell, le film est abominable. C'est chiant comme la pluie, les personnages insupportables à gifler, et l'hommage aux années 1970 est carrément fade (la scène "hot" dans des toilettes publiques est notoirement grotesque). Bref, autant dire que j'ai passé un moment particulièrement pénible, d'autant que l'histoire n'avance jamais. Heureusement, Amy Adams étant une actrice très compétente, bien qu'elle me touche peu, elle réussit à donner une assez bonne performance compte tenu de la situation, en ajoutant de la perplexité et un véritable manque de confiance en soi à l'assurance que son personnage doit afficher en public, mais ça n'a pas suffit à retenir mon attention, pour la simple raison que je ne la trouve pas assez charismatique pour incarner une malfaitrice crédible, à tel point que sa séduction semble forcée. Elle est néanmoins celle qui donne la meilleure performance du film: Bradley Cooper et Jennifer Lawrence se reposent sur leurs lauriers en étant eux-mêmes (et au passage, Jennifer Lawrence en mère de famille... Pourquoi pas Quvenzhané Wallis tant qu'on y est!), tandis que Christian Bale est caricatural avec son gros bide de mafioso.

Place dans la sélection: troisième, derrière Sandra Bullock, pour qui j'aurai voté dans cette liste, et Cate Blanchett, mais devant Judi Dench qui n'arrive jamais à inspirer de sympathie pour son personnage alors que le scénario s'en moque ouvertement, et qui se contente en outre de jouer ce qui est écrit sans vraiment de nuance.


* Meryl Streep dans Florence Foster Jenkins (2016): Contre toute attente, je n'ai pas détesté cette performance là de cette très mauvaise actrice qu'est devenue Meryl Streep. On est certes dans la caricature mais le personnage l'est par nature, et le résultat est nettement moins offensant que Julie & Julia ou Sausage County. On croit sincèrement à cette vieille dame excentrique qui s'illusionne totalement sur ses capacités, et l'actrice arrive à affirmer l'empathie pour elle: l'héroïne devient humaine sous sa main, au point qu'on n'a jamais envie de rire à ses dépens. Surtout, elle n'est jamais agaçante, sauf devant le couteau de cuisine où l'on a clairement l'impression que l'actrice prend ses spectateurs pour des idiots, mais si l'on excepte cette séquence particulière, le reste est plutôt pas mal en soi: le désastre musical est crédible dans la façon qu'a la comédienne de moduler sa voix, et la déception face aux critiques qu'on tentait de lui cacher semble sincère. Après, même si c'est plutôt bien fait, ce n'est pas un travail qui méritait nomination: c'est correct, mais c'est aussi dérisoire que peu mémorable. Peut-être qu'entre les mains d'un autre actrice la surprise aurait fait mouche, mais vu les abysses atteints par Meryl Streep cette décennie, ce n'est pas parce qu'elle est une fois n'est pas coutume présentable dans la caricature qu'il faut crier au génie.

Place dans la sélection: aucune idée. Cette liste ne m'inspire pas du tout, la seule qui me semble aimable dans le lot est Ruth Negga mais elle n'a hélas rien à faire et ne peut espérer qu'être quatrième. Emma Stone joue bien son actrice en herbe mais a de sérieuses lacunes musicales, et j'ai bien du mal à départager Meryl Streep d'Isabelle Huppert qui tombent toutes deux dans la catégorie "on refait ce qu'on a déjà fait et en moins bien". Comme Huppert donne la performance de plus mauvais goût, je n'ai d'autre choix que de voter pour Stone ou Streep du bout des lèvres. Amy Adams aurait mérité le trophée hollywoodien pour Arrival, et mon prix international irait à Sônia Braga pour Aquarius.


Pour aller plus loin, la liste complète est mise à jour ici.

Suivront dans la deuxième partie prévue pour début 2018: Elisabeth Shue dans Leaving Las Vegas (1995), Laura Linney dans The Savages (2007), Jennifer Lawrence dans Winter's Bone (2010) et Rooney Mara dans The Dragon Tattoo (2011). Parmi les probables élues de 2017, seules Saoirse Ronan et Sally Hawkins pourraient piquer ma curiosité, mais je risque fortement de faire l'impasse sur les autres. Et bien sûr, tous les films qui m'intéressent ne sortiront pas avant fin février! A ceux à qui je dois des films, je ferai tout mon possible pour vous recevoir bien avant cette date, j'ai été très pris ces temps-ci, toutes mes excuses.