mardi 25 décembre 2018

Le Retour de Mary Poppins


Avant toutes choses, je dois préciser qu'il y a toujours eu une distance entre Mary Poppins et moi: je n'ai découvert le classique avec Julie Andrews qu'à l'âge adulte, découverte assez récente, donc, qui dans mon esprit n'est pas un vrai classique Disney comme peuvent l'être La Belle au bois dormant ou Le Livre de la jungle parmi les autres films d'animation des années 1960. Avoir vu le film trop tard m'a probablement fait passer à côté de sa magie, quoique certaines séquences, Feed the birds en tête, aient su me toucher.

Je suis tout de même allé voir son Retour hier soir, en compagnie d'amies avec qui j'ai dansé dans la salle sur le générique de fin: quel bon moment! Cette suite me convainc d'ailleurs de revoir l'originel pour lui redonner une chance, car je l'ai finalement assez aimée. J'ai même été totalement emporté par le combo "nostalgie - optimisme - retour en enfance" qui m'a humidifié les yeux à plusieurs reprises, sans doute parce que le film, conscient des limites du premier opus, a su insérer assez d'émotions discrètes qui n'ont pas manqué de faire mouche.

Une grande partie des émotions vient en fait d'Emily Blunt, vraiment impressionnante à tous niveaux. Car non contente de soutenir la comparaison avec Julie Andrews, elle s'approprie le personnage sans chercher à imiter son aînée, de telle sorte qu'on peut désormais imaginer la célèbre gouvernante britannique aussi bien sous les traits de l'une que de l'autre. Son entrée en scène fabuleusement charismatique est parfaitement jouée (les remarques sarcastiques en rentrant dans la maison!), et la dose d'orgueil est toujours très drôle. Emily Blunt réussit même l'exploit de rendre convaincantes des séquences musicales qui auraient pu la faire sortir du personnage, notamment celle du cabaret où la nanny rigide devient Sally Bowles l'espace d'un instant, sans pourtant jamais perdre l'essence même de Mary! Mais comme je le disais, Emily Blunt est encore excellente dans le domaine des émotions, chose qu'elle fait avec une discrétion de bon aloi qui touche bien davantage que si elle avait agité des ficelles trop voyantes. En effet, il lui suffit d'un bref regard lors d'un accès de colère de Michael, ou d'un regard où passe un soupçon de tristesse derrière une porte, pour rendre le film et le personnage vraiment émouvants. Ceci dit, même après 54 ans, Mary Poppins est toujours un personnage quelque peu "limitant" pour une comédienne: on n'en sait finalement pas plus sur elle et son passé, et comme dans le premier opus, l'héroïne s'efface progressivement dans les dernières séquences, ce qui est quelque peu dommage, bien que cela fasse sens, tout de même, puisque Mary est là pour pousser les autres à agir par eux-mêmes. Quoi qu'il en soit, je trouve Emily Blunt réellement parfaite dans le rôle, trouvant tout ce qu'il y avait à en tirer et y ajoutant de petites touches personnelles tout en lui restant fidèle, et ce à tel point qu'elle me donne envie de revoir le film pour elle.

Les autres performances réussies dans le film sont Ben Whishaw dans le rôle d'un Michael dépassé par les événements, et Lin-Manuel Miranda en falotier dansant. Le premier donne une grande puissance émotionnelle à l'ensemble, en passant par différents états d'esprit complexes: bon père mais capable de colère, veuf éploré mais sachant être souriant pour ne pas le montrer à ses enfants, artiste refoulé qui cherche toujours à percer derrière la façade plus terre à terre de l'employé de banque: Ben Whishaw est effectivement très bon. Le second est quant à lui un personnage important qui n'apporte pas grand-chose à l'histoire (son histoire romantique est convenue au possible), mais il chante et danse comme une grande star de comédie musicale, tout en portant sur lui une dose d'optimisme qui fait plaisir. Les caméos d'Angela Lansbury et Dick Van Dyke sont tout aussi agréables, d'autant qu'il est également très plaisant de les voir en si grande forme à 93 ans bien sonnés! Autrement, si Julie Walters est tout à fait correcte en cuisinière, on regrettera que Colin Firth soit enfermé dans un rôle cartoonesque de méchant, affublé d'une dernière apparition cathartique à mon goût un peu trop lourde, c'est précisément le cas de le dire! Mais à quelques caricatures près, tout le monde est bon. Tout le monde sauf... Meryl Streep, une fois de plus épouvantable dans un numéro de cabotinage affligeant, dans un rôle de Médusa d'Europe de l'est qui n'apporte strictement rien à la narration.

C'est d'ailleurs là tout le problème du film: le déséquilibre entre des scènes formidables, généralement celles de la réalité, avec la famille et ses problèmes d'argent, des scènes musicales plus inégales, et une scène totalement gratuite et inutile, celle de la cousine frappée: on passe tout de même une demi-heure à nous rappeler qu'il est de la plus haute importance de réparer le vase, tout ça pour aboutir à Meryl Streep qui récupère le-dit vase et disparaît avec sans laisser de traces, à tel point qu'on ne saura jamais si celui-ci aura bel et bien été réparé et, pire encore, ce qu'il représentait sentimentalement pour la mère défunte. Mais ce n'est pas trop grave: on prétendra que cette séquence n'existe pas, et l'on admirera surtout comment Emily Blunt parvient à sauver les meubles, alors qu'elle défonce une porte à coups de parapluie sans jamais rien perdre de sa rigueur et de sa distinction, preuve que Mary est décidément practically perfect in every way. Pour le reste du film, si les scènes familiales sont touchantes malgré un fil narratif un peu lisse, et surtout nostalgiques à souhait avec de nombreux clins d’œil à la version Andrews, les numéros musicaux me laissent effectivement sur ma faim, car non seulement les chansons ne sont absolument pas mémorables, et à l'exception des jolies scènes des lampadaires et des ballons, aux montage et chorégraphies cependant quelconques, les autres sont loin d'être visuellement superbes: la séquence sous-marine a des couleurs plus criardes qu'autre chose, et la belle séquence à l'ancienne dans le vase est desservie par un numéro de cabaret trop long, qui finit en outre en une course-poursuite à la Indiana Jones, totalement puérile et inappropriée. Ce sont donc bel et bien les séquences du monde réel qui me touchent, les costumes et décors, et ce jusqu'aux fils des ballons, y étant nettement plus beaux et chamarrés que dans les séquences magiques.

En conclusion, Le Retour de Mary Poppins n'est pas un grand film, mais c'est extrêmement divertissant, surtout lorsque l'on y parle de problèmes concrets: deuil, famille et maison à sauver. Il me faudra vraiment revoir le film de 1964 pour savoir lequel des deux est le meilleur, mais le charme de cette nouvelle version opère malgré certains défauts. A voir, au moins pour Emily Blunt, qui en est l'aspect le plus mémorable.

mardi 13 novembre 2018

Obsession

Je n'ai pas publié depuis longtemps, mais histoire d'huiler les rouages, voici un passage en revue rapide des cinq personnages de cinéma qui m'obsèdent le plus, ceux qui m'ont immédiatement fait vibrer et m'ont donné envie de revoir leur film des centaines de fois rien que pour eux:



"Of course, yes, yes, and I don't know."




"Mon cœur s'ouvre à ta voix."




"I told my son you were dead."




"Je ne me prends pas pour Siegfried."




"Obviously."



A bientôt.

dimanche 23 septembre 2018

Princesse Vaillante


Je n'ai pas le temps de m'attarder, mais juste un mot pour vous dire que Valiant Is the Word for Carrie est actuellement visible, et qu'il serait bon d'en profiter parce que ce n'est pas un film qui se trouve à tous les coins de rues.

Ce n'est d'ailleurs pas un grand film: c'est un mélodrame typique de son temps sans avoir l'envergure d'une Stella Dallas, et c'est trop long pour une histoire aussi maigre. Mais on comprend pourquoi Gladys George fut nommée aux Oscars pour ce rôle: elle y est tour à tour pute au grand cœur (!), mère courage (!), accusée de meurtre (!), et apparaît en outre sous un jour peu flatteur pour souligner le temps qui passe sur plusieurs décennies (!).

Gladys George paraît d'ailleurs plus vieille que son âge, ou, plus exactement, elle a tout bonnement l'air de n'avoir jamais vieilli. Sa renaissance cinématographique passés trente ans puis sa mort prématurée y sont sans doute pour quelque chose, mais force est de reconnaître que de Carrie (1936) à Flamingo Road (1949), en passant par Madame X (1937), Marie Antoinette (1938), The Roaring Twenties (1939) ou The Hard Way (1943), elle semble être exactement la même trait pour trait. Ironiquement, ses enfants disent à Carrie qu'elle paraît dix ans de moins que ses 44 ans, (l'actrice avait la trentaine au moment du tournage), mais elle a déjà l'air d'en avoir quarante bien passés dès le début du film. Loin d'être un problème, il s'agit au contraire d'une réussite de casting: quand on la découvre, Carrie est déjà usée par la vie, aussi la maturité de Gladys George et sa voix rauque servent admirablement le personnage. Surtout, son charisme incroyable donne toujours envie de s'intéresser à elle dès qu'elle entre en scène, même dans le plus petit rôle, ce qui a mon sens la classe au rang des plus grandes, et lui permet dans ses premiers rôles d'élever des histoires médiocres vers de plus hautes sphères.

Valiant Is the Word for Carrie est finalement très similaire à Madame X, sorti un an plus tard, où l'actrice joue, tenez-vous bien, une épouse adultère (!), jetée à la rue (!), devenant prostituée (!) et alcoolique (!), puis accusée de meurtre (!), avant de finir défendue par son fils, jeune avocat prometteur qui ignore qui elle est (!). Cette impression est probablement due au fait que les performances de Gladys George sont également similaires d'un film à l'autre, et ce pour le meilleur car elle y est toujours très solide et fabuleusement "marquée par la vie". Je ne me roule cependant par terre pour aucun de ces rôles, peut-être parce que j'ai vu trop de mélodrames des années 1930 pour être encore surpris par ce fond de dignité perçant sous la cuirasse des malheurs, mais c'est aussi cette dignité qui fait le charme de ces performances, à commencer par le premier dialogue avec l'enfant dans Carrie, où le sourire malgré ses gestes rudes séduit grandement dans cette jolie introduction autour d'un puits.

Dans l'absolu, je dirai que l'actrice mérite distinctions autant pour Carrie que pour Madame X, bien que ma préférence aille à sa Panama Smith des Roaring Twenties parmi ses plus grandes réussites, encore qu'on reste dans un registre qui lui fut cher. Mais s'il est difficile de choisir entre Carrie Snyder et Jacqueline Fleuriot, c'est aussi parce que Gladys George fait ces films à elle seule, transcendant à la fois des histoires au misérabilisme éhonté, et des mises en scène pas particulièrement inspirées. Honnêtement, je déteste le cinéma de Wesley Ruggles (Cimarron, I'm No Angel, The Gilded Lily), mais Valiant est son film le plus appréciable, tandis qu'à l'inverse, le cinéma de Sam Wood (Beyond the Rocks, Kings Row, The Pride and the Yankees) me séduit davantage même quand c'est raté (The Barbarian, The Cat and the Fiddle, Stamboul Quest), mais Madame X n'est pas son œuvre la plus mémorable. C'est dont tout à l'honneur de Gladys George d'avoir su rendre ces deux films au moins dignes d'intérêt.

En guise de conclusion, sachez que je classe cette performance troisième dans la sélection officielle des Oscars 1936: le crétinisme démentiel de Carole Lombard et le dévergondage tout en nuances d'Irene Dunne sont deux sommets comiques absolument imbattables, mais dans le drame, Gladys George est cent fois plus moderne (dans une histoire paradoxalement ultra datée) et charismatique que l'épuisante théâtralité de Norma Shearer et l'épouvantable performance de Luise Rainer. Quoi qu'il en soit, 1936 fut une grande année pour les actrices américaines, et il y en a pour tous les goûts: dans le drame, voici Ruth Chatterton dans Dodsworth, Bette Davis dans The Petrified Forest, Gladys George dans Valiant Is the Word for Carrie, Greta Garbo dans Camille, Miriam Hopkins et Merle Oberon dans These Three ou encore Rosalind Russell dans Craig's Wife; et dans la comédie, Jean Arthur dans Mr. Deeds Goes to Town, Marlene Dietrich dans Desire, Irene Dunne dans Theodora Goes Wild, Carole Lombard dans My Man Godfrey et The Princess Comes Across, et Myrna Loy dans Libeled Lady, sont elles aussi dignes de tous les éloges! Il y a l'embarras du choix!

samedi 11 août 2018

The Children Act (2017)

Cette semaine, je suis allé voir The Children Act (en français My Lady), parce qu'après avoir disparu de la circulation durant les années 2000, Emma Thompson reste toujours très attendue lorsqu'elle retrouve le chemin des films de prestige dans lesquels son gigantesque talent mérite de s'épanouir. Ainsi, après son grand retour en forme dans le registre comique il y a cinq ans pour la genèse de Mary Poppins, la voici refaisant une entrée triomphale dans le drame avec ce film de Richard Eyre (Notes on a Scandal), centré sur une magistrate spécialisée dans le droit de l'enfant, qui doit décider si oui ou non un jeune homme encore mineur et témoin de Jéhovah peut refuser une transfusion sanguine qui pourrait le sauver. Le scénario est de Ian McEwan, qui a pour l'occasion adapté son propre roman, dont je vais devoir tout révéler étant donné que ma principale critique du film concerne précisément l'intrigue. Si vous n'y avez pas encore jeté un œil, vous voilà avertis.

Tout cela pour dire que The Children Act fonctionne très honorablement dans sa première partie: l'héroïne, Fiona Maye, est développée aussi bien dans sa vie personnelle que professionnelle, de telle sorte qu'on a constamment envie de savoir comment elle va résoudre ses problèmes, d'une part son couple battant de l'aile, et de l'autre son impartialité l'obligeant à rendre des verdicts pas toujours populaires. Ces deux aspects de l'histoire sont bien amenés. L'histoire maritale montre notamment assez de complicité entre Jack et Fiona, malgré l'énorme distance qui les sépare, pour donner une certaine saveur à cette relation malgré les clichés éculés (un couple sans enfant, une femme absorbée par sa carrière qui ne couche plus avec son mari, etc). Voir l'époux (Stanley Tucci) proposer à Fiona d'entrée de jeu de rester en bons termes mais d'accepter qu'il entame une liaison ailleurs, puisqu'ils ne se touchent plus depuis longtemps, est honnêtement intrigant, et comme précisé, les touches de complicité que l'on ressent, malgré leurs rapports de plus en plus froids, donnent un suspense salvateur quant à l'avenir de cette relation. De l'autre côté de la rue, les procès sont eux aussi captivants, puisque Fiona doit d'une part décider de la meilleure chose à faire dans le cas de bébés siamois à séparer, avant d'en arriver au cœur du sujet, à savoir le jeune adolescent, Adam, issu d'une secte pour qui la transfusion est un péché capital. Puisque le scénario adopte le point de vue, impartial, de la juge, on entend les arguments des deux côtés sans qu'à ce moment là le ton soit trop sentencieux envers la famille croyante, bien que l'on ne doute jamais du verdict dans la mesure où l'intérêt de l'enfant est le postulat de départ du travail de Fiona Maye. Révélation: bien entendu, elle juge bon que le jeune homme reçoive la transfusion permettant de le sauver, et l'on comprend bien qu'elle avait déjà pris sa décision avant même de le rencontrer, rencontre motivée par des motifs personnels et qui ne s'imposait pas nécessairement dans la procédure.

Bien, mais une fois la décision prise, on sent bien que peu de temps s'est écoulé depuis le début du film, et l'on se demande vraiment ce qu'on va bien pouvoir nous raconter par la suite. Le retour du mari après deux jours d'escapade maintient la brève illusion que l'histoire va résoudre la question du couple dans sa dernière partie, mais le scénario a finalement choisi un rebondissement plus savoureux. En effet, personne n'a songé à vérifier, mais il semble bien que le pauvre Adam ait reçu les plaquettes de... Glenn Close dans Fatal Attraction! Car voilà notre jeune ressuscité subitement métamorphosé en stalker de la pire espèce, qui harcèle Fiona au téléphone, lui adresse des courriers à n'en plus finir, et la suit jusque dans les demeures les plus reculées de la campagne anglaise! Par bonheur, The Children Act n'ayant pas pour objectif de se transformer en film d'horreur, les motifs invoqués sont relativement raisonnables: Adam a finalement pris goût à la vie et n'accepte plus les croyances de ses parents extrémistes, aussi se met-il à la recherche d'une mère de substitution en la personne de Fiona. La juge, rongée de son côté par le désespoir de n'avoir jamais eu d'enfants, ne perd pourtant jamais son professionnalisme et met toujours des barrières entre elle et l'adolescent, mais le mal est fait: le scénariste, apeuré à l'idée que trop de simplicité nuise à son succès, décide de laisser dériver son histoire vers un roman à l'eau de rose, puisque lors d'une énième rebuffade de Fiona, Adam se met à l'embrasser, ce à quoi sa partenaire semble prendre plus de goût qu'elle ne voudrait se l'avouer. Sincèrement, je ne suis absolument pas convaincu par un tel rebondissement et, si l'histoire du stalker pouvait encore être acceptée, bien que déjà exagérée, via son thème maternel, autant le coup du baiser est un dérapage total qui contraste avec la personnalité réelle des personnages.

Difficile, dès lors, de ne pas voir dans le dernier acte une ficelle aussi grosse qu'un câble transatlantique destinée à faire pleurer les foules, à grand renfort de mélodies au piano et de suicide romantique. La tension lors du concert du Nouvel An, alors que Fiona joue devant l'élite londonienne, est certes palpable, mais on ne doute à aucun moment qu'elle ne va pas quitter la scène au beau milieu d'une mélodie pour courir en robe de soirée dans les rues mouillées afin de retrouver Adam sur son lit d'hôpital. C'est si évident que j'ai été assez mal à l'aise pendant toute la séquence du concert en réalisant que le metteur en scène et le scénariste allaient vraiment tenter de faire durer le suspense de la sorte. Et souvenons-nous: j'adore les mélodrames et les grandes envolées lyriques, on pourrait même dire que je préfère nettement une mise en scène de ce genre aux choses d'un réalisme plus cru, mais pas quand les personnages réagissent en complète contradiction avec ce qu'ils ont été jusqu'à présent. Une telle séquence aurait eu une véritable portée si les personnages avaient été des amants séparés par la force du destin, mais pas lorsque ceux-ci s'égarent dans l'esquisse d'une relation mal définie à laquelle on ne croit jamais. En outre, la lecture inachevée de la lettre, que Fiona reprend après le décès d'Adam, n'apporte rien à l'affaire, et pour finir, montrer le jeune homme se suicider une fois majeur en refusant une nouvelle transfusion après une rechute me chagrine. Car découvrir un personnage prétentieux refuser un traitement par pur caprice ne me rend pas favorable à un tel dénouement.

Ceci étant dit, ces énormes maladresses scénaristiques ne nuisent pas vraiment au film. Ce miracle est dû à une seule et unique âme salvatrice, la bien nommée Emma Thompson, qui réussit l'exploit de conserver le professionnalisme du personnage même quand l'histoire dérape. L'actrice joue avec des émotions complexes sur différents tableaux, et l'on n'en attendait pas moins d'une comédienne de cette trempe: par exemple, dans l'intimité de l'appartement, elle montre bien comment Fiona se désintéresse de son mari mais à quel point elle vivrait très mal que celui-ci la trompe, et lorsqu'elle lui bat froid, on comprend par ses regards qu'une réconciliation est toujours possible à l'avenir. Dans la vie professionnelle, Emma Thompson brosse sans difficultés le sérieux extrême de l'héroïne, qui a d'autres chats à fouetter qu'écouter des blagues de fond de couloirs, sans vouloir être malpolie pour autant, mais sous ces dehors terre à terre voire ternes, elle ajoute également, sans jamais l'appuyer, la conscience qu'a Fiona de sa supériorité. Ainsi, lorsqu'elle quitte le procès pour voir l'adolescent sur son lit d'hôpital, alors que c'est parfaitement inutile, il y a clairement une part d'excentricité due à sa célébrité et à son habitude d'avoir le dernier mot. Mais surtout, Emma Thompson sait toujours comment donner une grande force à la seconde partie faiblarde, en faisant preuve d'une sécheresse de bon aloi avec l'adolescent qui la suit, malgré la complicité riante qu'elle avait nouée avec lui avant de prendre sa décision, ou encore en essayant coûte que coûte de rester fidèle à l'esprit de l'héroïne. La scène du concert a beau être honteusement exagérée sur le papier, Emma Thompson lui donne une vraie densité en révélant comment, tout en ayant envie de partir immédiatement pour l'hôpital, Fiona tente tout de même de résister intérieurement et reste finalement plus longtemps que prévu au piano. Les larmes finales sont encore très justes: quand son mari lui demande si elle était amoureuse du garçon, on aurait pu craindre des pleurnicheries de la pire espèce avec une actrice de moindre qualité, mais l'effondrement lacrymal d'Emma Thompson est incroyablement authentique. Respects! Dans tous les cas, Emma Thompson fait le film, au point qu'on passera assez vite sur les autres personnages. Admettons alors que Stanley Tucci est simplement bon, sans être fabuleusement complexe, dans le rôle d'un mari finalement sympathique, mais qu'en face, Fionn Whitehead n'est pas à la hauteur en jeune mourant: ses grimaces dans les émotions fortes font amateur au possible, et alors que le scénario nous demande de pleurer pour lui, il n'arrive jamais, au contraire, à rendre son personnage sympathique. En revanche, j'ai beaucoup aimé l'infirmière, qui en seulement trente secondes d'apparition donne de la chaleur à la scène potentiellement bancale de la première rencontre.

Conclusion: Emma Thompson est une très grande actrice (ce n'est pas nouveau) qui se fait hélas trop rare, mais à chaque fois que le rôle en vaut la chandelle, elle est toujours au minimum fabuleuse. Je réalise simplement qu'à l'exception de sa première dame dans Primary Colors, ses grands rôles impliquent tout de même toujours le célibat d'une vieille fille: Howards End, Much Ado, Les Vestiges du jour, Au nom du père, Raison et sentiments, Wit, Saving Mr. Banks... Bien que mariée, Fiona Maye recoupe finalement pas mal de ces thématiques, puisqu'il est bien dit qu'elle ne se laisse plus toucher depuis longtemps, et que sa rencontre avec un adolescent fait naître en elle un désir de maternité mâtiné de romantisme. Mais bien qu'évoluant en terrain connu, elle livre une performance complexe digne d'être saluée, et sauve un film bancal d'un potentiel naufrage. On ne perdra donc rien à voir The Children Act au cinéma, même si les rebondissements de la seconde partie ne me convainquent guère.

lundi 6 août 2018

Three Smart Girls Sing Up


Cet article est une réponse au commentaire laissé par Le Vengeur masqué de Rosalind Russell sur mon récent hommage à Zhou Xuan, dans lequel notre lecteur regrettait de ne pouvoir mettre la main sur les sous-titres des films de la comédienne chinoise, alors que mes louanges sur la dame lui évoquent un "parfum de Deanna Durbin". Ce qui devait d'abord être une réponse de trois lignes s'est métamorphosée en thèse de doctorat, aussi ai-je décidé de consacrer un billet entier à ce sujet sur lequel je m'interroge depuis quelques années: lors d'une promenade sur le mont Ida, dans quelle mesure peut-on comparer les trois déesses de la chanson au cinéma, l'européenne Danielle Darrieux, l'asiatique Zhou Xuan et l'américaine Deanna Durbin? Toutes trois composent ma sainte triade des actrices chantantes, et toutes sont d'ailleurs de la même génération, nées entre 1917 et 1921. Eléments de réponse sous forme épistolaire:

Cher Vengeur masqué de Rosalind,

Je te remercie pour ton commentaire!

Concernant la comparaison avec Deanna Durbin, j'ai envie de dire que dans la comédie, Zhou Xuan est très drôle mais avec moins de naturel que l'actrice canadienne, et que dans la tragédie, elle joue davantage. Sachant qu'il faut garder à l'esprit que l'Universal n'a jamais donné à Deanna l'occasion de jouer dans le drame, hormis dans Christmas Holiday et quelques poignées de scènes disséminées dans ses comédies: quelques larmes dans It Started with Eve et Because of Him, ou encore la fin toute d'inquiétude quant à l'être aimé dans Hers to Hold.

En considérant toujours la différence de traitement des deux côtés du Pacifique, à savoir une Deanna Durbin liée à un studio de moindre envergure dans l'industrie cinématographique la plus importante au monde, et une Zhou Xuan superstar dans un pays occupé, je pense tout de même que la comparaison se soutient bien: elles ont toutes deux commencé adolescentes et ont été davantage considérées comme chanteuses que comme actrices. Par exemple, si Zhou Xuan est généralement citée comme la plus connue des Sept Etoiles de la chanson chinoise, elle ne fait pas traditionnellement partie des Quatre Grandes Actrices du pays, une liste composée de Qin Yi, Shu Xiuwen ou encore Zhang Ruifang, et dominée par Bai Yang, la star de l'Autant en emporte le vent chinois (Les Larmes du Yangzi, 1947).

Mais Zhou Xuan a incontestablement eu plus d'opportunités que Deanna Durbin car la concurrence était probablement moins rude parmi les stars chinoises qu'à Hollywood dans les années 1940, mais surtout parce qu'elle a réussi à alterner drames et comédies, et a joué dans des films au succès critique certain, à la différence de Deanna coincée dans des comédies de seconde zone toutefois très lucratives, bien que je tienne celles tournées par Henry Koster, First Love ou Spring Parade, pour de bons films, et que je considère It Started with Eve comme une excellente comédie n'ayant rien à envier à certains véhicules de studios plus connus.

Tout cela pour dire que si Zhou Xuan n'est pas considérée comme la plus grande actrice chinoise dans son pays d'origine, sa notoriété reste forte grâce à toutes ses chansons dont certaines sont devenues des classiques (Clair de Lune repris par Gong Li dans Shanghai Triad, ou L'âge de la fleur servant tout une séquence dans In the Mood for Love), et elle reste à découvrir absolument grâce à tous ses bons rôles. Après tout, une carrière comptant un drame social universellement reconnu (Les Anges du boulevard), des adaptations de grands classiques littéraires (L'Histoire du pavillon d'Occident, Le Rêve du pavillon rouge), de grandes fresques historiques (L'Histoire secrète de la cour des Qing) et des comédies contemporaines à succès; reste brillante à plus d'un égard.

En définitive, je me demande si Zhou Xuan ne soutiendrait pas mieux la comparaison avec... Danielle Darrieux. Une autre actrice ayant commencé adolescente, d'abord moins prise au sérieux que certaines grandes actrices de prestige (Edwige Feuillère, Françoise Rosay); qu'on faisait chanter dans la plupart de ses films (pas tous, mais elle tournait deux fois plus que Zhou Xuan et Deanna Durbin réunies!), rapidement devenue une star nationale (Mayerling) au point d'être immédiatement invitée par Hollywood pour tourner The Rage of Paris (par Henry Koster... pour la Universal... tiens donc!), mais ayant toujours eu la chance de pouvoir se rapatrier très vite dans son pays d'origine afin d'y être une star et d'enchaîner les bons rôles, plutôt que dépérir dans le moins bons des studios américains; et qui comme Zhou Xuan a su alterner biopics en costumes (Katia, Mayerling), adaptations d'auteurs classiques (Ruy Blas, Le Rouge et le Noir), drames contemporains (Abus de confiance) et comédies populaires (Battement de cœur). La comparaison s'arrête là car Danielle a une longueur d'avance sur beaucoup d'actrices pour avoir à son actif des chefs-d’œuvre absolus de l'histoire du cinéma (Le Plaisir, Madame de...), mais dans les années 1930 et 1940, leurs carrières étaient finalement similaires.

Jeu et musique

En matière de jeu, toutes trois avaient de la fraîcheur, du dynamisme et de l'espièglerie à revendre, et toutes trois savaient user d'un naturel de bon aloi qui passait fort bien au cinéma. Mais dans les larmes ou parfois quelques rires forcés, on sent bien que, tout en étant en avance sur beaucoup d'actrices de son temps (cf Tang Ruojing et sa diction ultra théâtrale dans La Cour des Qing), Zhou Xuan ne s'est jamais totalement départie d'une certaine tradition théâtrale dans les émotions les plus fortes. Par ailleurs, elle passait plus facilement pour une petite fille, alors que ses consœurs occidentales étaient davantage moulées sur le modèle de jeunes femmes en devenir (A seize ans, Danielle fait déjà très adulte dans La Crise est finie). Mais ce qui est toujours formidable avec Zhou Xuan, c'est qu'elle joue réellement devant une caméra. A l'inverse, Deanna Durbin avait beau être divine de naturel dans la comédie, le fait que la Universal l'ait délibérément interdite d'explorer d'autres facettes de son talent ne lui a pas permis de s'aventurer dans le drame, si bien que son jeu paraît incroyablement apathique parfois, comme dans la scène finale de Hers to Hold, ou au mieux simplement correct mais peu transcendant, comme en témoigne sa performance quelque peu effacée dans Christmas Holiday. Ceci dit, Zhou Xuan n'a pas toujours été parfaite non plus: dans Mò fù qīngchūn (1949), elle exagère bien trop les larmes dans la partie dramatique malgré une énergie rafraîchissante qui rehausse la partie comique. Et Danielle Darrieux ne m'a pas toujours convaincu partout, loin de là.

Et quid de la musique dans tout ça? Incontestablement, Deanna Durbin avait une grande voix lyrique, une voix déjà si impressionnante de maîtrise avant qu'elle soit connue qu'elle fut jugée trop mûre pour doubler la frêle Blanche-Neige des studios Disney. Curieusement, les gazouillements aigus et juvéniles de Zhou Xuan ne sont pas si éloignés des suraigus d'Adriana Caselotti, mais sa voix est évidemment plus proche de l'opéra de Pékin que du lyrique occidental. Quant à Danielle Darrieux, elle pouvait monter haut, mais son timbre n'est pas non plus adapté au lyrique. D'autre part, si l'on compare ces trois dames sur la portée de leurs chansons, on remarquera qu'elles ont toutes introduit des airs à succès (My Own pour Deanna Durbin, Il peut neiger et Premier Rendez-vous pour Danielle Darrieux, La Chanteuse errante ou Clair de Lune pour Zhou Xuan). Mais Deanna semble avoir fait davantage de reprises, capacités lyriques obligent, alors que les autres eurent un répertoire pop plus varié. Etre issue d'une culture orientale sert néanmoins fort bien Zhou Xuan dans cette comparaison, car le shídàiqǔ, mélange de musique traditionnelle chinoise et de jazz américain qui faisait fureur à Shanghai dans les années 1940, lui offrit l'occasion de traverser les styles avec brio. Surtout, les chansons de Zhou Xuan semblent encore très populaires de nos jours en Asie et sont régulièrement reprises dans diverses émissions. Ce n'est pas exactement le cas pour les deux autres.

Evolution et maturité

En résumé, ces trois actrices chantantes ont eu des début similaires sur trois continents différents, mais les contextes politiques et artistiques ne leur ont pas donné à toutes les mêmes opportunités, d'où l'évolution différente de chacune. Danielle Darrieux eut la chance de travailler en Europe, dans un pays n'ayant jamais eu peur d'écrire de grands rôles pour ses actrices vieillissantes. Surtout, elle s'établit très vite comme une grande star dans son pays d'origine, ce qui lui permit de rester sur le devant de la scène pendant trois décennies. Elle réussit même à surfer tardivement sur la Nouvelle Vague grâce aux Demoiselles de Rochefort, puis resta assez légendaire pour rebondir à plus de 80 ans dans des succès critiques (Persépolis) et commerciaux (8 Femmes). En outre, sa rencontre avec Max Ophüls lui a donné l'occasion d'entrer dans le panthéon envié des interprètes ayant au moins un chef-d’œuvre intemporel à leur actif. Les deux autres actrices n'ont pas eu cette chance et n'ont malheureusement pas survécu, cinématographiquement, aux années 1940. Malgré une belle carrière, Zhou Xuan avait trop de problèmes personnels, et surtout, en dépit de grands succès en temps de guerre, la rapide arrivée au pouvoir de la dictature maoïste aurait nécessairement mis fin à sa carrière d'une manière ou d'une autre, comme ce fut le cas pour nombre d'actrices qui durent se réfugier à Hong Kong pour continuer à travailler, ou se soumettre aux messages idéologiques voulus par le nouveau régime.

De son côté, Deanna Durbin tournait dans le pays a priori le plus propice à l'épanouissement d'une belle carrière, un pays également marqué par la guerre, comme le reste du monde, mais qui eut la chance de ne pas la connaître sur son territoire (Pearl Harbor excepté). Mais, travailler précisément dans le système cinématographique le plus puissant au monde rendait la concurrence rude: bien que considérée comme un prodige musical, Deanna était coincée à la Universal. A la même époque, la MGM avait Jeanette MacDonald pour le lyrique et Judy Garland pour le swing. La légende prétend que, auditionnant Durbin et Garland, Louis B. Mayer aurait renvoyé la première, mais on sait aujourd'hui qu'il était en déplacement et que la décision fut probablement prise par un subalterne. Deanna aurait vraisemblablement gagné à signer avec un studio puissant: Mad About Music, Three Smart Girls Grow Up et surtout It Started with Eve restent de charmantes comédies, mais rien qui s'approche de La Veuve joyeuse de Lubitsch ou du Chant du Missouri de Minnelli. La déception de jouer inlassablement le même rôle à la ville comme à l'écran, en plus de sa détestation du star system, conduisirent finalement Durbin a mettre fin à sa carrière en 1948 pour vivre dans l'anonymat le plus strict en se réfugiant à la lisière de la forêt de Rambouillet! Mais que cela ne fasse pas oublier à quel point elle fut célèbre en son temps: elle fut une star internationale aux multiples couvertures de magazines, et ses films furent tous d'énormes succès commerciaux.

Une pomme d'or en guise de conclusion

Alors, ces comparaisons ont-elles un sens? Oui pour les débuts de carrière, non pour la suite, comme on vient de le voir. Et si nous étions Pâris, à qui donnerions-nous la pomme d'or de la meilleure filmographie? A Danielle Darrieux, incontestablement, qui a traversé le siècle en parsemant sa carrière de quelques œuvres fondatrices (La Ronde, Le Plaisir, Madame de..., Marie-Octobre, Les Demoiselles, Persépolis, en plus de bons films tels Katia, Ruy Blas ou L'Amant de Lady Chatterley). Elle est talonnée par Zhou Xuan qui tourna dans nombre de projets prestigieux de l'histoire de son pays bien que ceux-ci n'aient pas encore percé dans le monde occidental, tandis que Deanna Durbin ne peut concourir qu'avec de réjouissantes comédies qui ne soutiennent malheureusement la comparaison avec aucune des autres filmographies. Enfin, à qui donnerions-nous la pomme d'or de la meilleure actrice? Là, je refuse de choisir! Toutes étaient talentueuses et toutes ont eu quelque chose à offrir au septième art. Deanna Durbin était intouchable dans le lyrique, et son timing comique est l'un des plus impressionnants qui soit, considérant qu'elle manifesta ce don inné à seulement quinze ans. Par comparaison, j'ai toujours trouvé Judy Garland moins naturelle et plus affectée, mais la jeune prodige du swing a bel et bien eu, elle, le rôle dramatique qui l'a fait entrer dans les annales. Quoi qu'il en soit, je citerai aujourd'hui It Started with Eve et Lady on a Train comme les deux sommets comiques de Deanna Durbin. Danielle Darrieux a quant à elle de grandes performances dans tous les registres, avec, selon mes préférences personnelles des pics imbattables dans Battement de cœur côté comédie, et Les Yeux de l'amour côté drame. Quoique le monologue dans la cuisine dans 8 Femmes soit également bouleversant. Enfin, Zhou Xuan a également de très belles interprétations qui méritent d'être vues: nous listerons ici sa servante espiègle du Conte du pavillon de l'Ouest, et sa concubine dépoussiérant la vieille cour, mais finalement broyée par le système, dans L'Histoire secrète de la cour des Qing.

Un vœu à défaut d'attribuer la pomme? J'espère vivement que les films Zhou Xuan seront rapidement accessibles au public occidental, car ils se doivent d'être vus!

Te souhaitant, cher lecteur, une bonne soirée,

Amicalement,

Le Vengeur de Deanna Durbin!

mercredi 1 août 2018

Centenaire de Zhou Xuan


Ma chanteuse préférée de tous les temps, Zhou Xuan (周璇), est née il y a un siècle, le 1er août 1918, ou 1920 selon les sources. Je ne pouvais bien entendu pas manquer l'occasion de lui rendre hommage, à travers cet inventaire de chansons enregistrées du milieu des années 1930 au début des années 1950, allant des mélodies chinoises traditionnelles aux syncrétismes occidentaux du shídàiqǔ, en passant par des notes d'Edvard Grieg ou, plus surprenants encore, des sons de guitares hawaïennes!

Surnommée la Voix d'or, Zhou Xuan était probablement la plus connue des Sept étoiles de la chanson chinoise, aux côtés de Bai Hong, Bai Kwong, Gong Qiuxia, Li Xianglan, Wu Yinying et Yao Lee. Elle fut également une star de cinéma, nombre de ses chansons ayant d'ailleurs été composées pour ses films, un peu à la manière d'une Danielle Darrieux en France ou d'une Deanna Durbin aux États-Unis, qu'on faisait abondamment chanter dans des films ne s'apparentant pourtant pas de prime abord à de la comédie musicale.

Chanteuse divine et actrice talentueuse, Zhou Xuan pouvait aisément passer de la comédie au drame, ou du film en costumes aux histoires contemporaines. Son film favori fut Les Anges du boulevard, l’œuvre qui la fit accéder à la notoriété en 1937, bien que mes préférences personnelles me portent davantage vers sa servante espiègle du Conte de la Chambre de l'Ouest (1940), sa jeune femme amoureuse du Rêve dans le pavillon rouge (1944), et vers la concubine Zhen, l'héroïne tragique de L'Histoire secrète de la cour des Qing (1948), qui permet à la comédienne de se montrer aussi drôle qu'émouvante, et d'apporter beaucoup de dynamisme et de modernité au film, comparé au jeu plus traditionnellement théâtral de ses collègues.

Malheureusement, ces triomphes ne la rendirent pas plus heureuse, puisque Zhou Xuan s'éteignit à seulement 39 ans dans une clinique psychiatrique, après une série de mariages ratés et de tentatives de suicide.

Par bonheur, elle aura laissé un incroyable héritage, dont pas moins de 200 chansons toutes plus délicieuses les unes que les autres. Devant les difficultés liées au langage, en voici pour le moment 173. Il ne m'a pas été possible de traduire tous les titres, et ces recherches furent d'autant plus difficiles que la plupart des auteurs et compositeurs utilisaient des pseudonymes : il m'a fallu faire de constants recoupements, mais le jeu en valait la chandelle, puisque j'ai passé de très agréables instants, et fait de très belles découvertes. Pour information, je tiens la plupart de mes sources des utilisateurs dont les vidéos sont jointes ci-dessous : Cdman88, H. M. Chan, Alan Kayangan, Lee Yee Yen, Lovisblu, Oldindrub, Patrickdcyau, Wáng Qǐlíng, Zhèng Jǐngyuán et Zzenzero. Merci à tous pour ces précieux renseignements, ainsi qu'aux sites Douban, Baike Baidu et Le Festival du cinéma chinois de Paris, de véritables mines d'or sur les films chinois classiques!

Je vous souhaite une bonne écoute! J'ajoute la note ♪ pour marquer mes chansons préférées.



1934


Enregistrements

''Chángtíng liǔ'' (长亭柳) (Le Saule pleureur). Impossible de traduire le titre ou les paroles d'une manière satisfaisante, pour cette première chanson écrite et composée par Zhang Huang (张簧), et enregistrée vers 1934 pour les studios Beikai, sur le disque numéro 91466. On y parle manifestement d'un saule pleureur qui résiste au froid, au gré de métaphores végétales typiques de la poésie chinoise. ♪

"Fèng yáng huāgǔ" (鳳陽花鼓) (Tambour fleuri de Fengyang). Chanson tirée du folklore Anhui et adaptée par Li Jinhui (黎锦晖), enregistrée le 8 août 1934 sur le disque numéro 54597B de l'enseigne Victory Records (勝利唱片). Ce qui se traduit en anglais par "Flower drum", littéralement "tambour fleuri", est une danse traditionnelle chinoise réputée pour son élégance, dont on entrevoit quelques mouvements dans le premier couplet. Néanmoins, les paroles sont plus amères que ne le laisserait supposer cette mélodie entraînante. ♪

''Gēzi'' (鴿子) (La Colombe). C'est la reprise chinoise de la célébrissime Paloma, écrite et composée par Sebastián Iradier vers 1863. Nous devons encore l'adaptation des paroles à Li Jinhui (黎锦晖), et la production du titre aux studios Victory, sur le disque numéro 54748A. On y troque La Havane pour la plaine de Yongguan, mais le sens reste le même : on prie pour que le blanc volatile apporte la nouvelle d'un amour heureux.

''Hóng lèi bēigē'' (红泪悲歌) (La Tragédie des larmes rouges). Cette autre chanson de Zhang Huang (张簧) va de pair avec Le Saule pleureur et fut également produite par l'enseigne Beikai, sur le disque 91467. C'est le second enregistrement de Zhou Xuan, qui daterait visiblement de 1934. Cette élégie parle d'un monde dévasté, mais alors que tout est recouvert par les ténèbres et que les poètes se lamentent, la chanteuse invite au courage afin de surmonter les temps difficiles pour gagner la ville du bonheur.

''Hóng méiguī'' (紅玫瑰) (La Rose rouge). Chanson écrite et composée par Li Jinhui (黎錦暉), enregistrée pour les studios Victory Records sur le disque numéro 54563B. La rose décrite par les paroles est douce est magnifique, invitant à l'amour et au bonheur. Mais n'oubliez pas qu'elle a aussi des épines : aimer, c'est aussi saigner. ♪

"Nǐ de huā er" (你的花兒) (Vos fleurs). Duo avec Li Mingjian (黎明健). Chanson écrite et composée par Li Jinhui (黎錦暉), enregistrée le 8 août 1934 sur le disque numéro 54716B de l'enseigne Victory Records (勝利唱片). Les deux adolescentes s'enthousiasment pour la floraison printanière et demandent à l'hirondelle, au papillon, à la pie et au corbeau de partager leur joie. ♪

''Sūwǔ mùyáng'' (苏武牧羊) (Le Berger Su Wu). Cette chanson traditionnelle a été enregistrée pour les studios Victory comme face A du disque numéro 54597 consacré au "tambour fleuri". Il s'agit de l'histoire du diplomate antique Su Wu, émissaire de la dynastie Han et capturé par la confédération de tribus nomades Xiongnu. Refusant de se laisser abattre, il se nourrit de la laine de ses vêtements et de la neige tombée dessus, puis fut employé dix-neuf ans comme berger avant de retrouver son pays.

"Táohuā jiāng" (桃花江) (La Rivière aux fleurs de pêchers). Duo avec Yan Hua (嚴華), qui fut le premier époux de Zhou Xuan. Chanson composée par Li Jinhui (黎锦晖), originellement introduite par Li Lili et Wang Renmei en 1930, enregistrée le 13 juillet 1934 sur le disque numéro 54560A de l'enseigne Victory Records (勝利唱片). L'homme et la femme se déclarent leur attirance mutuelle au bord d'une rivière qui arrose une forêt de pêchers. Leurs fleurs, par millier, ne sont pas aussi nombreuses que les jolies personnes de la région, que la dame aimé surpasse tout de même en beauté.

''Xin er tiào'' (心兒跳) (Battement de cœur). Nouvelle chanson de Li Jinhui (黎锦晖), enregistrée pour les studios Victory sur le disque numéro 54684A. La mélodie marque bien les soubresauts du cœur, qui bat de plus en plus vite à mesure que le visage de l'être aimé s'en approche pour l'écouter. ♪

"Yángliǔ sī sī" (杨柳丝丝) (Les Saules pleureurs sont verts). Autre chanson de Li Jinhui (黎锦晖), enregistrée pour les studios Victory sur le disque numéro 54559A. Ces paroles poétiques sont difficiles à traduire, mais elles racontent visiblement l'histoire d'un homme qui ne revient pas, et que l'on attend avec amertume derrière sa fenêtre. Les saules ont beau reverdir chaque année et les hirondelles voler en couple, ils ne parviennent pas à atténuer les souffrances du cœur.



1935


Enregistrements

''Shuì de zànměi'' (睡的赞美) (L'éloge du sommeil). Chanson écrite et composée par Li Jinhui (黎锦晖), enregistrée pour les studios Victory comme face B du disque 54690. C'est l'histoire d'une sœur qui rassure son petit frère avant qu'il s'endorme : le monde des rêves est calme et magnifique, un oiseau chante sur un arbre tandis qu'un papillon danse parmi les fleurs sous le soleil chaud. ♪

"Tèbié kuàichē" (特別快車) (Express spécial). Paroles et musique: Li Jinhui (黎锦晖). Chanson enregistrée le 4 février 1935 sur le disque numéro 54690A de l'enseigne Victory Records (勝利唱片). On y parle d'un homme généreux et d'une femme talentueuse qui se rencontrent à une fête, déjà prompts à se déclarer leur amour et à envisager le mariage. Le rythme ferroviaire de la mélodie marque assurément leur empressement. ♪

"Yèlái xiāng" (夜來香) (Le Parfum de la nuit). Paroles et musique: Li Jinhui (黎锦晖), chanson composée en 1932, à ne pas confondre avec la chanson éponyme chantée par Li Xianglan en 1944. Enregistrée en 1934 sur le disque 54683B des studios Victory Records. Un homme et une femme s'habillent, chacun de leur côté, avec quelques fleurs en guise d'ornement : il est agréable de passer la soirée ensemble en respirant le parfum de l'amour. ♪



1936


Enregistrements

''Ài de xīnshēng'' (爱的新生) (Le nouveau-né de l'amour). Chanson écrite et composée par Li Jinhui (黎锦晖), chantée en duo avec Yan Hua (嚴華), enregistrée pour les studios Victory sur le disque numéro 42017, face A pour la partie chantée par l'homme et B pour celle interprétée par Zhou Xuan. Les futurs époux s'encouragent à distance dans les moments difficiles : les affres de la solitude s'estompent ainsi pour faire place à une vie heureuse ensemble.

"Piānzhōu qínglǚ" (扁舟情侶) (Un Couple de bateaux plats). Chanson écrite et composée par Yan Hua (嚴華), également interprète du duo, enregistrée le 23 novembre 1936 sur le disque numéro 42019A de l'enseigne Victory Records. Quelle féerie vespérale, quel amour poétique, que ces liens aussi clairs que l'eau du lac sur lequel on ne veut jamais cesser de voguer à deux! ♪

"Qiángwēi chùchù kāi" (薔薇處處開) (Les Roses éclosent partout). Musique: chanson américaine du XIXe siècle "Polly Wolly Doodle", paroles: Li Jinhui (黎锦晖). Chanson enregistrée sur le disque numéro 42036A de l'enseigne Victory Records. Les roses fleurissent partout au printemps, et l'on en prend soin jour après jour dans l'allégresse générale. Mais attention aux épines tout de même!

''Sòng qíngláng'' (送情郎) (Le Départ de l'être aimé). Chanson écrite et composée par Yan Hua (嚴華), sortie comme face B du Couple de bateaux plats, pour les studios Victory. La fiancée donne des conseils à l'homme qui doit rentrer s'occuper de ses parents malades pendant deux ou trois ans. Il lui faudra prendre garde aux tempêtes, mais la séparation, bien que temporaire, reste trop longue pour pouvoir retenir ses larmes. Comme souvent dans la musique chinoise, les faces B sont le pendant triste d'une histoire d'amour enchantée, malgré leurs mélodies guillerettes. ♪

"Wǔ fāng zhāi" (五芳齋). Chanson interprétée par Zhou Xuan (周璇), Yan Hua (嚴華) et Yan Fei (嚴斐), composée par Li Jinhui (黎锦晖), enregistrée le 1er décembre 1936 sur le disque numéro 42018A de l'enseigne Victory Records. Cette chanson serait liée à un film de 1932, La Rose sauvage (Yě méiguī) (野玫瑰), et parle d'une recette de cuisine. Je n'arrive pas à traduire le titre, mais c'est désormais le nom d'un restaurant, on reste ainsi dans le rapport à la nourriture.



1937


Enregistrements

''Chèn fāngchūn'' (趁芳春) (Profitez du printemps). Chanson écrite et composée par Yan Hua (嚴華), enregistrée pour les studios Victory sur le disque numéro 42113B. Zhou Xuan y chante la belle saison, propice à de multiples activités pour les jeunes amoureux, forcément tentés d'aller faire du sport ou se détendre dans la nature. ♪

''Hǎi yuè qíng huā'' (海月情花) (La Lune brille sur la mer de l'amour). Zhou Xuan chante cette mélodie, enregistrée pour l'enseigne Victory comme face A du disque numéro 42113, en compagnie de Yan Hua (嚴華). Tous deux chantent leur amour en espérant qu'il dure le plus longtemps possible. Je ne sais pas si Yan Hua est aussi l'auteur-compositeur de cette chanson.



Trois étoiles autour de la Lune (三星伴月) (Sānxīng Bàn Yuè)

Il s'agit là d'un film muet écrit et réalisé par Fang Peilin (方沛霖), qui raconte l'histoire d'amour entre une chanteuse et un industriel ayant sauvé le pays grâce à un produit chimique. Le fondateur de l'Industrie corporative chimique de Chine, Fang Yexian (方液仙), aurait commandé ce film à des fins promotionnelles! Les chansons suivantes furent vraisemblablement diffusées en salles sur un gramophone, de manière synchronisée avec l'action. Certaines sources mentionnent toutefois une possible date de sortie en février 1938.

"Chūnyóu" (春遊) (Promenade au printemps). Chanson écrite et composée par Liu Xueyu (劉雪庵), enregistrée sur le disque numéro 35354A pour l'enseigne Shanghai EMI Records. Comme les paroles précédentes, celles-ci invitent à ne pas laisser filer les heures et à faire travailler son corps et son âme plutôt que de perdre son temps au printemps. Courez, sautez, grimpez, montez à cheval, chantez et contez des histoires! En voilà un joli programme! ♪

''Hérìjūn zài lái'' (何日君再來) (Quand reviendras-tu?). Musique: Liu Xe (劉雪庵), dit aussi Yan Ru (晏如), paroles: Huang Mo (黃嘉謨), dit aussi Bei Lin (貝林). A l'accordéon: Du Fu (杜甫). Chanson enregistrée le 26 avril 1937 aux studios EMI, et sortie en juillet suivant. L'héroïne attend, vainement, le retour de l'être aimé, et désespère de ne plus connaître l'ivresse du bonheur. ♪



Les Anges du boulevard (馬路天使) (Mǎlù tiānshǐ)

C'est par ce film de Yuan Muzhi (袁牧之) que Zhou Xuan devint une grande star. L'histoire parle de deux sœurs forcées de se prostituer pour l'aînée, et de servir le thé pour la seconde, dans un quartier très pauvre de Shanghai. La rencontre de l'une d'entre elles avec un jeune musicien permet d'ajouter des touches de couleurs dans ce récit fort sombre. Mais contrairement au film précédent, celui-ci fut tourné avec du son.

"Sì jì gē'' (四季歌) (Chanson des quatre saisons). Musique: He Lüting (賀綠汀), paroles: Tian Han (田漢). Ce titre fut enregistré aux studios EMI le 22 mars 1937, avant une sortie en juillet suivant, sur le disque numéro 35345B. Forcée de chanter cette chanson pour les clients de la maison close, l'héroïne s'évade de son quotidien obscur le temps de quelques couplets évoquant une fenêtre ouverte sur l'air printanier, une promenade estivale le long du fleuve Yangzi, et le parfum du lotus à l'automne. Mais la désolation de l'hiver ne tarde pas à la ramener à la réalité. Version cinéma à écouter ici. ♪

''Tiānyá gēnǚ'' (天涯歌女) (La Chanteuse errante). Musique: He Lüting (賀綠汀), paroles: Tian Han (田漢). Autre enregistrement pour le label EMI, sorti sur le disque numéro 35335A. La version cinéma s'écoute ici. C'est la chanson la plus connue de Zhou Xuan: c'est une histoire d'amour et le rêve d'un couple inséparable, mâtinée de larmes discrètes. Amateurs de sons modernes, notez que le mixeur Ian Widgery s'est amusé à la remettre au goût du jour en 2003. ♪



1938


Enregistrements

"Mài záhuò" (賣雜貨) (Vendre des marchandises). Chanson folklorique cantonaise adaptée par Li Jinguang (黎錦光), enregistrée le 25 octobre 1938 pour l'enseigne Shanghai EMI Records, et sortie sur le disque numéro 35415B en 1939. L'histoire est celle d'une épicière qui doit traverser l'océan pour vendre ses marchandises: les paroles la mettent en garde contre les dangers marins, la difficulté de trouver des acheteurs sur l'autre rive, et surtout la fausseté des sentiments des jeunes gens dont elle pourrait s'éprendre. ♪

"Wǔ gēng tóngxīn jié" (五更同心結) (Cinq autres nœuds concentriques). Paroles et musique: Yan Hua (嚴華). Chanson enregistrée pour l'enseigne Shanghai EMI Records, sortie sur le disque numéro 35415A. Les paroles, difficiles à traduire, évoquent la promenade que l'on fait faire à sa petite sœur (entendre, je suppose, petite amie), à différentes heures de la journée, d'abord au jardin, puis parmi les immeubles de la ville, mais encore au clair de Lune alors que l'on noue des cordons d'amour. Il est alors temps de rêver à la jeune fille avant que le chant du coq n'annonce un nouveau jour sur une vie à deux.

"Xīn duì huā" (新對花) (La Fleur nouvelle). Chanson adaptée du folklore du nord-est par Yan Hua (嚴華), également interprète du duo, enregistrée sur le disque numéro 35414A des mêmes studios. Apparemment, les bruitages d'animaux sont supposés représenter un cerf et une biche: dans une métaphore florale d'une grossesse, le mâle demande à la dame ce qui doit arriver chaque mois, celle-ci énumère en retour toutes les fleurs qui éclosent, et tous les fruits qui mûrissent, à chaque période. 



1939


Enregistrements

"Ài de guīsù" (愛的歸宿) (1) et "Ài de guīsù" (愛的歸宿) (2) (La Fin de l'amour ou La Maison de l'amour). Duo avec Yan Hua (嚴華). Chanson écrite et composée par Yan Zhexi (嚴折西), enregistrée sur le disque numéro 35456A pour l'enseigne Shanghai EMI Records. Il m'est difficile de savoir quel est le titre le plus approprié, mais les paroles indiquent une réelle difficulté de communication entre un homme et une femme, la seconde en aimant visiblement un autre. La conclusion sur l'entrée dans une salle ancestrale parle-t-elle d'une union? Et si oui, d'une union désirée par une seule partie? ♪

"Dīngníng" (叮嚀) (Conseils avant le départ). Duo avec Yan Hua (嚴華). Chanson écrite et composée par Li Jinguang (黎錦光), enregistrée le 8 mai 1939, sortie sur le disque numéro 35552B en août suivant, toujours pour l'enseigne EMI. La femme met son fiancé en garde contre les jeux d'argent. Le fiancé lui recommande en retour de ne pas tomber dans l'addiction à l'opium en attendant qu'il revienne. ♪

"Jiārén dù huā" (佳人妒花) (La Belle Dame jalouse des fleurs). Chanson écrite et composée par Li Jinguang (黎錦光), enregistrée sur le disque 42121A des studios Victory. Il s'agit visiblement de l'histoire d'une femme vaniteuse qui compare sa silhouette et son maquillage à la couleur et la légèreté des bégonias et des orchidées. Dans le miroir, la coquetterie se mue en colère, conduisant la dame à déchirer les fleurs en lambeaux. ♪

"Líbié jiǔ" (离别酒) (Le Vin de l'adieu). Chanson écrite et composée par Li Jinguang (黎锦光), enregistrée fin janvier 1939 sur le disque numéro 42129A des studios Victory Records. Zhou Xuan y évoque la difficulté à communiquer lors d'une séparation : bien qu'il y ait des milliers de mots, il est impossible de parler. Ne reste alors qu'un échange de larmes silencieux. S'enivrant de dépit, on porte une santé à l'être aimé, en espérant qu'il gardera toujours à l'esprit le souvenir de la relation affectueuse passée. ♪

"Mèngzhōng mèng" (夢中夢) (Le Rêve dans le rêve). Chanson composée par Li Jinguang (黎錦光), dit aussi Jin Yugu (金玉谷); enregistrée sur le disque numéro 42131A des studios Victory Records. Le narrateur rêve à la femme aimée, appuyée sur une balustrade de l'autre côté de la rivière, au milieu de pivoines dont il sent le parfum enivrant, tout en souhaitant que le vent les rapproche de lui. Il songe enfin que la dame a rêvé à lui, mais n'est-ce pas là phantasme? ♪

"Mì yì qínghuái" (蜜意情怀) (Doux sentiments). Chanson écrite par Yao Min (词曲), enregistrée pour les studios Victory sur le disque numéro 42124A. Ces paroles sont une invitation à vivre en harmonie, afin que la vie de couple soit un printemps sans fin pétri de doux sentiments. Les bonnes fleurs ne fleurissent pas souvent, il faut donc profiter de la jeunesse, à la manière de l'abeille et du papillon qui célèbrent le printemps, en partageant ensemble joies et peines sans amertume.

"Míngyuè xiàng sī yè" (明月相思夜) (Nuit de mal d'amour sous la Lune brillante). Paroles et musique: Yan Hua (嚴華). Chanson enregistrée sur le disque numéro 42126A des studios Victory Records. La chanteuse veille manifestement au rythme des heures, se languissant d'un amour qui n'est plus.

"Nǚrén" (女人) (Les Femmes). Duo avec Yan Hua (嚴華). Chanson composée par Li Jinguang (黎錦光), enregistrée sur le disque numéro 42123A de l'enseigne Victory Records. Les paroles forment un hymne sororal où l'on rappelle que les femmes n'ont pas à compter sur les hommes, puisqu'elles représentent la majorité des infirmières et des agricultrices. Jadis, on en comptait même dans l'armée, et certaines furent même monarques, telles la célèbre impératrice Wu Zetian, ou la très contemporaine Wilhelmine des Pays-Bas. La conclusion ramène toutefois les femmes à leur rôle de mère: on incite les héroïnes de la chanson à aller de l'avant, mais on leur superpose une image traditionnelle. Je n'arrive pas à déterminer s'il faut y lire de l'ironie, puisque c'est là une réponse au point de vue de l'homme, qui juge les dames à l'aune des canons de beauté du cinéma.

"Sìjì děng láng lái" (四季等郎來) (Quatre saisons à attendre ton retour). Chanson écrite par Yan Hua (嚴華), enregistrée sur le disque 42119A des studios Victory. La métaphore florale propre aux chansons chinoises est manifeste ici : alors que le parfum des fleurs embaume l'air printanier et invite à l'amour, la brise vespérale se rafraîchit à mesure que l'on s'approche de l'automne et qu'arrivent les chagrins d'amour. Une fois venu l'hiver, les derniers pétales sont tombés comme des flocons de neige et le gel est arrivé : on reste à sa fenêtre à attendre le retour de l'être aimé. ♪

"Xiǎo jī xiǎo yáng" (小鸡小羊) (L'Agneau et le poussin). Chanson écrite et composée par Yan Hua (嚴華), enregistrée pour les studios Victory sur le disque numéro 42129B. Par déduction, je suppose que c'est un enregistrement de 1939, mais cela restera à vérifier. Les paroles parlent d'un poussin qui se remplit le ventre de riz, et d'un agneau paissant de l'herbe bien verte, jusqu'à ce qu'une catastrophe les prive de nourriture. Mais ne soyez pas tristes : regardez vers l'avenir et soyez heureux. ♪

''Yī kē tiánxīn'' (一顆甜心) (Ma chérie). Chanson écrite et composée par Yan Hua (嚴華), enregistrée pour les studios Victory sur le disque numéro 42120B. Une petite chanson d'amour sympathique : quand deux cœurs battent à l'unisson, le vent froid se réchauffe, car la passion est semblable au feu. Les sources d'amour jailliront toujours ensemble, même s'il faut travailler dur pour fonder une famille.

"Yín huā fēi" (銀花飛) (La Fleur d'argent). Musique: Yan Hua (嚴華), paroles: Ren Muyun (任慕雲). Chanson sortie en août 1939 sur le disque numéro 35552A du label Shanghai EMI Records. C'est une métaphore printanière que j'ai toutes les peines du monde à traduire. S'y mêlent les teintes nacrées des fleurs de pêchers aux tons rouges d'autres variétés, de quoi faire le bonheur des insectes, et sûrement des gens, après les chagrins de l'hiver sans nourriture.



Le Septième Ciel (七重天) (Qīchóng tiān)

Ce film, réalisé par Zhang Shichuan (张石川), se déroule dans un immeuble de sept étages. Zhou Xuan y incarne Ding Yuzhi, une habitante du rez-de-chaussée, forcée de se prostituer, qui se réfugie au dernier étage pour échapper à sa sœur proxénète. Se faisant, elle se lie d'amitié avec un peintre joué par Bai Yun (白云).

"Gēnǚ lèi" (歌女淚) (Les Larmes de la chanteuse). Musique: Yan Hua (嚴華), paroles: Ren Muyun (任慕雲). Chanson enregistrée sur le disque numéro 35455A de l'enseigne Shanghai EMI Records, sorti en octobre 1939. On y parle de souffrance et de solitude, toujours avec des métaphores naturelles propres à la Chine: la mer d'amertume est trop profonde, chaque mot et chaque perle sont des larmes.

"Nànmín gē" (難民歌) (La Chanson du réfugié). Musique: Yan Hua (嚴華), paroles: Xu Zhuo (徐卓呆). Chanson enregistrée sur le disque numéro 35454B de la marque EMI Records, également sorti en octobre 1939. Zhou Xuan y témoigne de la triste condition des réfugiés, qui ne peuvent revenir dans leur ville natale, et errent pour lutter contre le froid et la faim.

"Sòng jūn" (送君) (Vous envoyer). Paroles et musique: Yan Hua (嚴華). Il s'agit de la face A du disque numéro 35454 des studios EMI Records, sorti en octobre 1939. J'ai toutes les peines du monde à comprendre la métaphore du pavillon des cent fleurs, où l'on envoie apparemment l'être aimé à contrecœur, mais l'histoire est à coup sûr celle du mal d'amour: tel des oiseaux désœuvrés, on erre dans la solitude, car les douceurs de l'amour sont impitoyables.

"Tiāntáng gē" (天堂歌) (Le Chant du paradis). Musique: Yan Hua (嚴華), paroles: Xu Zhuo (徐卓呆). C'est la face B du disque numéro 35455 des "Larmes de la chanteuse". L'enregistrement date du 17 août 1939, la sortie dans le commerce ayant eu lieu en octobre. Les deux couplets opposent l'utopie à la réalité: dans le premier, la narratrice révèle à quel point Shanghai est un paradis, puisqu'elle vit dans une grande maison et s'adonne aux mondanités dans la joie et la bonne humeur, sans avoir à compter ses sous. Hélas, le réveil est difficile : son existence réelle n'est que tristesse, puisqu'elle a à peine de quoi se vêtir contre le froid, et se laisse mourir de faim.



Lǐ Sānniáng (李三娘)

Ce film en costumes de Zhang Shichuan (张石川) est une adaptation du Zhugongdiao sur Liu Zhiyuan, le zhugongdiao désignant une ballade musicale, genre apparu sous la dynastie des Song du Nord au tournant du IIe millénaire. Shu Shi (舒适) y incarne le héros Liu Zhiyuan, soldat talentueux forcé d'épouser la fille d'un général bien qu'il soit déjà marié à une première épouse laissée enceinte, Li Sanniang, jouée par Zhou Xuan.

"Chūnfēng qiūyǔ" (春風秋雨) (Vent de printemps et pluie d'automne). Musique: Yan Hua (嚴華), paroles: Fan Yanqiao (范煙橋). Chanson enregistrée sur le disque numéro 42118A pour les studios Victory. Comme pour Le Chant du paradis, la chanteuse joue sur l'ambivalence de la brise printanière, qui invite à l'amour béni par le vol des oiseaux, et du vent d'automne, qui apporte frimas et désolation: tout cela n'était qu'un rêve.

"Mèng duàn guānshān" (夢斷關山) (Rêver de la montagne). Musique: Yan Hua (嚴華), paroles: Fan Yanqiao (范煙橋). C'est la face B du disque précédent: Zhou Xuan y parle de la distance qui amplifie la dureté des épreuves en l'absence de l'être aimé. Les obstacles sont tels qu'elle rêve d'un passage à travers la montagne, ou à défaut d'avoir des ailes pour passer au-dessus, bien qu'elle soit trop morose pour garder espoir. ♪



Mèng Jiāngnǚ (孟姜女)

Un autre film en costumes, cette fois-ci écrit et réalisé par Wu Cun (吴村). Ce conte médiéval est considéré comme l'une des "quatre grandes légendes chinoises", et nous emmène à l'époque de la construction de la Grande Muraille: Zhou Xuan y joue Meng Jiangnü, l'épouse d'un ouvrier enrôlé de force, qui traverse tout le pays pour lui apporter des vêtements chauds sur son lieu de travail. Malheureusement, elle découvre à son arrivée que son mari, mort d'épuisement, a été enterré sous les murs. Ses pleurs sont tels que le Ciel, ayant pitié d'elle, envoie une tempête détruire l'ouvrage gigantesque.

"Bǎihuā gē" (百花歌) (La Chanson des Cent Fleurs). Musique: Yan Hua (嚴華), paroles: Wu Cun (吳村). Une chanson sur les fleurs au fil des saisons, enregistrée le 7 décembre 1938 et sortie en août suivant, sur le disque numéro 35447A des studios EMI. On part, sans surprise, de l'épanouissement du printemps à la désolation hivernale, après le parfum de l'été et l'agonie d'automne. ♪

"Chūnhuā rú jǐn" (春花如錦) (Les Fleurs du printemps sont comme du brocart). Musique: Yan Hua (嚴華), paroles: Wu Cun (吳村). C'est la face B du disque précédent. Zhou Xuan y parle de la douceur du printemps, de la verdure éclatante, du joyeux contraste entre ombrage et lumière, et des papillons dansant pour soigner le mal d'amour. À noter l'apparition de la guitare hawaïenne dans les enregistrements de la chanteuse. ♪



1940


Enregistrements

''Chùchù wěn'' (處處吻) (Partout l'on embrasse). Chanson écrite et composée par Jiang Tao (江濤), l'un des nombreux pseudonymes de Li Houxiang (李厚襄), enregistrée pour les studios EMI sur le disque numéro 35515B. C'est là une promenade dans la nature optimiste et guillerette : les feuilles de saule et les abeilles qui nous effleurent nous embrassent, de même que les nuages et les étoiles qui, de loin, nous envoient leurs baisers. Bénis par le ciel et la terre, tous les amants s'embrassent : il faudrait avoir un cœur de pierre pour y résister, même les oiseaux et les poissons s'y mettent! ♪

"Huāhuā gūniáng" (花花姑娘) (La jeune fille aux fleurs). Musique: Yan Hua (嚴華), paroles: Lu Xu (魯旭). Chanson enregistrée sur le disque numéro 35479A pour le label EMI. C'est une métaphore florale où une femme est comparée à toutes sortes de fleurs par ses vêtements brodés: le lotus y croise la grenade et l'orchidée, l'hibiscus la pivoine et le lilas, le chrysanthème les fleurs de pêcher et de prunier. Les lèvres rouges sont tendres et parfumées comme des cerises, tandis que les fleurs d'abricotier enchantent le matin.

"Huā kāi děng láng lái" (花開等郎來) (Les Fleurs s'épanouissent dans l'attente). Musique: Yan Hua (嚴華), paroles: Lu Xu (魯旭). C'est la face B du disque précédent, enregistré le 6 février 1940 et sorti au mois de mai suivant. Et comme souvent avec Zhou Xuan, c'est le pendant triste de l'émerveillement floral: le jardin est garni de fleurs plus fraîches et ravissantes que jamais, mais l'attente de l'être aimé qui ne revient pas assombrit le tableau.

"Májiàng jīng" (麻將經) (Les Aphorismes du mahjong). Duo avec Han Langen (韩兰根). Chanson écrite et composée par Yan Hua (嚴華), sortie en octobre 1940 sur le disque 35490A des studios EMI. Les paroles sont celles d'une discussion sur la vie lors d'une partie de mahjong. Pour nous, Occidentaux, le texte est aussi difficile à saisir que les règles du mahjong, mais apparemment, c'est un jeu qui soulagerait l'anxiété. Pas étonnant que Madame Koo passe son temps à y jouer!

"Qīliáng zhī yè" (凄凉之夜) (Nuit de désolation). Chanson écrite et composée par Yan Zhexi (严折西), sous le pseudonyme Ji Shi (吉士), enregistrée pour les studios EMI sur le disque 35472A. Comme souvent avec Zhou Xuan, cette mélodie guillerette se fait en réalité l'écho d'une histoire fort triste, l'héroïne soupirant de tristesse sous sa couverture, en regardant la Lune briller dans le ciel. Le morne souvenir d'un amant parti l'empêche de dormir, la conduisant à éteindre et rallumer sa lampe tout au long de la nuit. ♪

"Tàn qíng" (探情) (Devinette). Duo avec Yan Hua (嚴華). Chanson écrite et composée par Li Jinguang (黎錦光), enregistrée le 15 janvier 1940 sur le disque numéro 35471A et sortie en mai suivant, pour l'enseigne EMI. Ce jeu de questions et réponses, le fiancé interrogeant sa bien-aimée, invite à explorer la force de ses sentiments à travers de nouvelles métaphores naturelles. La fiancée répond que ses fleurs préférées sont la noble pivoine, le jasmin parfumé, les fleurs de prunier blanches comme le gel et celles de pêchers rouges comme les jolies filles. Ses oiseaux favoris sont les canards mandarins, qui vivent en couple et s'envolent ensemble vers l'amour. ♪

"Xiǎng láng" (想郎). Musique: Li Jinguang (黎錦光), paroles: Yan Hua (嚴華). C'est la face B de la Devinette précédente. Je n'arrive pas à traduire le titre: Lang désigne-t-il l'être aimé ou la jeunesse? Dans la deuxième hypothèse, on peut supposer que la narratrice regrette sa jeunesse passée: elle rêve au printemps de la vie et à l'été pittoresque, mais pleure en brodant ses oreillers à l'automne, en attendant la mort. À coup sûr, la chanson est bien empreinte de pessimisme malgré son rythme entraînant.

"Yuè xià jiārén" (月下佳人) (La Belle Femme sous la Lune). Chanson écrite par Chen Dongsun (陈栋荪) et composée par Yao Min (姚敏), enregistrée en mai 1940 pour les studios EMI, sur le disque numéro 35487B. Les paroles, très métaphoriques, parlent apparemment d'une femme méditant sous la Lune, le cœur empli de haine et de chagrin, à l'idée d'un mariage qui n'est pour elle qu'esclavage. La lumière froide de l'hiver attise d'autant plus son ressentiment.



L'Histoire de Dong Xiaowan (董小宛) (Dǒng Xiǎowǎn)

Ce film, sorti le 3 février 1940, a été réalisé conjointement par Zhang Shichuan (张石川) et Zheng Xiaoqiu (郑小秋). Le scénario de Jiang Wen (茧翁) relate l'histoire de la poétesse et courtisane Dong Xiaowan, qui vécut à la fin du règne de la dynastie Ming au XVIIe siècle.

"Dǒng Xiǎowǎn" (董小宛). Chanson composée par Yan Hua (嚴華), écrite par Cheng Xiaoqing (程小青), enregistrée sur le disque numéro 35461A de la marque EMI. Les paroles invitent à délaisser les futilités de la vie pour retrouver une pureté véritable, ce qui reflète vraisemblablement l'esprit de l'héroïne, connue pour sa moralité. ♪

"Piǎomiǎo gē" (縹渺歌) (La Chanson du mystère). Musique: Yan Hua (嚴華), paroles: Cheng Xiaoqing (程小青). Enregistrement sorti en mai 1940. Le texte, éminemment poétique, est difficile d'accès en l'état de mes connaissances, mais ça parle visiblement de brume et d'arc-en-ciel. Au moins, le mystère reste entier!



Le Conte de la Chambre de l'Ouest (西廂記) (Xīxiāng jì)

Également connu comme L'Histoire du pavillon d'Occident, ce film du prolifique Zhang Shichuan (张石川) est l'adaptation d'une pièce de Wang Shifu (王實甫), publiée vers 1300. Les costumes médiévaux sont à ravir, et Zhou Xuan est hilarante dans le rôle de la servante espiègle qui arrange des rendez-vous galants dans les jardins, au nez et à la barbe de la maîtresse de maison. Elle y montre un vrai talent pour la comédie, après l'océan de drames précédents.

''Cháo zhāng shēng'' (嘲張生) (Zhang le ridicule). Musique: Yan Hua (嚴華), paroles: Fan Yanqiao (范煙橋). La servante se moque ouvertement de l'hôte de son employeuse, qui se désespère de son amour interdit, alors que le mur qui sépare la chambre nuptiale du jardin secret n'est pas, selon son optimisme à elle, si difficile à franchir. 

''Dié er qū'' (蝶兒曲) (La Chanson des papillons). Musique: Yan Hua (嚴華), paroles: Fan Yanqiao (范煙橋). L'entremetteuse console ici la fiancée, que la mère juge de trop haute naissance pour la voir mariée au héros, simple fonctionnaire lettré. Le printemps est bon, les fleurs s'épanouissent et les papillons ramassent leur pollen pour en faire naître de nouvelles: les insectes travaillent, comme les amants, à faire mûrir le projet de mariage malgré les obstacles. ♪

''Kǎo hóng'' (拷紅) (L'interrogation de la servante). Paroles et musique: Jin Gu (金玉谷). L'enregistrement a eu lieu le 18 octobre 1940, avant sortie en février 1941 pour les studios EMI, comme face B du disque numéro 35497 consacré aux Fleurs s'épanouissant au clair de Lune. La version cinéma est à écouter ici. La mère de famille ayant découvert le pot aux roses, elle menace la servante de coups si celle-ci ne révèle pas les secrets des jeunes gens: elle confesse alors la vérité, tout en affirmant son opinion que les femmes ne devraient pas être mariées de force à un homme qu'elles n'aiment pas, espérant par-là même faire changer sa patronne d'avis.

''Nán'ér lìzhì'' (男兒立志) (L'homme déterminé). Duo avec Bai Yun (白雲). Musique: Li Jinguang (黎錦光), paroles: Fan Yanqiao (范煙橋). Une chanson qui parle de la détermination du héros à réussir le concours de fonctionnaire impérial, et de revenir triomphant demander la main de sa bien-aimée.

''Tuányuán (yī)'' (1) et ''Tuányuán (èr)'' (2) (團圓) (Réunion). Musique: Yan Hua (嚴華), paroles: Fan Yanqiao (范煙橋). Les protagonistes se retrouvent pour une fin heureuse: la servante conclut en affirmant que l'amour doit être la base d'un bon mariage. Mariez-vous et ayez beaucoup d'enfants!



Trois sourires (三笑) (Sān xiào)

Zhou Xuan n'apparaît pas dans ce film romantique réalisé par Yue Feng (岳枫), qui met en scène Li Hua Li dans le rôle de l'héroïne Dian Qiuxiang, une femme de chambre amoureuse de son employeur, joué par Yan Hua, depuis que celui-ci lui a adressé trois sourires. Mon idole a néanmoins prêté sa voix à la bande-son, en compagnie d'autres interprètes qui ne jouent pas dans le film.

"Diǎn Qiūxiāng" (点秋香). Trio avec Bai Hong (白虹) et Bai Yun (白云) enregistré aux studios EMI en juin 1940. Musique: Yan Hua (嚴華), paroles: Fan Yanqiao (范煙橋). Dans ce dialogue, l'homme demande leur nom aux dames qu'il croise, mais il a toujours quelque chose à redire contre elles: la première est trop petite, mais les reproches suivants sont difficiles à appréhender sans une bonne traduction. Cependant, la quatrième dame, qui semble être Dian Qiuxiang, ne s'en laisse pas remontrer et demande sans ambages au jeune homme de cesser d'être aussi prétentieux et calomnieux. C'est ainsi qu'il tombe amoureux d'elle...

"Xīnyuàn" (心願) (Le Souhait). Musique: Yan Hua (嚴華), paroles: Fan Yanqiao (范煙橋). Une mélodie lumineuse toujours enregistrée pour l'enseigne EMI sur le disque numéro 35587B. Les paroles sont trop métaphoriques pour que je les comprenne sans traductrice, mais la conclusion semble être que, selon le souhait de l'héroïne, les hommes devraient s'améliorer. ♪



L'Histoire amoureuse de Su San (苏三艳史) (Sūsān yànshǐ)

Ce film, réalisé par Wu Cun (吴村), n'a pas l'air réjouissant: Su San n'est autre qu'une jeune fille vendue comme pensionnaire de maison close, puis rachetée par un riche marchand, ce qui attise la jalousie de sa femme adultère qui fait subir le martyre à l'héroïne, tout en cherchant à empoisonner son mari avec l'idée de faire accuser Su San du crime. Se greffe à cela une histoire d'amour éphémère avec un jeune homme qui tente lui aussi de réussir le concours de fonctionnaire impérial. Par ailleurs, les chansons de ce film détonnent par leur usage de guitare hawaïenne, chose innovante dans la musique chinoise d'alors, malgré une première introduction dans l'histoire de Mèng Jiāngnǚ un an plus tôt.

"Dēnghuā kāi" (燈花開) (Les Lumières s'allument). Chanson écrite et composée par Wu Cun (吴村), enregistrée le 21 février 1940 et sortie au mois de mai suivant, sur le disque numéro 35462A des studios EMI. Le texte semble dire que, lorsque les lanternes sont allumées, l'héroïne est mal à l'aise. Où est l'amant pour soulager le chagrin de l'esclavage? ♪

"Xīntóu hèn" (心头恨) (La Haine au cœur). Musique: Yan Hua (严华), paroles: Wu Cun (吴村). Enregistrement sorti en mai 1940 sur le disque numéro 35463B, toujours pour l'enseigne EMI. L'héroïne énumère les raisons pour lesquelles elle déteste la laideur du monde: comment une mère peut-elle vendre son enfant? Pourquoi les sentiments de l'être aimé sont-ils si médiocres? Pourquoi ne peut-on connaître le printemps quand on vit comme en prison?

"Zhǎng xiàng sī" (長相思) (Le Sauvignon blanc). Chanson écrite et composée par Wu Cun (吴村), sortie comme les précédentes en mai 1940. L'héroïne se plaint visiblement de la légèreté des sentiments, qui ne conduit qu'au chaos du mal d'amour. Seule l'ivresse permet d'oublier ses chagrins. ♪



La Chanteuse errante (天涯歌女) (Tiānyá gēnǚ)

Dans cet autre film de Wu Cun (吴村), Zhou Xuan interprète une chanteuse de rue qui vend ses chansons afin de survivre à la misère avec sa mère aveugle. Chemin faisant, elle se lie d'amitié avec un homme incarné par Bai Yun (白云), qui l'encourage à participer à un concours radiophonique. Malheureusement, la matriarche n'accepte pas leur relation, ce qui ajouté à la pauvreté, entraîne les protagonistes dans une spirale infernale : le jeune homme se remet à boire et finit par être arrêté en état d'ivresse, tandis que l'héroïne s'effondre lors de son audition. En dehors des trois chansons suivantes enregistrées sur disque, le film compte apparemment d'autres numéros musicaux, tous interprétés par Zhou Xuan, dont "Piāobó yín" (漂泊吟) (Le Chant de l'errance), "Jīnxiāo jīnxiāo" (今宵今宵) (Ce soir, ce soir), "Jìmò de yún" (寂寞的云) (Nuage solitaire), "Xiǎoyèqǔ" (小夜曲) (Sérénade) et "Qiūtiān lǐ kāile chūntiān de huā" (秋天里开了春天的花) (Fleurs de printemps en automne).

"Jiētóu yuè" (街頭月) (La Lune dans la rue). Musique: Zhang Wei (張昊), paroles: Wu Cun (吴村). Cette chanson, enregistrée en décembre 1940 et sortie en février suivant, parle d'une mère et de sa fille à la rue, en plein hiver, le cœur brisé, finalement obligées de chanter pour ne pas mourir de froid. Le clair de Lune éclairant la rue est comme du givre, brillant froidement sur les toits : il faut chanter pour survivre, alors que les larmes coulent jusqu'à ce que le ciel s'assombrisse et qu'il soit temps de se reposer (éternellement?) après tant d'épuisement. C'est à mon goût l'une des plus belles chansons de Zhou Xuan. ♪

"Jīn shàng yī duǒ huā" (襟上一朵花) (Une fleur sur le revers). Musique: Li Jinguang (黎錦光), paroles: Wu Cun (吴村). Dans cette chanson enregistrée pour l'enseigne EMI sur le disque numéro 35498B, Zhou Xuan évoque un homme dont le revers de la veste est orné d'une fleur, détail qui l'enthousiasme au plus au point : elle l'aime ! Mais cet homme n'est-il pas à plaindre devant cette déclaration délirante comme dans un rêve ? ♪

"Mèng" (夢) (Les Rêves). Cette chanson écrite par Wu Cun (吴村) aurait été enregistrée sur disque dès le mois de juin 1940, pour une publication commerciale au mois d'octobre suivant. La métaphore poétique raconte que le chant du rossignol appelle les rêves et qu'une rose épineuse veut les retenir. Mais l'épine fait mal : les rêves se teintent déjà de rouge et finissent par s'évanouir, tandis que le rossignol cesse de faire retentir sa voix d'or. ♪



1941


Enregistrements

''Bǎihuā kāi'' (百花开) (Des centaines de fleurs s'épanouissent). Chanson écrite par Cang Shou (仓守), pseudonyme de Li Houxiang (李厚襄), et composée par Lin Mei (林枚), pseudonyme de Chen Gexin (陈歌辛). Elle fut enregistrée pour l'enseigne Victory sur le disque numéro 42165A. Cette floraison invite apparemment les vagabonds à retourner dans leur ville natale.

"Cǎi bīnláng" (採檳榔) (La Cueillette des noix de bétel). Chanson du folklore Hunan adaptée par Li Jinguang (黎錦光), dit aussi Jin Yugu (金玉谷). Le disque, numéro 35504A, est sorti en février 1941 pour le label EMI. La narratrice, qui porte le panier, regarde un garçon cueillir les noix dans l'arbre. Il va sans dire qu'elle lui trouve bien des séductions, alors que le paysage verdoyant invite au bonheur, mais déjà le soleil se couche: il est temps de rentrer à la maison.

"Dàdì zhī chūn" (大地之春) (Le Printemps de la Terre). Musique: Li Houzhen (李厚襄), paroles: Hong Fei (洪菲). Chanson enregistrée pour les studios Victory, sur le disque numéro 42162A. Une fois n'est pas coutume, l'histoire est totalement optimiste: le vent du sud réchauffe le sol, dont on regarde les merveilles les yeux pleins de lumière, en respirant le parfum des roses et en écoutant les orioles chanter. "Si j'étais un oiseau, je volerais dans les vastes nuages et chanterais ton nom." ♪

"Hènshì duō" (恨事多) (Les Choses que l'on hait). Musique: Li Houxiang (李厚襄) sous le diminutif Hou Xiang (侯湘), paroles: Cang Shou (倉守), qui serait un autre pseudonyme de Hou Xiang. Un autre enregistrement de l'enseigne Victory, sur le disque numéro 42165A. Contrairement à ce qu'indique le titre, le texte est positif et nous invite à ne pas laisser la disgrâce du monde envahir nos cœurs: il y a déjà bien trop de haine sur Terre, alors ne pleurons pas, ne nous lamentons pas, et ne laissons pas la jalousie se mettre en travers de nos belles destinées. Tant que nous aurons de l'amour dans nos cœurs, la jeunesse sera toujours là, le rossignol chantera et les roses fleuriront pour nous. ♪

"Mài shāobǐng" (賣燒餅) (La Vendeuse de biscuits). Chanson écrite et composée par Yan Yanxi (嚴折西) sous le pseudonyme Ji Shi (吉士), enregistrée le 15 octobre 1940 et sortie en février 1941 sur le disque numéro 35472A du label EMI. La vendeuse en question, qui a le sens du commerce, incite ceux qui travaillent dur à acheter ses biscuits sucrés afin de renforcer leur énergie, et par-là même leur rendement! ♪

"Qīnglóu hèn" (青樓恨) (Haïr la maison close). Chanson écrite et composée par Li Jinguang (黎錦光). C'est la face B de La Cueillette des noix des bétel, et à nouveau le pendant triste d'une chanson guillerette. Comme l'indique le titre, la narratrice chante son désespoir et sa profonde solitude dans un environnement malsain, tout de pluie et de fumée.

"Sìjì xiāngsī" (四季相思) (Les Quatre Saisons du mal d'amour). Chanson tirée du folklore de Suzhou, adaptée par Li Jinguang (黎錦光), et publiée en deux parties par les studios EMI sur le disque numéro 35551, faces A et B. Comme le laisse supposer le titre, tout va decrescendo dans l'enfer de la solitude plus on approche de l'hiver: l'amant préfère quitter la chambre sous le soleil du printemps pour rejoindre une autre femme et, alors que le parfum du lotus ne suffit pas à estomper les larmes que l'on verse à l'été, la pluie de l'automne qui accompagne les adieux définitifs se mue en froid implacable où tout n'est que neige et poussière. L'amant ingrat ne reviendra pas, et seuls ceux qui n'ont pas de scrupules sauront voir le ciel bleu au-dessus de leurs têtes.

"Xiǎo xiǎo xīshuǐ" (小小溪水) (Le Petit Ruisseau). Musique: Chen Gexin (陳歌辛), paroles: Jiang Yin (江音). Enregistrement pour l'enseigne EMI sur le disque numéro 35594B. L'histoire est celle d'un petit ruisseau impétueux pressé de rejoindre l'océan, et qui ne prend pas le temps de ressentir la brise matinale qui le salue, ou d'écouter l'oiseau qui chante pour lui. ♪

"Yìliáng rén" (憶良人) (En mémoire de mon bien-aimé). Musique: Li Houzhen (李厚襄), paroles: Hong Fei (洪菲). Cette chanson, sortie en octobre 1941, témoigne de manière lumineuse de l'absence de l'être aimé: en regardant la brise printanière faire mouvoir les fleurs de pêchers et les branches des saules, la couleur argentée de la tristesse disparaît. Celui à qui l'on pense entreprend une longue marche sur le chemin des pionniers: puisse la brise printanière lui envoyer mon amour et l'aider à se sentir infiniment heureux. ♪

''Yuè yuán huā hǎo'' (月圆花好) (Les Fleurs s'épanouissent au clair de Lune). Musique: Yan Hua (嚴華), paroles: Fan Yanqiao (范煙橋). Chanson célébrissime, enregistrée le 18 octobre 1940 et sortie en février 1941 sur le disque numéro 35497A du label EMI. Le texte est celui d'une promenade en amoureux: les nuages font place au clair de Lune, les canards mandarins s'ébattent dans l'eau claire des étangs, et la douce brise caresse les fleurs qui s'épanouissent tel l'amour qu'éprouvent les couples, tous de sortie en cette belle occasion. Gong Li en a fait une reprise magnifique dans Shanghai Triad de Zhang Yimou, en 1995, un moment d'une incontestable magie. Elle a également enregistré la chanson sur disque. Notez toutefois que, contrairement à ce qui se lit un peu partout, cette chanson ne figure pas dans Le Conte de la chambre de l'Ouest. ♪



La Nuit profonde (夜深沉) (Yè shēnchén)

Film réalisé par Zhang Shichuan (张石川), dont le scénario signé Cheng Xiaoqing (程小青) est une adaptation d'un roman de Zhang Henshui (张恨水). Zhou Xuan y joue une jeune femme qui devient une grande vedette à l'opéra, sur fond de drames sentimentaux à l'issue tragique.

"Yè shēnchén" (夜深沉) (La Nuit profonde). Musique: Chen Gexin (陈歌辛), paroles: Li Houzhen (李厚襄). C'est une chanson sur l'attente: on veille au cœur de la nuit, solitaire sur son oreiller, souhaitant que l'homme qu'on aime revienne maintenant que le triste hiver est terminé. Mais les rêves d'amour sont difficiles à concrétiser. L'enregistrement s'est fait pour les studios Victory, sur le disque numéro 42204A. ♪



La Favorite Mei Fei (梅妃) (Méi fēi)

Ce film de Zhang Shichuan (张石川), sorti le 9 avril 1941, retrace la vie de Jiang Caipin, concubine de l'empereur Tang Xuanzong au VIIIe siècle. Elle fut rapidement surnommée "épouse Mei" en raison de son goût particulier pour la fleur de prunier, appelée mei en chinois. Elle était également reconnue pour ses talents artistiques, excellant dans le chant, la danse et la poésie. Mais intègre, elle se refusa à servir les intérêts d'un eunuque aux ambitions démesurées, qui pour se venger introduisit une rivale à la cour, Yang Guifei, laquelle supplanta bientôt Mei. Les choses prirent un tour d'autant plus tragique qu'une rébellion de l'armée entraîna la prise de la capitale: alors que l'empereur et Yang Guifei partirent se mettre à l'abri à la campagne, Mei fut faite prisonnière et préféra se noyer plutôt qu'épouser le général rebelle. Les érudits se demandent à ce jour si Mei Fei fut un personnage fictif ou bien réel, mais à coup sûr, on peut suivre le destin non moins tragique de Yang Guifei dans un film plus accessible pour nous, L'Impératrice Yang Kwei-fei de Mizoguchi (1955).

"Méihuā qū" (梅花曲) (Fleur de prunier). Musique: Yan Hua (嚴華), paroles: Cheng Xiaoqing (程小青). La chanson est sortie sur le disque numéro 35509B de l'enseigne EMI en octobre 1941. D'après le festival du cinéma chinois de Paris, le génie de Zhang Shichuan est d'opposer les deux chansons du film dans un jeu de symétrie: celle-ci est le pendant mélancolique d'une danse aux manches longues exécutée par Yang Guifei, et serait d'après le site Baike Baidu intégrée au beau milieu de la danse pour marquer le contraste entre l'ascension de la nouvelle favorite, et le déclin de Mei, alors que celle-ci erre dans le jardin après sa mise à l'écart.

"Méi tíng yàn" (梅亭宴) (La Fête au pavillon de Mei). Titre de la chanson changé en "Méi fēi wǔ" (梅妃舞) (La Danse de la favorite Mei Fei) lors de l'enregistrement sur la face A du disque précédent. Musique: Li Jinguang (黎錦光), paroles: Cheng Xiaoqing (程小青). Cette chanson-titre évoque de beaux paysages, où les paons volent au-dessus de mers paisibles. ♪



Printemps fâcheux (惱人春色) (Nǎorén chūnsè)

Film réalisé par Zhang Shichuan (张石川) et He Guangzhang (何光璋), sur lequel nous disposons de fort peu d'informations. C'est apparemment l'histoire d'un homme tombé amoureux d'une femme vénale, et qui cherche à l'épouser malgré les conseils de son père, qui préférerait le voir établi avec sa fiancée discrète et cultivée. Après le mariage, se rendant compte de l'infidélité de l'épouse, il part refaire sa vie à Nankin, où il rencontre cette fois-ci une dame tout à fait charmante dont il partage les goûts. Reste à savoir quel rôle joue Zhou Xuan, sous les auspices de ce printemps désagréable.

"Huáchuán gē" (划船歌) (Chanson de la promenade en barque). Musique: Yao Min (姚敏), également interprète du duo, paroles: Cheng Xiaoqing (程小青). Chanson enregistrée sur le disque numéro 35579B des studios EMI, sortie dans le commerce en octobre 1942. Comme l'indique cette mélodie entraînante, le texte plus agréable que ne le laisserait supposer le titre du film, invite à observer les beautés de la nature depuis le lac: pagayons de concert et avançons ensemble, sans craindre ni la pluie ni le vent. ♪

"Zhòng huā qū" (種花曲) (Chanson des semailles). Musique: Yao Min (姚敏), paroles: Cheng Xiaoqing (程小青). Encore un air tout à fait entraînant, où Zhou Xuan cultive à nouveau la métaphore végétale, vous invitant à profiter du printemps pour semer melons, oignons et haricots, afin de n'avoir plus de soucis une fois venu le temps de la récolte. L'enregistrement pour la marque EMI date de novembre 1941. ♪

"Zhōng shān chūn" (鍾山春) (Le Printemps sur la montagne Pourpre). Musique: Li Jinguang (黎錦光), paroles: Cheng Xiaoqing (程小青). Chanson enregistrée pour les studios EMI le 22 octobre 1941, mais sortie dans le commerce un an plus tard sur le disque numéro 35577A. Il s'agit là d'une ode à la montagne Pourpre, également appelée montagne de la Cloche ou mont Zhong (鐘山), située près de Nankin dans la province du Jiangsu. À ne pas confondre, donc, avec la ville de Zhongshan située dans le Guangdong. Zhou Xuan y chante la beauté des paysages pour faire naître l'espoir et le bien-être dans les cœurs, m'incitant par-là même à supposer qu'elle joue le rôle de la dame de Nankin prête à apporter beaucoup de bonheur au héros. Les mélodies enjouées ou lumineuses laissent également songer que le ton du film n'est pas si tragique qu'on le croirait. ♪



Les Jeunes Patriotes (解語花) (Jiě yǔ huā)

Ce film, au titre difficile à traduire, est sorti en octobre 1941 et a été réalisé par, je vous le donne en mille, Zhang Shichuan (张石川)! Zhou Xuan y incarne l'étudiante Tian Wenyu, qui obtient un succès fulgurant après un récital local, au point d'avoir un opéra à son nom. Mais la guerre faisant rage, la troupe décide de partir pour le front afin de lutter contre l'ennemi japonais.

"Jiě yǔ huā" (解語花) (Interprétation des fleurs). Musique: Li Jinguang (黎錦光), paroles: Fan Yanqiao (范煙橋). La chanson a été enregistrée pour les studios Victory, sur le disque numéro 42146A. Dans le film, ce sont ces paroles, écrites par un admirateur en hommage à la personnalité de l'héroïne, qui lui permettent de devenir une grande vedette. Elle y est comparée à une fleur d'une exquise beauté, véritable déesse de l'amour dans laquelle s'incarnent toutes les fleurs. ♪

''Nóng rén máng'' (农人忙) (Les agriculteurs sont occupés). Musique: Chen Gexin (陈歌辛), paroles: Fan Yanqiao (范煙橋). C'est la face B de la chanson-titre évoquée précédemment. C'est l'une des chansons qui assurent le succès de la dame, en évoquant les labeurs d'une grande majorité de la population : personne n'a le temps de fainéanter en avril, avec les semailles de riz, la cueillette de choux-fleurs, et l'élevage du bétail et des vers à soie qui demandent nombre de précautions. Le beau temps ne fait pas tout : c'est la main-d'œuvre qui génère la récolte. ♪

"Tiāncháng dìjiǔ" (天長地久) (Pour l'éternité). Duo avec Yao Min (姚敏), également compositeur de la chanson. Paroles de Fan Yanqiao (范煙橋). Enregistrement pour les studios EMI sur le disque 35578 faces A et B. C'est l'air patriotique que chantent les artistes en partant au front, évoquant leur rapport très fort à la terre et au ciel.



1942


Enregistrements

''Jǐshí xiāngféng'' (幾時相逢) (Quand allons-nous nous rencontrer?). Chanson écrite par Jiang Tao (江濤) et composée par Li Chi (厲遲), tous deux des pseudonymes de Li Houxiang (李厚襄), enregistrée pour les studios EMI sur le disque numéro 35695B. Alors que la nuit reste silencieuse et que le brouillard se met à voiler les astres brillants, la chanteuse peut de moins en moins retenir ses larmes à force d'attendre. D'où le titre de ce tango bien plus triste que ne le laisserait supposer la mélodie. ♪

"Liánhuā kāi" (蓮花開) (Fleur de lotus). Chanson composée par Zhao Jing (趙競), enregistrée pour l'enseigne Victory sur le disque numéro 42204B. Zhou Xuan y parle d'un lac couvert de fleurs de lotus, sur lequel les canards mandarins, nageant côte à côte, invitent les promeneurs à tomber amoureux. Profitez de ce moment avant l'automne de votre vie. ♪

"Méiguī" (玫瑰) (La Rose). Musique: Li Houzhen (李厚襄), paroles: Hong Fei (洪菲). Enregistrement pour les studios Victory sur le disque numéro 42214A. La chanson parle d'un rosier où il ne reste qu'une unique fleur pas encore fanée : combien de temps tiendra-t-elle avant que la pluie d'automne ne vienne la frapper inéluctablement? Par bonheur, la pluie printanière fera refleurir le rosier de manière plus éclatante encore, aidant à faire oublier la douleur passée. ♪

''Méihuā jì yì'' (梅花寄意) (Envoyer une fleur de prunier à sa bien-aimée). Chanson écrite par Man Ying (漫影) et composée par Li Chi (厲遲), encore deux pseudonymes de Li Houxiang (李厚襄), enregistrée pour les studios Victory sur le disque numéro 42213B. On y parle d'une personne cueillant une fleur de prunier blanche pour l'envoyer à sa bien-aimée, afin que le cœur reste pur et parfait malgré le vent froid. ♪

"Qiūfēng" (秋風) (Le Vent de l'automne). Musique: Hou Xiang (侯湘). paroles: Xu Shuzhen (徐淑岑). Chanson enregistrée pour le label Victory sur le disque numéro 42203A. Une fois de plus, la mélodie entraînante ne doit pas induire en erreur : le vent d'automne est froid et fait tomber les feuilles, alors qu'on se lamente du départ de l'être aimé, qui ne reviendra pas. ♪

"Wàng xīng er" (望星兒) (En regardant les étoiles). Musique: Hou Xiang (侯湘), paroles: Hong Fei (洪菲). C'est la face B du Vent de l'automne, et le texte est encore empreint de mélancolie : les étoiles semblent si proches de nous, mais combien de poèmes d'amour, qui ne se peuvent confier, continuent de faire mal au cœur? ♪

"Wǔ yuè de fēng" (五月的風) (Le Vent de mai). Musique: Li Jinguang (黎錦光), paroles: Chen Gexin (陈歌辛). Chanson enregistrée pour les studios EMI le 22 octobre 1941, et sortie un an plus tard sur le disque numéro 35577B. Malgré son apparence printanière, le texte est fort triste: le vent de mai souffle sur les fleurs qui s'épanouissent, mais si celles-ci connaissaient les vicissitudes du monde, elle courberaient la tête et pleureraient. De même, si les oiseaux savaient la part d'ombre sous la lumière, ils cesseraient de chanter et se cacheraient dans la honte.



1943


Enregistrements

"Húdié fēi" (蝴蝶飛) (Vol de papillons). Musique: Hou Xiang (侯湘), paroles: Li Houzhen (李厚襄). Je n'arrive pas à le vérifier avec certitude, mais Hou Xiang et Li Houzhen seraient apparemment la même personne. Enregistrement pour les studios EMI sur le disque numéro 35595A. Zhou Xuan y compare les rêves d'amour à des papillons, qui butinent les fleurs du printemps sans connaître l'amertume du monde. Les prunes et les pêches parfumées dans le jardin permettent quant à elle de se griser pour oublier son mal d'amour. ♪

"Láng shì fēng er jiě shì làng" (郎是風兒姐是浪) (Chanson de vent et de vagues). Musique: Li Jinguang(黎錦光)dit Li Qiniu (李七牛), paroles: Liu Qiong (柳瓊). Chanson enregistrée en 1942 pour les studios Victory, et sortie en mars 1943 sur le disque numéro 42221A. Le couple dont on retrace l'histoire y est comparé à la mer : l'homme représente le vent, la femme la vague, leur union aidant à pousser le bateau sur lesquels flottent les cœurs. Et bien que les vagues soient hautes et l'embarcation étroite, le vent printanier soufflera longtemps, du moment que l'on tient fermement le gouvernail. ♪

"Nán fēngchuī" (南風吹) (Le Vent du Sud). Musique: Li Jinguang (黎錦光), paroles: Li Houzhen (李厚襄). Chanson publiée en mars 1943 par les studios Victory, sur le disque numéro 42221B. C'est à nouveau une métaphore naturelle sur l'amour : la chanteuse reproche aux gens d'être soit maladivement timides, soit de parler trop, alors que le vent du Sud froisse l'eau d'une source à côté de laquelle poussent de mauvaises herbes.

"Sòng gē xíng" (送哥行) (Le Voyage de l'être aimé). Musique: Yao Min (姚敏), paroles: Li Jinguang (黎錦光). Cette chanson, sortie en mars 1943, montre l'héroïne sur un pont, pliant une branche de saule-pleureur, en se lamentant que les fleurs se fanent autant que son cœur brisé. Sous le pont, l'eau claire lui renvoie l'image de l'être aimé : "les sentiments humains sont comme l'eau qui coule, puisses-tu ne pas m'oublier". ♪

"Sūzhōu zhī yè" (蘇州之夜) (Nuits de Suzhou). Musique: Takio Niki (仁木他喜雄), paroles: Chen Gexin (陳歌辛), sous le pseudonyme Jin Cheng (金成). C'est le thème du film de propagande japonaise de 1940, Nuits de Chine, déjà enregistré par Li Xianglan, sur des paroles du poète Yaso Saijō (西條八十). La version de Zhou Xuan a été enregistrée pour l'enseigne EMI, sur le disque numéro 35594B, fin 1942. D'après les paroles, le ciel nocturne suscite de la nostalgie dans le cœur d'un vagabond, qui revient en rêve à Suzhou, l'une des deux villes considérées comme un véritable paradis terrestre par le poète Chaoying au XIVe siècle. Le texte traduit bien cette vision des choses, en rappelant que les paysages sont magnifiques dans cette ville. ♪



La Fille du pêcheur (渔家女) (Yújiā nǚ) 

Ce film de Bu Wancang (卜萬蒼) parle d'amours contrariées et d'hésitations devant le mariage entre un étudiant et une marchande de poissons. En filigrane s'y lit une véritable réflexion sociale, bien que l'histoire mette du temps à trouver le ton juste entre drame et comédie. Cela se reflète dans l'interprétation de Zhou Xuan, par moments très théâtrale, et par instants criante de naturel. Sa tentative de suicide du haut d'une falaise est alors difficile à prendre au sérieux, de même que la grande scène de folie qui s'ensuit, état d'esprit dont joue sciemment l'héroïne en colère alors qu'elle se croit trompée. Il me faudrait revoir le film avec des sous-titres, mais ces éléments tragiques me donnaient l'impression d'être écrits avec beaucoup de second degré. L'actrice-chanteuse y est en tout cas très expressive, donnant l'une des performances les plus marquantes de sa carrière. 

''Fēngkuáng shìjiè'' (瘋狂世界) (Le Monde est fou). Musique: Li Qiniu (李七牛) apparemment autre pseudonyme de Li Jinguang (黎錦光), Paroles: Li Junqing (李隽青), ou Xiao Zhigang (蕭智剛). Cette chanson fut enregistrée sur le disque numéro 35851B des studios EMI. Déterminée à ne pas se laisser bafouer, la sympathique héroïne devient, comme je le disais, plus ou moins consciemment folle, errant dans la forêt pour déclamer aux oiseaux que le monde est devenu fou ! Certes, les oiseaux chantent et les fleurs s'épanouissent, tant et si bien que tout le monde semble heureux. Mais presque trop heureux, au point que ce bonheur en devient étrange. D'ailleurs, comment définir le bonheur ? Et l'étrangeté ? Et l'amour ? À présent, les oiseaux ne sont plus autorisés à chanter, et les fleurs n'ont plus le droit de s'ouvrir : l'héroïne perdue dans ce cheminement cérébral des plus sinueux ne veut pas de ce monde fou ! ♪

"Hūnlǐ qǔ" (婚禮曲) (Chant de mariage). Musique: Chen Gexin (陈歌辛), paroles: Li Junqing (李隽青). La chanson finale du film ne semble pas avoir été enregistrée sur disque. L'héroïne raconte qu'elle a fini par essuyer les larmes de son visage et ôter la colère et le chagrin de son cœur : alors que l'on traverse d'anciens endroits pour revivre de vieux rêves, le cheval galope avec fougue, tandis que les oiseaux sur les branches acclament le triomphe de l'amour.

"Jiāohuàn" (交換) (Un échange). Musique: Liang Yueyin (梁樂音), paroles: Li Junqing (李隽青). Enregistrée sur le disque numéro 42228A des studios Victory, cette magnifique chanson sortie en décembre 1943 parle d'un échange de talents entre deux êtres qui se plaisent : l'un enseigne la peinture et l'écriture, l'autre remercie le premier en lui chantant une chanson. Peinture et calligraphie égalent la force du chant : cet échange fort équitable est le témoin d'une belle relation, alors que la Lune éclaire les arbres en fleur. ♪

''Yújiā nǚ'' (渔家女) (La Fille du pêcheur). Musique: Chen Gexin (陈歌辛), paroles: Li Junqing (李隽青). Enregistrée sur le disque numéro 42225A de l'enseigne Victory, l'introduction du film évoque le travail des pêcheurs à l'aube, sur l'onde d'un lac : en lançant des filets dans l'eau en toutes saisons, les familles espèrent trouver de quoi se nourrir et de quoi s'acheter des vêtements après la vente. En tant que végétarien, je n'aime pas que l'on tue des animaux, mais la chanson évoque bien la simplicité des gens qui n'ont que ce travail traditionnel pour subsister. ♪



1944


Enregistrements

"Hòu láng qū" (候郎曲) (Chanson de l'attente). Musique: Li Houzhen (李厚襄), paroles: Chen Dongyu (陳棟蓀). Enregistrement pour les studios EMI en novembre 1943, avant sortie en juin 1944 sur le disque numéro 35611B. On y parle manifestement d'une personne qui veille toute une nuit dans l'espoir d'un retour, la lampe allumée, jusqu'au petit matin. ♪

''Kě'ài de zǎochén'' (可爱的早晨) (Belle matinée). Musique: Chen Gexin (陈歌辛), paroles: Li Junqing (李隽青). Enregistrement pour les studios Victory sur le disque numéro 42237B. C'est probablement la chanson que je préfère de tout le répertoire de Zhou Xuan. Les premières notes en hommage à Peer Gynt n'y sont sans doute pas étrangères. Notez que, contrairement à ce qu'on lit un peu partout, cette chanson n'apparaît pas dans le film Meilleures moitiés : la chanteuse se contente d'apprécier la belle matinée qui s'offre à elle, sans être dérangée par le cri des vendeurs de rue ou la suie sur le balcon. Le son du piano est mélodieux, et les abeilles qui virevoltent nous invitent à laisser dehors tous nos soucis. ♪

''Tǎoyàn de zǎochén'' (討厭的早晨) (Matin désagréable). Musique: Li Jinguang (黎錦光), paroles: Li Junqing (李隽青). C'est la face A de la belle matinée, et sans surprise, l'inverse de la chanson précédente : Zhou Xuan s'y plaint de son environnement exigu, en proie aux bruits des vendeurs et à la vue bouchée par le linge aux fenêtre de ses voisins. Cette chanson n'apparaît pas non plus dans le film Meilleures moitiés, mais ça n'en reste pas moins un délice. ♪

"Sū sān cǎi chá" (蘇三採茶) (Su San cueille le thé). Paroles: Li Jinguang (黎錦光). Enregistrement pour les studios Victory sur le disque numéro 42241B. Zhou Xuan y égrène la métaphore de la germination du thé : tant que les feuilles sont aussi tendre que l'amour de la femme aimée, il faut savoir les cueillir à temps, sans quoi il faudra attendre un nouveau cycle de récolte. Certains internautes rattachent cette chanson à L'Histoire amoureuse de Su San, mais on sent bien que les orchestrations sont très différentes. ♪

"Xiāngsī de zīwèi" (相思的滋味) (Le Goût du mal d'amour). Chanson écrite et composée par Li Houzhen (李厚襄), également dit Jiang Tao (江濤), enregistrée pour les studios EMI en 1943, et sortie le 15 janvier 1944 sur le disque numéro 35608A. Le désespoir d'une jeune femme va crescendo, de la douceur à l'amertume, en passant par l'aigreur, à mesure qu'elle comprend que son amant l'a abandonnée, alors que les heures du jour s'écoulent jusqu'à la nuit. ♪

"Yǒngyuǎn bù fēnlí" (永遠不分離) (Nous ne nous séparerons jamais). Duo avec Yao Min (姚敏). Musique: Li Chi (厲遲), pseudonyme de Hou Xiang (侯湘); paroles: Mei Wei (梅阡). C'est là une chanson d'amour lumineuse, enregistrée le 12 mai 1943 pour les studios Victory, et sortie le 15 mai 1944 sur le disque numéro 42233A. Les amoureux chantent leur couple inséparable : "si tu es l'eau claire de l'étang, je suis le poisson dans l'eau pour rester toujours dans tes bras; si tu es la fleur dans un pot, je suis la terre mouillée qui te nourrit; si tu es la branche verte de l'arbre, je suis l'oriole qui tient à faire son nid dessus; et si tu es la haute montagne, je suis la terre qui te soutient. Ainsi, nous ne nous séparerons jamais." ♪



Le Rêve dans le pavillon rouge (紅樓夢) (Hóng lóu mèng)

Ce film de Bu Wancang (卜萬蒼), sorti en juin 1944, est une adaptation simplifiée d'un roman-fleuve de Cáo Xuěqín publié au XVIIIe siècle. C'est l'un des grands classiques de la littérature chinoise : Zhou Xuan y incarne la fragile Lin Daiyu, amoureuse malheureuse dont le parcours est parfaitement reflété par les chansons tristes intégrées au film, tandis que Wang Danfeng (王丹鳳) joue la délicieuse et rationnelle Xue Baochai, parangon de la jeune fille accomplie. Les deux actrices sont excellentes et se complémentent à merveille, faisant de ce rêve ce qui est sûrement le plus beau film de Zhou Xuan. Wang Danfeng a par ailleurs avoué s'être sentie très honorée de donner la réplique à sa partenaire déjà légendaire.

"Bēi qiū" (悲秋) (Triste Automne). Musique: Liang Yueyin (梁樂音), paroles: Cáo Xuěqín (曹雪芹). La mélancolie profonde de Lin Daiyu se ressent fort bien dans cette élégie. Les paroles évoquent une femme regardant sa ville natale au loin, les larmes aux yeux, alors qu'elle se sent isolée dans le vent froid et qu'elle est en proie à l'insomnie sous un clair de Lune éclatant. La beauté des paysages de montagnes et d'eau ne parvient pas, hélas, à réchauffer son cœur. ♪

"Zàng huā" (葬花) (Fleurs funéraires). Musique: Li Jinguang (黎錦光) dit aussi Jin Yugu (金玉谷), paroles: Bu Wancang (卜萬蒼). Sortie sur le disque numéro 35611A des studios EMI, cette mélopée est adaptée d'un autre poème de l'auteur originel. On y évoque des fleurs volant dans le ciel après être tombées des branches, métaphore du trépas qui attend les êtres après la vieillesse : la beauté se flétrie, les fleurs tombent et les gens meurent. ♪



Meilleures moitiés (鸞鳳和鳴) (Luánfèng hè míng) 

''Bù biàn de xīn'' (不变的心) (Cœur immuable). Musique: Chen Gexin (陈歌辛), paroles: Li Junqing (李隽青). Dans ce film de Fang Peilin (方沛霖), Zhou Xuan joue l'élève de Qong Qiuxia, autre étoile de la chanson chinoise, elle-même distribuée dans le rôle d'une chanteuse de talent défigurée par la variole, et cherchant par-là même à retrouver le succès à travers sa pupille. Cette chanson constitue le grand finale du film, célébrant la réussite des deux femmes.

"Hónggēnǚ máng" (紅歌女忙). Musique: Liang Yueyin (梁樂音), paroles: Li Junqing / 李隽青). C'est la première chanson que l'on entend dans le film: Zhou Xuan la chante à la radio, ce qui lui permet d'attirer l'attention de Gong Qiuxia.

"Hu me mi ma". Duo avec Gong Qiuxia (龔秋霞). Musique: Liu Huisi (劉惠斯), paroles: Li Junqing (李隽青). C'est en quelque sorte le manuel de la bonne chanteuse: Gong apprend à son élève une bonne méthode pour chanter.

"Zhēn shàn měi" (真善美) (Vérité, bonté et beauté). Musique: Hou Xiang (侯湘), paroles: Li Junqing (李隽青).



1945


Enregistrements

''Sān yuè zhī yīng'' (三月之莺) (La Fauvette de mars). Paroles et musique: Yan Zhexi (严折西). Enregistrement pour la marque EMI. Le nom adéquat de l'oiseau serait apparemment paruline, mais nous restons bien dans l'ordre des passereaux. Le texte révèle que si les fleurs du Jiangnan sont d'un rouge éclatant au mois de mars, la nostalgie d'un amour passé n'en reste pas moins prégnante, alors que l'on contemple les paysages brumeux du Yang-Tsé-Kiang au crépuscule. ♪

"Yuèyè juān shēng" (月夜鹃声) (Le Chant du coucou au clair de Lune). Chanson écrite et composée par Yan Zhexi (严折西), sous les pseudonymes Lu Li (陸麗) pour les paroles et Zhuang Hong (莊宏) pour la partition. Cette chanson mélancolique, également enregistrée pour l'enseigne EMI, parle à nouveau d'un amour tragique : alors que le vent chasse les nuages et que le clair de Lune pénètre dans la chambre à travers les rideaux, le souvenir de l'être aimé revient hanter les rêves et réveille l'émoi au fond du cœur. ♪



Les Phœnix volant ensemble (鳳凰于飛) (Fènghuáng yú fēi)

Dans la lignée de Meilleures moitiés, ce film musical de Fang Peilin (方沛霖) au titre intraduisible entend souligner l'évolution des personnages à travers le chant et la danse. C'est pourquoi une traduction anglaise existerait apparemment sous le nom de Music in the Air. Sortie en salles le 11 février 1945, cette comédie musicale aux ferments dramatiques raconte l'histoire de l'épouse d'un avocat qui devient subitement une chanteuse de renom. Elle décide alors de divorcer pour se consacrer à son métier lors de nombreuses tournées à travers le pays, mais elle fait de mauvaises rencontres, en particulier un riche homme d'affaires qu'elle blesse accidentellement alors qu'il lui fait des avances salaces. Et c'est finalement son ex-époux qui est chargé de la défendre lors de son procès : tous deux se réconcilient à la fin. Un extrait du film montre Zhou Xuan chantant et dansant dans un dortoir (celui de la prison ?) : on imagine que l'histoire se présente avant tout comme une comédie.

"Cháng'é" (嫦娥) (La Déesse de la Lune). Musique: Li Jinguang (黎錦光), paroles: Chen Dieyi (陳蝶衣).

"Címǔ xīn" (慈母心) (Le Cœur d'une mère). Musique: Li Jinguang (黎錦光), paroles: Chen Dieyi (陳蝶衣).

''Fènghuáng yú fēi'' (1) (鳳凰于飛) et ''Fènghuáng yú fēi'' (2) (鳳凰于飛) (Les Phœnix volant ensemble). Musique: Chen Gexin (陈歌辛), paroles: Chen Junqing (陳蝶衣).

"Héjiāhuān" (合家歡) (Aimer sa famille). Musique: Yao Min (姚敏), paroles: Chen Dieyi (陳蝶衣).

"Níshang duì" (霓裳隊) (La joyeuse équipe). Musique: Chen Gexin (陈歌辛), paroles: Chen Dieyi (陳蝶衣).

''Qiánchéng wànlǐ'' (前程萬里) (Aller de l'avant). Musique: Chen Gexin (陈歌辛), paroles: Chen Junqing (陳蝶衣).

"Xiào de zànměi" (笑的讚美) (Éloge du rire). Musique: Liang Leyin (梁樂音), paroles: Chen Dieyi (陳蝶衣).



1946


Enregistrements

''Xīzǐ gūniáng'' (1) et "Xīzǐ gūniáng'' (2)  (西子姑娘) (Les jeunes femmes du Lac de l'Ouest). Musique: Liu Xueyu (劉雪庵 柳), paroles: Fu Qingshi (傅清石). Enregistrement pour les studios EMI, sur le disque numéro 34104, faces A et B. C'est une chanson patriotique dans laquelle les jeunes femmes de Hangzhou enjoignent les pilotes de l'armée de l'air à se battre pour leur pays : le vent est clair, le pilote est tel un aigle parcourant des dizaines de milliers de kilomètres, admirant au passage la beauté des paysages malgré les difficultés de sa mission. ♪

"Yàn chūn guī" (燕春歸) (Le Retour de l'hirondelle au printemps). Musique: Li Houzhen (李厚襄), paroles: Chen Dongyu (陳棟蓀). Enregistrement pour la compagnie Great China Records, sur le disque numéro 1001A. L'histoire, qui fait à nouveau la part belle à la nature, raconte qu'au Jiangnan, le mois de mars est magnifique : l'hirondelle profite de l'arrivée du printemps pour revenir faire son nid dans la vieille maison où elle avait élu demeure l'an passé. Elle élève les jeunes oiseaux entre les poutres, pour accueillir la Fête du Printemps. ♪



1947


Enregistrements

"Bùyào chàng ba" (不要唱吧) (Ne chante pas). Musique: Li Jinguang (黎錦光), paroles: Li Junqing (李隽青). Cette chanson, enregistrée pour les studios EMI sur le disque numéro 35685B, permet à Zhou Xuan de parler de son métier avec une pointe d'ironie : à l'entendre, il ne faudrait plus chanter de poèmes qui sont trop solennels, ni de chansons d'amour jugées trop mielleuses. En n'ouvrant jamais la bouche, on évite ainsi la critique, mais heureusement que Zhou Xuan s'est fait un devoir de violer cette règle pendant vingt ans!

"Fēngyǔ zhōng de yáolán gē" (風雨中的搖籃歌) (La Berceuse du vent et de la pluie). Chanson écrite et composée par Chen Gexin (陈歌辛), enregistrée par Zhou Xuan le 2 mai 1947. La narratrice chante cette berceuse à son enfant alors que la tempête fait rage à l'extérieur : elle le rassure afin qu'il s'endorme sans plus avoir peur ni du vent, ni de la pluie. D'ailleurs, le père est déjà de retour et donne un baiser à son fils, et déjà la pluie s'arrête, faisant place aux hirondelles du printemps. ♪

"Gàosù wǒ" (告訴我) (Dis-moi). Musique: Zhuang Hong (莊宏), paroles: Yan Kuan (嚴寬). Chanson enregistrée pour les studios EMI sur le disque 35701A. La chanteuse métamorphosée en oiseau s'adresse à son partenaire, lui demandant pourquoi celui-ci se cache quand il la voit, et pourquoi il ne veut pas entrer dans le nid. De ce fait, le soleil a beau briller de tout son éclat dans le ciel, elle ne ressent aucune chaleur, pas plus que la joie qui devrait pourtant l'envahir en ce jour de printemps. ♪

''Hútú de guówáng'' (糊涂的国王) (Le Roi confus). Chanson composée par Chen Gexin (陳歌辛), et faisant partie du répertoire secret de Zhou Xuan car apparemment jamais sortie en disque. L'enregistrement aurait eu lieu au printemps ou au début de l'été 1947. C'est apparemment l'histoire humoristique d'un roi belliqueux enrobée de crème et de sucre. ♪

"Liǎng tiáo lùshàng" (兩條路上) (Les Deux Routes). Musique: Zhuang Hong (莊宏), paroles: Li Junqing (李隽青). Chanson enregistrée pour l'enseigne EMI, sur le disque numéro 35678A. Manifestement désorientée, la chanteuse n'apprécie guère son parcours métaphorique sur deux routes différentes, l'une qu'elle emprunte le matin au milieu des piétons et des voitures qui l'angoissent, l'autre qu'elle arpente le soir le cœur vide, qu'aucune lumière, pas même la Lune, ne parvient à réchauffer. Entre la turbulence et l'obscurité, elle se demande si elle trouvera un endroit plus serein. ♪

"Lónghuá de táohuā" (龍華的桃花) (Les Fleurs de pêchers de Longhua). Musique: Li Jinguang (黎錦光), paroles: Li Junqing (李隽青). C'est l'autre face de la chanson où Zhou Xuan recommande le silence. L'histoire raconte qu'il n'y a plus de fleurs à Shanghai, et que tout le monde s'empresse d'aller en acheter à Longhua. Mais leur prix ne fait qu'augmenter, alors que le trajet du retour, soumis au vent et aux cahots d'une route en mauvais état, ne fait qu'abimer la précieuse acquisition. Les fleurs les plus chanceuses atteignent les riches demeures où elles ornent les anciens vases de porcelaine et les meubles en acajou.

"Sān nián líbié yòu xiāngféng" (三年離別又相逢) (Retrouvailles après trois ans de séparation). Musique: Yao Min (姚敏), paroles: Chen Dongyu (陳棟蓀). Enregistrement pour les studios EMI, sur le disque numéro 35677B. Cette chanson subtile évoque les rancœurs que l'on a gardé en soi après une rupture, puisque les yeux de l'homme qu'on a aimé son pleins de ressentiment et ravivent la douleur dans notre cœur. Pourtant, nous nous sommes tant aimé cet hiver-là, qui pouvait prévoir que la tempête allait arriver? Ces retrouvailles nous rappellent la douceur du passé, mais cela ne fait qu'ajouter à notre souffrance. ♪

"Sòng dàgē" (送大哥) (Le Voyage du grand frère). Duo avec Yao Min (姚敏), également parolier. La musique est adaptée par Li Jinguang (黎錦光) d'après une chanson folklorique du Shaanxi. C'est la face A des retrouvailles précédentes. En revanche, j'ai toutes les peines du monde à comprendre les paroles, d'autant que je n'arrive jamais à savoir si le terme "grand frère" désigne réellement un lien fraternel, ou s'il s'agit d'un pseudonyme affectueux pour son petit ami. Le texte parle visiblement d'un voyage en divers lieux de la campagne chinoise, où l'on garde des moutons et des oies, ces animaux servant sûrement de métaphore à une histoire plus complexe.

"Xǔ wǒ xiàng nǐ kàn" (許我向你看) (Laissez-moi vous regarder). Musique: Zhuang Hong (莊宏), paroles: Yan Kuan (嚴寬). C'est la face B des Deux Routes : la narratrice supplie l'homme qu'elle aime de la laisser le regarder, à défaut de vouloir l'écouter. Ils se sont visiblement aimé jadis, mais les sentiments de la dame ne se sont pas éteints : revoir cet homme qui n'a pas pris une ride ravive forcément le mal être de la rupture. ♪

"Yǒngyuǎn de wéixiào" (永远的微笑) (Toujours sourire). Chanson écrite et composée en 1940 par Chen Gexin (陈歌辛) sous les pseudonymes Huai Yu et Lin Mei. Zhou Xuan l'a enregistrée en 1947 pour les studios EMI, sur le disque numéro 35701B. Elle nous invite à rester souriants même après une rupture, afin de ne laisser personne éteindre le soleil que l'être aimé nous a mis au cœur. Cette personne savait transformer l'automne en printemps et illuminer la nuit noire : ce sont ces souvenirs heureux qu'il faut garder. ♪



Dans l'attente de son amour (長相思) (Zhǎng xiàng sī)

Ce film, réalisé par He Zhaozhang (何兆璋), est sorti le 7 janvier 1947. Littéralement, le titre veut dire "Le Sauvignon blanc", mais en Occident, il est de mise de lui donner une autre couleur, telle "An All-Consuming Love" en anglais, soit "Un Amour dévorant". À noter que dans ce film, Zhou Xuan interprète une comptine au piano devant des enfants, dont je n'ai hélas jamais réussi à trouver le titre.

''Huāyàng de niánhuá'' (花樣的年華) (L'âge de la fleur). Musique: Chen Gexin (陈歌辛), paroles: Fan Yanqiao (范烟桥). Cette chanson célébrissime s'entend notamment dans In the Mood for Love de Wong Kar-wai, pour souhaiter un anniversaire.

''Huáng yè wǔ qiūfēng'' (黃葉舞秋風) (Les feuilles jaunes de l'automne dansent dans le vent). Musique: Li Jin Guang (黎錦光), paroles: Fan Yanqiao (范烟桥).

''Kǎixuán gē'' (凱旋歌) (Le chant du triomphe). Musique: Li Jin Guang (黎錦光), paroles: Fan Yanqiao (范烟桥).

"Xīng xīn xiāng yìn" (星心相印) (Étoiles et cœurs). Duo avec Yao Min (姚敏). Musique: Li Jinguang (黎錦光), paroles: Fan Yanqiao (范烟桥).

''Yàn yàn yú fēi" (燕燕于飞). Musique: Li Jin Guang (黎錦光), paroles: Fan Yanqiao (范烟桥). Chanson enregistrée pour les studios EMI en septembre 1946, sur le disque numéro 35657A. Yanyan Yufei serait apparemment le nom d'un personnage qui ne revient plus au printemps, laissant la femme qui l'aime solitaire. La brise printanière et la Lune d'automne lui apportent un peu de réconfort mais, s'il est facile d'espérer voir le ciel bleu après la pluie, les retrouvailles non dénuées de rancœur rendent la vie à deux d'autant plus difficile. Sur la forme, c'est assurément l'une des plus belles performances de Zhou Xuan. ♪

''Yè Shànghǎi" (夜上海) (Nuits de Shanghai). Musique: Chen Gexin (陈歌辛), paroles: Fan Yanqiao (范烟桥).



1948


Quiproquos (花外流鶯) (Huā wàiliú yīng)

Une traduction littérale donnerait: "Les Orioles bannis de la fleur".

"Chūnzhī chén" (春之晨) (Matin de printemps). Musique: Li Jinguang (黎錦光), paroles: Chen Dieyi (陳蝶衣).

"Gāo gǎng shàng" (高崗上) (Sur la haute colline). Musique: Chen Gexin (陳歌辛), paroles: Chen Dieyi (陳蝶衣).

"Huā wàiliú yīng" (花外流鶯) (Hors de la fleur). Musique: Chen Gexin (陳歌辛), paroles: Chen Dieyi (陳蝶衣).

"Sù zhōngqíng" (诉衷情) (Amour sincère?). Musique: Yao Min (姚敏), paroles: Chen Dieyi (陳蝶衣).

"Táolǐ chūnfēng" (桃李春风) (Brise printanière aux pêches et prunes). Musique: Yao Min (姚敏), paroles: Chen Dieyi (陳蝶衣).

"Wǎn'ān qū" (晚安曲) (Chanson pour souhaiter bonne nuit). Musique: Jin Liu (金流), paroles: Chen Dieyi (陳蝶衣).

"Yuè xià de qídǎo" (月下的祈禱) (Prière sous la Lune). Musique: Hou Xiang (侯湘), paroles: Chen Dieyi (陳蝶衣).



L'air d'une chanteuse (歌女之歌) (Gēnǚ zhī gē)

''Ài shén de jiàn" (愛神的箭) (La Flèche de Cupidon). Musique: Li Jinguang (黎錦光, paroles: Chen Junqing (陳蝶衣).

"Gēnǚ zhī gē" (歌女之歌) (L'Air d'une chanteuse). Musique: Chen Gexin (陳歌辛), Paroles: Chen Dieyi (陳蝶衣).

''Lòuxiàng zhī chūn'' (陋巷之春) (Le Printemps dans une ruelle). Musique: Hou Xiang (侯湘 ou 李厚襄, Li Houzhen, donc), paroles: Chen Shi (陳式), pseudonyme de Chen Junqing (陳蝶衣).

"Yīpiàn chīqíng" (一片痴情) (L'Engouement). Musique: Hou Xiang / 侯湘, paroles: Chen Dieyi (陳蝶衣).

"Zhīyīn hé chù xún" (知音何處尋) (Cherchant un ami intime). Musique: Zhuang Hong (莊宏), paroles: Chen Dieyi (陳蝶衣).



L'Histoire secrète de la cour des Qing (清宮秘史) (Qīnggōng mìshǐ)

"Lěnggōng yuàn" (冷宮怨) (La Complainte du palais froid). Musique: Chen Gexin (陳歌辛), paroles: Li Junqing (李隽青).

"Yù xiāng piāomiǎo qū" (御香飄渺曲) (Parfum royal flottant). Musique: Chen Gexin (陳歌辛), paroles: Li Junqing (李隽青).



1949


Ne gâchons pas notre jeunesse (莫負青春) (Mò fù qīngchūn)

Cette comédie de Wu Zuguang (吳祖光), sortie le 9 avril 1949, met en scène Zhou Xuan dans un double-rôle, celui d'une fille d'épicier courtisée par un jeune homme de bonne famille mais pas jugée assez bien par la mère de celui-ci, et celui d'une fée qui incite le héros à se battre pour sa bien-aimée, après de multiples péripéties. Le film est très difficile d'accès sans sous-titres, mais eut apparemment un véritable écho auprès des jeunes d'après-guerre, l'héroïne faisant des adresses aux spectateurs pour les inviter à poursuivre le véritable amour. Comme toujours, dans la limite des scènes que j'arrive à appréhender, Zhou Xuan est exquise dans la partie comique par son énergie et ses regards pétillants, mais ses pleurs sont atrocement forcés.

"Mò fù qīngchūn" (莫負青春) (Autre traduction possible: Ne perdez pas votre jeunesse). Musique: Chen Gexin (陳歌辛), paroles: Wu Zuguang (吳祖光). Enregistrement pour les studios EMI, sur le disque numéro 35724A. Zhou Xuan chante cet air accoudée au comptoir de l'épicerie, décrivant rêveusement la beauté d'une jolie fille du Shanxi au gré de métaphores florales, dont une bouche couleur cerise. Elle se demande alors quel homme sera le plus à même de demander sa main. ♪

''Sān gè bānjiū'' (三个斑鸠) (Trois tourterelles), chanson également nommée ''Ēmítuófó tiānzhīdào'' (阿彌陀佛天知道) (Le bouddha Amitābha le sait). Musique: Chen Gexin (陳歌辛), paroles: Wu Zuguang (吳祖光) ou Wu Wei (吴伟). En route vers le temple, les amoureux chantent cette histoire métaphorique révélant que trois tourterelles partagent une même montagne, mais que deux sont en couple alors que la troisième reste seule. La voix masculine la rassure : "vous n'êtes pas seule, car je suis la personne affectueuse faite pour vous." "Tout le monde sait que nous sommes bons, le bouddha Amitābha nous en est témoin..."

''Xiǎo xiǎo dòngfáng'' (小小洞房) (Petite chambre nuptiale). Musique: Chen Gexin (陳歌辛), paroles: Wu Zuguang (吳祖光). Chanson enregistrée pour le label EMI, dans laquelle Zhou Xuan décrit la décoration de la chambre en insistant sur la couleur rouge des draps, et sur les motifs de canards mandarins brodés sur les coussins. Soit deux symboles du bonheur typiques de ce pays, comme en témoignent nombre de chansons précédentes. ♪



1950


La Rue des fleurs (花街) (Huājiē)

Ce film de Feng Yue (岳枫) est sorti à Hong Kong le 19 mai 1950 et réunit à nouveau Zhou Xuan et Qong Qiuxia, celle-ci dans le rôle de la grand-mère! Après Meilleures Moitiés, son goût pour le grimage ne fait plus aucun doute. C'est l'histoire troublée d'une famille de musiciens ambulants dont les membres sont séparés par la guerre contre le Japon, puis par la guerre civile entre le Kuomintang et le Parti communiste. Inutile de préciser que les paroles des chansons ne sont guère optimistes, reflétant par-là même le traumatisme de la nouvelle situation politique dans le pays, au sortir d'une période non moins tragique.

"Gē xūróng" (歌虛榮) (La Chanson de la vanité). Musique: Li Houzhen (李厚襄), paroles: Tao Qin (陶秦). L'héroïne, visiblement désorientée, se compare à un oiseau affaibli qui n'a nulle part où aller, puis à une fleur glacée par la pluie torrentielle. Mais n'est-il pas vain de se plaindre alors que l'oiseau peut rêver à une cage dorée où il sera au chaud et bien nourri, tandis que la fleur peut s'imaginer dans un vase de jade en un lieu où règne la paix? Dans le film, Zhou Xuan chante manifestement cette ballade sur les toits d'une maison. Voir ici. ♪

"Hēiyè" (黑夜) (La Nuit noire). Musique: Li Houzhen (李厚襄), paroles: Tao Qin (陶秦). Une autre chanson rythmée aux paroles cependant lugubres : Zhou Xuan y révèle qu'elle déteste que la nuit n'en finisse plus de nourrir ses craintes et sa colère, cette nuit de désolation où l'on ne distingue plus le bien du mal dans la nature humaine, et où les fantômes des souvenirs sont des traitres arrogants. Pas étonnant que l'on attende l'aube avec impatience et le retour du soleil. ♪

"Jiǔcài kāihuā" (韭菜開花) (L'Amarante en fleurs). Musique: Qu Bai (去白), paroles: Ke Liang (克亮). Une autre traduction propose de remplacer l'amarante par le poireau ou la ciboule de Chine. Je n'ai malheureusement pas accès au texte dans l'immédiat pour comprendre la signification de cette jolie mélodie au titre culinaire. ♪

"Mǔ nǚ liǎ" (母女倆) (La Mère et la fille). Musique: Shou Ling (寿龄), paroles: You Ming (尤明). Le texte parle d'une mère et de sa fille errant dans les rues, loin de chez elles, et devant chanter pour les passants afin de gagner quelques centimes pour se nourrir. L'un des négatifs ayant survécu en donne une parfaite illustration ici. ♪

''Qiūjiāng qū'' (秋江曲) (Chanson de la rivière d'automne). Musique: Li Houzhen (李厚襄), paroles: Man Ying (漫影). Comme toujours, la métaphore automnale est fort triste : les fleurs sont fanées le long de la rivière, et l'eau coule à n'en plus finir, emportant avec elle les feuilles mortes. Le vent d'Ouest accompagne le chagrin des gens, alors qu'on attend l'être aimé qui ne revient pas. À noter l'esprit très occidental, voire jazzy, de la partie instrumentale au piano. Il semblerait néanmoins que cette chanson n'apparaisse pas dans le film, quoiqu'elle fût apparemment intégrée au disque de la bande-son originale. La Rue des fleurs étant désormais inaccessible à cause de négatifs endommagés, les érudits ont du mal à déterminer le nombre exact de chansons écrites pour cette œuvre. ♪

"Xífù shòu zhémó" (媳妇受折磨) (La Femme torturée). Musique: Qu Bai (去白), paroles: Ke Liang (克亮). Encore une mélodie entraînante qui ne doit surtout pas induire en erreur, comme l'indique le titre. La chanteuse parle d'une femme harassée par ses beaux-parents qui la traitent durement, ne la nourrissent pas comme il faut, et lui donnent des coups au quotidien. Elle ne se plaint jamais, mais aimerait mieux mourir que continuer à vivre dans ces conditions. ♪



1953


La Chanson de l'arc-en-ciel (彩虹曲) (Cǎihóng qū)

Cet autre film de Feng Yue (岳枫), tourné dès 1949 mais qui dut attendre quatre ans avant d'être distribué, fut la dernière apparition de Zhou Xuan au cinéma. Ce fut aussi son seul et unique film en couleurs, avec apparemment des costumes chatoyants et une scénographie éblouissante, sur fond de quiproquos la conduisant à se travestir en marin pour retrouver sa tante sur un paquebot. 

"Cǎihóng qū" (彩虹曲) (La Chanson de l'arc-en-ciel). Musique: Li Houzhen (李厚襄), paroles: Tao Qin (陶秦). Cet ode au phénomène naturel bien connu indique que l'arc-en-ciel rend les montagnes plus vertes et les fleurs plus rouges, ses couleurs faisant naître l'espoir dans les cœurs alors que les nuages s'éloignent.

"Chúfáng gē" (厨房歌) (Chanson de cuisine). Musique: Li Chi (勵遲), paroles: Tao Qin (陶秦). Le rythme est entraînant, mais sous ses airs guillerets, cette chanson ne fait aucun cas de la souffrance animale : la chanteuse se moque ouvertement de la détresse de la poule, du poisson et des crevettes prêtes à passer sous le couteau du cuisinier.

"Jī niú māo gǒu" (鸡牛猫狗) (Le Poulet, la vache, le chat et le chien). Musique: Li Houzhen (李厚襄), paroles: Tao Qin (陶秦). Ce rythme endiablé illustre le labeur du personnel en service sur le paquebot, qui doit se lever aux aurores dès le chant du coq pour se tuer à la tâche comme un bœuf pendant la journée, devant par-là même attendre que les chats, métaphore des passagers, s'endorment pour avoir un moment de libre telles les souris, tout en devant se contenter des restes des repas, comme des chiens.

"Qīngchūn zhī gē" (青春之歌) (La Chanson de la jeunesse). Impossible de trouver la mention des auteurs de cette chanson, sûrement à chercher parmi les autres compositeurs et paroliers du film. La chanteuse vous invite à chanter cette ode de vive voix, afin que le pouvoir de la jeunesse vole librement tel un pétrel au-dessus des mers. Soyez optimistes : la brise printanière réveille la terre et fait fondre le gel! Zhou Xuan se révèle en outre joliment lyrique sur ce morceau d'esprit très durbinien! ♪

"Sǎodì gē" (扫地歌) (La Chanson du balayage). Musique: Li Houzhen (李厚襄), paroles: Ye Jin (葉金). Engagée dans la marine, Zhou Xuan doit nettoyer le pont du bateau en chantant à la manière de Blanche-Neige : la poussière est une malédiction pour la santé, alors balayons-la pour un voyage tonifiant vers des rivages lumineux! Il est finalement rassurant de savoir que mon idole a fini sa carrière sur une note heureuse, afin d'adoucir un peu sa triste destinée. ♪

''Xiǎng wá er'' (想娃儿) (Penser aux enfants). Musique: Li Houzhen (李厚襄), paroles: Tao Qin (陶秦). C'est finalement cette chanson mélancolique qui conclut cette rétrospective : la chanteuse y parle d'un vague à l'âme pendant les mois d'hiver, alors qu'elle ne sait pas ce que font ses enfants, dont elle est visiblement éloignée. ♪



Conclusion

J'espère que vous avez passé de bons moments avec Zhou Xuan et que cet article vous aura permis de faire de belles découvertes, entre amours lumineuses et ruptures tragiques, soit une multitude d'émotions portées par des métaphores florales d'une incroyable poésie. Pour sûr, l'évolution entre les gazouillis de l'adolescente des années 1930 et la chanteuse accomplie des années de guerre reste remarquable : elle a bel et bien mérité son surnom de Voix d'or du cinéma chinois. À bientôt pour de nouvelles pages musicales!