dimanche 28 janvier 2018

The Post (2017)

     

Premier film de la saison enfin arrivé en France, The Post est évidemment alléchant pour tous les grands noms du cinéma américain y étant associés: Steven Spielberg, Tom Hanks, Meryl Streep! Et alors que je ne me déplace généralement plus en salles pour voir la dame caqueter en essayant divers accents, l'annonce de son grand retour en forme à un jeu subtil et retenu m'a finalement tenté pour une découverte.

L'histoire est celle des membres éminents du Washington Post, journal souffrant de la concurrence avec le New York Times, déterminés à doubler leur adversaire en révélant des secrets d'Etat détaillant les mensonges des différents gouvernements américains depuis Truman à Nixon quant à la guerre du Vietnam, affaire plus généralement connue comme celle des Pentagon Papers. Entre hésitations, espionnage et procès contre la présidence ultra conservatrice de Nixon, bienvenue dans les hautes sphères du pouvoir outre-Atlantique!

Malheureusement, si le synopsis est excitant, et dieu sait si The Post m'a appris des choses vu que je connais mal cette période de l'histoire des Etats-Unis, le film peine énormément à captiver à cause de son caractère tout à fait quelconque. C'est même un film qui aurait été plus à sa place au début des années 1990, quand les Oscars s'enthousiasmaient pour les Nixon et JFK d'Oliver Stone, et tout au long du visionnage, j'ai eu le sentiment qu'en 2017 cette œuvre était datée. Disons que la mise en scène de Steven Spielberg n'est absolument plus inventive à l'heure qu'il est, de telle sorte que chaque plan est archi prévisible. Par exemple, que fait-il pour renforcer la tension lorsque les personnages doivent prendre au plus vite une décision capitale? Il nous balance une musique incroyablement banale de John Williams, si bien qu'on a l'impression d'avoir vu et revu ce film des centaines de fois. Peu après, une fois ladite décision prise, je n'ai pu m'empêcher de me dire: "à présent, l'un des personnages va ricaner nerveusement". Et... A dire vrai, on peut prévoir à la seconde près le moment où un interprète va sortir un juron, d'où le sentiment que la réalisation est effectivement peu innovante. La petite séquence d'ouverture au Vietnam est elle aussi particulièrement commune dans son registre d'imagerie guerrière, tandis que la victoire finale (scoop, nous sommes dans un film de Spielberg, les héros gagnent toujours à la fin) recycle de son côté tout ce qui a déjà été fait au cinéma pour illustrer un triomphe, puisqu'on y voit Meryl Streep, baignée d'un halo solaire, traverser la foule avec un port de tête royal sur une musique d'apothéose.

Quant à la scène où une petite fille vient interrompre une conversation au sommet avec son ballon, c'est non! Ça a bien vingt ans de retard et l'on peut anticiper chaque expression de Meryl Streep tandis que Tom Hanks triture le pauvre objet. Ah oui, et aussi, quelle idée de se tirer une balle dans le pied lors de la séquence la plus haletante, puisqu'au moment ou toute l'équipe du Washington Post retient son souffle devant une rédactrice au téléphone pour connaître la décision de la Cour suprême, la pauvre femme se fait brutalement interrompre par un homme sorti de nulle part qui communique l'information à sa place, de quoi détourner l'attention et couper la scène en deux. Cette séquence tombe complètement à plat puisque non seulement la femme qui a le pouvoir se le fait honteusement voler comme par magie, mais en outre, cette odieuse interruption empêche totalement le spectateur de savourer le triomphe du journal. Bref, Spielberg a indéniablement été un metteur en scène spectaculaire, avec un véritable don pour travailler ses plans au mieux, mais en 2017 il est grand temps de renouveler l'aspect d'un thriller politique réalisé par de vieilles gloires, quand bien même celui-ci traite des années 1970. La seule chose que je retiens, visuellement, dans The Post, c'est la séquence de la prise de décision (publiera-t-on ou non?), formidablement découpée en gros plans sur chaque protagoniste au téléphone, mais la musique très ordinaire altère hélas la portée de ce point fort. Quant aux journaux qui défilent, c'est impressionnant, mais on a déjà vu tout ça dans les films de Capra.

Je suis également gêné par le scénario. La première raison, c'est que le premier acte est très long à se mettre en place, avec plein de pistes sans grand intérêt et finalement très vite oubliées, tel le secrétaire d'Etat servant à peine l'intrigue, ou la hippie et sa boîte à chaussures qui n'ont aucune incidence sur les événements. La seconde raison, c'est l'image trop héroïque donnée à la direction du Washington Post, notamment Katharine Graham. Concrètement, qui est cette femme? Une héritière arrivée à la tête du journal par connections familiales, qui ne vient jamais à son travail et se contente de papillonner en soirée ou au restaurant pendant que ses employés font tourner la machine. Or, cette dame attend plus de la moitié du film avant de prendre la décision ultime en tant que directrice, mais avant ça, elle reste si périphérique aux événements sur le terrain qu'on a toutes les peines du monde à s'intéresser à elle. Mais c'est pourtant bien elle qui est présentée comme sauveuse de la démocratie et de la liberté d'expression pour avoir osé défier un gouvernement, alors qu'elle s'est jusqu'alors contentée de donner des réceptions chez elle. Et lorsque le film prend un tour sympathique en montrant les femmes se soutenir mutuellement, on ne peut s'empêcher de trouver ça un peu injuste, car ce sont vraiment tous les autres personnages qui se démènent pour sauver l'affaire. Dès lors, quand Sarah Paulson fait la morale à son époux en disant que la véritable héroïne qui prend des risques est bien Katharine Graham, et quand l'employée du gouvernement vient dire à la grande dame toute son estime pour elle bien qu'elle travaille pour la partie adverse, on a comme un goût de glorification du capitalisme et de l'héritage au détriment du travail réellement fourni, ce qui m'ennuie. Peut-être que la vraie Katharine Graham était vraiment assidue à la tâche, mais ce qu'en montre le film ne nous incite pas à le penser.

Autrement, une fois qu'il s'agit de prendre une décision quant à la publication des données, le scénario devient parfaitement captivant, mais on survole tout de même assez vite les véritables enjeux de cette affaire complexe, notamment d'un point de vue juridique puisque les scènes de procès sont résumées en trois secondes chacune. L'idée de finir sur une toute dernière image dans le Watergate est quant à elle bien trouvée, mais comme pour la mise en scène prévisible, on sent venir cette conclusion au grand galop.

De son côté, l'interprétation est de haut niveau, mais c'est tellement impeccable qu'on est finalement peu remué par les performances en question. Tom Hanks incarne par exemple à la perfection le journaliste un peu brusque au charisme idéal pour diriger une équipe, mais c'est exactement ce qu'on attend de ce genre de personnages, si bien qu'on ne trouvera nulle trace d'innovation là non plus. Dans le rôle de son épouse, Sarah Paulson tente d'exister, et le fait bien, mais c'est simplement très bien, sans qu'on puisse se dire que l'actrice est éblouissante malgré son monologue bienvenu pour la sortir du trope de la femme au foyer attendrie. Alison Brie a quant à elle une bonne complicité avec Meryl Streep dans un rapport mère-fille, mais là encore, c'est très correct, sans plus, tandis que la sympathique Carrie Coon hérite du bon rôle de journaliste qui ne rechigne pas à lire 4000 pages de rapport en dix heures, mais Meg Greenfield est si secondaire qu'on n'a pas vraiment l'occasion de se souvenir d'elle, si ce n'est qu'elle dit "Holy shit!" à chaque découverte!

Reste alors Meryl Streep, effectivement bien meilleure ici que dans tous ses autres rôles de la décennie (en attendant de découvrir Ricki and the Flash), puisqu'elle s'est enfin décidée à ne pas faire la poule afin de composer un être humain digne de ce nom. Et son jeu tout en retenue fait du bien à voir, que ce soit dans la grande scène de la prise de décision où toutes les émotions qui se bousculent dans l'esprit de Katharine viennent de l'intérieur, ou encore dans les confidences qu'elle fait sur son époux décédé, puisqu'on sent parfaitement que l'héroïne ne s'est jamais vraiment remise de sa mort malgré son assurance en public. Les réprimandes qu'elle fait à l'ancien secrétaire d'Etat sont quant à elles extrêmement justes, sans jamais tomber dans le piège de la colère, de telle sorte qu'il s'agit effectivement d'une grande performance. Pourtant, j'y reste assez hermétique pour les raisons évoquées plus haut: Katharine Graham est si périphérique au travail de terrain que je n'ai jamais réussi à m'intéresser à elle, malgré l'aisance de Meryl Streep à lui donner vie et à lui trouver de multiples nuances. En somme, une réussite incontestable, mais ce n'est pas assez marquant pour que l'actrice ait l'espoir de finir dans mon top 5 à la fin de la saison.

Moralité: The Post n'est certainement pas un mauvais film, mais on a constamment l'impression de voir une bobine de 1994 retrouvée par hasard dans les archives de la Fox. Parce que l'ensemble manque cruellement d'inventivité, j'en reste à un honorable 6+: ça décolle vraiment dans le second acte, mais la première heure met trop de temps à trouver son rythme, et aucune des séquences du film n'arrive à raconter quelque chose de neuf, formellement parlant, sur la présidence Nixon. De même, l'interprétation de haut niveau reste trop propre sur elle, et trop convenue, pour nous faire vibrer. Un peu plus d'innovation la prochaine fois, s'il vous plaît.

3 commentaires:

  1. Il y a un truc qui est vraiment réussi dans The Post, je trouve :
    ce sont les intérieurs ! Je me suis régalé à observer les fauteuils, les bibelots et les motifs des papiers peints.

    Streep est beaucoup moins insupportable que d'habitude, mais ne peut pas s'empêcher d'en faire des tonnes (j'exagère un peu : disons d'en faire beaucoup) : un exemple entre mille. Etait-il nécessaire de jouer la grande scène du téléphone les yeux humectés de larmes ????? Bon, elle joue de son visage comme une virtuose de son instrument et c'est impressionnant, quand même.

    J'aurais aimé que Diane Keaton décroche le rôle.

    L'AACF

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    1. La véranda de l'ancien ministre est également superbe, sans faute de goût majeure.

      Concernant Streep, figure-toi que je n'ai jamais été absolument à l'aise en parlant de "son jeu tout en retenue dans la grande scène de décision", sans pouvoir exactement mettre le doigt sur mes doutes en l'absence de recul. Or, ton commentaire pointe précisément le problème: les larmes, toutes discrètes fussent-elles, étaient totalement inutiles dans cette scène (et plus à leur place lorsqu'il était question du mari défunt). Elle joue finalement beaucoup, mais ça reste pour une fois bien calculé, d'où l'illusion de "jeu en retenue". Quoi qu'il en soit, je ne suis pas ébloui par sa performance.

      Diane Keaton aurait pu battre son propre record en obtenant une nouvelle unique nomination par décennie. Et aurait surtout donné plus de fraîcheur au rôle, alors que Meryl ne sera plus jamais en état de surprendre à présent. Snif.

      Des pensées sur Frances McDormand et Le Sang du Missouri?

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  2. la véranda m'a occupé durant toute la scène, je n'arrivais plus à m'intéresser aux dialogues !

    Je n'ai pas vu les autres films : le seul qui m'inspire cette année et que je vais voir ce soir justement, c'est Phantom Thread.

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